Schizophrénie et culture : réalités et perspectives à partir de l

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MÉMOIRE ORIGINAL
Schizophrénie et culture : réalités et perspectives
à partir de l’expérience tunisienne
S. DOUKI (1), F. NACEF (2), S. BENZINEB (3), C. BEN AMOR (4)
Schizophrenia and culture : reality and perspectives based on the Tunisian experience
Summary. Despite notable advances in the field, schizophrenia is still considered a major public health problem on international
level. The combination of frequency, chronicity and severity make it, for some authors, the « cancer of mental disorders ». However,
according to the many cross-cultural studies, in particular, the two mammoth research projects of the WHO (IPSS and DOSMED,
it is now irrefutable that the course and outcome of schizophrenia are better in patients from developing countries. The reasons
for better outcome and more favorable course of schizophrenia in developing countries are still far from clear and remain speculative. Aim of the study. We have carried out a study among a population of schizophrenic patients admitted to our hospital
during the past year, to question the issues of outcome, course and prognosis in Tunisia, which is an emerging country, ranking
half-way between the most and the least developed countries. Results. It appears that the outcome of schizophrenia is similar
to that of developed countries. A community survey reported an annual prevalence of 5.7 ‰ and an incidence of 3 ‰. 266 patients
with schizophrenia were admitted between August 2003 and 2004, representing 40 % of the whole hospitalized population ; 80 %
were former patients who had been hospitalized an average of 8 times. One patient out of five will be readmitted at least once
within the same year. Only 16.5 % were married, and 10 % had a regular job, in spite of a high level of education. A chronic
course without remission is not unusual and long stay patients now account for a fourth of the hospital population. Comments.
It seems clearly and paradoxically that the course and outcome of schizophrenia is deteriorating and getting closer to what is
observed in the industrialized societies. The same trend was observed in the western countries during the last centuries, leading
some authors to claim that schizophrenia is a modern disease, which appeared in the XIXe century and spread in the XXe. Besides,
other than the controversy regarding the recent evolution of its incidence, it seems that we are not witnessing the anticipated
decrease in incidence that comes with the therapeutic progress and the decline in fertility among individuals with schizophrenia.
Discussion. We shall discuss three hypotheses to try to explain the aggravation of schizophrenia along with the economic
development : the heterogeneity of the disease with two clinical presentations : a benign form (good prognosis), more frequent
in developing countries, and a severe form, observed mainly in developed societies. The progress in medicine and gynecologyobstetrics, which contributes to the survival of patients with serious schizophrenia and the vulnerable newborn exposed to multiple
assaults and risk factors related to birth. The progress in psychiatry that is selecting the more serious subtypes of schizophrenia,
which are overrepresented today. Research issues pertaining to course and outcome of schizophrenia are still unresolved. It is
likely that prognosis of schizophrenia varies according to the economic development rather than to the culture. This observation
could open new research and prevention perspectives.
Key words : Culture ; Development ; Outcome ; Schizophrenia.
Résumé. Bien qu’elle ait bénéficié d’avancées thérapeutiques
significatives, au cours des dernières décennies, la schizophrénie est encore considérée comme le « cancer des troubles
(1)
(2)
(3)
(4)
mentaux ». Toutefois, de nombreux travaux transculturels ont
formellement établi la notion d’une évolution favorable de la
maladie dans les pays en voie de développement. C’est cette
Professeur de Psychiatrie, Service de Psychiatrie A, Hôpital Razi, La Manouba.
Professeur de Psychiatrie, Service de Psychiatrie A, Hôpital Razi, La Manouba.
Assistante Hopsitalo-Universitaire, Service de Psychiatrie A, La Manouba.
Résidente en Psychiatrie, Service de Psychiatrie A, Hôpital Razi, La Manouba.
Travail reçu le 9 novembre 2004 et accepté le 28 juin 2005.
Tirés à part : S. Douki (à l’adresse ci-dessus).
L’Encéphale, 33 : 2007, Janvier-Février
21
S. Douki et al.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 21-9
différence que nous souhaitions explorer en interrogeant la réalité de la schizophrénie en Tunisie, pays émergent, que les principaux indicateurs situent à mi-chemin entre les pays les plus
et les moins développés. Le diagnostic de situation est
accablant : les patients souffrant de schizophrénie sont les principaux consommateurs de soins psychiatriques hospitaliers et
pâtissent, en majorité, d’un handicap sévère sur les plans professionnel et social. L’exemple de la Tunisie montre paradoxalement que le pronostic de la schizophrénie s’aggrave avec le
niveau de développement d’une société. La même tendance a
d’ailleurs été observée au cours du temps, dans les pays occidentaux. Trois hypothèses sont discutées pour expliquer les
variations dans l’espace et dans le temps de la maladie : l’hétérogénéité de la maladie qui comporterait une forme maligne (de
mauvais pronostic) et une forme bénigne (de bon pronostic), les
progrès de la médecine et de la gynécologie-obstétrique qui
favorisent la survie de sujets vulnérables, et les avancées de la
psychiatrie qui contribuent à la sélection des schizophrénies les
plus résistantes. Le rôle du développement économique dans
l’apparition de formes graves de schizophrénie ouvre des perspectives prometteuses de recherche et de prévention.
plégie et la cécité (Üstün et al., 1999). Sans compter que le
handicap lié à la schizophrénie est appelé à croître pour égaler
l’invalidité associée à l’ensemble des autres pathologies.
Mots clés : Culture ; Développement ; Pronostic ; Schizophrénie.
DONNÉES TRANSCULTURELLES
INTRODUCTION : OPTIMISME DE MISE ?
« Cancer de la psychiatrie »
La schizophrénie est considérée, à juste titre, comme un
problème majeur de santé publique au niveau international.
Selon l’Association Mondiale de Psychiatrie, la schizophrénie est « typiquement une maladie catastrophique » qui
commence dans l’adolescence ou au premier âge adulte. La
combinaison d’un handicap significatif, le début précoce
dans la vie et la chronicité de la maladie font de la schizophrénie un trouble particulièrement tragique pour beaucoup de
ceux qui en souffrent. Plus encore, c’est un trouble très fréquent, atteignant 0,5 à 1 % de la population. Cette combinaison de fréquence, de gravité et de chronicité fait de la schizophrénie « le cancer de psychiatrie » (Andreassen, 2001).
La schizophrénie est, en effet, source d’une surmortalité qui réduit de 10 ans, en moyenne, la durée de vie des
personnes atteintes. Ce taux élevé de mortalité est en
grande partie lié au risque suicidaire estimé à au moins
10 % (3). Allebeck et Wisted (1), à partir de l’étude de
1 200 patients, concluaient à un risque de suicide 12 fois
supérieur à celui de la population générale et 14 fois supérieur pour le risque de morts violentes « suspectes ».
Mais il existe aussi un excès de décès par causes naturelles dans certains groupes d’affections, principalement
les maladies respiratoires et cardio-vasculaires et également les maladies infectieuses, malgré une forte amélioration après guerre.
Le handicap occasionné par la maladie est également
très lourd.
D’après une étude réalisée récemment dans 14 pays sur
les incapacités associées aux affections physiques et mentales, la psychose évolutive a été placée au troisième rang des
maladies invalidantes en population générale, avant la para22
Des avancées significatives
Heureusement, la schizophrénie a bénéficié, au cours
des dernières décennies, d’avancées importantes dans la
compréhension et la prise en charge du processus morbide. Grâce aux progrès des pharmacothérapies et des
thérapies psychosociales, près de la moitié des personnes
chez qui se déclare une schizophrénie peuvent espérer
une guérison complète et durable (rapport OMS) (21).
De très nombreux travaux ont, par ailleurs, établi de
manière indéniable la notion d’une évolution favorable de
la schizophrénie dans les pays en voie de développement.
Est-ce à dire que l’optimisme peut, aujourd’hui, être de
mise en Tunisie ? C’est cette question que nous souhaitions poser en interrogeant la réalité de la schizophrénie
dans notre pays.
Données épidémiologiques
Prévalence et incidence
On a longtemps cru que la schizophrénie était moins
fréquente dans les pays en voie de développement (28).
En effet, les données de prévalence y sont régulièrement
plus faibles : les prévalences ponctuelles (PP) ou annuelles
(PA), corrigées en fonction de l’âge, sont en moyenne de 3,4
pour mille (fourchette : 0,9 à 8, écart type : 2,09), par opposition à l’Europe ou l’Amérique du Nord, où elles sont de 6,3
pour mille (fourchette de 1,3 à 17,4, écart type : 4,32). Cette
différence est significative à 0,001 (tableau I, figure 1).
TABLEAU I. — Prévalences dans les pays en voie
de développement et dans les pays développés.
PP ou PA
(pour mille)
Minimum
Moyenne
Maximum
PVD
Pays développés
0,9
3,4
8
1,3
6,3
17,4
20
15
10
5
0
PVD
minimum
PD
moyenne
maximum
FIG. 1. — Comparaison des prévalences dans les pays
développés et dans les PVD.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 21-9
Schizophrénie et culture : réalités et perspectives à partir de l’expérience tunisienne
TABLEAU II. — Incidence annuelle de la schizophrénie par 100 000 habitants âgés de 15 à 54 ans des deux sexes,
pour la définition large (DL) et restreinte (DR).
Aarhus
Chandigarth Chandigarth
(rural)
(urbain)
Dublin
Honolulu
Moscou
Nagasaki
Nottingham
21
9
18
9
29
18
21
10
22
12
Toutefois, de nombreuses études utilisant la même
définition du trouble ont montré une incidence similaire
dans le monde entier : « La seule véritable anomalie épidémiologique de la schizophrénie serait plutôt la remarquable uniformité de sa distribution géographique » concluent Guillaud-Bataille et Terra (7).
Les résultats de l’IPSS (Étude pilote internationale sur
la schizophrénie, OMS, 1973-1979) constituent le meilleur
argument en faveur d’une variabilité limitée de l’incidence
(10). Cette étude, réalisée dans neuf pays (Chine, Colombie, Danemark, États-Unis, Inde, Nigeria, Royaume-Uni,
Tchécoslovaquie, URSS), a utilisé des critères diagnostiques standardisés et une procédure minutieuse de détection des cas visant à inclure tous les sujets atteints du trouble. Elle n’a mis en évidence qu’une très faible variation
du taux d’un site à l’autre, surtout avec une définition restrictive de la maladie (tableau II).
Puisque l’incidence est similaire dans tous les pays, il
est probable que les plus faibles prévalences observées
dans les pays en voie de développement sont liées à des
difficultés à retrouver les patients, à une mortalité plus élevée et, pour les prévalences ponctuelle et annuelle, à un
taux de guérison supérieur.
40
DL
DR
19
8
41
11
32
9
Données évolutives
De fait, il a été montré à maintes reprises que la schizophrénie suit un cours moins défavorable dans les pays
en développement (13, 24).
Un taux plus élevé de guérisons a été rapporté par de
nombreuses études (OMS) (11, 20, 27). Plus généralement,
les patients présentent moins de rechutes et ont une durée
moindre d’épisodes psychotiques (tableau III, figure 2).
À côté de l’IPSS, une autre étude à grande échelle de
l’OMS (Determinants of Outcome of Severe Mental Disorders – DOSMED) (11, 22) a été consacrée à la question
de l’évolution et du pronostic à court et long termes de la
schizophrénie à travers les cultures.
TABLEAU III. — Comparaison de l’évolution dans les pays
développés et les PVD.
Mode évolutif*
PD (n = 604)
PVD (n = 474)
I
II
III
15,7
37,1
14,7
19,0
17,1
11,2
* : I, épisode psychotique unique, rémission complète ; II, 2 + épisodes
psychotiques, rémission complète ; III, évolution psychotique continue,
sans rémission.
35
30
25
20
15
10
5
0
I
II
PD
III
PVD
FIG. 2. — Évolution dans les pays développés et dans les PVD.
I : épisode psychotique unique, rémission complète ; II : 2 + épisodes
psychotiques, rémission complète ; III : évolution psychotique continue,
sans rémission.
Au total, 1 379 sujets ont été recrutés à l’occasion d’un
premier contact avec un système d’assistance médicale
ou traditionnelle, mais aussi sociale, donc dès le début des
troubles et de façon prospective.
L’évaluation a montré que deux ans après le premier
épisode schizophrénique, 63 % des malades étaient en
rémission complète dans les pays en développement,
contre 37 % dans les pays développés (11).
D’autres chercheurs en Amérique latine, à Hong-Kong et
en Inde, cités par Kulhara (14) ont confirmé ces résultats
(Dube et al., 1984 ; Indian Council of Medical Research,
1988 ; Kulhara et Chandiramani, 1988, 1990 ; Leon, 1989 ;
Verghese et al., 1989 ; Lee et al., 1991 ; Tsoi et Wong, 1991 ;
Thara et Rajkumar, 1992 ; Thara et al., 1994 ; Thara et Eaton,
1996). Aussi, conclut l’auteur, est-il aujourd’hui irréfutable que
l’évolution et le pronostic de la schizophrénie sont meilleurs
chez les patients des pays en voie de développement.
Le pronostic nettement plus favorable de la maladie dans
les PVD n’a toujours pas reçu d’explication satisfaisante. Il
s’agit d’un résultat a priori paradoxal, dans la mesure où les
patients des pays industrialisés reçoivent habituellement
plus de soutien technique de la part des professionnels de
santé mentale que les patients des pays moins développés.
Néanmoins, ces différences sont probablement à mettre
sur le compte d’une variété de différences culturelles.
La structure sociale traditionnelle de nombreux PVD
peut jouer un rôle majeur dans l’induction d’un meilleur
pronostic :
23
S. Douki et al.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 21-9
– la disponibilité de familles étendues offre aux
patients des supports sociaux ; nombre de patients schizophrènes qui nécessitent une hospitalisation dans ces
pays sont en fait traités en milieu familial ;
– un autre aspect qui pourrait expliquer l’évolution plus
favorable dans les PVD est la moindre pression exercée
sur le patient, compte tenu des moindres exigences de
performance dans le travail, la production ou la socialisation. La sophistication nécessaire pour survivre en milieu
urbain est bien plus grande que dans des petits villages
ou en milieu rural, créant un handicap pour le schizophrène souffrant de troubles cognitifs ;
– l’image traditionnelle de la maladie mentale peut aussi
être moins stigmatisante dans les pays en voie de développement, dans la mesure où la folie est considérée dans
certaines cultures comme ayant un lien avec le monde surnaturel ou parfois même a une valeur sacrée, religieuse ;
– certains auteurs évoquent également le bas degré
d’expression émotionnelle intra-familiale, encore que la
pertinence de ce concept n’ait pas été explorée dans des
cultures non occidentales.
À ce jour, la question demeure entière.
L’incidence se situe dans les fourchettes supérieures,
avec 0,3 pour mille (tableau IV, figure 4).
TABLEAU IV. — Incidence annuelle pour 100 000 habitants.
Honolulu Aarhus
18
Dublin Nagasaki Nottingham Moscou
19
21
21
22
29
Ariana
Chandigarth
30
41
50
40
30
20
10
0
RÉALITÉ DE LA SCHIZOPHRÉNIE EN TUNISIE
Données épidémiologiques
Honolulu
Nagasaki
Ariana
Aarhus
Nottingham
Chandigarth
Dublin
Moscou
FIG. 4. — Incidence annuelle pour 100 000 habitants.
En population générale
Une seule étude a été réalisée, par Hachmi et Sraïri,
en 1995, auprès d’un échantillon représentatif de la population générale du gouvernorat de l’Ariana de 5 000 sujets.
Certes, cet échantillon n’est pas à proprement parler
représentatif de l’ensemble de la population tunisienne,
mais il ne doit pas en différer de façon significative dans
la mesure où le gouvernorat de l’Ariana comprend des
zones urbaines, rurales et semi-rurales.
Les auteurs ont retrouvé un taux de prévalence
annuelle de 5,7 pour mille, plus proche de la moyenne des
pays industrialisés que de celle des pays moins développés (figure 3).
7
En milieu hospitalier
Les patients souffrant de schizophrénie sont les principaux consommateurs de soins psychiatriques hospitaliers, surtout à l’hôpital psychiatrique où ils représentaient
en 2003 40 % des hospitalisations dans notre service
(266/675) ; 46 patients ont été admis pour la première fois,
dont 33 hommes et 13 femmes, représentant 24 % du
total des premières hospitalisations. Les nouveaux cas ne
constituent que 20 % de l’ensemble de la population de
schizophrènes (tableau V, figure 5).
TABLEAU V. — Prévalence et incidence en milieu hospitalier.
Hommes
Femmes
Total
6
5
Prévalence
Incidence
44,6 %
28,4 %
39,4 %
26 %
19 %
24 %
4
3
2
1
0
PVD
TUNISIE
PD
FIG. 3. — Prévalence annuelle moyenne.
24
Nous constatons d’emblée que la prévalence est supérieure à l’incidence, du fait de la chronicité de la maladie,
mais elle varie également en fonction du genre. En effet, les
femmes sont largement sous-représentées par rapport aux
hommes. Ce phénomène est général à l’ensemble des troubles psychiatriques (à l’exception notable du trouble bipolaire I), puisque l’hôpital accueille deux fois moins de femmes que d’hommes, mais il est plus accusé pour les
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Schizophrénie et culture : réalités et perspectives à partir de l’expérience tunisienne
À l’hôpital général, les patients souffrant de schizophrénie sont également les plus nombreux, représentant
27,8 % des hospitalisations en 2002.
60
40
20
Données évolutives
0
Hommes
Femmes
prévalence
Au cours de l’année 2003, notre service (d’une capacité
de 63 lits) a accueilli 218 patients, dont 174 hommes et
seulement 54 femmes.
Total
incidence
FIG. 5. — Prévalence et incidence de la schizophrénie
en milieu hospitalier.
patientes souffrant de schizophrénie qui sont trois fois moins
nombreuses à être hospitalisées (tableau VI, figure 6).
TABLEAU VI. — Prévalence selon le sexe et le diagnostic.
Hommes
Schizophrénie
TB
Total service
Total hôpital
205
83
460
3 462
Au total, 80 % des patients ont déjà été hospitalisés,
en moyenne huit fois (avec des extrêmes de 2 à 49).
Notons que près d’un patient sur cinq (18,8 %) est réintégré au moins une fois dans l’année en cours, et là encore
ce sont surtout des hommes (22 % versus 7 %).
Femmes
77,0 %
55,0 %
68,0 %
71,5 %
61
68
215
1 380
23,0 %
45,0 %
32,0 %
28,5 %
100
80
60
40
20
0
Schizo
Taux de réintégrations
Total
service
Total
hôpital
Hommes
Femmes
TBI
FIG. 6. — Prévalence selon le diagnostic et le sexe.
Les raisons en sont probablement autant culturelles
(stigmatisation plus marquée) que cliniques (pathologie
moins sévère et moins bruyante).
De fait, les femmes souffrant de trouble bipolaire (surtout maniaques) sont pratiquement autant hospitalisées
que les hommes.
Précisons, à ce sujet, que les Tunisiennes sont les seules femmes dans le monde arabo-musulman à bénéficier
depuis un demi-siècle de l’égalité en droit avec l’autre
sexe, grâce à une politique soutenue d’émancipation
depuis un demi-siècle.
Les mentalités n’ont toutefois pas évolué au rythme des
réformes législatives et les femmes continuent à être plus
exposées, en cas de trouble mental, à la stigmatisation,
voire à l’exclusion sociale.
Taux de nuptialité et de divorce
Seulement 16,5 % sont mariés, avec une différence
hautement significative entre femmes et hommes (23 %
versus 10 %). Elles sont également plus nombreuses à
être divorcées (16 % versus 5 %).
Des facteurs culturels plutôt que cliniques sont encore
à l’œuvre dans ces différences entre les taux de nuptialité
et de divorce. En effet, la forme de la maladie semble relativement bénigne ou avoir débuté assez tard pour permettre à la femme de se marier, mais la déclaration sociale
de la pathologie (à travers l’hospitalisation) est un risque
important de rupture.
Taux d’activité professionnelle
Moins de 10 % (9,1 %) de l’ensemble des patients
bénéficient d’une activité professionnelle plus ou moins
régulière. Si l’on exclut les femmes, ce taux s’élève à peine
à 11 %.
En France, une étude récente menée par l’INSERM,
parmi la population française de schizophrènes âgés de
18 à 65 ans, montre que 12 % seulement des patients en
âge de travailler ont une activité professionnelle salariée
dans le cadre d’emplois non protégés.
Certes, les échantillons sont difficilement comparables,
mais la similitude des taux méritait d’être soulignée.
Et pourtant, dans notre population, les sujets des deux
sexes ont un niveau d’instruction supérieur à celui de la
population générale puisque 39,1 % ont accompli des études secondaires ou supérieures (33 % des femmes et
41,1 % des hommes), et que seulement 8 % sont analphabètes (16 % de femmes et 5 % d’hommes) alors que
le taux s’élève à 29 % pour l’ensemble de la population.
Cette différence est probablement liée au jeune âge des
patients qui, nés après l’Indépendance, ont bénéficié de
la généralisation de l’instruction.
25
S. Douki et al.
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Évolutions chroniques
Enfin, nombreuses sont les évolutions chroniques qui,
assorties d’un rejet familial, aboutissent à une « réclusion
asilaire à perpétuité » : les schizophrènes nécessitant une
hospitalisation indéfinie constituent la majorité des 109 pensionnaires à vie de l’institution, soit 25 % de l’effectif hospitalier du 10 septembre 2004. Signalons que cette catégorie
de patients n’a pas été incluse dans notre échantillon.
Au total, le diagnostic de situation est de prime abord
accablant ! La schizophrénie semble connaître une évolution défavorable comparable à celle des pays développés.
Peut-on en conclure que l’évolution de la schizophrénie est
en partie liée au niveau de développement d’un pays ?
SCHIZOPHRÉNIE ET DÉVELOPPEMENT
Tunisie, pays semi-industrialisé
Plusieurs études ont déjà souligné la transformation du
profil épidémiologique de la maladie dans les pays semiindustrialisés : « Ce schéma évolutif favorable est moins
évident dans les sociétés en cours d’industrialisation, où
il se rapproche de ce qui est constaté dans les pays
développés » (Terra, 1997).
De fait, les indicateurs de développement situent la Tunisie à mi-chemin (voire plus près) des pays industrialisés que
des pays les moins développés (tableaux VII, VIII et IX).
TABLEAU VII. — Indicateurs démographiques.
Suède
Tunisie
Mali
Population
(millions)
TAAM1
Taux
d’urbanisation
PIB
(milliers $)
8,9
9,8
13
0,1
1,1
3,0
83
66
31
24 670
6 450
810
1. Taux d’accroissement annuel moyen de la population.
TABLEAU VIII. — Indicateurs de mortalité.
Suède
Tunisie
Mali
Espérance
de vie
Mortalité
infantile
Mortalité
infantile
< 5 ans
Mortalité
maternelle
78,2
72,9
48,6
5
23
119
4,5
26,5
131
10
68
1 335
TABLEAU IX. — Indicateurs de santé reproductive.
Naissances
Taux total Accouchements mères
Prévalence
âgées
de fécondité médicalement
assistés
entre 10-15 ans contraceptive
Suède
Tunisie
Mali
1,64
2,01
7
100 %
90 %
24 %
20
7
191
82
55
7
Source : Rapport du FNUAP sur l’état de la population mondiale, 2003.
26
Pouvons-nous retrouver la même évolution au cours du
temps dans les pays développés ?
Variations séculaires
Une maladie moderne ?
La question a été posée de savoir si la schizophrénie
n’était pas née de la modernisation et de l’industrialisation,
si elle n’en était pas la conséquence ?
Pour Gottesman (5), on ne retrouve aucun texte ancien,
chez les Babyloniens ou les Sumériens, ou quelque autre
civilisation antique, la décrivant. Le père de la médecine
lui-même, Hippocrate, qui a décrit plusieurs maladies
mentales modernes (mélancolie, manie, paranoïa, épilepsie), n’en fait nullement mention.
Pour certains auteurs, il semble que la schizophrénie
aurait fait son apparition au XIXe siècle pour s’étendre rapidement au début du XXe.
Selon Gottesman (5), trois théories principales peuvent
expliquer l’apparition de la schizophrénie. La première
propose qu’une propension à la manifestation d’un désordre comme la schizophrénie existait déjà chez l’être
humain. Cette tendance, jumelée au stress lié à la perte
d’espace personnel, qui a accompagné l’urbanisation et
l’industrialisation de nos sociétés, aurait favorisé l’éclosion de la schizophrénie.
La seconde implique aussi l’urbanisation et l’industrialisation mais fait davantage valoir les modifications au
niveau des structures familiales qu’ont entraîné ces deux
mouvements (rupture des traditions familiales et culturelles).
Finalement, Gottesman (5) suggère une troisième théorie afin d’expliquer l’apparition de la schizophrénie. Sa propagation rapide au début du XXe siècle rend possible
l’hypothèse qu’un virus puisse être à l’origine de cette
maladie, à l’instar du SIDA.
S’il paraît peu probable que la schizophrénie ne soit
apparue que récemment, il est incontestable qu’elle était
relativement rare, même à la fin du XIXe siècle.
Pour Torrey et al. (26), l’incidence de la schizophrénie
aurait été multipliée par sept entre 1800 et 1950.
En 1983, Hare (8) a déclaré qu’il y avait eu une réelle
augmentation de l’incidence de la maladie au XIXe siècle
au Royaume-Uni. Dans un article récent (9), il affirme que
la schizophrénie à début précoce avait augmenté au début
du XIXe siècle et suggéré qu’un événement biologique
(mutation d’un virus ou modification des réactions immunitaires à une infection déjà existante) était à l’origine de
l’augmentation survenue vers 1800.
En 1986, Jablensky (10) a déclaré que seuls 9,1 % des
hommes et 7,3 % des femmes admis pour la première fois
à la clinique universitaire de Munich souffraient de
démence précoce. L’accroissement le plus important des
cas de schizophrénie institutionnalisés pourrait être survenu, selon lui, au XXe siècle.
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Schizophrénie et culture : réalités et perspectives à partir de l’expérience tunisienne
Évolution récente de l’incidence
50,00%
Les travaux sur l’évolution récente de l’incidence sont,
en revanche, contradictoires.
Depuis les années 1960, Warner et De Girolamo (28)
ont recensé 16 études d’incidence de la schizophrénie.
La majorité (10) a rapporté une baisse d’incidence se traduisant dans la nette diminution des premières admissions.
Trois études ont, en revanche, retrouvé une augmentation,
et les deux dernières n’ont pas observé de changement.
Toutefois, l’admission en milieu psychiatrique n’est plus
guère un indicateur fiable d’incidence, depuis l’avènement
des neuroleptiques et le déplacement des soins dans la
communauté. Par ailleurs, cette baisse s’est accompagnée d’une augmentation parallèle des diagnostics de
psychose affective. Une étude de Kendell et al. (12) renforce l’argument selon lequel les modifications d’incidence
de la schizophrénie sont des artefacts dus à des glissements de diagnostic. Kraepelin avait déjà constaté que
« l’accroissement de la folie maniaque-dépressive vient
surtout de la diminution de la démence précoce ».
40,00%
L’exemple de la Tunisie (figure 7)
50,00 %
40,00 %
30,00 %
20,00 %
10,00 %
0,00 %
1975
1985
1995
2003
Schizophrénie
FIG. 7. — Évolution des prévalences hospitalières.
Quand on étudie l’évolution de la prévalence hospitalière à l’hôpital Razi, il apparaît que la schizophrénie est
devenue le principal pourvoyeur de soins hospitaliers à
partir des années 1980 où elle est passée en dix ans de
18 % (17,5) à près de 50 % (47,6). Après un décrochage,
dans la décennie 1985-1995, en faveur du trouble bipolaire, elle réamorce une lente remontée pour se stabiliser
autour de 40 % (tableau X, figure 8).
Ces chiffres sont hautement significatifs car l’hôpital
Razi est l’unique hôpital psychiatrique du pays qui concentrait jusqu’à une date récente les trois-quarts des lits
psychiatriques et desservait l’ensemble du territoire. Sa
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
1975
1985
Schizophrénie
1995
2003
Troubles de l’humeur
FIG. 8. — Évolution des prévalences hospitalières.
capacité hospitalière a, depuis les années 1990, été
réduite de moitié (de 1 018 à 540) et ses sept services ont
été sectorisés en 1999.
En fait, des études à long terme qui n’objectivent pas
de réduction des admissions pour schizophrénie, et parfois même une augmentation, ont jeté le doute sur cette
hypothèse d’une diminution de l’incidence de la schizophrénie depuis les années 1960. Sans compter que les
trois études rapportant une augmentation portaient toutes
sur des premiers contacts.
Torrey et al. (26) appellent à plus de vigilance face à
« l’épidémie invisible » (the invisible plague) de schizophrénie, mais également de trouble bipolaire dont l’incidence va croissant, sans que nous y prêtions attention. Il
cite à l’appui de ses dires les taux plus élevés retrouvés
dans les études épidémiologiques les plus récentes (ECA)
mais également les taux d’amission en augmentation significative rapportés par deux études anglaises et danoises.
Au terme de cette brève incursion dans le passé, on ne
peut manquer, pour le moins, d’être interpellé par
l’absence de déclin manifeste, compte tenu du faible taux
de nuptialité et de fécondité des schizophrènes.
Hypothèses
Hétérogénéité de la schizophrénie
Ces différences évolutives sont un argument supplémentaire en faveur de l’hétérogénéité de la maladie, et de
l’existence de formes « bénignes » (« schizophrénie de
bon pronostic ») et de formes « malignes » (« schizophrénie de mauvais pronostic »).
Il a ainsi été suggéré que la schizophrénie dans les pays
en voie de développement était une forme plus bénigne
de la maladie que dans les pays occidentaux.
TABLEAU X. — Prévalences hospitalières entre 1975 et 1995.
1975
1985
1995
Schizophrénie
Troubles de l’humeur
17,5 %
47,6 %
35,6 %
5,9 %
9,9 %
35,6 %
Progrès médicaux
Le développement s’accompagne de progrès médicaux qui aboutissent à réduire les taux globaux de mortalité et à augmenter l’espérance de vie. Dans notre pays,
il est passé, depuis 1956, de 25 à 6 pour mille, tandis que
27
S. Douki et al.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 21-9
l’espérance de vie gagnait près de 30 ans (47 à 73)
(tableau XI, figure 9).
TABLEAU XI. — Indicateurs sanitaires en Tunisie depuis 1956.
Indicateurs
Espérance de vie
Taux brut de mortalité
1956
2001
47
25
73
5,8
80
70
60
50
40
30
20
10
0
EV
TBM
1956
2001
FIG. 9. — Évolution des indicateurs sanitaires en Tunisie
depuis l’indépendance.
Il est permis de penser que les patients atteints de schizophrénie grave en ont également bénéficié.
Deux études issues du programme IPSS permettent
d’étayer cette hypothèse. La première, réalisée à Chandigarth (Inde), a étudié l’évolution de l’échantillon initial (171)
au terme de 15 années. Dans l’intervalle, 24 patients, soit
16 % de la cohorte, étaient décédés. De plus, l’étude a montré que les formes graves de schizophrénie avaient une
mortalité neuf fois supérieure aux autres : 42 % d’un sousgroupe de schizophrènes à évolution défavorable à deux
ans sont morts dans les années suivantes.
La seconde, réalisée par Leon en 1989 (16) rapporte
le suivi à 10 ans de 101 schizophrènes recrutés en
Colombie dans le cadre de l’IPSS. Deux décès seulement
avaient été enregistrés (2 %), ce qui a fait dire à Leff et al.
(15) que le site devrait être reclassifié semi-industrialisé !
Le second effet des progrès de la médecine est la
réduction drastique de la mortalité infantile (en Tunisie, de
200 à 23 pour mille !). Elle a certainement contribué à la
survie de sujets vulnérables au prix de leur exposition aux
« multiple hits » qu’incrimine Andreasen, précoces (complications obstétricales) ou tardifs (complexité de la vie
moderne, événements de vie).
Cette hypothèse est étayée par le fait que les complications obstétricales sont significativement associées à la
survenue ultérieure d‘une schizophrénie (28). Le risque
relatif de schizophrénie en cas de complications obstétricales est de 2,5 : 1 (6).
28
Pour Warner et De Girolamo (28), cette hypothèse
expliquerait également la sur-représentation des schizophrènes dans les couches défavorisées, dans certains
pays : « l’amélioration des soins néo-nataux au début de
la période d’industrialisation est susceptible d’être initialement accessible aux plus favorisés. Ce biais accentue
la tendance, pour les enfants ayant subi des complications
obstétricales, à survivre avec des lésions cérébrales pour
les plus nantis et à mourir pour les plus défavorisés. Ceci
élèverait le taux de schizophrénie dans les populations
défavorisées ».
Warner (29) incrimine également l’amélioration de la
nutrition lors du développement industriel. La première
génération de femmes mieux nourries aura souvent un
petit bassin et de gros fœtus, ce qui va accroître le nombre
d’accouchements difficiles et de lésions cérébrales dans
la nouvelle génération d’enfants.
Une série d’études menées auprès de sujets d’origine
afro-caraïbienne au Royaume-Uni a montré que le taux
de schizophrénie est plus élevé dans la deuxième génération. Ce résultat conforte les hypothèses précédentes :
– l’augmentation des complications obstétricales dues
aux modifications nutritionnelles maternelles ;
– la réduction de la mortalité due à l’amélioration des
soins péri-natals.
Enfin, des études ont établi que la schizophrénie est
plus fréquente en milieu urbain. Plusieurs facteurs d’environnement peuvent expliquer cette concentration urbaine
des schizophrénies, notamment les lésions cérébrales
liées aux infections virales plus répandues en ville. Rappelons que la Tunisie a connu une urbanisation rapide
dont le taux atteint aujourd’hui près de 70 %.
Progrès en psychiatrie
Il ne faut pas oublier enfin l’amélioration, à la faveur du
développement, de la couverture psychiatrique et l’incontestable bénéfice apporté par les neuroleptiques. Les formes graves, dites aujourd’hui résistantes, n’en semblent
que plus nombreuses. Si la chimiothérapie n’influe guère
sur le pronostic fonctionnel, il a été démontré qu’elle contribue à réduire la mortalité de ces patients.
En Tunisie, toutefois, les sujets souffrant de schizophrénie sont moins de 50 % à bénéficier de soins spécialisés. La première ligne de soins ne joue pratiquement
aucun rôle dans le dépistage ou le suivi de ces patients,
faute de formation adéquate.
Il est probable que tous ces facteurs aboutissent à une
sur-représentation des formes les plus graves dans les
sociétés développées ou en voie de l’être.
CONCLUSION
Tous les espoirs sont permis.
Au fil du temps, il semble que la prévalence des formes
graves augmente avec le développement d’un pays et
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 21-9
Schizophrénie et culture : réalités et perspectives à partir de l’expérience tunisienne
rende compte de la différence de pronostic, non pas entre
cultures différentes, mais entre niveaux de développement différents.
De nombreux facteurs liés au développement économique se conjuguent pour sélectionner les formes
« malignes » de la maladie. C’est dire en même temps que
ces facteurs sont des axes prometteurs de recherche qui
ouvrent la voie à une possible prévention.
La situation n’est donc pas sans espoir car les avancées
de la recherche comblent peu à peu le handicap pris au
regard de la maladie.
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29
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