Gilgamesh - Enseigner Autrement

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« De Gilgamesh à Zénobie »
Bas-relief représentant le
héros Gilgamesh
Mésopotamie, époque
néo-sumérienne
(2250-1900 av. J.-C.)
(c) MRAH
Bas-relief , patricienne
ou Zénobie?
Syrie, Palmyre, IIIIe siècle ap. J.-C.
(c) MRAH
I- Un projet aux multiples intérêts
1- Pourquoi ce choix ?
Deux personnages royaux, héroïsés
Rapport à la mort, immortalité (Gilgamesh)
Rapport au pouvoir, à la guerre
Apports des mythes et des récits
Traces et traditions qui mêlent oralité, écrits,
archéologie
Deux destinées ancrées dans les mémoires
Dans les programmes scolaires,
ouvertures, liaisons
• Histoire des arts : arts du langage (mythes, récits) ; arts
visuels (représentations iconographiques) ; arts du spectacle
vivant ; arts du son…
• Arts, Etat et pouvoir (BO, 2008)
• Arts, mythes et religions (BO, 2008)
• Liens avec l’histoire (l’Orient ancien, le monde romain et
l’éclatement du monde antique, citoyenneté et empire), les
lettres (les récits fondateurs) et les arts plastiques
2- Les finalités
construction et reconstruction
- Des traductions des liens entre Orient et
Occident
- Des personnages, des figures (histoire
incarnée)
-Une narration figurative: la part de la
fiction et de la réalité/nature de
l’histoire
-L’ouverture sur des espaces et des
personnages peu utilisés
-Les liens avec et entre les arts (littérature,
bande dessinée, peinture, archéologie,
récits, sculpture, théâtre, jeux video…)
-Les références bibliques
Tableau de W. Bougereau (1825-1901)
3- Une démarche pluridisciplinaire
des objectifs clairs pour aider l’élève
- à établir d’abord une relation sensible avec la ou
les œuvres étudiées (appropriation affective)
- à élucider et comprendre les sens (appropriation
intellectuelle)
- à se rendre libre de leur prégnance (construction de
la liberté)
4- Deux fils conducteurs
a- Un premier fil conducteur: des mythes
à l’histoire et/ou de l’histoire aux mythes
« Les mythes, une histoire fondamentale »
« Les mythes ont nourri les sociétés occidentales » Paul Veyne
Le mythe: premier, essentiel et fondamental, originel et transmis ensuite; il
a de multiples fonctions: didactique, sapientale, paradigmatique, pratique, identitaire…
« C’est en partageant des imaginaires que l’on construit des identités
communes »
Cf J.P. Vernant ,avant-propos de L’univers, les dieux, les hommes, collection points,Seuil,1999.
« Raconté, le mythe n’est qu’une histoire pour enfant… Mais à un niveau supérieur, c’est toute une
théorie de la connaissance, à un étage plus élevé encore cela devient une morale , puis métaphysique,
puis ontologie etc… sans cesser d’être la même histoire… »
Michel Tournier, Le vent paraclet, Gallimard, 1983, pp188-193
« Un tremplin qui permet d’aller vers une interrogation plus générale ramenant à des préoccupations
universelles » Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, Paris, Dunod, 1999.
b- Un deuxième fil conducteur : vers la fabrique d’un
“modèle” héroïque ?
Quelle réflexion conduire sur les héros et
héroïnes?
Existe-t-il des modèles?
Comment sont-ils utilisés et réutilisés dans
les arts? Pourquoi?
II- Des destins singuliers et
universels
L’épopée de Gilgamesh : le grand homme qui ne
voulait pas mourir
Le destin épique et dramatique de Zénobie:
un projet politique et militaire qui s’oppose aux intérêts
économiques et stratégiques de Rome
1- Deux épopées
1- La relation avec l’œuvre : raconter l’épopée
Gilgamesh : le plus ancien texte littéraire connu (plusieurs versions ;
formation du texte qui s’étend sur presque 2 millénaires)
2- La compréhension et les sources :
Que nous apprend le mythe de Gilgamesh sur la Mésopotamie du IIIe
millénaire av. J.-C. ?
Comment appréhender une princesse guerrière du IIIe ap. J.-C. ?
3- La mise à distance : recherches d’intextextualités
(mémoires d’un mythe) et comparaison d’oeuvres
Héros maîtrisant un lion dit « Gilgamesh »
(détail) époque néo-assyrienne, Musée du Louvre couverte du tome 2 de la BD parue chez Dargaud, 2005.
VIIIe siècle av. J.-C.
a- Gilgamesh: un roi légendaire
La rencontre des élèves avec la geste de
Gilgamesh s’inscrit
autour de la quête de l’immortalité à un double
niveau : celle de Gilgamesh et celle de sa légende,
de la construction d’un parcours héroïque en trois
temps : naissance, exploits et rapport à la mort.
Le modèle héroïque de Gilgamesh peut-il
s’appliquer à Zénobie ?
b- Zénobie: le destin d’une héroïne tragique
• La poursuite et le renforcement de
la politique de son époux Odenah
• Des conquêtes (Egypte...)
• Une nouvelle impératrice?
• La lutte avec Aurélien et la chute
de Palmyre
• Zénobie à Rome, à Tibur? fin
paisible ou tragique?
• Tétradrachme/ effigie de la
reine de notre ère
2- Une contextualisation indispensable
a- Gilgamesh, roi d’Uruk ?
A la recherche des traces matérielles du mythe, les
sources archéologiques
« Un mythe n’est pas une histoire vraie mais
transmet quelque chose » sur la Mésopotamie du
IIIe millénaire (cité-Etat, croyances…); la
transmission du mythe : rôle de l’écriture
Onzième tablette de l’épopée de Gilgamesh
sceau-cylindre Gilgamesh
VIIe siècle av. J.-C.
domptant un taureau, Syrie XVIe siècle av. J.-C.
b- Zénobie, entre Orient et Occident
PALMYRE «La cité du désert », Pline l’ancien
une citadelle avancée contre les Perses et les Parthes
Une cité devenue colonie avec droit de cité, fondamentale pour les échanges et la politique
romaine
« Palmyre est une ville remarquable par
la situation, le site, la richesse du
sol et l’agrément des eaux. De tous
côtés, les sables enserrent l’oasis et
la nature la soustrait au reste du
monde. Elle jouit d’un sort
privilégié entre les deux grands
empires, celui des Romains et celui
des Parthes et tous les deux la
sollicitent dès que renaissent leurs
conflits… » Pline l’ancien
• Indépendance et dépendance entre les
provinces (depuis 19 ap. J.-C./Syrie) et
Rome (citoyenneté, droits des villes et
colonies)
• 212 Caracalla ; 217 Palmyre=jus
italicum
• Contacts et influences
• Luttes pour le pouvoir et les difficultés
de l’empire
Territoires stratégiques / Romains
• Les femmes nobles et lettrées “gréco
romaines et orientales”
L’événement n’est pas ce que l’on peut voir
ou savoir de lui mais ce qu’il devient »
M. De Certeau
C- Postérité mémorielle et utilisations,
voire instrumentalisations dans les
arts, dans l’histoire des arts, et dans
l’histoire de l’art
1- Gilgamesh : quelle postérité dans les arts ?
a- Une épopée matricielle pour l’Occident
La Bible : certains passages de la Genèse, puisent dans le
même fonds mythique que l’épopée de Gilgamesh : le
paradis inaccessible ; le combat entre frères (Caïn et Abel)
; le récit du déluge.
L’Iliade et l’Odyssée : évocation des morts et la
description du monde infernal ; exploits d’un héros fils
d’une déesse, impossibilité pour l’homme d’accéder à
l’immortalité.
b- Gilgamesh : un roi, un héros, un dieu
quel choix de représentations dans les arts ?
Pour une historiographie de l’épopée: entre
obscurité et gloire
Un récit traduit, diffusé et enseigné dans tout l’Orient
ancien dès la seconde moitié du IIe millénaire…
Un récit oublié dès l’Antiquité tardive : quelques allusions
dans le Livre des Géants, un ouvrage araméen ; dans qq écrits arabes…
Un récit redécouvert au XIXe siècle avec la naissance de
l’archéologie et de l’épigraphie (1872: découverte par l’assyriologue
Georges Smith de la onzième tablette de l’épopée).
Un récit prisé, lu et médité (opéra : Per Nogard, 1971 ;
romancier Harry Mulisch dans La découverte du ciel 1999 ; Willy
Vandersteen dans une aventure de Bob et Bobette intitulée L’Arche de
Babylone) ; jeux vidéos…
Que retenir ?
Un héros mythique
Un guerrier puissant
Un roi tyrannique ou sage
Un roi bâtisseur
Un roi légendaire ou réel
Un dieu des enfers
2- Zénobie : « entre fantasme et réalités »
M. Sartre
Sources archéologiques et autres données sur
la cité du désert
Pièces de fouilles
Traces sur le site
Inscriptions
Fragilités et importance de
certaines données mais
distorsions entre les sources
Abondance des écrits et des reprises ... mais ...
•
•
« Histoire Auguste » de Pollion et Flavius Vopiscus
Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain de E.
Gibbon
• Lettre d’Aurélien au Sénat, monnaies, sculptures
• Sources byzantines par exemple:Zosime VIè
--------------------------------------------------------------------------• récits littéraires de Boccace,de Jules Michelet.
• peintures, tapisseries bruxelloises 17è (collection Mazarin) St-Gery
• littérature et théâtre contemporain européen (XVIII/XIX XX) ou arabe
(Mansour Rahbani ),musique, romans XXè, la pensée politique syrienne
XXè
Des écrits fiables? la construction d’un destin
Une femme stratège aux
ambitions politiques et
militaires (269-270)
«... C’est à la manière des
empereurs romains qu’elle
se présentait aux soldats
coiffée d’un casque,
portant une écharpe de
pourpre dont les franges
laissaient pendre à leur
extrémité des pierreries... »
Lors du triomphe d’Aurélien
(272)
«... Zénobie était parée de
pierreries si énormes qu’elle
croulait sous le poids de ses
joyaux. Elle avait des
entraves d’or aux pieds et
des chaînes d’or aux
mains... »
Histoire Auguste
La réutilisation d’une « héroïne »
dans la peinture
• “ Zenobie trouvée par
les bergers”
/reproduction/livres
• Merry Joseph Blondel
(1781-1853)
Prix de Rome 1803
grande toile 413/315 déposée par le Louvre à
Saint-Malo et détruite lors des
bombardements en 1944
Cf Dagen P, le métier d’artiste, Larousse,
1999, p144
Une large utilisation dans la peinture
XIXè
• la mise en scène de
moments dramatiques
• La fabrication d’images
« Dernier regard sur Palmyre »
Herbert Schmalz (1856-1935)
raphaeliste et orientaliste
Une utilisation/LITTERATURE
…Il était une fois, une reine, n’est-ce pas ainsi que se
content les légendes? Belle, riche, lettrée, ambitieuse
jusqu’aux cimes et dotée d’une puissante intelligence,
mais rongée par un mal que nul remède ne parvenait à
soigner. Elle s’en plaignit un jour à sa sœur qui lui
rapporta les dires des caravaniers sur les prodiges
d’un médecin du pays de Babel. La reine exprima son
désir ardent de le rencontrer,et la nuit même, dans son
sommeil,elle vit son image et entendit sa voix. Au
réveil, elle était guérie. Et convertie.
Telle est l’histoire consignée dans les récits
manichéens…On sait aujourd’hui que la reine
s’appelait Zénobie, que son royaume était Palmyre,
qu’elle embrassa la foi de Mani et entrepris de la
diffuser vers l’Egypte, et bien au-delà… »
Amin Maalouf, Les jardins de lumière, Lattès, 1991.
«
Des billets syriens aux BD...
Des usages et des instrumentalisations
multiples
«…Zainab (Zenobie) avait pris en charge la
direction du mouvement de libération au nom de
tout l’Orient,ou, plus spécifiquement de tous les
Arabes…Quand la guerre romano-palmyrénienne
éclata,l’Orient était sous l’occupation des
Romains depuis plusieurs siècles durant lesquels
les forces pratiquèrent les forces romaines
pratiquèrent les formes les plus hideuses
d’oppression… » Zenobie, the queen of Palmyra,
2000,Mustafa Tlass,ministre de la défense syrien
de 1972 à 2004.
Pérennité des usages
Zénobie dans la BD
et la philatélie
Que retenir?
Une femme politique ambitieuse
Une Zénobie légendaire,devenue un mythe
Une Zénobie picturale
Une Zénobie littéraire
Une Zénobie arabe
Conclusion : ces deux “histoires” renseignent sur
la civilisation mésopotamienne du IIIe millénaire avJC
et la civilisation romaine et sur l’Orient gréco-romain
du IIIè ap JC
l’importance de l’Orient dans la construction du monde
occidental (un creuset patrimonial et culturel)
la fabrique de modèles héroïques masculins et féminins
la construction d’un récit fondateur, d’une épopée et
leur postérité dans les arts
Les possibles instrumentalisations
Les rapports entre écriture de l’histoire et sources
Pour aller plus loin
Bottéro Jean (traduction et présentation), L'Epopée de Gilgamesh . Le grand
homme qui ne voulait pas mourir, Gallimard, 1992.
Bottéro Jean, Steve Marie Joseph, Il était une fois la Mésopotamie,
Gallimard, 1993.
Forest Jean-Daniel, L'Epopée de Gilgamesh et sa postérité, Paris
Méditerranée, 2003.
Sartre M et A, Palymre, la cité des caravanes, Découvertes Gallimard, 2008
Documentation Photographique, L’Orient ancien n° 8026, avril 2002.
Archeologia n° 382,octobre 2001(Zénobie)
Chabanne J.Cl. (dir.), “Parler et écrire sur les oeuvres”, Revue Repères n°43,
2011.
Portier J F dans Sciences humaines,“Le sens du récit”,n° 66, avril 1996 p1216.
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