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144 JANVIER/FÉVRIER 2004 LES QUATRE SAISONS
DU JARDINAGE
JARDINAGE
A. BOSSE-PLATIÈRE
A. BOSSE-PLATIÈRE
C’
est l’un des premiers brins de verdure du jardin après le grand
sommeil hivernal. Sa belle couleur, annonciatrice du printemps,
nous met l’eau à la bouche. L’épinard pousse rapidement, irrésisti-
blement attiré par les premiers rayons du soleil. C’est aussi un trésor
de bienfaits, pour notre santé comme pour notre sol.
PLANTE GOURMANDE…
Semez-le de préférence à un emplace-
ment légèrement ombragé. L’épinard n’aime pas les rayons directs
du soleil, ni surtout les fortes chaleurs qui le font monter à graines.
Cette précaution devient indispensable dans le sud de la France, si
l’on veut profiter un peu de ses récoltes.
Préparez soigneusement votre sol en apportant une bonne fumure
organique, de l’ordre de six litres de compost bien mûr par mètre
carré, car l’épinard est particulièrement gourmand. Il réagit très vite
à l’azote et peut facilement se gorger de nitrates. Il est donc préfé-
rable d’éviter les produits “coups de fouet” comme les guanos ou
les fumiers de poule.
Diversifiez la palette
des légumes de
printemps : rustique,
insensible au froid,
l’épinard vous apportera
ses premières notes de
verdure. Appréciable !
Tout nouveau, tout beau
l’épinard
de printemps
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L’épinard aime les terrains un peu lourds, mais
craint l’asphyxie. Si votre sol est très argileux, vous
aurez de meilleurs résultats en le semant au som-
met d’une butte, de façon à faciliter le drainage.
Semez-le dès que le terrain est praticable, en
dehors des périodes de gel. A titre indicatif, au
sud de la Loire, les premiers semis démarrent
début février. Ils s’échelonnent jusqu’en avril en
remontant vers le nord et l’est.
Espacez les raies de 25 à 30 centimètres et, si vous
craignez une levée irrégulière, semez volontaire-
ment épais sur le rang. Tassez vigoureusement le
semis car ces graines n’aiment pas les terrains
“soufflés”.
Il est également facile de préparer des plants en
mini-mottes ou en godets. On sème alors cinq
graines par motte, que l’on replante plus tard,
tous les 25 centimètres en tous sens. Cette
pratique plus coûteuse permet d’avancer un peu
la production et d’avoir des planches plus homo-
gènes.
Parmi les variétés classiques, pour le printemps,
choisissez ‘Hâtif à grandes feuilles’, ‘Monstrueux
de Viroflay’ ou ‘Résistoflay’. Des variétés hybrides
sont intéressantes pour leur résistance à certaines
maladies, comme ‘Dolphin’ et ‘Symphonie’.
… DE L’EAU, NI TROP NI TROP PEU.
L’épinard
est sensible à la fonte des semis, notamment pro-
voquée par les excès d’arrosage : peu après la
levée, les jeunes plantules dépérissent. N’arrosez
que s’il fait vraiment sec. Une fois les plants bien
démarrés, assurez-vous par contre que le sol reste
bien frais en profondeur, avec des arrosages espa-
cés, mais copieux : l’épinard, en développant ses
racines, sera moins sujet aux à-coups.
Eclaircissez en laissant une plante tous les 8 à
10 centimètres. Les plants ainsi enlevés peuvent
d’ailleurs être facilement repiqués pour boucher
des trous ou agrandir le carré.
Un voile de forçage posé durant les deux ou trois
premières semaines permet de gagner quelques
jours. Mais n’hésitez pas à le soulever pour entre-
tenir et désherber la culture !
MILDIOU, MOSAÏQUE, PUCERONS…
L’accident
de parcours le plus fréquent est le jaunissement
des feuilles, notamment dans les sols lourds et
asphyxiés. Dans ce cas, cultivez l’épinard sur
butte.
Les autres maladies sont plus rares. Le mildiou se
reconnaît à l’apparition d’un feutrage blanc vio-
lacé sur la face inférieure du limbe. Les variétés
hybrides sont plus résistantes à ce champignon.
La mosaïque, d’origine virale, est très grave et il
n’y a aucun remède connu. Les feuilles devien-
nent très cassantes lorsqu’on les froisse. Si vos
cultures en sont atteintes, choisissez des variétés
résistantes, indiquées sur les catalogues des grai-
netiers.
La pégomyie, ou mouche de la betterave, pond sur
les feuilles. Ses larves se développent en faisant
de grandes tâches claires et irrégulières entre les
deux couches de l’épiderme. Le moyen de lutte
est très simple : coupez et brûlez les feuilles
atteintes.
On observe aussi parfois quelques attaques de
pucerons. Une application de savon noir à 3 %, en
mouillant bien le dessous des feuilles, en vient
facilement à bout.
BON POUR LE SOL.
L’épinard est un excellent
précédent pour les autres cultures. Une étude
japonaise a montré qu’il était associé à certains
micro-organismes très utiles pour la fertilité du
sol et pour les plantes suivantes. N’hésitez donc
pas à l’incorporer à vos mélanges d’engrais verts.
Il est alors inutile de choisir des variétés hybrides,
hors de prix : ‘Géant d’hiver’ ou ‘Monstrueux de
Viroflay’ feront très bien l’affaire. Une autre
méthode de culture consiste à planter divers
légumes au milieu d’épinards, qui serviront de
culture intercalaire, voire d’allée. Cette technique
popularisée par Gertrud Franck continue à être
développée avec bonheur par certains jardiniers,
qui trouvent là une technique idéale pour entre-
tenir la fertilité de leur potager (1).
JARDINAGE
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DU JARDINAGE
ÉPINARD TOUT FRAIS.
La cueillette doit se
faire soigneusement, pour préserver l’intégrité
de la plante. Coupez souvent, au fur et à mesure
de la pousse, les feuilles du pourtour, mais n’en
faites pas trop : une récolte trop sévère favorise
la montée à graines. C’est seulement lorsque le
cœur aura tendance à s’élever sur sa tige, autour
du mois de juin, que vous ramasserez tout ce qui
est consommable. Cuisinez les feuilles tout de
suite ou, si vous devez attendre, conservez-les au
frais dans un sac en papier bien aéré. Il a été
démontré que c’est l’échauffement de la masse
des feuilles, au moment de la conservation, qui
provoque la transformation des nitrates en
nitrites, très dangereux pour la santé.
Quelques heures après leur cuisson, les épinards
deviennent toxiques : ne conservez pas les restes
au réfrigérateur pour le lendemain. Par contre,
vous pouvez les congeler immédiatement, en vue
d’une utilisation ultérieure.
On prête à l’épinard de multiples vertus (voir la
rubrique côté cuisine, p. 76), dont on profite
pleinement en le consommant en salade. On
peut aussi le préparer de multiples façons, à la
crème, avec des œufs durs, en accompagnement
de plat ou en tarte pour une entrée.
Robert Mottin
Robert Mottin est conseiller en jardinage bio.
1. A lire : Le poireau préfère les fraises par Hans
Wagner, éditions terre vivante.
JARDINAGE
Une histoire de tétragone
En me promenant un jour dans la cité de Souillac,
dans le Sud-Ouest, je longeais de magnifiques
jardins particuliers lorsque je suis tombé en arrêt
devant une plante immense, haute de plus de deux
mètres, qui ressemblait étrangement à une
tétragone, le substitut de l’épinard pendant les
grandes chaleurs de l’été. J’avais un sérieux doute
car je n’en avais jamais vu d’aussi haute, portant de
si belles feuilles. Le propriétaire des lieux m’a par la
suite confirmé qu’il s’agissait bien d’une variété
locale de cette espèce, dont la qualité gustative
n’avait rien à voir avec celle de la variété que l’on
trouve dans le commerce. Il a eu la gentillesse de
m’envoyer des graines, quelques mois plus tard, et
j’ai maintenant dans mon jardin, tous les étés, une
touffe impressionnante de verdure, très productive
et d’excellente qualité gustative.
Morale de cette petite histoire : n'hésitez pas, si
vous vous promenez dans le Sud-Ouest, à regarder
par dessus les haies de jardins : cette tétragone y est
sûrement présente. Et faites-vous offrir quelques
graines : entre jardiniers, on se comprend !
R. M.
A. BOSSE-PLATIÈRE
STEEN
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