Jean Cabanel 10/06/1999 1 7 - Les grands textes mésopotamiens. 7

publicité
7 - Les grands textes mésopotamiens.
Lui - La dernière fois , nous avons commencé notre incursion dans les pays de la Mésopotamie, en
commençant par Sumer; puis , Chère Claire, vous nous avez lu deux poèmes ayant trait à la création du
monde. Nous allons tenté de mettre un peu d’ordre dans nos découvertes.
Elle - Il y en aurait grand besoin, car j’avoue que cela me donne un peu le tournis.. Donc Sumer était la
grande civilisation qui a vu le jour il y .a....
Lui - Entre 3500 et 3000 ans avant notre ère. Notez que les sumériens parlaient une langue que jusqu’ici,
on n’a pas pu rattacher à l’un des deux grands groupes linguistiques connus en Europe et en Asie de
l’ouest.
Elle - Et quels sont ces groupes ?
Lui - Le groupe Indo-européen, d’où sont sorties les langues grecques, latines par exemple; et le groupe
sémitique, pour simplifier, d’où sont sorties les langues arabe et hébraïque comme autre exemple.
Elle - Bon... eh, bien que fait-on avec cela ?
Lui - On constate que pour les autres pays qui succèdent à Sumer: Akkad , l’Assyrie et Babylone, on a
affaire plutôt à des langues sémitiques..
Elle - Et alors ?, ..
Lui - Alors, les cultures de ces peuples sont différentes et cependant, il va se passer quelque chose de
particulier; ces peuples vont utiliser le sumérien comme l’Église Catholique a utilisé le latin pendant près
de vingt siècles, et l’utilise encore, comme une langue pour prier, pour célébrer des cultes, pour raconter
des histoires religieuses, une langue liturgique
Elle - Cela complique les recherches à propos des textes pour savoir s’ils ont été composés par des
sumériens ou des akkadiens, ou des assyriens ou des babyloniens.
Lui - Cela explique peut-être aussi la grande parenté des textes produits pendant près de deux
millénaires, textes relatifs à la création du monde, au façonnage de l’homme, au déluge. Et notez bien,
tous ces textes sont plus vieux que les textes de la Bible. Pour montrer le poids durable du sumérien dans
l’expression religieuse, on a même trouvé des textes bilingues en sumérien et akkadien.
Elle - Bon, je comprends l’étroite parenté religieuse. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les
œuvres elles-mêmes ?
Lui - Oui, il faut retenir trois grandes œuvres: le poème d’Atra-Hasis, le poème Enouma Elish et la
légende de Gilgamesh, roi d’Uruk. J’emprunte ce qui suit au travail d’Etienne Charpentier, « Pour lire
ème
l’ancien testament » paru aux éditions du cerf, et dont je possède la 10
édition.
Elle - donnez-moi, s’il vous plaît que je puisse lire: L’épopée d’Atra-Hasis - cela veut dire : le très
intelligent - nous montre les dieux fatigués par toutes les corvées qu’ils ont à faire. Ils décident de créer
l’homme pour faire le travail;
Lui - Commode, n’est-ce pas ? Vous allez voir, les dieux ont presque inventé le robot..
Elle - Ils le modèlent avec de l’argile avec du sang d’un dieu égorgé...... Mais l’humanité nouvellement
créée prolifère et fait du bruit..
Lui - déjà.. Ce texte rappelle celui de la Bible où l’on voit Dieu façonnant Adam avec de l’argile
Elle – Cette humanité fatigue les dieux qui lui envoient différents fléaux et finalement le déluge. Mais le
Dieu Ea avertit un homme qui construit un bateau, y fait monter sa femme et un couple de tous les
Jean Cabanel 10/06/1999
1
7 - Les grands textes mésopotamiens.
animaux.... Mais c’est l’histoire du déluge; les auteurs de la bible auraient-ils copié servilement les gens
de la Mésopotamie ?
Lui - Servilement, non. Nous le verrons bientôt. Mais en tous cas, les auteurs de la Bible semblent s’être
inspirés de ces poèmes.
Elle - Je lis quelques passages de ce poème:
Lorsque les dieux avaient le rôle de l’homme
ils supportaient la tâche, portaient le panier;
le panier des dieux était grand
et la tâche lourde; abondante était la peine....
je passe quelques lignes
... Les dieux appelèrent la déesse, interrogèrent
la sage-femme des dieux, la sage Mami;
C’est toi qui sera la matrice formatrice de l’humanité
forme le loullou (c’est le nom de l’homme), qu’il supporte le joug...
et plus loin
Qu’on abatte un dieu déterminé
et que les dieux se purifient par immersion
A sa chair et à son sang
que Nintou mêle de l’argile
que du dieu et de l’homme soient mêlés
ensemble dans l’argile.
Lui A mon tour de vous lire ce que dit Charpentier, du second poème Enouma Elish. Avant de lire, je
vous signale que la dernière fois, vous en avez lu un extrait. Bon, je lis ce que dit Charpentier:
Au début, il y a deux principes sexués, Apsou et Tiamat - Entre parenthèse le nom tiâmat veut dire abîme
comme en Genèse 1,2 avec Tehom. De ces deux principes sortent tous les dieux..
Elle - Ah oui, je me souviens du texte « Lorsque d’en haut...
Lui - Parce que ces dieux gênent Tiâmat, elle veut les tuer, mais l’un d’entre eux, le plus grand, Marduk
la tue...
Elle - C’est lui qui la sépare en deux dans le sens de la longueur..
Lui - exact. Donc Marduk sépare Tiâmat comme une huître et en fait la voûte céleste. Puis il crée
l’homme à partir du sang d’un dieu révolté...
Elle - Ces deux textes sont typiquement des mythes qui fondent les religions mésopotamiennes. Et le
troisième texte ?
***
Lui - Le troisième texte n’est pas un mythe mais une légende. Vous savez ce qu’est une légende ?
Elle - bien sûr. Par exemple, la légende de Roland, le neveu de Charlemagne, à Roncevaux. Je me
souviens qu’on raconte qu’il frappe le rocher avec sa fidèle épée Durandal, pour la briser; celle- ci est
tellement résistante que le rocher se fend. Le comte Roland a certainement existé mais le récit de son
exploit est imaginé...
Lui - ou tout au moins embelli par des effets merveilleux, pour frapper l’attention de ceux qui écoutent le
ménestrel qui raconte la chanson de Roland.
Elle - Alors quelle est donc cette légende de Gilgamesh?
Lui - Gilgamesh aurait été un roi d’Uruk, au nord de Sumer . Sa vie a fait l’objet d’un récit légendaire,
une épopée. C’est sans doute la plus célèbre des œuvres de la Mésopotamie antique. Elle a inspiré
Jean Cabanel 10/06/1999
2
7 - Les grands textes mésopotamiens.
largement la mythologie grecque; elle a connu un succès littéraire sur plus de deux mille ans en Assyrie et
en Babylonie . Elle a été connue en Palestine, et on a trouvé des copies dans de nombreuses langues du
Proche Orient antique.
Elle - C’est donc une oeuvre majeure.
Lui - Voici le résumé de cette épopée:
Héros de Sumer, Gilgamesh se rend insupportable aux dieux par son orgueil. Ceux-ci lui suscitent un
rival, Enkidu, un monstre vivant avec les bêtes. Humanisé par une femme, il devient ami de Gilgamesh,
et tous deux accomplissent des exploits. J’interromps ici mon récit pour vous signaler que dans le
Languedoc, on racontait l’histoire d’un être semblable à Enkidu : Jean de l’Ours: une femme avait
enfanté d’un ours, un être mi-homme, mi-bête qui terrorisait la région, mais qui souffrait beaucoup de son
infortune...
Elle - et le mythe de la Belle et la Bête ? Peut-être que tous ces récits ont un fond commun...
Lui - des spécialistes des contes l’assurent. Mais revenons à nos deux héros. Un jour, Endiku meurt;
Gilgamesh découvre l’atrocité de la mort et il part à la recherche de l’immortalité. Il rencontre le héros du
déluge raconté dans le mythe d’Atra -Hasis. Celui-ci lui donne le secret de la plante de la vie...
Elle - Dans la Bible, il est question de l’arbre de vie...
Lui - Gilgamesh réussit à s’en emparer mais un serpent...
Elle - Comme dans le récit de la Genèse...
Lui -... la lui dérobe. Gilgamesh doit se résigner à mourir; et vous avez raison de signaler les étonnantes
ressemblances avec certains éléments du récit biblique de la Genèse.
Elle - je comprends que vous m’ayez dit que ces récits nous apportaient des surprises, en matière
d’origine des récits bibliques.
Lui - Je pourrais également vous signaler la légende de la naissance du roi Sargon II, d’Akkad. Une
femme recueille le berceau d’un enfant abandonné dans une caisse bitumée, flottant sur les eaux de
l’Euphrate. c’est le futur roi d’Akkad. Quelques siècles plus tard, la Bible raconte l’histoire du prophète
Moïse, lui aussi recueilli par une fille de roi. Le bébé avait été abandonné dans une caisse bitumée,
flottant sur les eaux du Nil.
Elle - Il a donc fallu que les auteurs de la Bible aient connu d’une manière ou d’une autre ces récits.
Lui - Quand nous parlerons de l’histoire du peuple hébreu et des israélites, nous serons amenés à
considérer des moments où ces peuples seront en contact physique avec les peuples d’Assyrie et de
Babylone.
Elle - Mais la Bible nous raconte, je crois, le voyage qu’a fait un nomade hébreu , Abraham, qui part de Ur
en Chaldée - c’est-à-dire dans le pays de Sumer, traverse en long toute la Mésopotamie pour venir dans
ce qui est la Palestine aujourd’hui.
Lui - Un voyage qui est l’occasion d’un gigantesque changement, car Abraham - on disait alors Abram adorait, comme les sumériens, le Dieu-Lune. Il abandonne la croyance de ses pères pour adorer un dieu
unique, que les hommes se refusent à représenter, et avec qui il entretient des rapports de confiance
mutuelle.
***
Elle - Tous ces récits mésopotamiens me semblent très pessimistes quant au destin de l’homme. A-t-on
une explication de cette vue pessimiste ?
Jean Cabanel 10/06/1999
3
7 - Les grands textes mésopotamiens.
Lui - On pense que les hommes sont fortement influencés dans leur mode de vie et dans leur
perspective d’existence par l’environnement plus ou moins favorable. Et l’environnement mésopotamien
est un environnement difficile.
Elle - Pourtant, les mésopotamiens ont la chance de vivre dans une région arrosée par deux fleuves.
Lui- Oui, mais les cours de ces fleuves sont irréguliers et extrêmement capricieux. Des crues soudaines
se produisent, dévastant tout le rivage, et encore plus dans la région de Sumer, où les deux fleuves se
conjuguent dans un delta souvent inondé.
Elle - D’où de fréquentes inondations ressenties comme des déluges destructeurs
Lui- Il faut rebâtir les digues, recommencer les cultures. Cela donne un climat moral très pessimiste, où la
situation de l’homme est comprise comme une servitude vis-à-vis d’éléments, qui, ne l’oubliez pas, sont
déifiés.
Elle - Le sentiment d’un combat permanent entre les hommes et les dieux a donc influencé les traditions
religieuses. Les hommes de Sumer n’ont-ils pas regretté les pays d’où ils venaient ?
Lui - Cela, on ne le sait pas. Cependant votre remarque me permet de vous dire quelques mots sur les
migrations humaines qui caractérisent le peuplement de cette partie de la terre aux âges les plus anciens.
Elle - Vous voulez dire que les migrations sont à l’origine d’invasions successives ?
Lui - C’est une époque où de nombreuses ethnies se succèdent car tout le proche orient ancien est un
lieu de passage, probablement de l’Afrique, vers l’Asie; de l’Asie vers l’Europe. C’est le cas des peuples
indo-européens qui comme, leur nom l’indique prennent leur origine...
Elle - A l’est de l’Indus...
Lui - En Inde, et se répartissent ensuite dans l’Europe de l’Est puis de l’ouest; populations nomades, puis
semi-nomades, puis sédentaires qui créent des civilisations
Elle - Populations qui apportent leurs traditions religieuses...
Lui - qui entrent en contact avec d’autres traditions religieuses, échangent avec celles des peuples déjà
établis. L’un des exemples que l’on étudie présentement est celui des tribus hébreu qui, à l’époque de
Sumer, comme nous l’avons déjà dit, nomadisaient dans tout le proche orient ancien, jusqu’à l’actuelle
Egypte. Or si nous avons dit que Sumer était la première grande civilisation, d’autres se formaient en
Egypte...
Elle - Et quelle civilisation avec toutes ses dynasties !!!
Lui - Mais se formaient aussi dans le nord de la Mésopotamie, supplantant celle de Sumer. Nous
parlerons bientôt de la civilisation de Babylone, qui voisine la civilisation de l’Iran dont nous avons dit
quelques mots lors de nos précédentes conversations.
Elle - Donc un environnement de peuples qui s’installent face à des populations nomades qui cherchent
sans doute elles aussi à s’installer.
Lui - Ce sera le cas le long d’un petit territoire qui borde la Mer Méditerranée sur deux ou trois cents
kilomètres et sur une largeur variant de cinquante à cent kilomètres, et que nous connaissons
aujourd’hui sous le nom de Palestine et de Liban.
Elle - C’est le pays d’Israël.
Lui - Oui mais avant d’être celui d’Israël, c’est celui de Canaan. Les Cananéens sont des sémites,
comme les hébreux, qui se sont installés il y a probablement 2000 ans avant notre ère sur ce territoire. Ils
Jean Cabanel 10/06/1999
4
7 - Les grands textes mésopotamiens.
y ont fondé des villes, des petits états, avec des traditions religieuses bien à eux. Les Cananéens ont
plusieurs dieux..
Elle - Ils sont donc polythéistes..
Lui - avec une particularité. Savez-vous comment se dit dieu en cananéen ?
Elle - Non, je l’ignore
Lui - Et pourtant vous l’avez trouvé quand nous parlions des anges. C’est le mot « El » qui au pluriel sous
la forme « elohim » désignent les divers dieux cananéens et en même temps le plus illustre d’entre eux,
El, le Dieu qui n’a pas de représentation humaine.
Elle - Oh la la, ça se complique. Il me faudra bien du temps et du repos, avant de mettre en ordre tout ce
remue-ménage. Allez, au revoir, Jean
Lui - Au revoir , Claire.
Jean Cabanel 10/06/1999
5
7 - Les grands textes mésopotamiens.
Téléchargement