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QUESTIONS
Édition du 30 juin 2016
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SPÉCIAL
Le Post-Brexit
en quelques questions/réponses
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Après 43 ans d’appartenance à l’Union européenne (UE), le Royaume Uni (RU) a donc décidé
de se retirer par voie référendaire
L’impact de marché a été important : depuis le référendum britannique (et en date du 30 juin
au matin), le GBP aura perdu contre EUR près de 8% (-12% depuis le début de l’année). Dans
le même temps, les actions européennes ont perdu 5% (Eurostoxx) et les valeurs refuges
comme les Bunds ou les US Treasuries se sont nettement appréciées : le taux 10 ans US et le
10 ans Bund sont désormais respectivement à 1,50% (-19pb) et -0,12% (-18pb). Les obligations
d’entreprises ont vu leur spread de crédit se dégrader, mais l’effet spread a été au moins
partiellement compensé par l’effet-taux. Les valeurs bancaires (actions et produits de dette)
ont en revanche fortement chuté (-12% par exemple pour l’indice MSCI des valeurs nancières
de l’Union Economique Monétaire (UEM). Quant aux spreads souverains, l’élargissement a
été contenu par la présence de la Banque centrale européenne (BCE) : le spread italien est
quasiment revenu sur son niveau d’avant BREXIT (+13pb, soit 150 pb au-dessus du 10 ans
allemand), tandis que le spread espagnol s’est même resserré (de 5 pb) depuis le référendum
(à 138pb).
Il est utile de se pencher sur les impacts politiques et économiques d’une part, et sur les
impacts sur les marchés nanciers et les allocations d’actif d’autre part. L’objet de cette note
est de répondre aux principales préoccupations actuelles.
QUESTION # 1 : Le RU peut-il rester dans l’UE malgré l’adoption du BREXIT par voie référendaire ?
QUESTION # 2 : Peut-il y avoir un second référendum ?
QUESTION # 3 : Une pétition peut-elle sufre à renverser le processus ?
QUESTION # 4 : Les négociations à venir entre le RU et l’UE vont-elles être déterminantes
dans l’impact économique du BREXIT sur le RU ?
QUESTION # 5 : Quelle peut (doit) être la réponse des pays de l’UE ?
QUESTION # 6 : Quels sont les impacts politiques du BREXIT sur le Royaume Uni ?
QUESTION # 7 : Quels sont les impacts économiques directs du BREXIT sur l’Union Européenne ?
QUESTION # 8 : Le BREXIT peut-il provoquer à lui seul un ralentissement de l’économie mondiale ?
QUESTION # 9 : Le BREXIT met-il en danger les systèmes bancaires de l’Europe continentale ?
QUESTION # 10 : Le BREXIT aura-t-il des conséquences pour la place nancière de Londres ?
QUESTION # 11 : Le BREXIT conforte-t-il la poursuite de politiques monétaires accommodantes ?
QUESTION # 12 : Le BREXIT conforte-t-il l’environnement de taux bas et la recherche de
rendement ?
Article 50 du Traité de Lisbonne
Édition du 30 juin 2016
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Le Post-Brexit
en quelques questions/réponses
Le RU peut-il rester dans l’UE malgré l’adoption
du BREXIT par voie référendaire ?
Peut-on vraiment croire qu’un pays démocratique comme le RU ne suivra pas les résultats d’un scrutin
aussi important et ayant fait l’objet d’une participation aussi large ? On peut en douter. Pourtant, alors que
le référendum a livré un verdict clair, le débat semble ouvert. Certes, sur les 650 députés que comprend
la Chambre des Communes, 479 s’étaient prononcés pour le “Remain”, mais on se demande comment
le gouvernement et le Parlement pourraient aller à l’encontre du vote de près de 17,5 millions d’électeurs.
Les juristes s’affrontent désormais : certains mettent en avant le fait que la prise de décision se fait par les
représentants du peuple, et pas par le peuple lui-même ; autrement dit, les députés devraient voter avant
d’engager la procédure de sortie. D’autres juristes reconnaissent que cela est possible en théorie, mais
impossible en pratique car les représentants du peuple doivent tenir compte des suffrages des électeurs,
comme dans toute démocratie.
“Peut-on vraiment croire qu’un pays démocratique comme le RU
ne suivra pas les résultats d’un scrutin aussi important ?”
Selon la procédure en vigueur, tout pays désirant sortir de l’UE doit “activer” l’article 50 du Traité de Lisbonne
(voir encadré ci-dessous), ouvrant la voie aux négociations de sortie de l’Union (c’est la seule façon légale
de sortie de l’UE) … Pour cela, il doit notier sa décision au conseil européen, qui prend acte de cette
décision, et c’est à ce moment-là que doivent débuter les négociations. Cela promet d’être difcile, car
il s’agit sans aucun doute de gérer le divorce le plus complexe de l’histoire. C’est sans doute pour cela
que le gouvernement britannique “souhaite avoir d’abord une vision claire des nouveaux arrangements
recherches avec nos voisins européens” (G. Osborne, Ministre des Finances). En outre, D. Cameron préfère
laisser cette (lourde) tâche à son successeur et “gagner du temps”. Rappelons que ces négociations
débuteront dès l’ouverture de la procédure et dureront jusqu’à deux ans : moins de deux ans si accord,
et plus de deux ans si nécessaire après unanimité des Etats européens. Dans le cas où l’unanimité ne
serait pas trouvée, le RU se retrouverait hors de l’Union, sans accords commerciaux ni accords de libre
circulation … certains considèrent qu’il est possible que le RU n’active jamais l’article 50 et reste de facto
à l’intérieur de l’UE. Cela nous paraît extrêmement peu plausible. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que
les Etats européens ne montrent pas une grande cohésion: certains souhaitent que la gestion de la sortie
du RU débute rapidement (comme la France), d’autres semblent moins pressés (l’Allemagne). L’accord
nal avec le RU doit être accepté par les 27 pays à la majorité qualiée.
1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.
2. L’État membre qui décide de se retirer notie son intention au Conseil européen. À la lumière des
orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord xant les modalités
de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié
conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualiée, après approbation du
Parlement européen.
3. Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de
l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notication visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil
européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.
4. Aux ns des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État
membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du
Conseil qui le concernent.
5. Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la
procédure visée à l’article 49.
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Peut-il y avoir un second référendum ?
En théorie, tout est possible. Mais nous ne misons pas sur un enlisement de la situation débouchant, à
terme plus ou moins rapproché, sur un second référendum au Royaume Uni. Certes, la presse britannique
pro-BREXIT a atténué ses vues et certains hommes politiques favorables au BREXIT clament désormais
leur attachement pour l’Europe, mais il est difcile de croire qu’il sera possible de temporiser (les pays
européens n’y sont évidemment pas favorables) et de préparer un nouveaux suffrage. En revanche, il est
fort possible qu’il y ait un second référendum … mais en Ecosse seulement. Il s’agira alors d’un référendum
sur l’appartenance au RU. Nicola Sturgeon, la première ministre écossaise a déjà annoncé que si les
sondages sont favorables, elle décidera de mener un tel référendum an de postuler ensuite à l’entrée dans
l’UE. Un retrait de l’Ecosse du Royaume Uni serait très défavorable à ce dernier sur le plan économique.
Le RU perdrait notamment l’exploitation pétrolière de la Mer du Nord, qui est sur le territoire écossais.
“Il est fort possible qu’il y ait un second référendum …
mais en Ecosse seulement”
Une pétition peut-elle sufre à renverser
le processus ?
La présence d’une pétition excédant 100 000 signataires a des conséquences : dans un tel cas de gure,
le Parlement peut être amené à en débattre (mais il n’y est pas obligé légalement) … or il y a une pétition
contre le BREXIT, et elle a désormais dépassé les 3,7 millions de signataires. Rappelons toutefois que cette
pétition, initialement lancée par un pro-Brexit, a été lancée avant le référendum, au moment où le “remain”
était en tête dans les sondages. Le sérieux de cette pétition est cependant remis en cause, et elle fait l’objet
d’une enquête : certains signataires seraient mineurs, d’autres ne seraient pas britanniques, d’autres enn
seraient plutôt “fantaisistes : 39000 signataires du Vatican pour 900 habitants, 23000 signataires de Corée
du Nord alors que ses habitants n’o nt pas accès à internet …. Bref, non seulement cette pétition est
sous certains aspects non recevable, mais en outre elle ne saurait renverser le vote, mais simplement faire
l’objet d’une discussion au Parlement. Insufsant, donc, pour remettre en cause les suffrages britanniques.
Les négociations à venir entre le RU et l’UE
vont-elles être déterminantes dans l’impact
économique du BREXIT sur le Royaume Uni ?
Si tout le monde s’accorde sur le fait que l’économie britannique sera durablement affectée par la décision
de sortie de l’Union (50 % des exportations du RU sont à destination des pays de l’UE, et ces exportations
représentent actuellement près de 70 % du PIB, contre 20 % il y a 40 ans), les négociations avec l’UE en
détermineront les dommages exacts. Plusieurs cas de gure se présentent :
1er cas de gure : le RU conserve un accès au marché unique et son appartenance à l’Espace Economique
Européen (EEE) … comme c’est le cas pour la Norvège qui par ailleurs contribue au budget européen,
assure la libre circulation des biens et des personnes, mais ne bénécie pas des accords de libre-échange
de l’UE ;
2e cas de gure : le RU conserve son appartenance à l’Association Européenne de Libre-Echange (AELE)
comme la Norvège, mais avec des accords commerciaux négociés avec l’UE … comme c’est le cas pour
la Suisse. A noter que la Suisse a par ailleurs des restrictions, comme par exemple un accès restreint à
l’UE pour son industrie bancaire. Ce point serait crucial pour le RU ;
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3e cas de gure : le RU ne bénécie plus d’accords commerciaux spéciques, mais bénécie de l’absence
des droits de douane entre le RU et l’UE, comme cela est le cas pour le Canada par exemple. À noter
cependant qu’une partie du camp du BREXIT souhaite lever des droits de douane envers l’UE.
4e cas de gure : le RU s’engage dans une renégociation un par un d’accords commerciaux avec les
partenaires de l’UE. Rappelons que la mise en place d’accords commerciaux nécessite entre 4 et 10
ans de négociations.
“Les négociations avec l’UE en détermineront
les dommages exacts sur l’économie britannique”
Selon les estimations, l’impact sur le PIB serait signicativement négatif, et ce d’autant plus que les accords
commerciaux ne seraient pas renouvelés. Le RU “perdrait” entre 2,5 % et 9,5 % de son PIB selon le Trésor
britannique, tandis que le patronat anglais considère que l’UE contribue à elle seule à 4 % — 5 % du PIB,
soit autour de 70 Mds de GBP. Volume et coûts du commerce en seraient affectés, notamment dans le
secteur des services nanciers, de la chimie, de l’automobile, autant de secteurs très intégrés dans l’Union
européenne.
Le Trésor britannique craint une baisse de 6 % du PIB, une baisse des salaires de 4 % et la perte de plus
de 800 000 emplois à horizon 2 ans. Le Centre for Economics and Business Research espère néanmoins
que le Royaume Uni évitera la récession, sous l’hypothèse d’un policy-mix complaisant (politique monétaire
et politique budgétaire). Rien d’étonnant à ce que les agences de notation ait abaissé la note de crédit du
Royaume Uni (qui n’est plus désormais AAA).
On comprend mieux aussi pourquoi le RU préfèrerait aboutir à un accord (pré-négocié avant déclenchement
de l’article 50) leur permettant de contrôler seuls leurs ux migratoires, de ne pas contribuer au budget
européen … et de conserver les accords commerciaux actuels. En bref, d’obtenir encore plus ce qui leur
avait été octroyé juste avant le référendum. Est-ce crédible ? Pas vraiment.
Quelle peut ( doit) être la réponse des pays de l’UE ?
Les pays européens doivent désormais faire preuve de cohésion, et deux dossier majeurs se présentent.
1er dossier : sortir de l’impasse qui est en train de se développer concernant la volonté – ou pas – du
RU d’activer l’article 50. C’est au RU de le faire, et sans cela, pas de début de négociations. Même s’ils
ne représentent à eux seuls ni l’UEM, ni l’UE, Allemagne, France et Italie sont à l’unisson : il n’y aura pas
de pré-négociations avec le RU. Mais le Conseil européen n’a aucun moyen de forcer le RU. Attendre la
nomination d’un nouveau premier ministre (le 2 septembre) et que celui-ci active la sortie laisse l’Europe
et ses institutions dans une situation de blocage. Qui aurait imaginé qu’un pays désirant sortir de l’UE
décide nalement de ne pas activer la demande ? On peut s’interroger une fois de plus sur le contenu du
Traité et sur la gouvernance.
2e dossier : montrer (rapidement) que l’Europe n’est pas en panne de projet. Parmi les pays de l’Union,
les intérêts divergents parfois et les agendas électoraux ne favorisent pas les décisions communes, tandis
que les grandes promesses non tenues alimentent les votes extrémistes. Angela Merkel, François Hollande
et Matteo Renzi ont présenté en début de semaine les quatre priorités : la sécurité, la croissance, la jeunesse,
et l’harmonisation scale et sociale dans la zone euro. Rien de bien nouveau, en réalité. La difculté n’est
pas de nommer les objectifs, mais bien de les réaliser. En sous-jacent se retrouvent d’autres débats
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defond : le poids de la dette dans certains pays, le désamour envers l’Europe, la montée des extrémismes
(de droite dans les pays du cœur, de gauche dans les pays de la périphérie), les réformes en France,
les blocages sur l’Union Bancaire Européenne, les craintes de progresser vers une Europe à la carte…
“Une nécessité pour les gouvernements européens :
montrer que l’Europe n’est pas en panne de projet”
Les pays de l’UE doivent montrer désormais un grand volontarisme pour adresser ces questions et faire
reculer les tentations d’une Europe à la carte que les britanniques ont avivées.
Quels sont les impacts politiques du BREXIT
sur le Royaume Uni ?
Durant la campagne, David Cameron a souvent rappelé qu’en cas de vote favorable à une sortie,
celle-ci devra être actionnée rapidement, les négociations avec l’UE promettant d’être longues et
difciles. Depuis l’issue du référendum, son agenda politique a changé : il a certes annoncé son départ
pour le mois d’octobre, mais se refuse – du moins pour l’instant - à activer l’article 50 du Traité de
Lisbonne, cet article qui donne précisément le “go” aux négociations de sortie. Il ne souhaite pas
prendre la responsabilité d’un acte politique qui vraisemblablement entraînera l’économie britannique
en récession, laissant cela à son successeur, sans doute un pro-BREXIT. Les démissions se succèdent
par ailleurs au sein du parti travailliste. Tous les partis semblent en fait fragilisés par la situation. On
entre donc dans une phase d’instabilité politique qui noircit encore un peu plus le tableau. Et ce d’au-
tant plus que nombreux sont les pays européens qui souhaitent en nir au plus vite avec ce dossier.
“Tous les partis politiques sont fragilisés par la situation,
et on entre dans une phase d’instabilité politique au RU”
Au-delà de cet environnement compliqué, le prochain Premier Ministre devra tenir compte de la multitude
de clivages outre-Manche :
Un clivage fort entre les villes et les campagnes : des grandes ville comme Londres se sont prononcées à
75 % en faveur du “Bremain”, tandis que des circonscriptions plus rurales ont favorisé le “Brexit” à 75 % ;
Un clivage entre les générations, les jeunes ayant majoritairement voté pour le “Remain”, et les seniors
pour le “Leave” ;
Un clivage entre les Etats : l’Angleterre (à 53,5 %) et le pays de Galles (à52,5 %) en faveur d’une sortie ;
l’Ecosse (à 62 %) et l’Irlande du nord (à 56 %) pour le maintien dans l’UE ;
Un clivage à l’intérieur même des partis politiques, qu’ils aient été favorables au “Leave” ou au “Remain”.
L’onde de choc a commencé à se faire sentir, avec la démission de certains leaders et la mise en avant
de fortes dissensions ;
Autrement dit, ce vote va laisser des traces durables dans la société britannique. D’ailleurs, après le
référendum sur l’Union, se prole un référendum sur le Royaume Uni : l’Ecosse (territoire sur lequel se trouve
l’essentiel de la production de pétrole, entre autres) a déjà annoncé qu’elle souhaitait rester européenne,
ce qui laisse augurer d’un nouveau scrutin référendaire.
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