Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions

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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers digestifs
Phénotype MSI
et cancer colorectal opérable :
clarifions les choses
MSI phenotype and resectable colorectal cancer:
clarifying things
A. Zaanan*, J. Taïeb*
A. Zaanan
J. Taïeb
L
e phénotype microsatellites instables (MSI)
constitue une voie de cancérogenèse colique
importante, représentant environ 15 % des
cancers colorectaux (CCR) opérables ; cette caractéristique biologique est plus rare pour les stades
métastatiques. Dans cette revue, nous aborderons,
dans un premier temps, la description des tumeurs
MSI ainsi que les moyens de les diagnostiquer et,
dans un second temps, l’impact pronostique et
prédictif du statut MSI sur la survie des patients
atteints d’un CCR non métastatique.
La définition du type MSI
* Service d’oncologie digestive,
hôpital européen Georges-Pompidou,
Paris.
À chaque division cellulaire, l’ADN polymérase
commet des erreurs en recopiant l’ADN. Ces erreurs,
plus fréquentes au niveau de séquences répétées
de quelques nucléotides appelées microsatellites, sont normalement réparées par un système
de réparation de mésappariements appelé MMR
(Mismatch Repair). Les tumeurs dont le système
MMR est déficient accumulent des mutations
(délétions ou insertions de quelques nucléotides)
au niveau des microsatellites, et sont appelées MSI.
Les microsatellites sont très nombreux et dispersés
dans des régions codantes ou non codantes du
génome. L’instabilité des microsatellites provoquant
la délétion ou l’insertion dans une séquence répétée
codante entraîne un décalage du cadre de lecture
du gène qui la contient. La conséquence en est le
plus souvent une inactivation fonctionnelle du gène
concerné, pouvant intervenir dans la transformation
maligne des cellules colo rectales de type MSI.
198 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011
Le phénotype MSI correspond à environ 15 % des
CCR et peut être d’origine sporadique ou héréditaire (syndrome HNPCC [Hereditary Non-Polyposis
Colorectal Cancer]). Dans les tumeurs MSI sporadiques, l’altération du système MMR est due, dans
environ 90 % des cas, à une méthylation épigénétique du promoteur du gène MLH1 avec, pour conséquence, l’absence d’expression de cette protéine.
Dans les formes héréditaires, le phénotype MSI est
secondaire à une mutation constitutionnelle d’un
gène du système MMR. Dans la majorité des cas, ces
mutations concernent les gènes MLH1 ou MSH2,
et plus rarement les gènes MSH6 ou PMS2 (1).
Les tumeurs MSI présentent des caractéristiques
anatomo-cliniques particulières, avec une localisation tumorale colique préférentiellement à droite,
un grade souvent peu différencié, un type mucineux
ou en bagues à chaton et de nombreux lymphocytes
intraépithéliaux avec un aspect dit de type Crohn.
La détermination du statut MSI
La caractérisation du statut MSI repose sur l’analyse
comparative des produits d’amplification par PCR,
obtenus à partir de l’ADN tumoral et de l’ADN normal
du patient. L’échantillon recommandé par la réunion
de consensus de Bethesda en 1997 était composé de
5 microsatellites : 2 marqueurs mononucléotidiques
(BAT25 et BAT26) et 3 marqueurs dinucléotidiques
(D5S346, D2S123 et D17S250) [2]. Les tumeurs
présentant une instabilité sur au moins 2 de ces
5 marqueurs étaient appelées MSI-H (high), et celles
présentant une instabilité sur un seul marqueur,
Résumé
Le phénotype microsatellites instables (MSI) correspond à environ 15 % des cancers colorectaux et peut
être d’origine sporadique ou héréditaire. Plusieurs études ont montré que les patients avec une tumeur
MSI avaient un meilleur pronostic que les patients avec une tumeur à microsatellites stables (MSS).
Les données cliniques indiquent également que les patients avec une tumeur MSI ne bénéficient pas de
la chimiothérapie adjuvante par 5 fluoro-uracile (5-FU). En revanche, le bénéfice d’une chimiothérapie par
FOLFOX en fonction du phénotype MSI reste peu exploré. Certaines données préliminaires suggèrent que
l’adjonction d’oxaliplatine au 5-FU pourrait rétablir le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante chez les
patients avec une tumeur MSI. Toutefois, ces résultats devront être confirmés par l’analyse en cours des
échantillons tumoraux provenant des essais randomisés antérieurement publiés comparant le 5-FU au
FOLFOX (études MOSAIC et NSABP C07).
MSI-L (low). Les tumeurs à microsatellites stables
(MSS) sont celles ne présentant d’instabilité sur
aucun des 5 microsatellites. Comme aucune différence clinique n’a été montrée entre les tumeurs
MSI-L et les tumeurs MSS, nous considérerons dans
la suite de cet article ces 2 entités comme un seul
groupe. Les critères pour reconnaître les tumeurs
MSI ont été révisés en 2002, recommandant alors
d’utiliser en priorité des marqueurs mononucléotidiques (BAT25, BAT26, NR21, NR24 et NR27),
qui, en plus d’être très sensibles et spécifiques, ont
l’avantage d’être quasi monomorphes (c’est-à-dire
présentant très peu de variants de taille dans la
population générale), si bien que l’analyse comparative de l’ADN constitutionnel des patients n’est
plus indispensable (3). Une tumeur est considérée
comme MSI si elle montre une instabilité d’au moins 3
de ces 5 microsatellites mononucléotidiques. Une
alternative à l’allélotypage des microsatellites est
l’immunohistochimie, qui permet la détermination
indirecte du phénotype MSI en mettant en évidence
l’absence d’expression d’un des gènes du système
MMR dans la cellule tumorale (4). Pour être complète,
cette analyse nécessite l’emploi de 4 anticorps dirigés
contre les protéines MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2.
Cette démarche méthodologique est considérée
comme moins lourde et moins coûteuse que l’allélo­
typage des microsatellites et permet de “cibler” le
gène MMR en cause et de rechercher la mutation
constitutionnelle dans les familles prédisposées au
CCR de type HNPCC. La réalisation et l’interprétation
de ces examens nécessitent une expertise moléculaire
et histologique des laboratoires.
Impact du phénotype MSI
sur le pronostic des patients
L’amélioration du pronostic conféré par le statut MSI
chez les patients atteints par un CCR a été évoquée
dès les premières descriptions de ce type d’instabilité
génétique (5). Par la suite, de nombreuses études,
rétrospectives pour la plupart, incluant des patients
avec un CCR de stade II ou III (6-8), ou incluant des
CCR tous stades confondus (9, 10), ont également
rapporté des survies prolongées en rapport avec
le statut MSI des tumeurs. L’impact pronostique
du statut MMR peut être évalué soit au sein d’une
population de patients traités par chirurgie seule soit
au sein d’un groupe de patients tous traités par la
même chimiothérapie adjuvante. Concernant l’impact
pronostique du statut MMR chez les patients traités
par chirurgie seule, l’étude de C.M. Ribic et al., réalisée
à partir de 5 essais adjuvants, a montré que ceux qui
avaient une tumeur MSI présentaient une meilleure
survie globale (SG) que ceux qui avaient une tumeur
MSS (p = 0,004) [7]. Ces résultats ont été confirmés
récemment par une analyse poolée des données de
C.M. Ribic et al. et de celles de D.J. Sargent et al. (voir
“Chimiothérapie adjuvante par 5-FU”, p. 200) [8].
En revanche, la valeur pronostique du phénotype
MMR chez les patients recevant une chimiothérapie
adjuvante par 5-FU reste mal connue. Certaines
études suggèrent des survies prolongées chez les
patients MSI (11, 12) tandis que d’autres n’observaient
pas de différence de survie entre les patients MSI et
MSS (13, 14). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces
résultats contradictoires. Le caractère rétrospectif des
études ou l’analyse a posteriori du phénotype tumoral
limité à un sous-groupe de patients dans les études
prospectives randomisées sont, en eux-mêmes, des
biais potentiels importants. De plus, les tumeurs MSI
étant moins nombreuses (15 % des patients environ),
leur importance pronostique devient plus difficile à
démontrer si les études portent sur de faibles effectifs.
Malgré ces limites, la valeur pronostique du statut MSI
est largement confirmée par une méta-analyse basée
sur les données regroupées de 31 études publiées (avec
un total de 7 642 patients tous stades confondus,
dont 1 277 MSI), qui a démontré une réduction de
35 % du risque de décès chez les patients MSI-H par
rapport aux patients MSI-L ou MSS (15). Le bénéfice
de survie observé pour les patients MSI persistait
lorsque l’analyse était restreinte aux patients inclus
dans les essais cliniques. Enfin, une étude rapportée
à l’ASCO 2010 a également confirmé ces résultats.
Menée à partir des données de 1 562 patients de
stade II ou III issus des études de D.J. Sargent et al. (8)
et du NSABP (National Surgical Adjuvant Breast and
Bowel Project), elle a constaté un risque de récidive
2 fois moins important en cas de tumeur MSI qu’en
cas de tumeur MSS, en l’absence de chimiothérapie
adjuvante (16). À ce jour, le mécanisme exact qui
sous-tend un avantage pronostique des CCR MSI reste
Mots-clés
Cancer du côlon
Microsatellites
instables (MSI)
Chimiothérapie
adjuvante
Pronostic
Survie
Summary
Microsatellite-instable (MSI)
phenotype occurs in approximately 15 % of colorectal
cancer (CRC) patients and
may be sporadic or hereditary.
Multiple studies have shown
that patients with MSI CRC
have a more favorable prognosis than those who have
microsatellite-stable (MSS)
CRC. Clinical data also indicates that patients with CRC
do not benefit from adjuvant
5-fluorouracil (5-FU) chemotherapy. However, the benefit
of oxaliplatin-based adjuvant regimens regarding MSI
phenotype remains poorly
investigated. Some preliminary data suggest that addition of oxaliplatin to 5-FU could
restore the benefit of adjuvant
chemotherapy in patients with
MSI tumors. Nevertheless, these
results should be confirmed
by ongoing analysis of tumor
samples from previously
published randomized trials
comparing 5-FU to FOLFOX
(NSABP C07 and MOSAIC
studies).
Keywords
Colon cancer
Microsatellite-instable (MSI)
Adjuvant chemotherapy
Prognosis
Survival
La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 | 199
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers digestifs
Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses
inconnu. Cependant, l’importante infiltration lymphocytaire constatée dans ce type de tumeur pourrait
traduire une réaction immunitaire antitumorale plus
efficace et nous donne une piste intéressante (17).
Impact du phénotype MSI
sur l’efficacité
de la chimiothérapie adjuvante
Chimiothérapie adjuvante par 5-FU
Plusieurs études ont évalué le rôle du facteur MMR
dans le traitement adjuvant par 5-FU des patients
opérés pour un CCR de stade II ou III. Elles ont abouti
à des résultats contradictoires, certaines rapportant
un bénéfice du 5-FU pour les tumeurs MSI, tandis que
d’autres concluaient à l’absence d’efficacité, voire à
un effet potentiellement délétère pour les tumeurs
MSI (tableau) [7, 8, 18-23]. Selon les études, le
statut MMR était évalué comme facteur pronostique
quand l’analyse portait sur des patients recevant
tous le même traitement (voir “Impact du phénotype
MSI sur le pronostic des patients”, p. 199), ou comme
facteur prédictif de survie quand les patients étaient
traités par chirurgie seule ou combinée à une chimiothérapie adjuvante par 5-FU.
Concernant la valeur prédictive du statut MMR, la
majorité des études adjuvantes suggèrent que le
phénotype MSI serait un facteur de résistance au
5-FU (7, 8, 18). L’étude de C.M. Ribic et al., publiée
en 2003 dans le New England Journal Of Medicine,
est la première étude réalisée à partir de données
prospectives à mettre en évidence la résistance des
tumeurs MSI au 5-FU chez des patients opérés d’un
CCR de stade II (n = 312) ou III (n = 258) recevant ou
non une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU
(avec lévamisole ou acide folinique) [7]. Par la suite,
D.J. Sargent et al. ont rapporté, dans le Journal of
Clinical Oncology en 2010, une étude qui avait pour
objectif de valider les données de C.M. Ribic et al. sur
une cohorte indépendante de patients et de réaliser
ensuite une analyse poolée avec les données de ces
derniers afin d’augmenter la puissance statistique
de l’étude et de permettre une analyse en fonction
des stades II ou III (8). La cohorte de validation était
constituée de 457 patients (dont 70 MSI) opérés d’un
CCR de stade II ou III issus de 5 études randomisées.
Les résultats obtenus avec la cohorte de validation
étaient cohérents avec ceux de l’étude antérieure de
C.M. Ribic et al. L’analyse poolée des 2 études a porté
sur un effectif total de 1 027 patients atteints d’un CCR
de stade II (n = 530) ou III (n = 497), dont 165 (16,1 %)
200 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011
étaient de phénotype MSI (8). Les résultats obtenus
au moyen d’une analyse multivariée ont confirmé :
➤➤ que les tumeurs MSI étaient liées à un pronostic
meilleur que celui des tumeurs MSS chez les patients
traités par chirurgie seule (survie sans maladie
[SSM] à 5 ans : HR = 0,51 ; p = 0,009) et non chez
les patients traités par 5-FU adjuvant (SSM à 5 ans :
HR = 0,79 ; p = 0,30) ;
➤➤ que la chimiothérapie adjuvante par 5-FU n’était
supérieure à la chirurgie seule que chez les patients
avec une tumeur MSS (8).
De plus, pour le sous-groupe des patients opérés
d’un CCR de stade II, la chimiothérapie adjuvante par
5-FU n’a pas apporté de bénéfice aux patients avec
une tumeur MSS, et serait même délétère pour ceux
présentant une tumeur MSI (SSM à 5 ans : HR = 2,30,
p = 0,09 ; SG : HR = 2,95, p = 0,04) [8]. Deux métaanalyses publiées récemment viennent conforter
ces données (24, 25). L’une était basée sur 7 études
rassemblant 3 690 patients (dont 810 stade II et
2 444 stade III), parmi lesquels 454 avaient une
tumeur MSI (24). Au total, 1 444 patients avaient
reçu une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU.
La chimiothérapie par 5-FU semblait plus efficace
chez les patients avec une tumeur MSS en termes de
survie sans récidive (SSR) [HR d’interaction = 0,77 ;
IC95 : 0,67-0,87]. En revanche, dans le groupe des
patients MSI, la chimiothérapie par 5-FU n’apportait
pas de bénéfice en termes de SSR (HR = 0,96 ; IC95 :
0,62-1,49) ni de SG (HR = 0,70 ; IC95 : 0,44-1,09)
par rapport à la chirurgie seule (24). Ces résultats
cliniques vont d’ailleurs dans le même sens que les
données obtenues in vitro, qui suggèrent que les
lignées issues de tumeurs CCR MSI sont plus résistantes au 5-FU (26).
Chimiothérapie adjuvante
à base d’oxaliplatine
L’adjonction d’oxaliplatine au 5-FU (protocole
FOLFOX) a permis d’améliorer l’efficacité du
traitement adjuvant des patients opérés d’un cancer
du côlon de stade II et III en réduisant le risque de
récidive tumorale (27, 28). Toutefois, l’adjonction
d’oxaliplatine au 5-FU n’a pas amélioré la survie
de tous les patients avec un cancer du côlon de
stade II : seuls ceux qui présentaient des facteurs
de haut risque de récidive (tumeur T4, occlusion
ou perforation, tumeur peu différenciée, emboles
vasculaires ou moins de 10 ganglions examinés)
semblaient bénéficier de cette combinaison (28). Sur
la base de ces données, le FOLFOX est maintenant
DOSSIER THÉMATIQUE
Tableau. Impact du phénotype MSI sur l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante.
Type
d’étude
Référence
Nombre
de patients
(n)
Stade
tumoral
Nombre
de patients MSI
(n, %)
Nombre
de patients
traités
par CT adj.
Type
de comparaison
Critère
d’analyse
de la survie
Résultats
Chimiothérapie adjuvante par 5-FU
R
H. Elsaleh et al.,
2000 (20)
656
III
56 (9)
272
P/NR
A. Hemminki et al.,
2000 (11)
95
III
11 (12)
95
ECR
C.M. Ribic et al.,
2003 (7)
570
II + III
95 (17)
283
CT adj. : MSS versus MSI
SSM à 5 ans
MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans
R
Carethers et al.,
2004 (19)
204
II + III
36 (18)
66
MSI : chir. seule versus CT adj.
R
W.H. De Vos Tot
Neder-veen Cappel
et al., 2004 (21)
92
III
92 (100) b
28
MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans
Pas de bénéfice
R
P. Benatti et al.,
2005 (22)
1 263
Tous stades
256 (20)
304
MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans
Pas de bénéfice
ECR
Westra et al.,
2005 (12)
273
III
44 (16)
273
CT adj. : MSS versus MSI
SSM à 5 ans
Survie prolongée
pour MSI c
P/NR
R. Jover et al.,
2006 (23)
754
Tous stades
66 (9)
260
MSI : chir. seule versus CT adj.
SG
Pas de bénéfice
R
G. Lanza et al.,
2006 (18)
718
II + III
114 (16)
193
CT adj. : MSS versus MSI
SG à 6 ans
MSI : chir. seule versus CT adj.
ECR
G.P. Kim et al.,
2007 (14)
542
II + III
98 (18)
369
CT adj. : MSS versus MSI
SSR à 5 ans/
SG
Pas de différence
significative d
P/NR
C. Lamberti et al.,
2007 (15)
416
Tous stades
52 (13)
89 e
CT adj. : MSS versus MSI
SG
Pas de différence
significative
ECR
D.J. Sargent et al.,
2010 (8)
457
II + III
70 (15)
229
027 f
II + III
165 (16)
512
1
CT adj. : MSS versus MSI
SG à 5 ans
MSI : chir. seule versus CT adj.
CT adj. : MSS versus MSI
SSR à 3 ans
SG
CT adj. : MSS versus MSI
SSM à 5 ans
MSI : chir. seule versus CT adj. SG à 5 ans
Bénéfice pour MSI
Survie prolongée
pour MSI
Pas de bénéfice voire
délétère pour MSI a
Pas de bénéfice
Pas de bénéfice
Pas de bénéfice pour MSI
Pas de bénéfice voire
délétère pour MSI
Chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine
R
A. Zaanan et al.,
2010 (30)
233
III
32 (14)
5-FU, n = 124
FOLFOX, n = 109
MSI : 5-FU versus FOLFOX
SSM à 3 ans Survie prolongée pour MSI
traité par FOLFOX
R
S.T. Kim et al.,
2010 (29)
135
Tous stades
12 (9)
FOLFOX, n = 121
CT adj. : MSS versus MSI
SSM à 3 ans
SG à 3 ans
Pas de différence
significative
R
G. Des Guetz et al.,
2010 (31)
105
II + III
19 (18)
FOLFOX, n = 105
CT adj. : MSS versus MSI
SSM
Moins de récidive dans MSI
(p = 0,04), mais SSM non
significativement différente
(p = 0,1)
96 (14)
5-FU, n = 348
IFL, n = 354
IFL : MSI versus MSS
MSI : 5-FU versus IFL
Chimiothérapie adjuvante à base d’irinotécan
ECR
M.M. Bertagnolli
et al., 2009 (34)
702
III
SSM à 5 ans Survie prolongée pour MSI
traité par IFL
Adj. : adjuvant ; chir. : chirurgie ; CT : chimiothérapie ; ECR : essai contrôlé randomisé ; FOLFOX : 5-FU + acide folinique + oxaliplatine ; IFL : irinotécan + 5-FU + acide folinique ; MSS : microsatellite
stable ; MSI : microsatellite instable ; NR : essai non randomisé ; P : essai prospectif ; R : essai rétrospectif ; SG : survie globale ; SSM : survie sans maladie ; SSR : survie sans récidive.
a Tendance
à un effet délétère pour les tumeurs MSI. SSM à 5 ans : 70,7 versus 88,0 % ; p = 0.07.
les patients MSI avaient un syndrome HNPCC familial.
Résultat non statistiquement significatif en analyse multivariée (p = 0,06).
d Tendance non statistiquement significative à un bénéfice du 5-FU pour les MSI et SG identique.
e Quatre-vingt-neuf patients de stade III traités par une CT adjuvante, mais pas de renseigenements pour les stades II.
f Analyse poolée des données des études (7) et (8). Effet délétère du 5-FU chez les patients MSI de stade II.
b Tous
c
La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 | 201
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers digestifs
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des références
bibliographiques
sur notre site
www.edimark.fr
Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses
le traitement adjuvant standard du cancer du côlon
de stade III. À ce jour, l’impact du statut MSI sur
l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante combinant
5-FU + oxaliplatine a peu été étudié. Une récente
étude rétro­spective réalisée sur 135 patients traités
par FOLFOX après résection d’un cancer du côlon de
stade II (n = 13) ou III (n = 108) ou après résection
d’un cancer du côlon avec métastases hépatiques
exclusives (n = 14) a montré qu’il n’y avait pas de
différence significative en termes de SSR et de
SG selon le statut MMR (dont 12 patients MSI)
[tableau] (29). En revanche, 2 autres récentes
études rétrospectives ont montré que le phénotype
MMR des tumeurs pouvait avoir un impact sur la
SSM des patients traités en adjuvant par FOLFOX.
La première étude a inclus consécutivement
233 patients traités par 5-FU seul (n = 124) ou
en association avec l’oxaliplatine (n = 109) après
résection d’un cancer du côlon de stade III. Dans
cette série, parmi les patients qui présentaient une
tumeur MSI, ceux traités par FOLFOX avaient une
SSM à 3 ans significativement plus longue que ceux
traités par 5-FU seul (p = 0,01) [30]. Cependant, en
raison de l’absence de récidive dans le groupe de
patients MSI traités par FOLFOX, l’analyse multivariée pour déterminer si le statut MMR était un
facteur prédictif indépendant n’a pas pu être réalisée.
Dans le sous-groupe de patients MSS, l’adjonction
de l’oxaliplatine au 5-FU restait bénéfique, avec
une amélioration de la SSM à 3 ans, sans toutefois
atteindre le seuil de significativité (p = 0,15) [30].
De même, une autre étude rétrospective, menée sur
une cohorte de 105 patients (dont 19 MSI) traités
par FOLFOX après résection d’un CCR de stade III
ou II à haut risque, a montré un taux de récidive
tumorale plus faible chez les patients MSI versus
MSS (10,5 versus 35,0 % ; p = 0,04). En revanche, la
SSM des 2 groupes de patients n’était pas significativement différente (p = 0,1) [31]. Ainsi, le phénotype
MSI semble avoir un impact favorable sur l’efficacité
du traitement adjuvant par FOLFOX chez les patients
opérés d’un cancer du côlon. Toutefois, ces résultats
préliminaires devront être confirmés par l’analyse
en cours des échantillons tumoraux provenant des
essais randomisés publiés antérieurement comparant
le 5-FU au FOLFOX (études MOSAIC et NSABP C07).
Chimiothérapie adjuvante
à base d’irinotécan
Contrairement à l’oxaliplatine, l’adjonction de
l’irinotécan au 5-FU n’améliore pas l’efficacité
202 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011
du traitement adjuvant (32, 33). Deux études,
l’une publiée et l’autre rapportée à l’ASCO 2009,
ont évalué l’impact du statut MMR à partir des
échantillons tumoraux de patients inclus dans
des essais adjuvants randomisés qui comparaient
l’efficacité d’un traitement par 5-FU seul et en
association avec l’irinotécan (34, 35). Ces 2 études
montrent que l’association du 5-FU à l’irinotécan
permet un allongement significatif de la survie
chez les patients MSI par rapport aux patients
MSS. Ainsi, la perte de fonction MMR des cancers
coliques pourrait être un facteur pronostique de
survie prolongée pour les patients MSI traités par une
chimio­thérapie adjuvante combinant le 5-FU et l’irinotécan. ­L’irinotécan n’étant pas utilisé en situation
adjuvante, l’intérêt pratique de ces résultats reste
discutable.
Conclusion
Le phénotype MSI des tumeurs coliques est un
marqueur moléculaire pronostique et semble
prédire l’absence d’efficacité de la chimiothérapie
adjuvante par 5-FU seul. Les premières données
cliniques suggèrent que l’adjonction d’oxaliplatine à un traitement par 5-FU pourrait rétablir
le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante pour
les patients avec un cancer du côlon MSI. Sur la
base de ces données, et en attendant leur confirmation par l’analyse des échantillons recueillis
au cours des études MOSAIC et NSABP C07, les
patients opérés pour un cancer du côlon de stade III
devraient recevoir une chimio­thérapie adjuvante
par FOLFOX, et ce quel que soit le statut MMR de
la tumeur. Parmi les patients avec un cancer du
côlon de stade II présentant des facteurs de haut
risque de récidive, ceux dont la tumeur est MSS
pourraient être traités par 5-FU seul ou FOLFOX.
Par contre, il n’existe pas de consensus pour la
prise en charge des patients opérés d’une tumeur
MSI de stade II avec des facteurs de haut risque
de récidive. Pour les tumeurs T4 (stade IIB) MSI,
certains auteurs proposent l’étude de l’expression
de certains gènes qui pourraient être prédictifs de
la récidive afin de mieux évaluer le risque d’évolution tumorale (36, 37). Quoi qu’il en soit, si un
traitement est décidé en réunion de concertation
pluridisciplinaire, ce doit être le FOLFOX. Les
tumeurs T3 (stade IIA) MSI ont, quant à elles, un
pronostic excellent, et l’indication d’une chimio­
thérapie adjuvante quelle qu’elle soit ne semble
pas se justifier dans leur cas (38).
■
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers digestifs
Phénotype MSI et cancer colorectal opérable : clarifions les choses
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