JARDINAGE Tout nouveau, tout beau A. BOSSE-PLATIÈRE l’épinard de printemps est l’un des premiers brins de verdure du jardin après le grand sommeil hivernal. Sa belle couleur, annonciatrice du printemps, nous met l’eau à la bouche. L’épinard pousse rapidement, irrésistiblement attiré par les premiers rayons du soleil. C’est aussi un trésor de bienfaits, pour notre santé comme pour notre sol. PLANTE GOURMANDE… Semez-le de préférence à un emplacement légèrement ombragé. L’épinard n’aime pas les rayons directs du soleil, ni surtout les fortes chaleurs qui le font monter à graines. Cette précaution devient indispensable dans le sud de la France, si l’on veut profiter un peu de ses récoltes. Préparez soigneusement votre sol en apportant une bonne fumure organique, de l’ordre de six litres de compost bien mûr par mètre carré, car l’épinard est particulièrement gourmand. Il réagit très vite à l’azote et peut facilement se gorger de nitrates. Il est donc préférable d’éviter les produits “coups de fouet” comme les guanos ou les fumiers de poule. Diversifiez la palette des légumes de printemps : rustique, insensible au froid, l’épinard vous apportera ses premières notes de verdure. Appréciable ! N0 144 JANVIER/FÉVRIER 2004 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGE A. BOSSE-PLATIÈRE C’ 31 JARDINAGE L’épinard aime les terrains un peu lourds, mais craint l’asphyxie. Si votre sol est très argileux, vous aurez de meilleurs résultats en le semant au sommet d’une butte, de façon à faciliter le drainage. Semez-le dès que le terrain est praticable, en dehors des périodes de gel. A titre indicatif, au sud de la Loire, les premiers semis démarrent début février. Ils s’échelonnent jusqu’en avril en remontant vers le nord et l’est. Espacez les raies de 25 à 30 centimètres et, si vous craignez une levée irrégulière, semez volontairement épais sur le rang. Tassez vigoureusement le semis car ces graines n’aiment pas les terrains “soufflés”. Il est également facile de préparer des plants en mini-mottes ou en godets. On sème alors cinq graines par motte, que l’on replante plus tard, tous les 25 centimètres en tous sens. Cette pratique plus coûteuse permet d’avancer un peu la production et d’avoir des planches plus homogènes. Parmi les variétés classiques, pour le printemps, choisissez ‘Hâtif à grandes feuilles’, ‘Monstrueux de Viroflay’ ou ‘Résistoflay’. Des variétés hybrides sont intéressantes pour leur résistance à certaines maladies, comme ‘Dolphin’ et ‘Symphonie’. MILDIOU, MOSAÏQUE, PUCERONS… L’accident … DE L’EAU, NI TROP NI TROP PEU. L’épinard est sensible à la fonte des semis, notamment provoquée par les excès d’arrosage : peu après la levée, les jeunes plantules dépérissent. N’arrosez que s’il fait vraiment sec. Une fois les plants bien démarrés, assurez-vous par contre que le sol reste bien frais en profondeur, avec des arrosages espacés, mais copieux : l’épinard, en développant ses racines, sera moins sujet aux à-coups. Eclaircissez en laissant une plante tous les 8 à 10 centimètres. Les plants ainsi enlevés peuvent d’ailleurs être facilement repiqués pour boucher des trous ou agrandir le carré. Un voile de forçage posé durant les deux ou trois premières semaines permet de gagner quelques jours. Mais n’hésitez pas à le soulever pour entretenir et désherber la culture ! BON POUR LE SOL. L’épinard est un excellent précédent pour les autres cultures. Une étude japonaise a montré qu’il était associé à certains micro-organismes très utiles pour la fertilité du sol et pour les plantes suivantes. N’hésitez donc pas à l’incorporer à vos mélanges d’engrais verts. Il est alors inutile de choisir des variétés hybrides, hors de prix : ‘Géant d’hiver’ ou ‘Monstrueux de Viroflay’ feront très bien l’affaire. Une autre méthode de culture consiste à planter divers légumes au milieu d’épinards, qui serviront de culture intercalaire, voire d’allée. Cette technique popularisée par Gertrud Franck continue à être développée avec bonheur par certains jardiniers, qui trouvent là une technique idéale pour entretenir la fertilité de leur potager (1). 32 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGE JANVIER/FÉVRIER 2004 N0 144 de parcours le plus fréquent est le jaunissement des feuilles, notamment dans les sols lourds et asphyxiés. Dans ce cas, cultivez l’épinard sur butte. Les autres maladies sont plus rares. Le mildiou se reconnaît à l’apparition d’un feutrage blanc violacé sur la face inférieure du limbe. Les variétés hybrides sont plus résistantes à ce champignon. La mosaïque, d’origine virale, est très grave et il n’y a aucun remède connu. Les feuilles deviennent très cassantes lorsqu’on les froisse. Si vos cultures en sont atteintes, choisissez des variétés résistantes, indiquées sur les catalogues des grainetiers. La pégomyie, ou mouche de la betterave, pond sur les feuilles. Ses larves se développent en faisant de grandes tâches claires et irrégulières entre les deux couches de l’épiderme. Le moyen de lutte est très simple : coupez et brûlez les feuilles atteintes. On observe aussi parfois quelques attaques de pucerons. Une application de savon noir à 3 %, en mouillant bien le dessous des feuilles, en vient facilement à bout. JARDINAGE A. BOSSE-PLATIÈRE ÉPINARD TOUT FRAIS. La cueillette doit se faire soigneusement, pour préserver l’intégrité de la plante. Coupez souvent, au fur et à mesure de la pousse, les feuilles du pourtour, mais n’en faites pas trop : une récolte trop sévère favorise la montée à graines. C’est seulement lorsque le cœur aura tendance à s’élever sur sa tige, autour du mois de juin, que vous ramasserez tout ce qui est consommable. Cuisinez les feuilles tout de suite ou, si vous devez attendre, conservez-les au frais dans un sac en papier bien aéré. Il a été démontré que c’est l’échauffement de la masse des feuilles, au moment de la conservation, qui provoque la transformation des nitrates en nitrites, très dangereux pour la santé. STEEN Une histoire de tétragone Quelques heures après leur cuisson, les épinards deviennent toxiques : ne conservez pas les restes au réfrigérateur pour le lendemain. Par contre, vous pouvez les congeler immédiatement, en vue d’une utilisation ultérieure. On prête à l’épinard de multiples vertus (voir la rubrique côté cuisine, p. 76), dont on profite pleinement en le consommant en salade. On peut aussi le préparer de multiples façons, à la crème, avec des œufs durs, en accompagnement de plat ou en tarte pour une entrée. En me promenant un jour dans la cité de Souillac, dans le Sud-Ouest, je longeais de magnifiques jardins particuliers lorsque je suis tombé en arrêt devant une plante immense, haute de plus de deux mètres, qui ressemblait étrangement à une tétragone, le substitut de l’épinard pendant les grandes chaleurs de l’été. J’avais un sérieux doute car je n’en avais jamais vu d’aussi haute, portant de si belles feuilles. Le propriétaire des lieux m’a par la suite confirmé qu’il s’agissait bien d’une variété locale de cette espèce, dont la qualité gustative n’avait rien à voir avec celle de la variété que l’on trouve dans le commerce. Il a eu la gentillesse de m’envoyer des graines, quelques mois plus tard, et j’ai maintenant dans mon jardin, tous les étés, une touffe impressionnante de verdure, très productive et d’excellente qualité gustative. Morale de cette petite histoire : n'hésitez pas, si vous vous promenez dans le Sud-Ouest, à regarder par dessus les haies de jardins : cette tétragone y est sûrement présente. Et faites-vous offrir quelques graines : entre jardiniers, on se comprend ! R. M. Robert Mottin Robert Mottin est conseiller en jardinage bio. 1. A lire : Le poireau préfère les fraises par Hans Wagner, éditions terre vivante. N0 144 JANVIER/FÉVRIER 2004 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGE 33