Images en Ophtalmologie
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Vol. IV
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juillet-août-septembre 2010
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Éditorial
(shelter)
de radiologie équipée d’une
tomodensitométrie dans les hôpitaux
de campagne actuels.
À cela, il convient d’ajouter un
facteur de gravité supplémentaire :
la projection associée d’éléments
telluriques et végétaux, lors d’explo-
sions, augmentant le risque infec-
tieux d’endo phtalmie de manière
significative.
Sur le plan clinique, nous sommes
confrontés à de fréquents CEIO mul-
tiples. L’effet de souffle (ou
blast
) en
est l’explication, projetant des corps
étrangers souvent acérés
(figure5)
avec une haute énergie cinétique
doublée d’une énergie rotatoire, qui
expliquent la profondeur de pénétra-
tion intraoculaire et la multiplicité des
corps étrangers caractéristiques des
plaies oculaires de guerre.
Cependant, les tableaux cliniques
sont parfois trompeurs ; c’est pour-
quoi on insiste dans notre enseigne-
ment militaire sur la recherche des
“signes de balisage”, c’est-à-dire la
recherche des lésions intraoculaires
réalisées sur l’axe de pénétration du
corps étranger (par exemple, une
plaie irienne punctiforme doit faire
rechercher un orifice d’ entrée parfois
méconnu car spontanément coapté et
un CEIO postérieur
(figure6)
.
Rappelons que la prise en charge
de ces blessés oculaires de guerre
est à l’origine d’une technique cou-
rante : la pose d’implants intraocu-
laires, grâce à l’ingéniosité de Sir
Rydley qui, en1949, a remarqué la
très bonne tolérance des CEIO en
plexiglas à la suite des explosions de
verrière chez les pilotes de la Royal
Air Force.
Enfin, dans un contexte de guerre, si
la prise en charge des traumatismes
oculaires n’a pas de particularité du
point de vue technique, elle a toute-
fois certaines spécificités.
L’atteinte oculaire est rarement isolée
(polytraumatisé), ce qui impose la
priorisation du degré d’urgence des
différentes lésions (triage) par le
médecin anesthésiste de l’hôpital. Cet
ordre de priorité est alors respecté
au cours de la procédure chirurgi-
cale sous anesthésie générale parfois
longue et à plusieurs équipes.
L’atteinte oculaire est bilatérale dans
un tiers des cas.
L’atteinte oculaire peut être associée
à un contexte NRBC (nucléaire, radio-
logique, bactériologique et chimique)
où prédominent actuellement les brû-
lures.
La prise en charge initiale est réa-
lisée dans les hôpitaux de cam-
pagne (intégrés à l’OTAN depuis peu
en Afghanistan), équipés d’un bloc
ophtalmo logique. Les blessés sont
ensuite évacués par voie aérienne,
dès que leur état général le permet,
vers les hôpitaux militaires de métro-
pole (l’HIA de Percy puis l’HIA de rat-
tachement le plus proche du domicile
du blessé) pour la suite de la prise en
charge du traitement.
L’indemnisation des séquelles dépend
de l’administration des anciens com-
battants et des victimes de guerre,
un statut particulier (article L.115)
assurant les soins gratuits de ces
blessés de guerre dans les hôpitaux
militaires.
Ainsi, la traumatologie de guerre crée
des atteintes lésionnelles complexes
s’affranchissant de la segmentation
antérieure/postérieure de l’œil, et à
fort potentiel infectieux. Cela sous-
tend une formation initiale poly-
valente pour les ophtalmologistes
militaires, que nous devons main-
tenir dans notre activité quotidienne
en temps de paix, même si chacun
d’entre nous a une thématique de
prédilection en ophtalmologie.
II
Figure 6. Balisage irien (èche) avec plaie
cornéenne coaptée signant la présence d’un
CEIO postérieur de petite taille.
Figure 5. CEIO de segment postérieur secon-
daire à explosion de grenade (accident de
dégoupillage).