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Ce récit a connu un immense succès dans l'Antiquité pendant près de deux mille ans. Des copies en
ont été retrouvées sur de très nombreux sites, jusqu'en Palestine et en Anatolie, et il a été traduit dans
diverses langues (hittite, hurrite). Les Grecs mêmes en ont eu certainement connaissance, car leurs
récits légendaires contiennent de nombreux traits qui supposent un emprunt : le batelier qui traverse
les Eaux de mort évoque clairement Charon et le Styx ; Thésée terrasse le taureau de Crète comme
Gilgamesh le Taureau céleste ; dans le mythe d'Œdipe, Héra privée de Chrysippos envoie le Sphinx
sur Thèbes comme Ishtar éconduite par Gilgamesh jette le Taureau céleste sur Orouk ; ou encore
Tirésias, transporté dans une île dans certaines versions ou doté de sept vies dans d'autres, reprend
les caractéristiques d'Outanapishtim.
5. Les choix scénographiques et de mise en scène
Au foisonnement d’images
évoqué par le plus ancien des
textes mythologiques répond
une mise en scène épurée
laissant la part belle aux mots et
à la musique. Les marionnettes
sont faites d’une unique matière,
du papier kraft noué, collé,
ficelé, comme créé sur l’instant
et dont la couleur évoque les sables du désert où les fragments écrits de cette antique histoire furent
retrouvés. Ces marionnettes de papier dans leur apparente fragilité permettent une grande puissance
de mouvements. On les caresse, les manipule avec une extrême délicatesse, mais aussi on les étire,
les déchire. On joue sur leur taille ; les personnages sont tantôt minuscules, tantôt leur corps envahit
le plateau, mais leur présence est constamment légère. En écho à cette épopée qui mêle les humains
et les dieux, ils semblent suspendus entre ciel et terre.
Les six comédiens sont à la fois conteurs, chanteurs, manipulateurs. Trois musiciens, qui font bruisser
cette épopée de sonorités orientales, se mêlent au jeu des marionnettes. La lumière, créatrice des
lieux et des instants, met en valeur le matériau de ce spectacle : le papier froissé devient ainsi, au gré
des scènes, de l’or, l’eau de la rivière, ou le feuillage de la Forêt des Cèdres.
Un œuvre épique, dont le traitement esthétique laisse une large part à notre imaginaire et en renforce
ainsi la puissance : des images fortes et des sonorités riches pour nous faire redécouvrir un texte
ancien qui nous parle de notre destin d’humain.
Ces marionnettes de papier dans leur apparente fragilité
permettent une grande puissance de mouvements.