1 Positionnement du problème : l`asynchronisme de contraction

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Positionnement du problème : l’asynchronisme de contraction entre les parois du
ventricule gauche entraîne un remodelage ventriculaire et une modification
structurelle de l’expression des protéines engagées dans la contraction et dans la
relaxation. Les conséquences hémodynamiques de cet asynchronisme sont un
chevauchement systole/diastole, une baisse de la contractilité avec la dilatation du
V.G., la baisse de la FEVG ainsi qu’une I.M. fonctionnelle. Ce phénomène est
réversible et la resynchronisation entraîne un remodelage inverse avec une réduction
des diamètres du V.G., une amélioration de la FEVG et une modification structurelle
qui consiste dans un enrichissement en protéines de la matrice extracellulaire.
Terminologie : CRT est l’abréviation de la dénomination anglaise, Cardiac
Resynchronisation Therapy. Un D y est associé, s’il y a une fonction défibrillateur, ou
un P, s’il s’agit d’une stimulation seule, soit pacing en anglais.
CRT-D : stimulation bi-ventriculaire pour resynchronisation avec défibrillateur.
CRT-P : stimulation bi-ventriculaire pour resynchronisation sans défibrillateur.
Historique des études concernant la resynchronisation :
Deux études, la première en Europe, MUSTIC en simple-aveugle, et l’autre aux USA
et au Canada ; MIRACLE en double-aveugle, ont montré le bénéfice de la stimulation
bi-ventriculaire dans l’amélioration des symptômes et de la réduction des
hospitalisations chez des patients en insuffisance cardiaque symptomatique avec un
asynchronisme, malgré un traitement médical optimum :
MUSTIC (publiée en 2001) : a rassemblé 67 patients en insuffisance
cardiaque sévère, stable sous traitement médical optimisé, en rythme sinusal.
Au terme de deux périodes de trois mois randomisées en aveugle, chez le
même patient, une avec stimulation d’un seul ventricule et l’autre avec
stimulation des deux ventricules, le mode biventriculaire s'est révélé supérieur
avec une amélioration de 23 % de la capacité fonctionnelle sur un test de 6
min. de marche.
MIRACLE (publiée en 2002) : a inclus 453 patients qui ont tous eu un
stimulateur bi-ventriculaire. Les patients ont été repartis en deux groupes. Un
groupe avec stimulateur en marche et l’autre groupe avec stimulateur arrêté.
Après observation de 6 mois, les patients du groupe stimulé ont montré une
amélioration fonctionnelle notable avec amélioration de la fonction cardiaque,
des symptômes et de la qualité de vie.
Après ces deux études qui ont prouvé que la stimulation bi-ventriculaire est efficace
sur les symptômes et le stade fonctionnel, CARE-HF publiée en 2005 (813 patients :
dont 409 avec stimulation bi-ventriculaire et 404 sous traitement médical) a apporté
la preuve définitive du bénéfice de la stimulation bi-ventriculaire en termes de morbi-
mortalité (et ceci sans défibrillateur), avec réduction de 36 % de la mortalité toutes
La resynchronisation
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causes confondues, ce qui a valu à la stimulation une recommandation de grade I
chez les patients en classe III ou IV de la NYHA malgré un traitement médical
optimal avec dysfonction V.G. et un asynchronisme ventriculaire exprimé par un
QRS>120 msec.
Faut-il associer un défibrillateur à la resynchronisation ?
Qu’elle est la place du défibrillateur dans le traitement de l’insuffisance cardiaque ?
D’abord, il y a eu l’étude SCD-HeFT (2521 patients, publiée en 2005) qui a prouvé
l’efficacité du défibrillateur dans la réduction de la mortalité chez ce type de patients
et cela en absence de toute stimulation ventriculaire. Cette étude a comparé trois
groupes randomisés entre défibrillateur, amiodarone et placebo. L’amiodarone n’a
pas fait mieux que le placebo, et seul le défibrillateur a montré une réduction de la
mortalité. Mais de nombreuses réserves ont été émises sur cette étude. Le bénéfice
est faible après un suivi de 5 ans et il a surtout été noté chez un profil de patients
particulier : plus jeunes, avec une moyenne d’âge de 60 ans, et moins
symptomatiques, en classe II de la NYHA.
Ainsi, le défibrillateur est efficace pour sauver des vies et la resynchronisation le fait
aussi, mais, en plus, elle améliore les symptômes. La question qui se pose est celle
de savoir s’il faut associer un DAI à la resynchronisation. L’étude COMPANION
(publiée en 2004) a tenté de répondre à cette question mais sans apporter une
réponse définitive. Elle a comparé chez des insuffisants cardiaques symptomatiques
malgré traitement en classe III ou IV de la NYHA avec QRS larges, le traitement
médical au stimulateur bi-ventriculaire, à un troisième groupe appareillé avec un
stimulateur bi-ventriculaire et un défibrillateur. C’est ce troisième groupe qui a montré
la réduction la plus importante de la mortalité (soit 36 %). Le groupe stimulation seule
a fait moins bien. Néanmoins cette étude ne résout pas le problème et ne répond pas
à la question car elle a été arrêtée après 14 mois : or, à partir du mois, les deux
courbes stimulateur et stimulateur + défibrillateur devenaient parallèles. La question
reste posée mais, comme l’a expliqué Jean-Claude Daubert, « chez la majorité des
patients, la stimulation multisites sans fonction défibrillateur semble un choix
éthiquement, économiquement et scientifiquement acceptable. Le bon sens devrait
faire réserver le défibrillateur avec stimulation bi-ventriculaire aux patients les plus
jeunes sans comorbidités, et aux préventions secondaires. Le défibrillateur permet
sans aucun doute de sauver quelques vies. Mais le bénéfice est d’une part tout à fait
modeste et d’autre part, il ne dure pas dans le temps. En terme de coût /efficacité, le
rapport est de 1 sur 4 soit environ 6000 Euros pour un stimulateur bi-ventriculaire et
20 000 Euros pour le stimulateur combiné au défibrillateur. Pour justifier ce surcoût, il
faudra vraiment apporter la preuve de la supériorité de l’association d’un
défibrillateur. » Plus important que l’argument économique est le risque non
négligeable de fractures de sonde, de chocs inappropriés et de pannes du boîtier.
Nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’études pour trancher cette question.
Donc, COMPANION aurait pu donner la réponse mais, elle a été arrêtée trop tôt pour
conclure et elle est statistiquement non significative. Il manque donc, pour répondre à
cette question, une grande étude qui devrait englober au moins 1600 patients sur 3
ans pour être significative. Actuellement en France, deux CRT D sont posés pour un
CRT P (registre CERTITUDE) alors qu’aux USA 9 CRT D pour un CRT P. Cette
indication doit être discutée au cas par cas.
Contre la CRT-P :
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Personnes âgées.
Insuffisance cardiaque à un stade très avance (stade IV) ou l’espérance de vie
courte ne justifie pas de DAI.
Pour la CRT-D :
Cardiopathie ischémique.
En pratique, il ne faut perdre de vue que si le DAI permet d’éviter une mort subite, la
majorité de ces patients (soit 60%) meurt d’une insuffisance cardiaque.
Il faut préférer une stimulation sans défibrillateur chez les personnes âgées, les
patients en stade IV, et peut-être dans les cardiopathies non ischémiques, alors que
le défibrillateur sera proposé au stade II et chez les sujets jeunes, surtout s’il s’agit
d’une cardiopathie ischémique. Les recommandations de l’ESC 2011 laisse la liberté
au médecin pour le choix entre CRT-D et CRT-P.
Indication de la resynchronisation : trois critères sont exigés pour proposer une
resynchronisation à un patient en insuffisance cardiaque.
Critères cliniques d’insuffisance cardiaque sévère: patient en classe III ou IV
de la NYHA malgré un traitement optimal en termes de classes
médicamenteuses et de doses. Les patients en classe IV doivent être
ambulatoires (sans hospitalisation précédent l’indication et sans support
inotrope) et avec une espérance de vie > 6 mois.
Critères de dysfonction V.G sévère soit une FEVG < 35 %. Les dernières
recommandations européennes 2010, n’exigent plus un DTD du V.G > 55
mm.
Critères d’asynchronisme : uniquement électrique défini par un QRS > 120
msec. Cette recommandation est critiquable car elle ne repose sur aucune
étude. Elle s’est appuyée sur les résultats de COMPANION et Care-HF qui ont
proposé la resynchronisation à des patients ayant un QRS > 120 msec mais
en pratique la moyenne du QRS des patients inclus dans l’étude a été de 160
msec.
Il s’agit d’une recommandation de classe I si le patient est en rythme sinusal.
Patient
Recommandation
NYHA en classe III/IV ambulatoire,
FEVG 35 %, QRS 120 msec,
RS, traitement médical optimal
classe I
Prévoir les bons répondeurs après resynchronisation : 30 % des patients ne
sont pas répondeurs, 13 % sont hyper répondeurs et récupèrent une F.E normale
après resynchronisation, alors que les autres améliorent leur fonction V.G mais sans
la normaliser. La resynchronisation donne les meilleurs résultats dans les situations
suivantes :
o En cas d’une CMD non ischémique à coronaires normales.
o En cas d’absence de fibrose ou de séquelle d’infarctus à l’IRM.
o Chez les femmes.
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o Les patients porteurs d’un BBG répondent mieux à la synchronisation que les
patients porteurs d’un BBD.
Les critères échographiques se sont en revanche révélés décevants pour prévoir les
bons répondeurs (Prospect study).
Situation particulière :
La F.A : en cas de FA, la resynchronisation peut être proposée mais à condition de
ralentir la fréquence cardiaque avec les médicaments ; si, malgré ces derniers, la FA
reste rapide, on peut discuter une ablation du nœud auriculoventriculaire. Le QRS
doit être > 130 msec, soit un peu plus large qu’en cas d’un rythme sinusal. Il s’agit
d’une recommandation de classe IIa.
Patient
Recommandation
NYHA en classe III/IV, FA,
FEVG 35 %, QRS 130 msec
Dépendance du stimulateur après
Ablation de la jonction AV
classe IIa
NYHA en classe III/IV, FA,
FEVG 35 %, QRS 130 msec
Fréquence ventriculaire lente et
Stimulation cardiaque > 95 %
classe IIa
QRS fin : même si dans 30 % des cas, il existe un asynchronisme échographique, il
ne s’agit pas, selon les recommandations, d’une indication à la resynchronisation car
les donnés sont discordantes, et il existe notamment une étude importante négative
(RETHINQ). Mais le père de la technique, Serge Cazeau, propose une approche
nouvelle dans le cas du QRS fin en remplaçant le concept de l’asynchronisme spatial
(asynchronisme entre les différentes parois du V.G) par l’asynchronisme temporel qui
situe la fin de la contraction de ces différents segments par rapport à la diastole.
Partant de ce concept, les critères d’asynchronisme intraventriculaire perdent leur
valeur au détriment d’indices plus simples, interventriculaires ou
auriculoventriculaires, comme l’a montré l’étude DESIRE. Dans cette étude les
critères d’asynchronisme utilisés sont :
Un temps du remplissage diastolique < à 40 % du cycle cardiaque.
Un délai pré-éjectionnel gauche < à 140 msec.
Une désynchronisation de la paroi latérale avec un pic de contraction de cette
paroi pendant la diastole.
Un asynchronisme interventriculaire > à 40 msec.
Insuffisance cardiaque modérée : les essais MIRACLE et CONTACT CD ont
montré un remodelage ventriculaire inverse avec une diminution des DTD et une
majoration de la FEVG en cas d’un stade II NYHA et l’essai REVERSE a montré un
Astuce : vérifier, par échographie ou IRM, que la paroi latérale n’est pas
akinétique car il serait absurde de stimuler une paroi incapable de se contracter.
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bénéfice clinique. Ces données ont été récemment confirmées par l'étude MADIT
CRT qui a inclus 1820 insuffisants cardiaques systoliques en classe I ou II de la
NYHA avec FEVG 30 % et des QRS larges 130 ms, ayant une cardiopathie
ischémique ou non. Cette étude prévue initialement pour 4.5 ans a été interrompue
prématurément suite à l’avantage net du groupe défibrillateur avec resynchronisation
par rapport au groupe défibrillateur simple (réduction nette de 34 % du critère
primaire englobant mortalité et insuffisance cardiaque. Mais il faut nuancer ce
résultat car cette réduction s’est faite essentiellement par le biais d’une diminution de
l’insuffisance cardiaque). Il est important de signaler qu’il s’agit de patients sévères
avec des QRS très larges et une FEVG effondrée. Toutefois, pour l’instant ce cas de
figure des insuffisances cardiaques en classe I n’est pas retenu par les
recommandations, mais la classe NYHA II est éligible à la stimulation depuis les
dernières recommandations 2010, à condition que la FEVG soit 35 %, le rythme
sinusal et le QRS > 150 ms (et non 120 msec). Il s’agit d’une recommandation de
classe I dans le but de ralentir la progression de la maladie. Cette nouvelle
recommandation vient d’être confortée par l’étude RAFT, publiée en novembre 2010,
qui a inclus 1798 patients en insuffisance cardiaque (81 % en classe NYHA II et 19
% en classe III), avec une FEVG 30 %, d’origine ischémique dans 65 % des cas. Ils
ont été randomisés pour recevoir, soit un défibrillateur implantable (DAI), soit un DAI
et une resynchronisation (CRT-D). Cette étude a montré que la resynchronisation
réduit le critère primaire, englobant la mortalité globale et les hospitalisations de 25
% au bout de 40 mois et réduit la mortalité globale de 25 % et les hospitalisations
pour insuffisance cardiaque de 32 %. L’analyse en sous-groupe a montré que le
bénéfice de la resynchronisation ne se voit que chez les patients ayant trois
caractéristiques : un QRS 150 msec, un rythme sinusal et un BBG. Ces données
sont concordantes avec une analyse post-hoc de MADIT-CRT non publié au moment
des recommandations de l’ESC, et qui rejoignent RAFT sur la réduction de la
mortalité et la valeur prédictive du BBG.
Patient
Recommandation
NYHA en classe II,
FEVG 35 %, QRS 150 msec,
RS, traitement médical optimal
classe I
La situation est différente s’il existe une indication conventionnelle de stimulation
pour un trouble de conduction auriculo-ventriculaire. Une stimulation
ventriculaire droite, isolée, peut créer un asynchronisme, car dans cette situation la
paroi latérale se contracte en dernier (DAVID et MOST ont montré que la stimulation
ventriculaire droite isolée peut être incriminée dans l’apparition d’une insuffisance
cardiaque, surtout quand il existe une dysfonction V.G).
Dans ce cas, les recommandations européennes 2010 propose la resynchronisation
chez un patient en stade NYHA III ou IV, ayant une FEVG < 35 %, et devant
bénéficier d’un stimulateur pour un trouble conductif, avec une recommandation de
niveau I si le QRS > 120 msec et niveau IIa si le QRS est fin. Les patients en classe
II ne sont pas éligible (niveau IIb).
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