corps etranger intra-oculaire au cours des accidents du travail. a

Médecine du Maghreb 2000 n°83
RESUME
Les accidents de travail occupent une place importante
dans les urgences ophtalmologiques. La présence de
c o r ps étra n ger intra o c u l a i re est un facteur qui va
potentialiser les complications et assombrir le pronostic
fonctionnel.
Les auteurs rapportent dans ce travail 19 observations
de tra u m a tisme oculaire, avec corps étra n g er intra -
o c u l a i re, surve nus au cours des accidents de travail et
ayant nécessi lhospitalisation. Ces accidents sont
l’apanage du sujet jeune, essentiellement de sexe mascu-
lin, très souvent exerçant dans le secteur industri e l .
Dans la plupart des cas, les corps étrangers sont métalli-
ques (79 %). L’apport de l’exploration radiologique est
c apital pour le diagnostic positif et la conduite théra -
peutique. Le traitement est chirurgical consistant à l’ex-
traction du corps étranger et le parage des lésions asso-
ciées. Le pronostic des accidents dépend d’une part de
la qualité et de la pcocité du traitement et d’autre
part de la gravité des complications. D’où l’intérêt de la
prévention sur les lieux du travail.
Mot clés : tra u m a tisme oculaire, accidents de trava i l ,
plaies perforantes, corps étranger intraoculaire.
SUMMARY
Intraocular foreign body at work. About 19 observations
Accidents at wo r k have on important place among
ocular emerge n cy. Intra-ocular fo reign bodies, occur-
ring during ocular tra u m atism, seem to contri bute to
complications and poor visual prognosis.
We studied 19 observations of ocular tra u m atism with
intraocular foreign bodies’ occurring at work accidents.
Most of them we re industrial accidents. Most pat i e n t s
a r e young and male. In the majority of cases, the
foreign bodies were metallic (79 %). Radiological explo-
ration gives important data regarding positive diagnosis
and the surgical procedures. The surgery was based in
removal of intraocular foreign bodies and treatment of
perforating ocular injuries.
Fo l l o wing this study, precocious surge r y seems to
contribute more to have best prognosis. Ocular protec-
tion may reduce the incidence of these accidents fre -
quency.
Key wo r ds : wo r k occident, ocular tra u m atism, intra -
ocular foreign body.
CORPS ETRANGER INTRA-OCULAIRE
AU COURS DES ACCIDENTS DU TRAVAIL
A PROPOS DE 19 OBSERVATIONS
Z. BEN ZINA, I. DHOUIB, A. ABID, H. BEN AYED, M. LAZHARI, W. KHARRAT, M. CHAABOUNI
Service d’Ophtalmologie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, 3029 -TUNISIE.
I - INTRODUCTION
Les tra u m a tismes oculaires constituent la pre m i è re cause
de perte de vision chez le sujet de moins de 40 ans. Les
accidents oculaires du travail sont préoccupants du fait de
leur fréquence et de leur gravité potentielle surtout en pré-
sence d’un corps étranger intraoculaire chez des sujets jeu-
nes en plaine activi pro fe s s i o n n e l l e. Les part i c u l a ri t é s
diagnostiques et thérapeutiques des traumatismes oculaires
du travail avec présence de corps étra n g er intra o c u l a i re
(CEIO) pendent de plusieurs fa c t e u rs dominés, de loin,
par la diversité de la nature et du siège du corps étranger.
Nous voulons à travers ce travail démontrer la fréquence et
la gravité des tra u m atismes oculaires avec des CEIO en
milieu professionnel et attirer l’attention sur la nécessité de
moyens de prévention.
II - PATIENTS ET METHODES
Il s’agit d’une étude rétro s p e c t ive portant sur 19 cas de
t ra u m atisme oculaire avec pénétration de corps étra n ge r
i n t ra o c u l a i re, ayant surve nus en milieu de travail entre le
1er janvier 1995 et le 31 décembre 1997 et ayant nécessité
l’hospitalisation. Ces observations étaient recensées parmi
170 dossiers de traumatisme oculaire.
Nous avons procédé à l’étude des dossiers d’hospitalisation
et des comptes rendus opératoires pour le recueil des don-
nées. Nous avons noté : le type de l’accident, les sions
Médecine du Maghreb 2000 n°83
o c u l a i r es, les cara c t é r istiques du corps étra n ger (port e
d’entrée, nature, siège). Nous avons précisé notre conduite
t h é rapeutique et avons évalué le pronostic fonctionnel et
anatomique.
III - RESULTATS
A - Caractéristiques de l’accidenté
1 - Age et sexe
- 19 patients : 18 hommes (94 %) et une femme (6 %),
- l ’ â g e va r iait de 10 à 52 ans avec une moyenne de
27,94 ans.
2 - Profession
- au sein d’une entreprise
- mécanicien 7 cas
- soudeur 4 cas
- couturière 1 cas
- ouvrier de bâtiment 4 cas
- secteur privé :
- chauffeur 1 cas
- électricien 1 cas
- menuisier 1 cas
3 - Oeil atteint
L’ atteinte était toujours unilat é rale ; sans prédominance
d’un œil par rapport à un autre.
B - Caractéristiques de l’accident
1 - Nature du corps étranger
Les agents métalliques étaient les plus fréquemment re n -
contrés (79 %). Il s’agit de :
- petit corps métallique 11 cas
- bout d’aiguille 1 cas
D’autres corps étrangers de natures diverses étaient obser-
vés. Il s’agissait d’une :
- écharde de bois 1 cas
- corps étrangers telluriques 3 cas
2 - Porte d’entrée
- cornéenne 15 cas
- sclérale 2 cas
- cornéo-sclérale 2 cas
3 - Localisation du corps étranger
Le corps étra n ger était localisé dans le segment antéri e u r
dans 11 cas et au pôle postérieur dans 8 cas. Ainsi, nous
avons observé une :
* localisation rétinienne 8 cas
* localisation intra-camérulaire 5 cas
* localisation iridienne 3 cas
* localisation intra-cristallinienne 3 cas
C - Lésions associées
Les lésions associées étaient dominées de loin par les cata-
ractes post-tra u m atiques suivies de ps par les colle-
ments de la rétine et les lésions iridiennes (tableau n°1).
Tableau 1 : Les lésions oculaires associées
D - Délai de consultation
Les patients avaient consulté soit en urgence dans les quel-
ques heures qui suivaient l’accident, soit tardivement (acci-
dent passé inaperçu). En effet, une patiente avait consulté
après un an du tra u m a tisme au stade de complicat i o n
( hy p e rtonie secondaire). Le délai moyen de consultat i o n
était de 3 jours (tableau 2).
Tableau 2 : Délai de consultation
Z. BEN ZINA, I. DHOUIB, A. ABID, H. BEN AYED,
M. LAZHARI, W. KHARRAT, M. CHAABOUNI
26
Lésions oculaires Nb %
Cataracte 8 42
Lésions iriennes (pertuis,
désinsertion) 3 16
Hyphéma 1 5
Hypopion 2 11
Hémorragie intra-vitréenne 1 5
Décollement de rétine 3 16
Temps Nb %
< 24 heures 8 42
24 à 48 heures 6 32
3 à 10 jours 4 21
1 an 1 5
Médecine du Maghreb 2000 n°83
E - Exploration radiologique
Une ra d i ographie standard des orbites face et pro fil était
demandée systématiquement devant tout traumatisme ocu-
laire perforant avec ou sans notion de corps étranger intra-
o c u l a i re. Cet examen, avait permis de tecter les corp s
étrangers radio-opaques dans 15 cas (Photo 1).
Photo 1 : Radiographie orbitaire de face.
Présence de corps étranger radio-opaque.
A droite : cliché de profil ; à gauche : cliché de face
Une échographie oculaire a été réalisée dans deux cas pré-
sentant des tro u bles des milieux (hyphema et HIV) et a
permis de montrer à côté du corps étranger, le décollement
de rétine. Un scanner orbitaire pratiqué uniquement dans 5
cas a permis de localiser les corps étra n ge rs par rap p o rt
aux parois du globe (Photo 2).
Photo 2 : Scanner orbitaire. Œil gauche :
présence de corps étranger au niveau du cristallin
F- Traitement
Tous les patients avaient bénéficié dès leur admission d’une
chimioprophylaxie locale et générale (antibiotiques et cor-
ticoïdes). La prévention antitétanique était systémat i q u e.
Une intervention ch i ru rgicale a é pratiqe en urge n c e
dans 17 cas (89 %). Elle consistait à un parage et suture de
la plaie assoce à une tentat ive dex t r action du corp s
é t ra n ge r. Celle-ci a été réalisée à l’électroaimant dans les
cas où le corps étranger était métallique. Ce dernier n’était
retiré que dans 10 cas (67 %). Certains gestes chirurgicaux
étaient réalisés de façon différée clans un délai moyen de
22 jours à savoir : une vitrectomie et tentative d’extraction
à la pince des corps étra n ge r s non aimantables : 5 cas.
Nous avons réussi à en extraire deux.
Une ex t raction ex t ra - c ap s u l a i re de cat a r acte tra u m at i q u e
était réalisée dans 8 cas. Celle-ci a permis l’ablation simul-
tanée du corps étranger qui s’y trouvait incrusté (3 cas).
G - Protection oculaire
Dix patients étaient équipés de moyens de pro t e c t i o n
oculaire appropriés. Cependant, personne ne les utilisait au
moment de l’accident.
H - Acuité visuelle
A l’arrivée, l’acuité visuelle était :
- supérieure ou égale à 5/10 4 cas
- égale à 1/10 1 cas
- variait de la perception lumineuse
au comptage des doigts 14 cas
Au dernier contrôle, après traitement, l’acuité visuelle était :
- supérieure ou égale à 5/10 5 cas
- égale à 2/10 1 cas
- variait de la perception lumineuse
au comptage des doigts 13 cas
IV - DISCUSSION
Les accidents oculaires du travail présentaient 70 % cl é s
traumatismes oculaires entre 1909 et 1919 (1) . Malgré la
diminution de leur fréquence au fil du temps, grâce à l’uti-
lisation de plus en plus fréquente des moyens de protection
oculaire, ces accidents oculaires de travail occupent encore
une place importante dans les urgences ophtalmologiques.
CORPS ETRANGER… 27
Médecine du Maghreb 2000 n°83
28 Z. BEN ZINA, I. DHOUIB, A. ABID, H. BEN AYED,
M. LAZHARI, W. KHARRAT, M. CHAABOUNI
Selon une revue de la littérature, leur fréquence varie de 53
à 56 % (2,3).Ces accidents sont graves surtout s’ils s’ac-
compagnent de pénétration de corps étranger intraoculaire
(CEIO), entraînant des dégâts oculaires importants. Ce type
d’accidents oculaires touche essentiellement le sujet jeune,
de sexe masculin, en pleine activité. Ces accidents sont
graves car ils coïncident avec l’âge où l’activité profession-
nelle est la plus intense, entraînant par conséquent des
préjudices fonctionnels et esthétiques d’une part et des
r é p e rcussions économiques d’autre part. Certains métiers
sont plus exposants que d’autres. Le secteur industriel sem-
ble le plus grand pourvoyeur de ces accidents. En effe t ,
selon l’étude de LOPEZ (3), le secteur industriel est re s -
p o n s able de 29,3 % de ces accidents. La principale cir-
constance demeure l’accident de type mart e a u - bu rin pour
plus de 50 % des cas (2). En général, les corps étrangers de
nature métallique sont ceux les plus fréquemment rencon-
trés (4). Dans notre étude, nous avons noté la présence de
corps étrangers de nature métallique dans 79 % des cas.
Pour certains auteurs (3, 4), l’œil gauche est le plus touché.
Pour GAIN (2), l’atteinte de l’œil droit est prédominante.
La prédominance de l’atteinte de l’œil gauche est expliquée
par la protection instinctive de l’œil droit par la main droite
du travailleur le plus souvent droitier.
Selon KHALIL (4), la porte d’entrée est cornéenne dans
44 % des cas, limbique dans 19 % des cas et sclérale dans
37 % des cas. Selon RUNYAN (in 5), la porte d’entrée est
cornéenne dans 70 %, sclérale dans 20 % et limbique dans
10 %. Il semble que les lésions cornéennes soient plus fré-
quentes dans le secteur métallurgique.
Le CEIO siège le plus souvent au niveau du segment anté-
ri e u r. En effet, KHALIL (4) a noté que le CEIO était
localisé dans le segment antérieur dans 81 % des cas contre
11 % des cas où le CEIO était fiché dans le pôle postérieur
(4) ce qui corrobore nos résultats. Le diagnostic certain et
la localisation fine du CE ne peuvent être faits que grâce à
l ’ ex p l o ration ra d i o l ogi q u e. En outre, celle-ci a un gra n d
intérêt thérapeutique (orienter l’indication ch i ru rgicale) et
p ro n o s t i q u e. La ra d i ographie standard permet la détection
des corps étrangers radio-opaques. Elle est indiquée chaque
fois quun CEIO est suspecté. Cependant, le pri n c i p a l
écueil de cette méthode c’est que les dimensions minimales
re c o n n a i s s ables du CE, sont fonction du poids spécifi q u e
du matériau donc insuffisantes pour identifier ou exclure la
présence de CEIO. L’exploration tomodensitométrique aug-
mente cette dimension minimale (500 fois plus sensibl e s
que radiographie standard) ce qui permet de mieux identi-
fier et situer le corps étra n ger par rap p o rt aux diff é re n t e s
tuniques de l’œil surtout les corps de faible densité.
Le CEIO ra d i o - t ra n s p a rent (bois, ve rre) impose une IRM
après véri fi c ation d’absence d’hy p e rdensien scanner et
d’opaci ra d i ographique (5). L’ é ch ographie orbitaire est
pratiquée en cas de trouble des milieux. Elle permet de réa-
liser un bilan lésionnel préopérat o i re (hémorragie dans le
vitré, décollement de la rétine). Selon LOPEZ (3), seule-
ment 31,5 % des ouvri e rs utilisaient de façon spora d i q u e
des lunettes de protection oculaire et personne n’utilisait de
p rotection au moment de l’accident. Ceci est éga l e m e n t
valable dans notre série où nous avons noté un port incons-
tant des moyens de protection. Les accidents de travail avec
présence de CEIO constituent une urgence chirurgicale.
Une antibio-pro p h ylaxie associant deux antibiotiques
s y n e rgiques est cessaire. Le traitement ch i ru r gi c a l
consiste à côté du parage de la plaie du globe à l’extraction
du CEIO. Multiples facteurs interviennent dans la conduite
thérapeutique tels que la localisation du CEIO, sa taille, sa
forme et sa composition . Ainsi :
- les corps étra n ge rs intra - c a m é ru l a i res sont le plus sou-
vent ex t raits à la pince ou à lélectroaimant : la voie
d’abord sera soit par la plaie elle même soit par l’inci-
sion limbique.
- pour les corps étra n ge rs intra - c ristalliniens, l’ex t raction
du cristallin permet en même temps l’ablation du corps
étranger.
- les corps étrangers localisés au niveau du segment posté-
rieur sont extraits à l’électroaimant par incision sclérale
au niveau de la pars plana. Cette technique est réservée
s u rtout pour les corps étra n ge rs fi chés en tine anté-
rieure particulièrement sur les méridiens de 6 heures,
- pour les corps étrangers les plus profonds (2), l’extrac-
tion par vitrectomie-pince est la technique la plus cou-
ramment utilisée (6, 7).
- l’extraction du corps étranger est indispensable pour les
c o rps étra n ge rs ox y d a bles tels que le fer et le cuiv re.
Elle est discutée pour les corps en plomb.
Médecine du Maghreb 2000 n°83
CORPS ETRANGER… 29
V - CONCLUSION
Les accidents oculaires de travail avec plaie du globe
oculaire représentent un fléau important pouvant entraîner
de graves conséquences sociopro fessionnelles et médico-
légales. La présence de CEIO est un élément qui en assom-
bri encore plus le pronostic. Le patient, victime de tel acci-
dent pèse une lourde charge pour la société et nécessite une
hospitalisation longue et onéreuse en plus de l’absentéisme
répété.
Ce type d’accident entraîne une IPP de 30 % (6) ce qui
souligne l’intérêt de la prévention de tel accident sur les
lieux de travail et l’utilisation de moyens de pro t e c t i o n
appropriés (masque, casque...).
BIBLIOGRAPHIE
1 - GARROW A.
A statistical enquiry into 1000 cases of eye injuries.
Br J Ophthalmol 1923 ; 7 : 65-80.
2 - GAIN PH. , TREPSAT C. , MAUGERY J. et al. :
C h i ru rgie des corps étra n ge rs fi chés dans la ch o riorétine .A propos de
19 cas.
Ophtalmologie 1996 ; 10 : 425-30.
3 - LOPEZ MIEMONY M., MIGUEL BORRAS D. et al.
Urgences ophtalmologiques au travail.
Ophtalmologie 1996 ; 10 : 418-21.
4 - KHALIL A. , RISS J.M. , COUPIER L. , ROUST H. , RIDIGS B.
Corps étrangers intraoculaires. A propos de 27 observations.
Ophtalmologie 1996 ; 10 : 422-4.
5 - CABANIS E.A., BOURGEOIS H. , IBA-ZIZEN M.T.
Imagerie en ophtalmologie.
Soc Fr Ophth. Edition Masson. Paris 1996 28 : 408-18.
6 - FURIA M. , HAMARD H. , LAUTIER M. et al.
Traitement ch i ru r gical des plaies du globe avec corps étra n ge r s
métalliques rétino-choroïdiens.
J. Fr. Ophtalmol. 1987 ; 10 : 629-37.
7 - RAVAULT M.P., TREPSAT C., CHABIN T.
Place de la vitrectomie dans le traitement des corps étra n ge rs intra -
oculaires.
Bull Soc Opht Fr 1983 ; 83 : 1285-9.
1 / 5 100%

corps etranger intra-oculaire au cours des accidents du travail. a

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !