Quelques résultats sur l`arithmétique des groupes algébriques (n

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Quelques résultats sur l’arithmétique des
groupes algébriques (n’utilisant pas la théorie
des immeubles)
David Harari
GT Introduction à la théorie de Bruhat-Tits, 28 novembre 2014
1.
1.1.
Généralités
Topologie sur les K-points d’une variété pour K
local
Soit K un corps p-adique (i.e. une extension finie de Qp ). Soit X une
K-variété (=K-schéma séparé de type fini). La topologie de K induit (cf. [8],
§3.1) une topologie (dite p-adique, ou v-adique si v est la valuation de K)
sur l’ensemble X(K) des K-points de X, qui en fait un espace localement
compact, totalement discontinu, et dénombrable à l’infini. Si par exemple
X ֒→ PnK est projective, l’espace X(K) est compact ; pour X ⊂ AnK affine,
la topologie sur X(K) est simplement celle induite par K n .
Pour X lisse et U ouvert de Zariski dense (pour la topologie de Zariski)
de X, l’ensemble U(K) est dense dans X(K) pour la topologie p-adique :
c’est une conséquence du théorème des fonctions implicites p-adique ([14],
Part II, §III.10). Ceci s’applique en particulier à tout K-groupe algébrique
affine G, qui est le cas qui va nous intéresser dans cet exposé.
Pour K = R ou C, les mêmes constructions s’appliquent, et donnent une
structure d’espace (resp. groupe) localement compact dénombrable à l’infini
sur X(K) (resp. G(K)), ainsi que la même propriété de densité de U(K)
dans X(K) pour la topologie réelle ou complexe.
1.2.
Topologie faible, topologie adélique
Soit k un corps de nombres dont on note Ω l’ensemble de toutes les places
et kv le complété en la place v. Pour toute place finie v, on note Ov l’anneau
1
des entiers de kv (on convient que Ov = kv si v est archimédienne). Pour une
k-variété X, on pose
Y
X(kΩ ) :=
X(kv )
v∈Ω
et on munit cet ensemble de la topologie, dite faible, produit des topologies
v-adiques. On note X(k) l’adhérence de l’ensemble X(k) des k-points de X
dans X(kΩ ) pour cette topologie. Ainsi une famille (xv ) de X(kΩ ) appartient
à X(k) ssi pour tout ensemble fini S de places de k, il existe x ∈ X(k)
arbitrairement proche des xv pour v dans S.
Définition 1.1 On dit qu’une k-variété lisse X (avec de plus X(k) 6= ∅)
vérifie l’approximation faible (AF en abrégé) si X(k) = X(kΩ ).
Par exemple, l’espace affine Ank ou projectif Pnk vérifient AF, conséquence
du théorème d’approximation faible sur les valuations ([2], exposé II, p.
48). C’est aussi plus généralement le cas de toute variété k-rationnelle lisse,
comme par exemple SLn , car la propriété d’AF est un invariant k-birationnel
des variétés intègres lisses (i.e. elle ne dépend que de leur corps des fonctions),
conséquence encore du théorème des fonctions implicites.
Nous allons maintenant définir une notion plus fine, en commençant par
le cas où X est affine, munie d’une immersion fermée X ֒→ Ark . L’espace
adélique X(Ak ) := X(kΩ ) ∩ Ark peut alors être muni de la topologie induite
par celle de Ark , où Ak désigne le groupe topologique des adèles (cf. [2], exposé
II, §14) de k. Cette topologie adélique sur X(Ak ) peut aussi être définie, pour
toute k-variété X, de la manière suivante : soit X → Spec (OS ) un modèle
de X (i.e. un morphisme fidèlement plat de fibre générique X), où S est un
ensemble fini de places de k et OS désigne l’anneau des S-entiers (=éléments
de k de valuation ≥ 0 en les places finies hors de S). On voit alors X(Ak )
comme le produit restreint topologique des X(kv ), v ∈ Ω, relativement aux
X (Ov ), v 6∈ S (il n’est pas difficile de voir que cette définition ne dépend pas
du choix du modèle).
Quand X n’est pas propre, cette topologie “forte” sur X(Ak ) est plus fine
que celle induite par X(kΩ ). Par exemple pour X = A1k , on a X(Ak ) = Ak
avec la topologie habituelle sur les adèles, tandis que pour X = Gm , on
obtient X(Ak ) = Ik (idèles de k, cf. [2], exposé II, §16) ; on voit au passage
que la topologie adélique n’est pas compatible avec la restriction à un ouvert
(elle l’est avec la restriction à un sous-schéma fermé).
Tout ce qui précède s’applique notamment à un k-groupe algébrique affine
G.
2
Définition 1.2 Soit S un ensemble fini de places de k. Notons X(AS ) le
produit restreint des X(kv ) pour v 6∈ S (espace des S-adèles). On dit que X
vérifie l’approximation forte en dehors de S si X(k) est dense dans X(AS )
pour la topologie adélique.
De façon explicite, cela signifie que pour tout ensemble fini S ′ de places
disjoint de S, et toute famille (xv )v∈S ′ , il existe x ∈ X(k) proche des xv pour
v dans S ′ , et de plus entier en dehors de S ′ ∪ S.
Par exemple si v0 est une place fixée de k, l’espace affine Ark vérifie l’approximation forte en dehors de v0 , conséquence du classique théorème d’approximation forte en théorie des nombres ([2], exposé II, §15). Cette notion
n’est pas du tout k-birationnelle même pour les variétés lisses (à moins de se
restreindre aux variété propres, auquel cas il n’y a pas de différence avec l’approximation faible) : par exemple Gm ne vérifie jamais l’approximation forte
quel que soit l’ensemble fini S. En fait une condition nécessaire pour avoir
cette propriété est que la variété soit géométriquement simplement connexe
(l’argument, dû à Minchev, est le même que dans [5], Th. 2.4.5).
2.
Anisotropie et compacité dans le cas local
Rappelons d’abord la définition suivante :
Définition 2.1 Soit G un groupe algébrique linéaire (réductif connexe) sur
un corps k. On dit que G est k-anisotrope si son k-rang (i.e. la dimension des
tores k-déployés maximaux de G) est 0. Dans le cas contraire, on dit que G
est k-isotrope.
Rappelons que les tores k-déployés maximaux de G sont conjugués, ce
qui justifie la définition du k-rang. Par ailleurs, un k-tore T est anisotrope si
et seulement si H 0 (k, Tb) = 0, où Tb désigne le module galoisien des caractères
de T . C’est par exemple le cas pour le tore R1k′/k Gm , défini par l’équation
√
x2 − ay 2 = 1, où k ′ := k( a) est une extension de degré 2 d’un corps k de
caractéristique 6= 2. En effet son module des caractères est Z muni de l’action
non triviale de Gal (k ′ /k). Un exemple de groupe semi-simple anisotrope est
donné par SO(q), où q est une forme quadratique anisotrope de rang au moins
3.
Sur un corps local, anisotropie et compacité sont étroitement liées comme
le montre le théorème suivant :
Theorème 2.2 (Bruhat/Tits, Rousseau) Soit K un corps p-adique et
soit G un groupe connexe réductif sur K. Alors G(K) est compact si et
seulement si G est K-anisotrope.
3
Par exemple, pour un tore T , on obtient que T (K) est compact si et
seulement si H 0(K, Tb) = 0.
Remarques : -Le théorème est également valable sur R (et sur C, mais
dans ce cas l’énoncé est vide). Il s’étend aussi à des corps valués plus généraux
que les corps p-adiques, [10].
-On a aussi une version plus générale pour un espace homogène G/H, où
G est un groupe linéaire (pas forcément connexe ni réductif), [8], Th. 3.1.
Démonstration : (d’après G. Prasad). On se ramène immédiatement à
un sous-groupe algébrique G de SL(V ), où V est un K-ev de dimension finie.
On fixe une clôture algébrique K de K, ce qui permet de regarder les valeurs
propres dans K des éléments de G, et leur valuation dans Q ∪ {+∞} (la
complétude de K implique que sa valuation s’étend de manière unique en
une valuation sur K, laquelle n’est juste plus à valeurs dans Z ∪ {+∞}).
Lemme 2.3 Soit H un sous-groupe Zariski-dense de G(K). On suppose que
H est non borné. Alors il existe un élément h de H tel que h ait une valeur
propre α ∈ K de valuation < 0.
Démonstration :
On peut trouver sur K un drapeau G-invariant de
sous-espaces de V , soit
V = V0 ⊃ V1 ⊂ ... ⊃ Vr+1 = {0}
tel que pour tout i ∈ 0, 1, ..., r, la représentation ρi de G sur Wi := Vi /Vi+1
soit absolument irréductible
(i.e. irréductible
sur K). Considérons alors la
M
M
représentation ρ =
ρi de G sur
Wi , laquelle est définie sur une extension finie galoisienne L de K. Comme son noyau est un sous-groupe algébrique
normal et unipotent (par construction) de G, il est trivial vu que G est
supposé connexe réductif. Alors ρ(H) ≃ H est non borné, d’où un entier
a ∈ 0, 1, ..., r avec ρa (H) non borné.
Raisonnons alors par l’absurde en supposant que toutes les valeurs propres
des éléments de H sont de valuation ≥ 0, i.e. dans l’anneau des entiers OK .
Alors la trace tr ρa a une restriction à H qui reste dans OK . D’autre part, le
fait que ρa soit irréductible et H Zariski-dense donne que ρa (H) engendre le
K-ev End(Wa ). La non dégénérescence de la trace implique alors que ρa (H)
est bornée (cf. [15], Lemme 2.2), contradiction.
4
On peut maintenant démontrer le théorème 2.2. Si G est isotrope, alors il
contient un Gm , donc n’est pas borné puisque G(K) contient K ∗ . A fortiori
G(K) ne peut pas être compact.
En sens inverse supposons G(K) non compact, donc non borné puisque
G(K) est localement compact. On applique alors le lemme à G(K), qui
est Zariski-dense (fonctions implicites). On obtient un élément g ∈ G(K)
possédant une valeur propre α ∈ K avec v(α) < 0. Quitte à écrire g = u.s
avec u unipotent et s semi-simple, on peut supposer g semi-simple. Il appartient alors à un tore maximal S, d’où un caractère χ ∈ HomL (G, Gm ), défini
sur une extension finie galoisienne L de K, avec χ(g) = α. Posons alors
Y
χK :=
γ.χ,
γ∈Gal (L/K)
on observe que χK ∈ HomK (G, Gm ) et v(χK (g)) = [L : K].v(α) 6= 0 car
un élément de K a même valuation que ses conjugués ([12], chapitre II, §2,
b 6= 0,
corollaire 3). Finalement on a bien trouvé un tore S de G avec H 0 (K, S)
ce qui prouve que G est K-isotrope.
3.
L’approximation faible
Soit G un groupe algébrique linéaire connexe, qu’on supposera toujours
réductif, les groupes unipotents vérifiant de manière évidente l’approximation
faible vu qu’ils sont k-isomorphes à un espace affine en tant que variété. Bien
que, comme on va le voir, G ne vérifie pas toujours l’approximation faible,
il n’en est en un certain sens pas loin, et le défaut d’approximation faible
disparaı̂t quand G est semi-simple simplement connexe (ou encore adjoint). Il
existe diverses approches de ce dernier résultat, dû à Kneser pour les groupes
classiques ou sans facteur de type E8 , et à Harder pour E8 . La preuve de
Platonov ([8], Th. 7.8) repose fortement sur sa démonstration de la conjecture
de Kneser-Tits dans le cas d’un corps p-adique (qui dit que pour G réductif
isotrope sur un tel corps K, le groupe G(K) est engendré par les éléments
unipotents), et de ce fait elle n’échappe pas à une discussion cas par cas
reposant sur la classification des groupes semi-simples simplement connexes.
Une fois connu le résultat pour les groupes semi-simples simplement connexes,
Sansuc ([11], Th. 3.3) a calculé le défaut d’approximation faible pour un
groupe linéaire connexe quelconque par des méthodes cohomologiques. Nous
allons ici utiliser ces méthodes pour traiter d’abord le cas des tores (qui
remonte, avec une autre présentation, à Voskresenskiı̆). On expliquera ensuite
5
brièvement comment on peut en déduire le théorème général de Sansuc sans
utiliser le cas des groupes simplement connexes.
3.1.
Rappels de cohomologie galoisienne
Soit k un corps de caractéristique zéro, de groupe de Galois absolu Γk :=
Gal (k̄/k). Soit M un Γk -module, i.e. un groupe abélien muni d’une action
continue (=dont les stabilisateurs sont des ouverts du groupe profini Γk ) de
Γk . On peut alors définir les groupes de cohomologie H i (k, M) := H i (Γk , M)
pour i ≥ 0. Par exemple H 0 (k, M) est le groupe M Γk des invariants sous Γk ,
et si l’action est triviale le groupe H 1(k, M) est le groupe des morphismes
continus de Γk dans M.
Ceci s’applique en particulier à tout k-groupe algébrique commutatif G,
en posant H i (k, G) := H i (Γk , G(k̄)). Les groupes H i (k, G) sont alors covariants en k et en G. On a aussi les propriétés usuelles de la cohomologie,
comme la suite exacte longue associée à une suite exacte courte de k-groupes,
le fait que le groupe H i (Gal (k ′ /k), G(k ′ )) soit annulé par [k ′ : k] pour toute
extension finie galoisienne k ′ de k (argument de “restriction-corestriction”)
et tout i ≥ 1, et enfin (“suite de restriction-inflation”) l’identification de
H 1 (Gal (k ′ /k), G(k ′)) avec le noyau de la restriction H 1 (k, G) → H 1 (k ′ , G).
On pourra consulter [12], chapitre X pour plus de détails.
Rappelons maintenant quelques résultats fondamentaux, le premier sur
un corps quelconque, les deux suivants respectivement sur un corps local et
un corps de nombres.
Theorème 3.1 (Hilbert 90) On a H 1 (k, Gm ) = 0, et plus généralement
on a H 1(k, Rk′ /k Gm ) = 0 pour toute extension finie k ′ de k.
Rappelons que Rk′/k Gm désigne ici la restriction de Weil du groupe multiplicatif Gm . On dira qu’un tore est quasi-trivial (ou quasi-déployé) s’il est
isomorphe à un produit de tels tores. Cela revient à dire que son module
des caractères est un Γk -module de permutation. Un tel tore est k-rationnel
(car isomorphe à un ouvert de Zariski de l’espace affine), donc vérifie en
particulier l’approximation faible.
Theorème 3.2 (Dualité de Tate locale) Soit K un corps p-adique. On
considère un ΓK -module fini ou un K-tore M, de module des caractères
c = Hom (M, Gm ). On a un accouplement parfait
(=dual de Cartier de M) M
K
de groupes finis
c → Q/Z
h, iK : H 1 (K, M) × H 1 (K, M)
6
c Les
et aussi un accouplement non dégénéré entre H 0 (K, M) et H 2 (K, M).
mêmes résultats valent pour K = R ou K = C (ce dernier cas étant trivial),
b 0 (K, M), quotient
à condition de remplacer H 0 (K, M) par le groupe modifié H
de H 0 (K, M) par les normes.
Pour une preuve, voir par exemple [6], Cor. II.2.3.
Theorème 3.3 (“morceau” de Poitou-Tate) Soit k un corps de nombres et soit M un Γk -module fini. Soit S un ensemble fini de places de k, on
définit
Y
c := ker [H 1 (k, M
c) →
c)]
X 1S (M)
H 1 (kv , M
v6∈S
et on note AD = Hom(A, Q/Z) le dual d’un groupe abélien A. Alors le groupe
c) est fini et on a une suite exacte
X 1S (M
Y
θ
c)D
H 1 (k, M) →
H 1 (kv , M) → X 1S (M
v∈S
où l’application θ est définie par
θ((mv ))(m̂) =
X
v∈S
pour toute famille (mv ) ∈
Y
v∈S
hmv , m
b v ikv
c) (dont on note
H 1 (kv , M) et tout m̂ ∈ X 1S (M
c
m̂v la restriction à H 1 (kv , M)).
Cet énoncé se déduit facilement de la suite exacte de Poitou-Tate ([6],
Th. I.4.10), combinée à la dualité locale de Tate.
3.2.
Le cas des tores
Soit G un groupe algébrique connexe sur un corps
Y de nombres k ; on
appelle défaut d’approximation faible le quotient de
G(kv ) par l’adhérence
v∈Ω
de G(k).
Theorème 3.4 (Voskresenskiı̆/Sansuc) Soit T un k-tore. Alors :
S
a)Y
Soit S un ensemble fini de places de k. Soit T (k) l’adhérence de T (k)
dans
T (kv ). On a une suite exacte
v∈S
S
0 → T (k) →
Y
v∈S
θ
T (kv ) → X 2S (Tb)D
7
où le groupe X 2S (Tb) et l’application θ sont définis de manière similaire à
ceux du théorème 3.3.
b) La réunion pour S fini des X 2S (Tb)D est finie.
c) Le défaut d’approximation faible est fini pour T , et il existe un ensemble
fini
Y S0 ⊂ Ω, tel que pour S fini avec S ∩ S0 , l’ensemble T (k) est dense dans
T (kv ) (“approximation faible en dehors de S0 ”).
v∈S
Démonstration :
a) D’après le lemme d’Ono ([7], Th. 1.5.1. ; c’est la
traduction en termes de tores du théorème d’Artin sur les caractères induits
à partir de sous-groupes cycliques), on peut supposer, quitte à remplacer T
par T m × R avec m ≥ 1 et R tore quasi-trivial, qu’il existe une suite exacte
0 → M → R → T → 0,
où R est un k-tore quasi-trivial et M un Γk -module fini. On a alors un
diagramme commutatif à lignes exactes
R(k) −−−→ T (k) −−−→ H 1(k, M) −−−→ 0






uy
y
y
Y
Y
Y
R(kv ) −−−→
T (kv ) −−−→
H 1 (kv , M) −−−→ 0
v∈S
v∈S
v∈S


y
i
X 2S (Tb)D −−−→


y
c)D .
X 1S (M
Les zéros à droite proviennent de Hilbert 90. Par ailleurs la dernière colonne
est exacte d’après le théorème 3.3. La flèche i est injective via le fait que
b = 0, ce dernier point résultant de ce que X 2 (Z) = X 1 (Q/Z), qui
X 2S (R)
S
S
est nul d’après Cebotarev. Enfin l’injection diagonale u est d’image dense
car le tore quasi-trivial R est k-rationnel. On conclut avec une chasse au
diagramme.
b implique que X 2S (Tb) est un quotient de X 1S (M
c).
b) La nullité de X 2S (R)
′
c soit triviale. Alors
Soit k une extension finie de k tel que l’action de Γk′ sur M
′
1 c
comme X S ′ (M) = 0 pour tout ensemble fini S de places de k ′ (toujours
c) sont des sous-groupes
d’après Cebotarev), on obtient que tous les X 1S (M
c (restriction-inflation).
du groupe fini H 1 (Gal (k ′ /k), M)
c) découle aisément de b).
8
Remarques : -On peut aussi décrire le conoyau de θ via la dualité globale
de Poitou-Tate pour les tores : il s’identifie au groupe fini
Y
X 1 (T ) := ker[H 1 (k, T ) →
H 1 (kv , T )].
v∈Ω
-Un exemple de tore ne vérifiant pas l’approximation faible
√ l’occur√ (en
rence en la place 2) est le Q-tore R1k′ /Q Gm avec k ′ = Q( −1, 2), [11],
exemple 5.6. En particulier ce tore de dimension 3 n’est pas Q-rationnel.
3.3.
Le cas général
On a des résultats analogues au théorème 3.4, notamment c) reste valable
tel quel pour G linéaire connexe quelconque ([11], corollaire 3.5). La même
méthode permet en effet de se ramener au cas d’un groupe semi-simple,
simplement connexe (pour lequel l’AF vaut), traité dans le cas général par
Kneser/Harder ou Platonov. Noter qu’en général l’AF ne vaut pas, même
pour un groupe semi-simple quasi-déployé ([11], remarque 3.7).
Il est en fait possible de ramener directement le cas d’un groupe réductif
connexe quelconque G au cas des tores par la méthode suivante. Soit T un
k-tore maximal de G, de normalisateur N. Le groupe G possède un ouvert
de Zariski U (l’ouvert des éléments réguliers) qui est équipé d’un morphisme
surjectif f : U → G/N vers la variété des tores G/N. Les fibres de f sont des
ouverts de Zariski de tores et la fibre générique possède un point sur le corps
des fonctions de G/N, qui est par ailleurs une variété k-rationnelle (théorème
de Chevalley, [3], XIV.6.1). Si un tore vérifiait l’AF, on pourrait en conclure
facilement que U (et donc G) vérifie l’AF. Ce n’est malheureusement pas le
cas en général, mais on peut raffiner l’argument pour obtenir un analogue du
théorème 3.4 pour l’espace total U de la fibration f , voir [4], Th. V.3.1.
4.
L’approximation forte
Soit k un corps de nombres. Comme on l’a déjà évoqué, on ne peut pas
espérer d’énoncé d’approximation forte pour une k-variété qui n’est pas simplement connexe sur k̄. Il est remarquable que pour les groupes algébriques
linéaires, cette condition soit presque suffisante :
Theorème 4.1 (Kneser/Harder/Platonov) Soit G un groupe algébrique
semi-simple, simplement connexe. Soit S un ensemble fini de places de k.
On suppose de plus que pour toute composante k-simple Gi de G, l’espace
9
Y
Gi (kv ) n’est pas compact. Alors G vérifie l’approximation forte en dehors
v∈S
de S.
Remarques :
-La condition de non compacité est nécessaire, sinon il
yYa tout simplement trop peu de points rationnels dans l’espace compact
Gi (kv ) pour espérer un tel énoncé. Si G est k-simple, cette condition se
v∈S
traduit simplement (via le théorème 2.2) par le fait que S contient une place
v0 avec Gkv0 isotrope, par exemple v0 complexe.
-Là encore, on sait que les groupes unipotents (qui sont isomorphes comme
k-variété à un espace affine) vérifient automatiquement l’approximation forte
en dehors de S dès que S est non vide. Ainsi le théorème permet en fait de
traiter tous les groupes linéaires simplement connexes.
Nous ne donnerons pas ici la preuve de ce théorème fondamental, dû à
Platonov pour le cas général (toujours via Kneser-Tits local), [8], Th. 7.12.
Une autre approche, valable aussi sur les corps de fonctions, est due à Prasad
[9].
5.
5.1.
Théorèmes de finitude en cohomologie galoisienne
Rappels de cohomologie galoisienne non abélienne
Soit k un corps de groupe de Galois absolu Gal (k̄/k) (ici k̄ désigne la
clôture séparable de k). Pour un k-groupe algébrique (pas forcément commutatif) G, on peut encore définir un ensemble pointé H 1 (k, G) = H 1 (Γk , G(k̄)).
On définit les cocycles comme les applications s 7→ cs de Γk dans G(k̄), continues et vérifiant cst = cs .s ct pour tous s, t de Γk . L’ensemble H 1 (k, G) est
alors défini comme le quotient de l’ensemble Z 1 (k, G) des cocycles par la
relation d’équivalence : c ∼ d s’il existe b ∈ G(k̄) tel que cs = b−1 .ds .s b pour
tout s ∈ Γk . L’élément distingué de H 1 (k, G) est la classe du cocycle trivial.
L’ensemble H 1 (k, G) est covariant en G et k, et coı̈ncide avec le groupe
de cohomologie usuel pour G commutatif. Si par exemple l’action de Γk sur
G(k̄) est triviale, alors H 1 (k, G) est l’ensemble des homomorphismes continus
de Γk dans G(k̄) modulo conjugaison par un élément de G(k̄). Si H est un
sous-groupe distingué de G et P = G/H, on a une suite exacte d’ensemble
pointés
1 → H(k) → G(k) → P (k) → H 1 (k, H) → H 1 (k, G) → H 1 (k, P ).
10
Toutefois, il faut prendre garde que si α ∈ H 1 (k, G), les éléments de H 1 (k, G)
ayant même image que α dans H 1 (k, P ) sont en bijection avec H 1 (k, α H) (où
α H est une forme tordue de H, isomorphe à H sur k̄ mais pas forcément sur
k), qui diffère en général de H 1 (k, H). Dans le cas favorable où H est central
dans G, on a α H = H et on peut continuer la suite exacte avec H 2 (k, H).
Ces ensembles de cohomologie servent à classifier les k-formes d’un objet
X (tenseur, variété, groupe algébrique...) ; en général les k-formes de X à isomorphisme près correspondent bijectivement aux éléments de H 1 (k, Aut X).
Voir [13], §III.1., pour plus de détails.
5.2.
Le théorème de finitude local
Theorème 5.1 (Borel-Serre) Soit K un corps p-adique. Soit G un Kgroupe algébrique affine. Alors H 1 (K, G) est fini.
Remarque : Le théorème est vrai plus généralement sur tout corps k “de
type (F)”, i.e. tout corps qui vérifie l’assertion du théorème pour G fini. C’est
équivalent à dire que pour tout entier d ≥ 1, le corps k n’a qu’un nombre fini
d’extensions k ′ ⊂ k̄ avec [k ′ : k] ≤ d. Par exemple le théorème est vrai aussi
sur R.
Démonstration (esquisse):
(voir [13], §III.4., Th. 4). On procède en
plusieurs étapes :
a) Pour G fini, le résultat vient de ce qu’un corps p-adique est de type
(F).
b) On se ramène à G connexe via a) et la suite exacte
H 1 (K, G0 ) → H 1(K, G) → H 1 (K, F )
où G0 est la composante neutre de G et F = G/G0 est fini, en notant que
les tordus de G0 restent des K-groupes affines connexes.
c) On traite le cas d’un tore T . Si T est déployé par une extension de
degré n, alors H 1 (K, T ) est un groupe d’exposant divisant n via Hilbert 90 et
un argument de restriction-corestriction. Par ailleurs, H 1 (K,n T ) se surjecte
sur n H 1 (K, T ) (où n désigne la n-torsion) via la suite exacte de K-groupes
.n
0 →n T → T → T → 0.
On conclut avec a). Le même argument que b) donne ensuite que le résultat
est vrai si G0 est un tore.
11
d) On peut supposer G connexe réductif (la cohomologie galoisienne de
Ga , donc d’un unipotent, est triviale, [12], chapitre X, §1, Prop. 1). Soit T
un tore maximal de G, de normalisateur N. Alors la flèche H 1 (K, N) →
H 1 (K, G) est surjective : cela résulte formellement de ce que tous les tordus
de G ont un tore maximal, et de ce que les tores maximaux sont conjugués
sur k̄. On conclut alors avec c), vu que la composante neutre de N est un
tore.
Corollaire 5.2 Soit G un K-groupe semi-simple. Alors G n’a qu’un nombre
fini de K-formes à isomorphisme près.
En effet, dans ce cas Aut G est représenté par un K-groupe affine. Le
résultat vaut d’ailleurs encore pour tout K-groupe affine, mais il faut pour
cela étendre le théorème 5.1 à des groupes un peu plus généraux que les
groupes algébriques, voir [1].
Corollaire 5.3 Soit G un K-groupe affine. Soit H un sous-groupe, on pose
X = G/H. Alors il y a un nombre fini d’orbites pour l’action de G(K) dans
X(K). En particulier X(K) est compact ssi G(K)/H(K) est compact.
Ceci résulte de ce que l’ensemble des orbites s’injecte dans H 1 (K, H), via
[13], §I.5, Cor. 1.
5.3.
Le théorème global
Theorème 5.4 (Borel-Serre) Soit G un groupe algébrique affine sur un
corps de nombres k. Alors l’ensemble
Y
u
X 1 (G) := ker[H 1 (k, G) →
H 1 (kv , G)]
v∈Ω
est fini.
Des techniques de dévissage (passant par la cohomologie étale à valeurs
dans G) permettent de se ramener à G semi-simple simplement connexe.
On peut alors utiliser des techniques adéliques dues à Borel (qui fonctionnent plus généralement pour G connexe réductif), ou le principe de Hasse
(Kneser/Harder/Chernousov) qui dit que dans ce cas, on a en fait X 1 (G) =
0. On ne connaı̂t aucune preuve uniforme (i.e. sans distinction cas par cas) de
ce dernier résultat, dont une preuve complète est donnée dans [8], chapitre 6.
Noter aussi qu’en remplaçant G par ses tordus, on obtient aussi que l’application diagonale u est à fibres finies. D’autre part, si G est de plus supposé
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semi-simple simplement connexe, on a H 1 (kv , G) = 0 pour toute place finie v
de k (“conjecture II de Serre pour les corps p-adiques”), résultat dû à Kneser
(via une discussion cas par cas) et à Bruhat-Tits (preuve uniforme) vers 1965.
Références
[1] A. Borel, J-P. Serre, Théorème de finitude en cohomologie galoisienne,
Comment. Math. Helv. 39 (1964) 111–164.
[2] J.W.S. Cassels, A Fröhlich, Algebraic Number Theory, Academic Press,
London 1967.
[3] A. Grothendieck, M. Demazure, Séminaire de géométrie algébrique,
Schémas en groupes (SGA 3), II, Lecture Notes in Math. 152, SpringerVerlag, Berlin, 1970.
[4] D. Harari, Méthode des fibrations et obstruction de Manin, Duke Math.
J. 75 (1994), 221–260.
[5] D. Harari, Weak approximation on algebraic varieties, dans Arithmetic
of higher-dimensional varieties (B. Poonen, Y. Tschinkel editors), Progr.
in Math. 226, 43–60, Birkhäuser (2004).
[6] J.S. Milne, Arithmetic Duality Theorems, Academic Press, 1986.
[7] T. Ono, Arithmetic of algebraic tori, Annals of Math. 74 (1961), 101139.
[8] V. Platonov, A. Rapinchuk, Algebraic groups and number theory, Pure
and Applied Mathematics 139, Academic Press, Inc., Boston, MA, 1994.
[9] G. Prasad, Strong approximation for semi-simple groups over function
fields, Ann. of Math. (2) 105 (1977), no. 3, 553–572.
[10] G. Prasad, Elementary proof of a theorem of Bruhat-Tits-Rousseau and
of a theorem of Tits, Bull. Soc. Math. France 110 (1982), no. 2, 197-202.
[11] J-J. Sansuc, Groupe de Brauer et arithmétique des groupes algébriques
linéaires sur un corps de nombres, J. reine angew. Math. 327 (1981),
12–80.
[12] J-P. Serre, Corps locaux, Publications de l’Universit de Nancago, No.
VIII, Hermann, Paris, 1968.
[13] J-P. Serre, Cohomologie Galoisienne (cinquième édition, révisée et
complétée), Lecture Notes in Math. 5, Springer Verlag, 1994.
[14] J-P. Serre, Lie algebras and Lie groups, Lecture Notes in Mathematics
1500, Springer-Verlag, Berlin, 2006.
[15] J. Tits, Free subgroups in linear groups, J. Algebra 20 (1972), 250-270.
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