48
Comment avez-vous intégré ces bâtiments dans leur environ-
nement ?
L.P : Nous avons intégré le bâtiment de médecine en reproduisant
à l’identique la conception pavillonnaire que nos confrères avaient
déjà réalisée. En réalité, il s’agit davantage d’un « effet de pavillon »
puisqu’ils sont tous reliés entre eux afin d’offrir une continuité
d’usage à l’intérieur de ces bâtiments, contrairement aux structures
d’époque qui étaient uniquement reliées par une galerie. Le bâtiment
de la maternité est complètement atypique et devait symboliser le
renouveau du site Saint-Joseph. Sa position stratégique, au cœur
de la composition générale du site révèle aussi une valeur toute
symbolique. C’est un peu le « cœur battant » du site hospitalier, ou
la « clé de voûte » de la composition globale, et il s’impose comme
un lieu de vie par excellence. Il devient repère, éclat de lumière, tableau
essentiel sur lequel se découpe la silhouette de la chapelle. L’ensemble
de ses façades se couvre d’une peau lisse et homogène presque
abstraite pour ne pas rivaliser avec l’architecture sacrée du XIXesiècle
et sa riche modénature. Cette enveloppe est composée de panneau
qui s’ouvrent ou se ferment au gré de la vie qui rythme l’activité et
les événements de ce lieu des naissances.
Quelles étaient les difficultés rencontrées sur ce site histori-
quement marqué ?
L.P : Les difficultés ont été techniques, mais elles ont été également liées
à la façon dont les riverains et la ville de Paris pouvaient s’approprier
le projet. Durant l’instruction du permis de construire, nous avons
eu de nombreuses discussions avec la mairie de Paris, qui nous ont
permis d’amender et de parfaire le projet. Nous avons aussi échangé
avec les riverains et nous avons pu constater que, paradoxalement,
ces derniers étaient moins réticents au projet que l’administration
parisienne. Les problèmes techniques et programmatiques que nous
avons pu rencontrer ont été gérés de manière efficace, mais la première
difficulté était bien d’obtenir le permis de construire.
Quelle est la place de la lumière naturelle dans les nouveaux
bâtiments du site de Saint Joseph ?
L.P : Elle était primordiale pour tous les projets que nous concevons,
et notamment pour le bâtiment de la maternité que nous imaginons avec
une lumière très présente et douce. Ainsi, les panneaux du bâtiment,
s’ouvrant automatiquement, peuvent être modulés en fonction de
l’apport recherché en lumière naturelle. Nous avons également
veillé à ce que les circulations de cette maternité soient systématique-
ment irriguées de cette lumière. Nous avons souhaité apporter cet
élément majeur dans les salles de réveil situées sous la chapelle grâce
à la mise en place de planchers en verre. De même, la réanimation,
située sous la maternité, a fait l’objet d’efforts importants pour irriguer
de lumière ces locaux évoluant sous une dalle. Ainsi, nous avons
mis en place des patios et des atriums relativement profonds qui
conduisent la lumière au sein du plateau technique, de la réanimation
et des espaces techniques, jusqu’au locaux de la pharmacie centrale.
Quels sont les autres éléments que vous avez mis en place
et qui participent au confort des utilisateurs, notamment au
niveau de la maternité ?
L.P : Le choix des matériaux a été particulièrement soigné. L’accueil
centralisé de la maternité a été traité avec des habillages en bois
qui offrent une réponse aux jardins suspendus derrière la chapelle
et une continuité au jardin en vis-à-vis du bâtiment. Le bois étant un
matériau chaleureux et au caractère plus domestique, nous souhaitions
le rendre plus présent dans la maternité. Nos choix de teintes pour
ce bâtiment ont été faits pour apporter une grande luminosité avec
des jeux de contrastes forts et marqués, sans être trop agressifs.
Comment avez-vous abordé la gestion des flux ?
L.P : Cette gestion est spécifique au site de Saint Joseph. Contrai-
rement aux autres hôpitaux que nous avons pu concevoir, l’ensemble
des distributions du public se fait au-dessus du plateau technique,
ce qui est assez inhabituel. Le cheminement par des galeries couvertes
permet de regagner la maternité ou le bâtiment de médecine. Sur
ce même niveau de galeries, nous retrouvons les espaces de consultation
et des points de montée pour regagner les zones d’hospitalisation
situées au-dessus du niveau public. Les installations logistiques ont
été, en partie, regroupées sous le bâtiment de médecine. Elles ont
été conçues pour pouvoir intégrer un transport automatique lourd.
Aujourd’hui, le site de Saint Joseph dispose donc des espaces nécessaires
pour accueillir, si besoin, une solution de transport automatisé.
Dans quelle mesure cette opération s’est-elle inscrite dans
une démarche de développement durable ?
L.P : Notre cible prioritaire en tant qu’architectes était l’intégration
d’un bâtiment moderne et contemporain dans un site historique et
son rapport à ce dernier. Nous avons accordé une attention toute
particulière à la maîtrise des énergies et la qualité des enveloppes
qui permettent de limiter la production de chauffage. La lumière naturelle
est présente au plus près des espaces de travail et de soin. Les jardins
en périphérie des nouveaux bâtiments ont également été travaillés
afin de requalifier les espaces paysagers de l’hôpital et de replacer
le projet dans un véritable écrin de verdure. La volonté marquée
dans la conception de ce site était de supprimer au maximum la circu-
lation des véhicules. Cela a permis de privilégier les espaces aménagés
en jardin ou en paysages urbains. Cela démontre, s’il le fallait encore,
la volonté d’inscrire ce site, et donc notre projet, dans une démarche
de développement durable.
Ce projet a été désigné lauréat des ArchiDesignClub (ADC) Awards
dans la catégorie santé. Que représente cette récompense ?
L.P : Etre désigné lauréat de ce prix national d’architecture est une
belle récompense de la part de la profession et du public sur un bâtiment
qui a été jugé comme étant de qualité, au regard d’autres projets
qui l’étaient également (Le Centre Hospitalier de Marne-la-Vallée
par Brunet Saunier Architecture, l’Hôpital privé à Villeneuve d’Ascq
réalisé par Pargade Architectes, la restructuration d’un établissement
Alzheimer à Paris par Philippon-Kalt Architectes). Cette récompense n’en
est que plus belle et nous l’acceptons comme une reconnaissance
de la qualité architecturale et hospitalière des créations de l’agence AIA.
Quel bilan faites-vous de cette opération ? Dans quelle mesure
peut-on parler de « renaissance » pour ce site ?
L.P : Cette renaissance est très marquée. Il est assez rare de reconstruire
un site hospitalier sur lui-même à Paris. De plus, le site de Saint Joseph
a été reconstruit sur la base d’une typologie historique avec un hôpital
« en peigne », à la façon de La Riboisière. Cette opération est donc
une prouesse en soi et l’intégration de bâtiments nouveaux dont la
conception respecte un site historique pérennise ces sites hospitaliers
d’époque. En cela, ces nouvelles constructions apportent un réel
renouveau à des sites marqués historiquement.
1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page47