FORMATION CONTINUE Insuffisance cardiaque Place des médicaments et de l’électricité ectricité Le traitement moderne de l'insuffisance cardiaque comprend l’association de plusieurs médicaments et, en fonction des indications, l’implantation d’une resynchronisation cardiaque, associée ou non à un défibrillateur cardiaque. Ces thérapies sont complémentaires et leurs effets bénéfiques en terme d’amélioration des symptômes, diminution de la morbidité et de la mortalité s’additionnent. Dr méd. David Senouf Genève n Suisse, plus de 150’000 personnes souffrent d’insuffisance cardiaque (IC) chronique. Jusqu’à 15% des sujets de plus de 80 ans en sont atteints et il s’agit de la première cause d’hospitalisation chez les personnes de plus de 65 ans. L’IC est la seule affection cardiovasculaire, avec la fibrillation auriculaire, dont l’incidence aux industrialisés. continue d’augmenter dans les pays occidentaux Deux phénomènes principaux expliquent cettee tendan tendance : le vieilérale de lissement de la population et l’amélioration générale des traitements enne. des cardiopathies menant à l’IC, telles que la maladie coronarienne. ulaire La prise en charge de l’IC à fraction d’éjection ventriculaire es non gauche (FEVG) diminuée associe un ensemble de mesures ), pharpharmacologiques (par exemple la réadaptation cardiaque), macologiques, et une resynchronisation électrique du cœur (éventuellement associée à un défibrillateur). Le but de cet article est de proposer un tour d’horizon de ces thérapies et de leurs indication indications. 2. des signes ignes cliniques d d’IC, tels que tachycardie, cardie tachypnée, râles monaires, turgescence jjugulaire, oedèmes me périphériques, hépulmonaires, omé patomégalie ; 3.. des évidences objectives d’une anomal anomalie structurelle ou fonctionnelle cardiaque, telles que cardiomégalie, car anomalies à l’échocardiographie, élévation du p peptide natriurétique. Lee diagnostic d’IC en soi n’est p pas suffisant, et un bilan étiologique doit être entrepris, car ce certaines causes peuvent être corriter un traitement traitemen spécifique. Les étiologies les plus gées ou nécessiter fr fréquentes sont : la maladie coronarienne (70% des cas d’IC), les atteint valvulaires (10%) 0%) ou les cardiomyopathies (10%). La prise atteintes en charge ccomprend : fac systémiques aggravants (troubles thyl la correction des facteurs iens, diabète, infection), roïdiens, ficatio cations du style de vie (arrêt du tabac, diminution de l les modifi mma la consommation d’alcool, restriction des apports en sel, perte Définition de poids si IMC >30 kg/m 2), Selon les dernières directives de la sociétéé européenne de cardiolo- l ll’éviction de certains médicaments potentiellement délétères suivant : (a gie (1), la définition actuelle de l’IC est la suivante (anti-inflammatoires non stéroïdiens, bloquants des canaux calcciques, glitazones), un syndrome clinique dans lequel les patients présen présentent chacune des trois caractéristiques : l lla vaccination contre le pneumocoque et la grippe, els que dyspnéee de repos ou à l’ef- l un traitement médicamenteux et, chez des patients sélectionnés, 1. des symptômes typiques IC, tels l’implantation d’un pacemaker de resynchronisation cardiaque fort, fatigue, oedèmes des membres inférieurs ; (éventuellement associé à un défibrillateur) dont le but est d’une part d’améliorer les symptômes et d’autre Dosages des médicaments les plus fréquents da dans l'insuffisance part de prolonger la survie. E TAB. 1 IEC* Sartans RM** ARM** cardiaque Dose se initiale (mg) Dos Dose cible (mg) Traitement pharmacologique Captopril ois par jour) 6,25 (3 fois 5 50–100 (3 fois par jour) Enalapril 2,5 (2 fois par jour) 10–20 (2 fois par jour) Lisin Lisinopril 2,5 à 5 (1 fois par jour) ur) 20–35 (1 fois par jour) R Ramipril 2,5 (1 fois par jo jour) 5 (2 fois par jour) Ca Candesartan 4 à 8 (1 fois par jo jour) 32 (1 fois par jour) Valsa Valsartan 40 (2 fois par jo jour) 160 (2 fois par jour) Eplerenone 25 (1 fois par jour) 50 (1 fois par jour) Le traitement pharmacologique de l’IC, autrefois limité aux diurétiques et à la digoxine a largement évolué, sur la base de nombreuses études cliniques (1), avec l’addition des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), des bêta-bloquants, des antagonistes du récepteur aux minéralocorticoïdes et des bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine II (ARA ou sartans). Le tableau 1 récapitule ces différentes molécules et leur posologie. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). En l’absence de contre-indication ou d’intolérance, un IEC devrait être introduit chez tous les patients avec une IC et une FEVG diminuée. Un traitement d’IEC améliore la fonction cardiaque, diminue les symptômes et le nombre d’hospitalisations pour IC décom- Spironolactone 25 (1 fois par jour) prolol Bisoprolol êta-b Bêta-bloquants 10 (1 fois par jour) Carvedilol 3,12 3,125 (2 fois par jour) 25–50 (2 fois par jour) Metoprolol 12 12,5 à 25 (1 fois par jour) 200 (1 fois par jour) Nebivolol 1,25 (1 fois par jour) iteur de l’enzyme de conversion * Inhibiteur stes du récepteu ** Antagonistes récepteurs aux minéralocorticoïdes 6 25–50 (1 fois par jour) 1,25 (1 fois par jour) 10 (1 fois par jour) 02 _ 2012 _ info@gériatrie FORMATION CONTINUE pensée et augmente la survie (réduction relative du risque jusqu’à et diminue le nombre d’hospitalisations, sans effet bénéfique qu sur ient être compris entre 00,6 27% selon les études). Les contre-indications sont un antécédent la mortalité. Les taux sériques devraient azem, certains antibiotiques d’angioedème, une sténose bilatérale des artères rénales, un potas- et 1,2 ng/ml (l’amiodarone, le diltiazem, nter la digoxinémie). e). Il faut prêter attention aux sium sérique >5,0 mmol/l, une insuffisance rénale avec une créati- peuvent augmenter ables pote nes de surdosage (majorés par nine sérique >220 μmol/l, une sténose aortique sévère. La fonction effets indésirables potentiels et signes mie) tels que blocs de conduction, arythmies atriales rénale et les électrolytes doivent être surveillés régulièrement. Les l’hypokaliémie), aires, confusion, nausées, n , troubles de la vision des couIEC indiqués dans l’IC sont présentés ci-dessous, leur posologie et ventriculaires, hopsie). doit être débutée à faible dose et majorée progressivement, jusqu’à leurs (xanthopsie). ine est une molécule mol ant sur le noeud sinusal et la dose cible en fonction de la tolérance. En cas de toux sèche, on L’ivabradine agissant les remplace par un sartan. permettant une diminution de la fréquence cardiaque, sans aautre ire apparent. Dans D Bêta-bloquants. Un bêta-bloquant devrait être introduit, autant effet cardiovasculaire l’essai clinique randomisé atients en stade NYHA NYH II-IV l’ont reçue en plus que possible, chez tous les patients avec une IC et une FEVG dimi- SHIFT (3), des patients ptimal avec comme résultat principa nuée, avec les même effets bénéfiques que les IEC. Trois études cli- d’un traitement optimal principal une dimiions. Cette molécu niques majeures, totalisant plus de 9000 patients ont montré une nution du nombre d’hospitalisations. molécule doit donc dérée ch emeurant sy réduction de la mortalité (diminution du risque relatif de 34%) et être considérée chez des patients demeurant symptomatiques du nombre d’hospitalisations pour IC décompensée dans l’année suivant l’introduction du traitement (diminution du risque relatif entre 26% et 38%). Comme pour les IEC, FIG. 1 Algorithme rithme de prise en charge de l'IC* les bêta-bloquants doivent être débutés à faible dose, puis majorés progressivement jusqu’à la dose cible. Chaque diurétiques ques pour soulager les symptômes/des signes de congestion e, en l’abl deux à quatre semaines, la dose peut être doublée, ations so sence d’aggravation clinique. Les contre-indications sont IEC (ou ARB non tolérés) l’asthme – la bronchite chronique obstructive ne l’est p pas AJOUTER TER un bêta-bloquant bêta-bloq – et un bloc de conduction atrio-ventriculaire de haut degré. encore en classe se NY NYHA II-IV ? non Antagonistes du récepteur aux minéralocorticoïdes (ARM). Les directives internationales ont jusqu’à préoui sent recommandé l’utilisation de la spironolactone AJOUTER un ARM AJOUT ou de l'éplérénone chez les patients présentant une IC NYHA) sévère, de stade New York Heart Association (NYHA) non encore ore e en classe NYHA II-IV ? III-IV et une FEVG ≤35%. Une étude cliniquee randomiade NYHA II, sée récente (2) a enrôlé des patients en stade oui systoliq qui avec une dysfonction ventriculaire gauchee systolique, non FEVG ≤35% ? acebo. Le ont reçu de l’éplérénone versus un placebo. Les auteurs décè et rapportent une nette diminution du taux de décès oui p d’hospitalisations par rapport au placebo. On peut donc u récep recommander les antagonistes du récepteur auxx minéraRythme sinusal et FC ≥70 bpm ? ients sym locorticoïdes pour tous les patients symptomatiques (dès non oui la classe NYHA II) avec unee FEVG ≤35%. De nom nombreux cliniciens recommandent d’utiliser la spironolac spironolactone en AJOUTER l'ivabradine première intention et de laa remplacer par l’éplérénone en ue gynécomastie ou mastocas d’effets indésirables tels que non encore en classe NYHA II-IV et FEVG ≤35% ? yp dynie. Le risque d’hyperkaliémie est faible et identique pour ces deux molécules. La fo fonction rénale et les élecoui nt être contrôlés 1 et 4 semainess après l’in trolytes doivent l’insQRS ≥120 ms mo tauration du traitement, puis à 1, 2, 3 et cchaque 6 mois. es récepteurs de l’angiotensin Bloqueurs des l’angiotensine II (ARA non oui ls sont recommandés en cas d’int ou sartans). Ils d’intolérance EC. Ils peuvent être introduits en combinaison combin aux IEC. chez considérer CRT-P/CRT-D considérer défibrillateur sy les patients qui restent symptomatiques malgré un traiment par IEC et bêta-bloqueur. bêta-bloqu tement A relever que la triple encore en classe NYHA II-IV ? hibition du système rénine-angiotensine-aldostérone rénine-ang inhibition par IEC, ARA et ARM n’est pas reco recommandée en raison poursuite du traitement non oui des risques d’hyperkaliémie. considérer la digoxine et Che les patients IC en fibrillation auriculaire, Digoxine. Chez en phase terminale les ellee peut être utili utilisée pour contrôlée la fréquence carassistances ventriculaires a diaque, conjointement avec un bêta-bloquant. Chez les ou la transplantation ythme sinusal, sinusa elle améliore les symptômes patients en rythme info@gériatrie _ 02 _ 2012 7 FORMATION CONTINUE malgré le traitement précité, en rythme sinusal à une fréquence ≥70 bpm et dont la FEVG est ≤35%. Diurétiques. Ils améliorent les symptômes de congestion pulmonaire et les oedèmes périphériques. Ils devraient toujours être utilisés en association avec un IEC, car ils activent le système rénine-angiotensine-aldostérone. Leur posologie doit être ajustée en fonction de la réponse clinique (ne pas hésiter à en diminuer le dosage, voire les interrompre en l’absence de signes de surcharge). Un thiazide peut être utile en supplément du diurétique de l’anse en cas d’oedèmes réfractaires. Molécules en cours d’investigation. L’aliskiren est un inhibiteur direct de la rénine. Jusqu’à présent, il a montré un effet neuro-hormonal positif dans l’insuffisance cardiaque (diminution du NT-proBNP), mais les évidences d’un bénéfice clinique manquent encore pour justifier sa prescription dans cette indication. D’autres études sont en cours. Défibrillateurs cardiaques implantables et resynchronisation cardiaque Ces appareils ont révolutionné le traitement des patients avec une derne standard de IC chronique et font partie du traitement moderne l’IC. La figure 1 propose un algorithme de prisee en cha charge de l’IC à dysfonction systolique associant médicamentss et thér thérapies « électriques ». 1. Resynchronisation cardiaque La resynchronisation cardiaque est basée sur la constatation on qu’il existe fréquemment des anomalies de la conduction électrique chez les patients insuffisants cardiaques (notamment un bloc de branche gauche). Ceci crée un asynchronisme mécanique à di diflaire et inter-ventriférents niveaux (inter-atrial, atrio-ventriculaire fficace. En plaçant une culaire), et donc une contraction moins effi ia le sinus coronaire (ainsonde au niveau du ventricule gauche via eillette), o si que dans le ventricule droit et l’oreillette), on peut ainsi exeras cer une stimulation bi-ventriculaire et corriger cet asynchronisme. tion d’une resynchroniresy Les indications actuelles à l’implantation sieurs études ayant sation cardiaque (CRT-P) sont basées sur plusieurs montré un bénéfice en terme : tômes et de la qualité d de vie, l d’amélioration des symptômes orbidité et du nombre d’hospitalisations d’ ons l de diminution de la morbidité ortalité. l de diminution de la mortalité. Un peu plus de dix ans après son introduction clinique, la resynre q est un dess traitements les plus eefficaces chronisation cardiaque avec les IEC, less bêta-bloquan bêta-bloquants et les antagonistes du récepteur corticoïdes. aux minéralocorticoïdes. a-analyse parue dans le JA Une méta-analyse JAMA en 2007 montre une d’hos diminution de 27% du risque relatif d’hospitalisation pour IC nsée chez les patients appareillés avec une u resynchronisadécompensée tion. L’étude CARE-HF, publiée en 2005, a pe permis l’envol de cette érapie, puisque les aut thérapie, auteurs ont montré une diminution de 36% u risque de décès (persistant (persistan trois ans post-implantation) chez du es patients implantés avec un CRT-P, CR des avec une FEVG <35%, en classe NYHA III et IV et présentant une largeur de QRS >120 ms. Les études suivantes (REVERSE, MADIT-CRT, RAFT) se sont intéressés aux patients moins sévèrement atteints (NYHA II), et éviden une diminution substantielle de la morbidiontt mis en évidence su té et dee la mortalité, surtout chez les patients avec une durée du s QRS >150 ms. info@gériatrie _ 02 _ 2012 La stratégie actuelle est donc de proposer oser une resynchro resynchronisation cardiaque plus tôt dans le cours de la maladie, déjà chez d des patients peu symptomatiques. On peut résumer ainsi les critères d’implantation : n classe NYHA NY III et IV V avec FEVG ≤35%, QRS ≥120 l patients en mor branch gauche (BBG); ms avec morphologie de bloc de branche EVG ≤30%, QRS ≥130 ms avec l patients en classe NYHA II avec FEVG ogie de BBG. B morphologie mplanter une resynchronisation res ation seule ou associée à un Le choix d’implanter st toujours dé défibrillateur est débattu dans la littérature, et doit être ient (et sa fam discuté avec le patient famille). Le défibrillateur permet un aire en terme de rédu gain supplémentaire réduction de la mort subite. Même au sein d’une population gériatrique, si les patients ont une année avec une bonne capaune espérance de vie de plus d’une onnelle, il ne faut pas hésiter er à proposer l’implantation cité fonctionnelle, esynchronisation cardiaque (si l’indication dicatio est bien posée), d’une resynchronisation im me de symptôme et de comptee tenu du bénéfice immédiat en terme qualitéé de vie. 2. Défibrillateurs implantables Les premiers défibrillateurs ont été im implantés de manière presque expérimentale au 1980 chez des patients pat à très haut risque de mort secondaire et font maintenant partie de la subite, en prévention secondaire, prise en chargee standard de to tout patient avec une FEVG sévèrem iminuen le risque de mort subite et d’arythmie ment diminuée. Ils diminuent danger dangereuse, mais n’ont pas d’effet sur sur la structure et la fonction cardiaque. IIls sont indiqués, iq en prévention de la mort subite, chez us les patients avec une u FEVG sévèrement diminuée, sous réserve tous v raisonnable. Resynchronisation cardiaque et d’une espérance de vie ur peuvent peuv être associés (ou non) dans le même appareil. défibrillateur D méd. David Dr d Senouf Cardiologue FMH Car Rue Charles-Galland 15, 1206 Genève [email protected] dr.se Dr méd. Philippe Meyer S Service de Cardiologie Département des spécialités de médecine, Hôpitaux Universitaires Genève Rue Gabrielle Perret-Gentil 4, 1211 Genève 14 Message à retenir ◆ Le traitement médicamenteux de l’IC associe IEC (sartans en cas d’intolérance), bêta-bloquants, antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes, leurs posologie doit être majorée progressivement jusqu’à la dose cible. ◆ Les diurétiques améliorent les symptômes de congestion mais n’offrent pas de bénéfice en terme de diminution de mortalité (à la différence des molécules ci-dessus). ◆ La resynchronisation cardiaque doit être proposée (en complément du traitement médicamenteux) à tous les patients avec une FEVG 35% et un QRS large, au vu des effets bénéfiques cliniques immédiats et à long terme qu’elle apporte. ◆ La resynchronisation peut être associée à un défibrillateur, permettant une diminution supplémentaire du risque de mort subite, chez des patients avec une espérance de vie raisonnable. 9