B. L.:
Nous avons emprunté aux Egyptiens la forme des signes.
Francis JOANNÈS:
Même si l’écriture est apparue dans le pays de Sumer, d’autres tentatives ont eu lieu à la même
époque, notamment en Iran du Sud.
Il est également important de considérer le support: les Sumériens, les Acadiens ont eu la très
bonne idée d’écrire sur des tablettes d’argile, matériau qui s’est bien conservé notamment à la
suite d’incendies.
Par ailleurs, les premiers textes datent de 2600-2500 av. J.-C., époque de Gilgamesh. Trois siècles
après, l’écriture est utilisée d’une manière tout à fait régulière en Syrie, dans la région d’Alep
(actuelle). L’écriture s’est donc rapidement diffusée dans l’ensemble du Proche-Orient.
En outre, pour ce qui concerne son emploi: il est rapidement très divers. A la fin du IIIème
millénaire existe un système de gestion de l’Empire basé sur l’enregistrement par l’écriture, par un
contrôle basé sur l’écriture.
M. S.:
L’écriture est au service notamment de l’Etat, dans ce qu’il a de fondamental, en particulier l’impôt.
La vision que nous avons des structures de l’Etat -éloignées des formes modernes- est assez
fausse. Qu’est ce que la Mésopotamie nous a légué du point de vue des formes politiques?
F. J.:
L’Histoire mésopotamienne s’inscrit dans la très longue durée: la dernière tablette cunéiforme
datable remonte à 75 après J.-C. Durant deux milllénaires s’est développée une civilisation
utilisant le même mode d’écriture. A l’intérieur de cet ensemble s’est développée une organisation
sociale, économique, et du pouvoir. Le rôle du pouvoir royal est alors de guider et de protéger la
communauté, mais également de sauvegarder une certaine harmonie sociale. Le monument qui
symbollise le mieux cette fonction est la stèle du Code d’Hammurabi (qui est un recueil de
jurisprudence): il incombe au roi le rôle de corriger les distorsions qui existent dans le domaine
social (par exemple, ce code met fin à la pratique de la vendetta). Il protège les plus faibles. A la
suite d’Hammurabi, l’on observe le roi intervenant dans le domaine économique. Par exemple,
cette époque étant caractérisée par le développement de l’esclavage pour dettes et cette pratique
étant une catastrophe -du point de vue économique- le roi tente de corriger ce système.
B. L.:
Effectivement, des édits royaux d’abolition des dettes sont promulgués, car un trop grand nombre
de gens se trouvant appauvris sont finalement tombés dans l’esclavage. De tels édits témoignent
de l’idée selon laquelle il est nécessaire de revenir à une harmonie, à une justice sociale.
M. S.:
Il existe des écrits politiques semblables à des “miroirs du prince”. Qu’en dire?
B. L.:
Certains écrits font allusion à un devoir moral du pouvoir royal. Ces allusions apparaissent d’abord
sous la forme du prophète: dans des textes cunéiformes du XVIIIème siècle av. J.-C., des
prophètes transmettent au roi de Mari les paroles du dieu Adad qui lui conseillent une certaine
manière de se conduire moralement. C’est donc une littérature de sagesse politique qui explique
comment doit se comporter le bon roi.
M. S.:
Il faut souligner que -contrairement à l’idée communément admise- les rois de Mésopotamie ne
sont pas divinisés. Pourriez-vous rappeler la conception de la royauté dans l’Orient ancien?