DOSSIER THÉMATIQUE Cancers digestifs Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses MSI phenotype and resectable colorectal cancer: clarifying things A. Zaanan*, J. Taïeb* A. Zaanan J. Taïeb L e phénotype microsatellites instables (MSI) constitue une voie de cancérogenèse colique importante, représentant environ 15 % des cancers colorectaux (CCR) opérables ; cette caractéristique biologique est plus rare pour les stades métastatiques. Dans cette revue, nous aborderons, dans un premier temps, la description des tumeurs MSI ainsi que les moyens de les diagnostiquer et, dans un second temps, l’impact pronostique et prédictif du statut MSI sur la survie des patients atteints d’un CCR non métastatique. La définition du type MSI * Service d’oncologie digestive, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. À chaque division cellulaire, l’ADN polymérase commet des erreurs en recopiant l’ADN. Ces erreurs, plus fréquentes au niveau de séquences répétées de quelques nucléotides appelées microsatellites, sont normalement réparées par un système de réparation de mésappariements appelé MMR (Mismatch Repair). Les tumeurs dont le système MMR est déficient accumulent des mutations (délétions ou insertions de quelques nucléotides) au niveau des microsatellites, et sont appelées MSI. Les microsatellites sont très nombreux et dispersés dans des régions codantes ou non codantes du génome. L’instabilité des microsatellites provoquant la délétion ou l’insertion dans une séquence répétée codante entraîne un décalage du cadre de lecture du gène qui la contient. La conséquence en est le plus souvent une inactivation fonctionnelle du gène concerné, pouvant intervenir dans la transformation maligne des cellules colo rectales de type MSI. 198 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 Le phénotype MSI correspond à environ 15 % des CCR et peut être d’origine sporadique ou héréditaire (syndrome HNPCC [Hereditary Non-Polyposis Colorectal Cancer]). Dans les tumeurs MSI sporadiques, l’altération du système MMR est due, dans environ 90 % des cas, à une méthylation épigénétique du promoteur du gène MLH1 avec, pour conséquence, l’absence d’expression de cette protéine. Dans les formes héréditaires, le phénotype MSI est secondaire à une mutation constitutionnelle d’un gène du système MMR. Dans la majorité des cas, ces mutations concernent les gènes MLH1 ou MSH2, et plus rarement les gènes MSH6 ou PMS2 (1). Les tumeurs MSI présentent des caractéristiques anatomo-cliniques particulières, avec une localisation tumorale colique préférentiellement à droite, un grade souvent peu différencié, un type mucineux ou en bagues à chaton et de nombreux lymphocytes intraépithéliaux avec un aspect dit de type Crohn. La détermination du statut MSI La caractérisation du statut MSI repose sur l’analyse comparative des produits d’amplification par PCR, obtenus à partir de l’ADN tumoral et de l’ADN normal du patient. L’échantillon recommandé par la réunion de consensus de Bethesda en 1997 était composé de 5 microsatellites : 2 marqueurs mononucléotidiques (BAT25 et BAT26) et 3 marqueurs dinucléotidiques (D5S346, D2S123 et D17S250) [2]. Les tumeurs présentant une instabilité sur au moins 2 de ces 5 marqueurs étaient appelées MSI-H (high), et celles présentant une instabilité sur un seul marqueur, Résumé Le phénotype microsatellites instables (MSI) correspond à environ 15 % des cancers colorectaux et peut être d’origine sporadique ou héréditaire. Plusieurs études ont montré que les patients avec une tumeur MSI avaient un meilleur pronostic que les patients avec une tumeur à microsatellites stables (MSS). Les données cliniques indiquent également que les patients avec une tumeur MSI ne bénéficient pas de la chimiothérapie adjuvante par 5 fluoro-uracile (5-FU). En revanche, le bénéfice d’une chimiothérapie par FOLFOX en fonction du phénotype MSI reste peu exploré. Certaines données préliminaires suggèrent que l’adjonction d’oxaliplatine au 5-FU pourrait rétablir le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante chez les patients avec une tumeur MSI. Toutefois, ces résultats devront être confirmés par l’analyse en cours des échantillons tumoraux provenant des essais randomisés antérieurement publiés comparant le 5-FU au FOLFOX (études MOSAIC et NSABP C07). MSI-L (low). Les tumeurs à microsatellites stables (MSS) sont celles ne présentant d’instabilité sur aucun des 5 microsatellites. Comme aucune différence clinique n’a été montrée entre les tumeurs MSI-L et les tumeurs MSS, nous considérerons dans la suite de cet article ces 2 entités comme un seul groupe. Les critères pour reconnaître les tumeurs MSI ont été révisés en 2002, recommandant alors d’utiliser en priorité des marqueurs mononucléotidiques (BAT25, BAT26, NR21, NR24 et NR27), qui, en plus d’être très sensibles et spécifiques, ont l’avantage d’être quasi monomorphes (c’est-à-dire présentant très peu de variants de taille dans la population générale), si bien que l’analyse comparative de l’ADN constitutionnel des patients n’est plus indispensable (3). Une tumeur est considérée comme MSI si elle montre une instabilité d’au moins 3 de ces 5 microsatellites mononucléotidiques. Une alternative à l’allélotypage des microsatellites est l’immunohistochimie, qui permet la détermination indirecte du phénotype MSI en mettant en évidence l’absence d’expression d’un des gènes du système MMR dans la cellule tumorale (4). Pour être complète, cette analyse nécessite l’emploi de 4 anticorps dirigés contre les protéines MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2. Cette démarche méthodologique est considérée comme moins lourde et moins coûteuse que l’allélo­ typage des microsatellites et permet de “cibler” le gène MMR en cause et de rechercher la mutation constitutionnelle dans les familles prédisposées au CCR de type HNPCC. La réalisation et l’interprétation de ces examens nécessitent une expertise moléculaire et histologique des laboratoires. Impact du phénotype MSI sur le pronostic des patients L’amélioration du pronostic conféré par le statut MSI chez les patients atteints par un CCR a été évoquée dès les premières descriptions de ce type d’instabilité génétique (5). Par la suite, de nombreuses études, rétrospectives pour la plupart, incluant des patients avec un CCR de stade II ou III (6-8), ou incluant des CCR tous stades confondus (9, 10), ont également rapporté des survies prolongées en rapport avec le statut MSI des tumeurs. L’impact pronostique du statut MMR peut être évalué soit au sein d’une population de patients traités par chirurgie seule soit au sein d’un groupe de patients tous traités par la même chimiothérapie adjuvante. Concernant l’impact pronostique du statut MMR chez les patients traités par chirurgie seule, l’étude de C.M. Ribic et al., réalisée à partir de 5 essais adjuvants, a montré que ceux qui avaient une tumeur MSI présentaient une meilleure survie globale (SG) que ceux qui avaient une tumeur MSS (p = 0,004) [7]. Ces résultats ont été confirmés récemment par une analyse poolée des données de C.M. Ribic et al. et de celles de D.J. Sargent et al. (voir “Chimiothérapie adjuvante par 5-FU”, p. 200) [8]. En revanche, la valeur pronostique du phénotype MMR chez les patients recevant une chimiothérapie adjuvante par 5-FU reste mal connue. Certaines études suggèrent des survies prolongées chez les patients MSI (11, 12) tandis que d’autres n’observaient pas de différence de survie entre les patients MSI et MSS (13, 14). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces résultats contradictoires. Le caractère rétrospectif des études ou l’analyse a posteriori du phénotype tumoral limité à un sous-groupe de patients dans les études prospectives randomisées sont, en eux-mêmes, des biais potentiels importants. De plus, les tumeurs MSI étant moins nombreuses (15 % des patients environ), leur importance pronostique devient plus difficile à démontrer si les études portent sur de faibles effectifs. Malgré ces limites, la valeur pronostique du statut MSI est largement confirmée par une méta-analyse basée sur les données regroupées de 31 études publiées (avec un total de 7 642 patients tous stades confondus, dont 1 277 MSI), qui a démontré une réduction de 35 % du risque de décès chez les patients MSI-H par rapport aux patients MSI-L ou MSS (15). Le bénéfice de survie observé pour les patients MSI persistait lorsque l’analyse était restreinte aux patients inclus dans les essais cliniques. Enfin, une étude rapportée à l’ASCO 2010 a également confirmé ces résultats. Menée à partir des données de 1 562 patients de stade II ou III issus des études de D.J. Sargent et al. (8) et du NSABP (National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project), elle a constaté un risque de récidive 2 fois moins important en cas de tumeur MSI qu’en cas de tumeur MSS, en l’absence de chimiothérapie adjuvante (16). À ce jour, le mécanisme exact qui sous-tend un avantage pronostique des CCR MSI reste Mots-clés Cancer du côlon Microsatellites instables (MSI) Chimiothérapie adjuvante Pronostic Survie Summary Microsatellite-instable (MSI) phenotype occurs in approximately 15 % of colorectal cancer (CRC) patients and may be sporadic or hereditary. Multiple studies have shown that patients with MSI CRC have a more favorable prognosis than those who have microsatellite-stable (MSS) CRC. Clinical data also indicates that patients with CRC do not benefit from adjuvant 5-fluorouracil (5-FU) chemotherapy. However, the benefit of oxaliplatin-based adjuvant regimens regarding MSI phenotype remains poorly investigated. Some preliminary data suggest that addition of oxaliplatin to 5-FU could restore the benefit of adjuvant chemotherapy in patients with MSI tumors. Nevertheless, these results should be confirmed by ongoing analysis of tumor samples from previously published randomized trials comparing 5-FU to FOLFOX (NSABP C07 and MOSAIC studies). Keywords Colon cancer Microsatellite-instable (MSI) Adjuvant chemotherapy Prognosis Survival La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 | 199 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers digestifs Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses inconnu. Cependant, l’importante infiltration lymphocytaire constatée dans ce type de tumeur pourrait traduire une réaction immunitaire antitumorale plus efficace et nous donne une piste intéressante (17). Impact du phénotype MSI sur l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante Chimiothérapie adjuvante par 5-FU Plusieurs études ont évalué le rôle du facteur MMR dans le traitement adjuvant par 5-FU des patients opérés pour un CCR de stade II ou III. Elles ont abouti à des résultats contradictoires, certaines rapportant un bénéfice du 5-FU pour les tumeurs MSI, tandis que d’autres concluaient à l’absence d’efficacité, voire à un effet potentiellement délétère pour les tumeurs MSI (tableau) [7, 8, 18-23]. Selon les études, le statut MMR était évalué comme facteur pronostique quand l’analyse portait sur des patients recevant tous le même traitement (voir “Impact du phénotype MSI sur le pronostic des patients”, p. 199), ou comme facteur prédictif de survie quand les patients étaient traités par chirurgie seule ou combinée à une chimiothérapie adjuvante par 5-FU. Concernant la valeur prédictive du statut MMR, la majorité des études adjuvantes suggèrent que le phénotype MSI serait un facteur de résistance au 5-FU (7, 8, 18). L’étude de C.M. Ribic et al., publiée en 2003 dans le New England Journal Of Medicine, est la première étude réalisée à partir de données prospectives à mettre en évidence la résistance des tumeurs MSI au 5-FU chez des patients opérés d’un CCR de stade II (n = 312) ou III (n = 258) recevant ou non une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU (avec lévamisole ou acide folinique) [7]. Par la suite, D.J. Sargent et al. ont rapporté, dans le Journal of Clinical Oncology en 2010, une étude qui avait pour objectif de valider les données de C.M. Ribic et al. sur une cohorte indépendante de patients et de réaliser ensuite une analyse poolée avec les données de ces derniers afin d’augmenter la puissance statistique de l’étude et de permettre une analyse en fonction des stades II ou III (8). La cohorte de validation était constituée de 457 patients (dont 70 MSI) opérés d’un CCR de stade II ou III issus de 5 études randomisées. Les résultats obtenus avec la cohorte de validation étaient cohérents avec ceux de l’étude antérieure de C.M. Ribic et al. L’analyse poolée des 2 études a porté sur un effectif total de 1 027 patients atteints d’un CCR de stade II (n = 530) ou III (n = 497), dont 165 (16,1 %) 200 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 étaient de phénotype MSI (8). Les résultats obtenus au moyen d’une analyse multivariée ont confirmé : ➤➤ que les tumeurs MSI étaient liées à un pronostic meilleur que celui des tumeurs MSS chez les patients traités par chirurgie seule (survie sans maladie [SSM] à 5 ans : HR = 0,51 ; p = 0,009) et non chez les patients traités par 5-FU adjuvant (SSM à 5 ans : HR = 0,79 ; p = 0,30) ; ➤➤ que la chimiothérapie adjuvante par 5-FU n’était supérieure à la chirurgie seule que chez les patients avec une tumeur MSS (8). De plus, pour le sous-groupe des patients opérés d’un CCR de stade II, la chimiothérapie adjuvante par 5-FU n’a pas apporté de bénéfice aux patients avec une tumeur MSS, et serait même délétère pour ceux présentant une tumeur MSI (SSM à 5 ans : HR = 2,30, p = 0,09 ; SG : HR = 2,95, p = 0,04) [8]. Deux métaanalyses publiées récemment viennent conforter ces données (24, 25). L’une était basée sur 7 études rassemblant 3 690 patients (dont 810 stade II et 2 444 stade III), parmi lesquels 454 avaient une tumeur MSI (24). Au total, 1 444 patients avaient reçu une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU. La chimiothérapie par 5-FU semblait plus efficace chez les patients avec une tumeur MSS en termes de survie sans récidive (SSR) [HR d’interaction = 0,77 ; IC95 : 0,67-0,87]. En revanche, dans le groupe des patients MSI, la chimiothérapie par 5-FU n’apportait pas de bénéfice en termes de SSR (HR = 0,96 ; IC95 : 0,62-1,49) ni de SG (HR = 0,70 ; IC95 : 0,44-1,09) par rapport à la chirurgie seule (24). Ces résultats cliniques vont d’ailleurs dans le même sens que les données obtenues in vitro, qui suggèrent que les lignées issues de tumeurs CCR MSI sont plus résistantes au 5-FU (26). Chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine L’adjonction d’oxaliplatine au 5-FU (protocole FOLFOX) a permis d’améliorer l’efficacité du traitement adjuvant des patients opérés d’un cancer du côlon de stade II et III en réduisant le risque de récidive tumorale (27, 28). Toutefois, l’adjonction d’oxaliplatine au 5-FU n’a pas amélioré la survie de tous les patients avec un cancer du côlon de stade II : seuls ceux qui présentaient des facteurs de haut risque de récidive (tumeur T4, occlusion ou perforation, tumeur peu différenciée, emboles vasculaires ou moins de 10 ganglions examinés) semblaient bénéficier de cette combinaison (28). Sur la base de ces données, le FOLFOX est maintenant DOSSIER THÉMATIQUE Tableau. Impact du phénotype MSI sur l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante. Type d’étude Référence Nombre de patients (n) Stade tumoral Nombre de patients MSI (n, %) Nombre de patients traités par CT adj. Type de comparaison Critère d’analyse de la survie Résultats Chimiothérapie adjuvante par 5-FU R H. Elsaleh et al., 2000 (20) 656 III 56 (9) 272 P/NR A. Hemminki et al., 2000 (11) 95 III 11 (12) 95 ECR C.M. Ribic et al., 2003 (7) 570 II + III 95 (17) 283 CT adj. : MSS versus MSI SSM à 5 ans MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans R Carethers et al., 2004 (19) 204 II + III 36 (18) 66 MSI : chir. seule versus CT adj. R W.H. De Vos Tot Neder-veen Cappel et al., 2004 (21) 92 III 92 (100) b 28 MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans Pas de bénéfice R P. Benatti et al., 2005 (22) 1 263 Tous stades 256 (20) 304 MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans Pas de bénéfice ECR Westra et al., 2005 (12) 273 III 44 (16) 273 CT adj. : MSS versus MSI SSM à 5 ans Survie prolongée pour MSI c P/NR R. Jover et al., 2006 (23) 754 Tous stades 66 (9) 260 MSI : chir. seule versus CT adj. SG Pas de bénéfice R G. Lanza et al., 2006 (18) 718 II + III 114 (16) 193 CT adj. : MSS versus MSI SG à 6 ans MSI : chir. seule versus CT adj. ECR G.P. Kim et al., 2007 (14) 542 II + III 98 (18) 369 CT adj. : MSS versus MSI SSR à 5 ans/ SG Pas de différence significative d P/NR C. Lamberti et al., 2007 (15) 416 Tous stades 52 (13) 89 e CT adj. : MSS versus MSI SG Pas de différence significative ECR D.J. Sargent et al., 2010 (8) 457 II + III 70 (15) 229 027 f II + III 165 (16) 512 1 CT adj. : MSS versus MSI SG à 5 ans MSI : chir. seule versus CT adj. CT adj. : MSS versus MSI SSR à 3 ans SG CT adj. : MSS versus MSI SSM à 5 ans MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans Bénéfice pour MSI Survie prolongée pour MSI Pas de bénéfice voire délétère pour MSI a Pas de bénéfice Pas de bénéfice Pas de bénéfice pour MSI Pas de bénéfice voire délétère pour MSI Chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine R A. Zaanan et al., 2010 (30) 233 III 32 (14) 5-FU, n = 124 FOLFOX, n = 109 MSI : 5-FU versus FOLFOX SSM à 3 ans Survie prolongée pour MSI traité par FOLFOX R S.T. Kim et al., 2010 (29) 135 Tous stades 12 (9) FOLFOX, n = 121 CT adj. : MSS versus MSI SSM à 3 ans SG à 3 ans Pas de différence significative R G. Des Guetz et al., 2010 (31) 105 II + III 19 (18) FOLFOX, n = 105 CT adj. : MSS versus MSI SSM Moins de récidive dans MSI (p = 0,04), mais SSM non significativement différente (p = 0,1) 96 (14) 5-FU, n = 348 IFL, n = 354 IFL : MSI versus MSS MSI : 5-FU versus IFL Chimiothérapie adjuvante à base d’irinotécan ECR M.M. Bertagnolli et al., 2009 (34) 702 III SSM à 5 ans Survie prolongée pour MSI traité par IFL Adj. : adjuvant ; chir. : chirurgie ; CT : chimiothérapie ; ECR : essai contrôlé randomisé ; FOLFOX : 5-FU + acide folinique + oxaliplatine ; IFL : irinotécan + 5-FU + acide folinique ; MSS : microsatellite stable ; MSI : microsatellite instable ; NR : essai non randomisé ; P : essai prospectif ; R : essai rétrospectif ; SG : survie globale ; SSM : survie sans maladie ; SSR : survie sans récidive. a Tendance à un effet délétère pour les tumeurs MSI. SSM à 5 ans : 70,7 versus 88,0 % ; p = 0.07. les patients MSI avaient un syndrome HNPCC familial. Résultat non statistiquement significatif en analyse multivariée (p = 0,06). d Tendance non statistiquement significative à un bénéfice du 5-FU pour les MSI et SG identique. e Quatre-vingt-neuf patients de stade III traités par une CT adjuvante, mais pas de renseigenements pour les stades II. f Analyse poolée des données des études (7) et (8). Effet délétère du 5-FU chez les patients MSI de stade II. b Tous c La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 | 201 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers digestifs Références bibliographiques 1. Boland CR, Goel A. Microsatellite instability in colorectal cancer. Gastroenterology 2010;138(6): 2073-87. 2. Boland CR, Thibodeau SN, Hamilton SR et al. A National Cancer Institute workshop on microsatellite instability for cancer detection and familial predisposition: development of international criteria for the determination of microsatellite instability in colorectal cancer. Cancer Res 1998;58(22):5248-57. 3. Umar A, Boland CR, Terdiman JP et al. Revised Bethesda Guidelines for hereditary nonpolyposis colorectal cancer (Lynch syndrome) and microsatellite instability. J Natl Cancer Inst 2004; 96(4):261-8. 4 . J o u rd a n F, S e b b a g h N , Comperat E et al. Tissue microarray technology: validation in colorectal carcinoma and analysis of p53, hMLH1, and hMSH2 immunohistochemical expression. Virchows Arch 2003;443(2):115-21. 5. Thibodeau SN, Bren G, Schaid D. Microsatellite instability in cancer of the proximal colon. Science 1993;260(5109):816-9. 6. Halling KC, French AJ, McDonnell SK et al. Microsatellite instability and 8p allelic imbalance in stage B2 and C colorectal cancers. J Natl Cancer Inst 1999;91(15): 1295-303. 7. Ribic CM, Sargent DJ, Moore MJ et al. Tumor microsatellite-instability status as a predictor of benefit from fluorouracil-based adjuvant chemotherapy for colon cancer. N Engl J Med 2003;349(3):247-57. 8. Sargent DJ, Marsoni S, Monges G et al. Defective mismatch repair as a predictive marker for lack of efficacy of fluorouracil-based adjuvant therapy in colon cancer. J Clin Oncol 2010;28(20):3219-26. 9. Gryfe R, Kim H, Hsieh ET et al. Tumor microsatellite instability and clinical outcome in young patients with colorectal cancer. N Engl J Med 2000;342(2):69-77. 10. Samowitz WS, Curtin K, Ma KN et al. Microsatellite instability in sporadic colon cancer is associated with an improved prognosis at the population level. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2001;10(9): 917-23. Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur notre site www.edimark.fr Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses le traitement adjuvant standard du cancer du côlon de stade III. À ce jour, l’impact du statut MSI sur l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante combinant 5-FU + oxaliplatine a peu été étudié. Une récente étude rétro­spective réalisée sur 135 patients traités par FOLFOX après résection d’un cancer du côlon de stade II (n = 13) ou III (n = 108) ou après résection d’un cancer du côlon avec métastases hépatiques exclusives (n = 14) a montré qu’il n’y avait pas de différence significative en termes de SSR et de SG selon le statut MMR (dont 12 patients MSI) [tableau] (29). En revanche, 2 autres récentes études rétrospectives ont montré que le phénotype MMR des tumeurs pouvait avoir un impact sur la SSM des patients traités en adjuvant par FOLFOX. La première étude a inclus consécutivement 233 patients traités par 5-FU seul (n = 124) ou en association avec l’oxaliplatine (n = 109) après résection d’un cancer du côlon de stade III. Dans cette série, parmi les patients qui présentaient une tumeur MSI, ceux traités par FOLFOX avaient une SSM à 3 ans significativement plus longue que ceux traités par 5-FU seul (p = 0,01) [30]. Cependant, en raison de l’absence de récidive dans le groupe de patients MSI traités par FOLFOX, l’analyse multivariée pour déterminer si le statut MMR était un facteur prédictif indépendant n’a pas pu être réalisée. Dans le sous-groupe de patients MSS, l’adjonction de l’oxaliplatine au 5-FU restait bénéfique, avec une amélioration de la SSM à 3 ans, sans toutefois atteindre le seuil de significativité (p = 0,15) [30]. De même, une autre étude rétrospective, menée sur une cohorte de 105 patients (dont 19 MSI) traités par FOLFOX après résection d’un CCR de stade III ou II à haut risque, a montré un taux de récidive tumorale plus faible chez les patients MSI versus MSS (10,5 versus 35,0 % ; p = 0,04). En revanche, la SSM des 2 groupes de patients n’était pas significativement différente (p = 0,1) [31]. Ainsi, le phénotype MSI semble avoir un impact favorable sur l’efficacité du traitement adjuvant par FOLFOX chez les patients opérés d’un cancer du côlon. Toutefois, ces résultats préliminaires devront être confirmés par l’analyse en cours des échantillons tumoraux provenant des essais randomisés publiés antérieurement comparant le 5-FU au FOLFOX (études MOSAIC et NSABP C07). Chimiothérapie adjuvante à base d’irinotécan Contrairement à l’oxaliplatine, l’adjonction de l’irinotécan au 5-FU n’améliore pas l’efficacité 202 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 du traitement adjuvant (32, 33). Deux études, l’une publiée et l’autre rapportée à l’ASCO 2009, ont évalué l’impact du statut MMR à partir des échantillons tumoraux de patients inclus dans des essais adjuvants randomisés qui comparaient l’efficacité d’un traitement par 5-FU seul et en association avec l’irinotécan (34, 35). Ces 2 études montrent que l’association du 5-FU à l’irinotécan permet un allongement significatif de la survie chez les patients MSI par rapport aux patients MSS. Ainsi, la perte de fonction MMR des cancers coliques pourrait être un facteur pronostique de survie prolongée pour les patients MSI traités par une chimio­thérapie adjuvante combinant le 5-FU et l’irinotécan. ­L’irinotécan n’étant pas utilisé en situation adjuvante, l’intérêt pratique de ces résultats reste discutable. Conclusion Le phénotype MSI des tumeurs coliques est un marqueur moléculaire pronostique et semble prédire l’absence d’efficacité de la chimiothérapie adjuvante par 5-FU seul. Les premières données cliniques suggèrent que l’adjonction d’oxaliplatine à un traitement par 5-FU pourrait rétablir le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante pour les patients avec un cancer du côlon MSI. Sur la base de ces données, et en attendant leur confirmation par l’analyse des échantillons recueillis au cours des études MOSAIC et NSABP C07, les patients opérés pour un cancer du côlon de stade III devraient recevoir une chimio­thérapie adjuvante par FOLFOX, et ce quel que soit le statut MMR de la tumeur. Parmi les patients avec un cancer du côlon de stade II présentant des facteurs de haut risque de récidive, ceux dont la tumeur est MSS pourraient être traités par 5-FU seul ou FOLFOX. Par contre, il n’existe pas de consensus pour la prise en charge des patients opérés d’une tumeur MSI de stade II avec des facteurs de haut risque de récidive. Pour les tumeurs T4 (stade IIB) MSI, certains auteurs proposent l’étude de l’expression de certains gènes qui pourraient être prédictifs de la récidive afin de mieux évaluer le risque d’évolution tumorale (36, 37). Quoi qu’il en soit, si un traitement est décidé en réunion de concertation pluridisciplinaire, ce doit être le FOLFOX. Les tumeurs T3 (stade IIA) MSI ont, quant à elles, un pronostic excellent, et l’indication d’une chimio­ thérapie adjuvante quelle qu’elle soit ne semble pas se justifier dans leur cas (38). ■ DOSSIER THÉMATIQUE Cancers digestifs Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses Références bibliographiques (suite de la p. 202) 11. Hemminki A, Mecklin JP, Järvinen H, Aaltonen LA, Joensuu H. Microsatellite instability is a favorable prognostic indicator in patients with colorectal cancer receiving chemotherapy. Gastroenterology 2000;119(4):921-8. 12. Westra JL, Schaapveld M, Hollema H et al. Determination of TP53 mutation is more relevant than microsatellite instability status for the prediction of disease-free survival in adjuvant-treated stage III colon cancer patients. J Clin Oncol 2005;23(24):5635-43. 13. Kim GP, Colangelo LH, Wieand HS et al. Prognostic and predictive roles of high-degree microsatellite instability in colon cancer: a National Cancer Institute-National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project collaborative study. J Clin Oncol 2007;25(7):767-72. 14. Lamberti C, Lundin S, Bogdanow M et al. Microsatellite instability did not predict individual survival of unselected patients with colorectal cancer. Int J Colorectal Dis 2007; 22(2):145-52. 15. Popat S, Hubner R, Houlston RS. Systematic review of microsatellite instability and colorectal cancer prognosis. J Clin Oncol 2005;23(3):609-18. 16. Kim GP, Marsoni S, Monges G et al. Analysis of timedependent patterns of treatment effect and failure to explain the predictive role of deficient mismatch repair (dMMR) in stage II and III colon cancer (CC). ASCO 2010; abstr. 3518. 17. Pagès F, Berger A, Camus M et al. Effector memory T cells, early metastasis, and survival in colorectal cancer. N Engl J Med 2005;353(25):2654-66. 18. Lanza G, Gafà R, Santini A, Maestri I, Guerzoni L, Cavazzini L. Immunohistochemical test for MLH1 and MSH2 expression predicts clinical outcome in stage II and III colorectal cancer patients. J Clin Oncol 2006;24(15):2359-67. 19. Carethers JM, Smith EJ, Behling CA et al. Use of 5-fluoro­ uracil and survival in patients with microsatellite-unstable colorectal cancer. Gastroenterology 2004;126(2):394-401. 20. Elsaleh H, Joseph D, Grieu F, Zeps N, Spry N, Iacopetta B. Association of tumour site and sex with survival benefit from adjuvant chemotherapy in colorectal cancer. Lancet 2000; 355(9217):1745-50. 21. De Vos Tot Nederveen Cappel WH, Meulenbeld HJ, Kleibeuker JH et al. Survival after adjuvant 5-FU treatment for stage III colon cancer in hereditary nonpolyposis colorectal cancer. Int J Cancer 2004;109(3):468-71. 22. Benatti P, Gafà R, Barana D et al. Microsatellite instability and colorectal cancer prognosis. Clin Cancer Res 2005; 11(23):8332-40. 23. Jover R, Zapater P, Castells A et al. Mismatch repair status in the prediction of benefit from adjuvant fluoro­ uracil chemotherapy in colorectal cancer. Gut 2006;55(6): 848-55. 24. Des Guetz G, Schischmanoff O, Nicolas P et al. Does microsatellite instability predict the efficacy of adjuvant chemotherapy in colorectal cancer? A systematic review with meta-analysis. Eur J Cancer 2009;45(10):1890-6. 25. Guastadisegni C, Colafranceschi M, Ottini L, Dogliotti E. Microsatellite instability as a marker of prognosis and response to therapy: a meta-analysis of colorectal cancer survival data. Eur J Cancer 2010;46(15):2788-98. 26. Carethers JM, Chauhan DP, Fink D et al. Mismatch repair proficiency and in vitro response to 5-fluorouracil. Gastroenterology 1999;117(1):123-31. 27. André T, Boni C, Mounedji-Boudiaf L et al. Oxaliplatin, fluorouracil, and leucovorin as adjuvant treatment for colon cancer. N Engl J Med 2004;350(23):2343-51. 28. André T, Boni C, Navarro M et al. Improved overall survival with oxaliplatin, fluorouracil, and leucovorin as adjuvant treatment in stage II or III colon cancer in the MOSAIC trial. J Clin Oncol 2009;27(19):3109-16. 29. Kim ST, Lee J, Park SH et al. Clinical impact of microsatellite instability in colon cancer following adjuvant FOLFOX therapy. Cancer Chemother Pharmacol 2010;66(4):659-67. 30. Zaanan A, Cuilliere-Dartigues P, Guilloux A et al. Impact of p53 expression and microsatellite instability on stage III colon cancer disease-free survival in patients treated by 306 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 5-fluorouracil and leucovorin with or without oxaliplatin. Ann Oncol 2010;21(4):772-80. 31. Des Guetz G, Lecaille C, Mariani P et al. Prognostic impact of microsatellite instability in colorectal cancer patients treated with adjuvant FOLFOX. Anticancer Res 2010;30(10):4297-301. 32. Saltz LB, Niedzwiecki D, Hollis D et al. Irinotecan fluorouracil plus leucovorin is not superior to fluorouracil plus leucovorin alone as adjuvant treatment for stage III colon cancer: results of CALGB 89803. J Clin Oncol 2007; 25(23):3456-61. 33. Van Cutsem E, Labianca R, Bodoky G et al. Randomized phase III trial comparing biweekly infusional fluorouracil/ leucovorin alone or with irinotecan in the adjuvant treatment of stage III colon cancer: PETACC-3. J Clin Oncol 2009; 27(19):3117-25. 34. Bertagnolli MM, Niedzwiecki D, Compton CC et al. Microsatellite instability predicts improved response to adjuvant therapy with irinotecan, fluorouracil, and leucovorin in stage III colon cancer: Cancer and Leukemia Group B Protocol 89803. J Clin Oncol 2009;27(11):1814-21. 35. Tejpar S, Bosman F, Delorenzi M et al. Microsatellite instability (MSI) in stage II and III colon cancer treated with 5FU-LV or 5FU-LV and irinotecan (PETACC 3-EORTC 40993SAKK 60/00 trial). ASCO 2009; abstr. 4001. 36. Rousseau B, Chibaudel B, Bachet JB et al. Stage II and stage III colon cancer: treatment advances and future directions. Cancer J 2010;16(3):202-9. 37. O’Connell MJ, Lavery I, Yothers G et al. Relationship between tumor gene expression and recurrence in four independent studies of patients with stage II/III colon cancer treated with surgery alone or surgery plus adjuvant fluoro­ uracil plus leucovorin. J Clin Oncol 2010;28(25):3937-44. 38. Parc Y, Gueroult S, Mourra N et al. Prognostic significance of microsatellite instability determined by immunohistochemical staining of MSH2 and MLH1 in sporadic T3N0M0 colon cancer. Gut 2004;53(3):371-5.