Du don à la greffe ou la chaîne de la vie

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dossier
Don, prélèvement et greffe d’organes
Du don à la greffe
ou la chaîne de la vie
D ossier
Rédaction : B. Boutin-Mostefa et M. Dechavanne.
Avec la collaboration de : Pr B. Albat, Dr P. Chardon, Pr J.F. Eliaou, Dr S. Jaber,
Pr G. Mourad, Pr F. Navarro, Pr G.P. Pageaux, Pr. J.F. Rossi, Dr F. Vachiery.
Véritables enjeux de santé publique, le don, le prélèvement et la greffe sont inscrits dans la loi de bioéthique révisée en
1994. L’indication de greffe est posée lorsqu’il n’y a pas d’alternative thérapeutique curatrice et que le receveur est inscrit
sur une liste d’attente nationale gérée par l’Agence de Biomédecine.
Axe essentiel défini dans son projet d’établissement, le CHRU de Montpellier a développé une expertise reconnue dans ce
domaine. En 2006, 181 transplantations y ont été effectuées et le CHRU reste l’établissement incontournable de la région
en matière de greffes.
Outre la technicité et le professionnalisme de tous les acteurs médicaux qui participent à cette chaîne de vie, soulignons
leur courage, leur volonté et leur engagement dans ce combat pour la vie.
Ce mois-ci, Objectif Lettre les rencontre.
Sans don ni prélèvement, pas de greffe !
Le maillon central du prélèvement s’appelle “CHP”
La Coordination Hospitalière de Prélèvements, créée en 1988, est au cœur de l’organisation du prélèvement.
Elle travaille en interface avec l’Agence Régionale d’Hospitalisation et l’Agence de Biomédecine et génère au CHRU une dynamique
certaine, en impliquant tous les acteurs du
prélèvement.
Composée d’un médecin coordonnateur (le
Dr Florence VACHIERY), d’un cadre de santé
et de quatre infirmières, la CHP a trois missions essentielles :
Elle est en première ligne pour prendre en
charge des familles souvent atterrées et
dans un désarroi extrême. L’erreur dans le
discours n’est pas permise car au bout de
cette annonce, il y a la survie d’une autre
personne. Après recueil de la non-opposition
du défunt au don auprès des proches, elle
organise le prélèvement multi-organes et de
tissus et s’assure de la qualité des greffons
en réalisant les bilans obligatoires dans le cadre de la sécurité sanitaire.
Un prélèvement représente, en moyenne,
24h00 de travail non-stop pour la CHP.
◗ Former les acteurs médicaux et soignants
◗ Accueillir les proches et organiser le
prélèvement d’organes et de tissus
La CHP accompagne les proches lors de l’annonce de la mort cérébrale du futur donneur
en partenariat avec le service de réanimation.
au cours de sessions organisées par la CHP.
◗ Informer et sensibiliser le grand public
En plus de promouvoir le don d’organes au
sein même de l’institution, la Coordination
informe l’ensemble de la population par
différentes actions (participation aux journées
de sensibilisation, démarches auprès des collèges et des lycées, etc…).
Dans un futur proche, la CHP a pour projet de mettre en place une activité de formation action au sein des secteurs de réanimation et de blocs (bourse obtenue dans le
cadre de “Grand Sud transplant”).
La Région Languedoc-Roussillon mobilisée autour du prélèvement
La professionnalisation de l’activité de prélèvement a permis la création d’une structure régionale inter-hospitalière fondée sur
la complémentarité des partenaires : le Réseau RE-PRE-LAR. C’est aussi la CHP qui en
assure l’encadrement médical et paramédical
(cf page 6 du dossier).
Au début de la chaîne,
la réanimation
“L’équipe d’Anesthésie Réanimation est le
premier maillon de la chaîne “don, prélèvement et greffe d’organes”. C’est une charge
lourde, qui nécessite courage et détermination”, déclare le docteur Patrick CHARDON
(SAR A).
La Coordination Hospitalière de Prélèvement
Objectif Lettre
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DOSSIER
Les services de réanimation du CHRU sont
souvent confrontés à des patients qui vont
évoluer vers la mort encéphalique (coma
dépassé). Le SAR A du CHRU, qui reçoit plus
spécifiquement des polytraumatisés, est le
premier concerné.
Itinéraire d’une annonce douloureuse …
Après avoir constaté la mort encéphalique
(ou mort cérébrale) du patient, le médecin-réanimateur annonce cet état à la famille du malade.
Aidé de la CHP, il évoque la question du
don d’organes. Rien n’est gagné d’avance
et ce sont des minutes ou heures douloureuses qui vont s’égrainer avant que la famille donne son accord.
Après les différents contrôles obligatoires,
la prise en charge du patient se poursuit
dans le service, durant une vingtaine d’heures, avant le départ au bloc opératoire.
Des formations à la mesure des difficultés humaines rencontrées
Consciente du rôle important que jouent
les équipes de réanimation, la CHP va mettre en place un plan de formation pour
aider les médecins et les soignants des
SAR dans leurs démarches auprès des familles de patients.
D ossier
A chaque organe, sa transplantation
10 heures pour un nouveau La transplantation rénale
coeur
Dans ce domaine, le CHRU a développé
Seules les insuffisances cardiaques terminales, inaccessibles aux traitements médicamenteux ou chirurgicaux conventionnels
peuvent bénéficier de cette technique.
Le CHRU de Montpellier assure une moyenne annuelle de 12 interventions par an,
dans les cas suivants :
◗ Cardiomyopathies (il s’agit d’une atteinte
une expertise certaine et bénéficie d’une
reconnaissance nationale. Le Service de
Néphrologie, Transplantation et Dialyse
péritonéale du Pr Georges MOURAD est le
seul à pratiquer la transplantation dans la
région.
Une des 5 premières équipes
françaises pour
la tranplantation rénale
primitive du muscle cardiaque),
3 missions :
◗ Le suivi immédiat de la transplantation
rénale, avec donneur décédé ou vivant,
◗ Le suivi immédiat de la greffe combinée
rein-pancréas pour les diabétiques,
◗ Le suivi au long cours des transplantations.
Le délai d’attente moyen pour obtenir un
rein est de 30 mois. 120 greffes rénales
par an sont réalisées au CHRU pour une
liste d’attente de 300 patients. Avec ce
chiffre, le service est une des 5 premières
équipes françaises dans ce domaine.
◗ Cardiopathies ischémiques (atteinte des
vaisseaux coronaires),
◗ Cardiopathies valvulaires.
Le délai moyen d’attente est de 5 mois, période durant laquelle le patient “receveur”
est régulièrement suivi par l’équipe. Un bilan complet est effectué pour déceler toute
contre-indication à la greffe.
Fait extraordinaire, un cœur peut supporter l’absence de vascularisation pendant 5
heures. L’équipe de greffe prépare déjà le
receveur lorsque le prélèvement débute.
L’acte de greffe en lui même dure 5 heures
en moyenne.
Un service prêt à transplanter 24h sur
24h
Au CHRU, c’est le service de Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire du Pr Bernard
ALBAT qui est au centre de cette activité
avec deux chirurgiens cardiaques.
Après intervention, le patient est en isolement (en réanimation puis dans le service)
une vingtaine de jours, car les conditions
d’hygiène doivent être draconiennes.
Par la suite, les patients sont régulièrement suivis (d’un point de vue clinique et
psychologique) dans le service.
Les transplantations cardiaques assurent
80 % de survie à 1 an et 70% à 5 ans.
La majorité des greffes s’effectue grâce
à des prélèvements sur des donneurs décédés. Cependant,
le service procède
aussi à plus de 10 %
de greffes avec
donneurs vivants
(famille et proches
du receveur).
La transplantation
de donneurs vivants est complexe
et respecte un protocole strict basé
sur la motivation,
la psychologie et la
santé du donneur
vivant.
Une étroite collaboration a été mise
en place avec la
CHP, le laboratoire
d’Immunologie
(Pr J-F ELIAOU) et
avec le service
d’Urologie (Pr GUITER, Dr F. IBORRA),
qui effectue la
chirurgie des prélèvements et les
greffes.
Objectif Lettre
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DOSSIER
La survie des patients greffés est de 95 %
à 1 an ; elle est de 60 % à 10 ans.
Au CHRU, la greffe hépatique est assurée
par un trinôme : Le Service d’Hépato-Gastro-Entérologie (Pr G.-Philippe PAGEAUX),
l’Unité de Réanimation et de Transplantation du Service d’Anesthésie Réanimation
B (Dr Samir JABER) et le Service MédicoChirurgical des Maladies de l’Appareil Digestif et Transplantation Hépatique (Pr
Francis NAVARRO).
◗ Pour le foie, l’urgence est au rendezvous
Le taux de survie est de 70 % après 5 ans
et 50 à 60 interventions sont faites
Comment parler de la greffe sans parler du
prélèvement ? Appelé souvent la nuit et en
urgence, le préleveur part en “croisade” pour
aller prélever ce foie qui n’attendra pas longtemps.
chaque année.
◗ Un suivi ante et post greffe,
La transplantation hépatique est un acte
chirurgical très lourd car le foie est un
organe complexe avec de nombreux vaisseaux, veines et artères et cette technique
ne peut supporter une aide mécanique (il
C’est en hépato-gastro-entérologie que le
patient se rendra pour un bilan pré-greffe
n’existe pas de foie artificiel ou de machine
capable de se substituer à cet organe).
(examens cardiologiques, pulmonaires vasculaires mais aussi psychologiques) et va-
L’opération dure 12 heures et assure une
réussite immédiate de 90 %.
lider son inscription sur la liste d’attente
des demandeurs. A noter que ce n’est pas
son ancienneté d’inscription mais son état
qui définira l’attente. La moyenne d’attente
est de 6 mois pour obtenir un foie. Pendant
ce délai, le patient est fréquemment suivi par
le service.
Après la greffe, le patient viendra en consultation très régulièrement pour effectuer un
suivi clinique et psychologique. Les médecins
s’attachent particulièrement à l’impact psychologique d’une telle étape dans la vie.
Le CHRU est le 1er centre de
transplantation hépatique du Grand
Sud et le service est reconnu à l’échelle
internationale pour les
interventions sur cirrhoses alcooliques.
«Sur pied» 24h/24h, c’est le chirurgien
qui prend la décision de la transplantation hépatique. Prévenu directement par
la Coordination, il se base sur une dizaine
de critères (biologiques, morphologiques,
etc…) pour rapidement donner son
accord sur le greffon proposé.
◗ Attention ! complications possibles
Après intervention,
un patient greffé
reste environ une
dizaine de jours
dans l’Unité de
Réanimation et de
Transplantation .
L’a c te c h i r u r g i c a l
étant très lourd, il
y a donc une surveillance continue et
longue afin d’éviter
le s complic ations
précoces (infections,
rejet, etc…) qui peuvent très vite s’avérer fatales.
Au CHRU, seuls un
médecin préleveur
et de deux médecins
greffeurs sont en
charge de la transplantation hépatique.
Objectif Lettre
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DOSSIER
Et pour les maladies du sang
L’activité de greffe hématologique du service d’Hémato-Oncologie du Pr J.-François
ROSSI est rassemblée depuis peu, au sein
d’un Centre de greffe adulte-enfant
engagé dans une démarche d’accréditation européenne JACIE (Drs N. FEGUEUX, G.
MARGUERITTE et F. BERNARD). Son activité
est en lien étroit avec la recherche biologique (Institut de Recherche en Biothérapie
D ossier
Il était un foie...
et Unité de Thérapie Cellulaire, Pr Bernard
KLEIN) ainsi que le laboratoire d’Immunologie (Pr J.-François ELIAOU) pour la recher-
che des donneurs et leur typage, dans une
ambiance de recherche clinique s’appuyant
sur le CIC-Biothérapie. .
Le service effectue deux types de greffes :
◗ la greffe autologue est une ré-infusion de cellules souches hématopoïétiques
provenant du patient lui-même (cancers
chimio-sensibles tels que les lymphomes, le
myélome ou autres maladies du sang et de
la moelle). 120 autogreffes par an sont
pratiquées.
Fait unique, depuis deux ans, 26 autogreffes de patients habitant dans l’agglomération de Montpellier, ont été réalisées au
CHRU avec suivi précoce à domicile, grâce
à une équipe d’infirmiers libéraux, conventionnés avec l’établissement et connaissant parfaitement le type de prise en
charge, en lien étroit avec le service ;
◗ la greffe allogénique permet de rem-
placer les cellules malades d’un patient par
les cellules saines d’un donneur, en restaurant un contrôle immunitaire défaillant
(techniques réservées à certaines leucémies
ou autres cancers du sang ou de la moelle
en rechute).
Une nouvelle voie à la médecine régénératrice
La possibilité d’utiliser plusieurs greffons
compatibles provenant de cordons ombilicaux (récupérés au décours de l’accouchement) permet de traiter plus de patients.
44 allogreffes sont pratiquées par an
et probablement 70 dès l’an prochain.
Sur un plan régional, le CHRU est le seul
site de transplantation. Tous ces éléments
expliquent l’extraordinaire essor et dynamisme autour de cette activité et justifie la
place grandissante du CHRU de Montpellier parmi les grands centres de Thérapie
Cellulaire et de Greffe.
L’immunogénétique au
service des transplantations
En plus de sa fonction de plate-forme pour
toutes les transplantations, l’immunogénétique travaille aussi dans le domaine des
cellules souches.
L’Unité d’Immunogénétique du laboratoire
d’Immunologie (Pr J.F. ELIAOU) a un rôle clé
dans la chaîne don, prélèvement et greffe .
◗ Pour la greffe de cellules souches
(cellules qui assurent la régénération) du
sang, celles-ci peuvent avoir trois origines,
la moelle osseuse, le sang, les cellules du
cordon ombilical. Une compatibilité HLA
stricte entre le donneur et le receveur est
ici indispensable avant toute greffe. Les
aspects biologiques, techniques et logistiques de ces greffes sont assurés par le
laboratoire.
D ossier
◗ Elle orchestre la compatibilité entre
les donneurs et receveurs pour toutes
les transplantations d’organes. Elle établit
le typage HLA (éléments du sang spécifiques à chaque individu et qui intervient dans
les défenses naturelles) du donneur et le
communique à la Coordination.
Le laboratoire effectue le «cross-match»
en vérifiant que le receveur ne possède
pas d’anti-corps contre les déterminants
HLA du donneur (situation qui ne permet
pas la transplantation, le cas échéant, le
laboratoire émet une contre-indication de
transplantation);
Comment faire un don ?
L’unité accueille les personnes souhaitant
faire un don volontaire anonyme et gratuit
de cellules souches sanguines.
Le laboratoire, qui est centre
référent de l’Agence de la Biomédecine effectue alors une
première analyse pour établir
le typage HLA du futur donneur
et les résultats sont retranscris
dans le Registre national des
donneurs.
Si la compatibilité entre un donneur et un receveur est établie
alors, on procède à une seconde
analyse plus poussée avant le prélèvement
mais aucun stock n’est fait à l’avance.
Le laboratoire assure une garde 24h/24 et
l’équipe effectuera près de 6000 typages
en 2007.
Une communication “grand public”
autour du don
Le laboratoire participe activement à la mission d’information sur le don et la greffe et
communique régulièrement sur le sujet. L’objectif pour 2008 est d’atteindre l’inscription
sur le Registre national de 1400 nouveaux
donneurs de cellules souches sanguines résidant dans la région Languedoc-Roussillon.
Laboratoire d’immunologie
Tous les acteurs médicaux de la Région
réunis en réseau
Fort de sa position de Centre Hospitalier Régional Universitaire, notre établissement a voulu développer le
partenariat entre hôpitaux et la complémentarité de chacun dans le domaine.
Le réseau RE.PRE.LAR. est né de cette volonté.
En Languedoc-Roussillon, RE.PRE.LAR est
un réseau structuré, dynamique, organisé
et motivé, basé sur la complémentarité de
tous les partenaires.
◗ Structuré : Ce réseau compte dix établissements organisés par grades afin de coordonner le don d’organe, du prélèvement à
la transplantation. Les Centres Hospitaliers
de Narbonne, Sète, Alès, Bagnols-sur-Cèze
et Mende recensent les morts encéphaliques et prennent en charge les familles.
Béziers, Perpignan, Carcassonne, Nîmes et
Montpellier assurent les prélèvements. Seul
le CHRU de Montpellier transplante.
◗ Dynamique : L’objectif général est de
concourir à la prise en charge des «donneurs potentiels» d’organes et de tissus,
sur la région Languedoc-Roussillon pour satisfaire les patients en attente de greffe.
RE.PRE.LAR s’est fixé pour objectif d’augmenter la détection des donneurs potentiels.
◗ Organisé : Le réseau est organisé autour
En conclusion
de deux cellules :
Les cellules opérationnelles, présentes
dans tous les établissements de la Région,
participent aux activités de Prélèvements
d’Organes et de Tissus. Elles développent
aussi une mission d’éducation en créant
des activités de formation, d’information
et de sensibilisation.
Ce tour d’horizon du prélèvement à la
greffe place le CHRU de Montpellier
dans le peloton de tête des centres
hospitaliers universitaires français.
Des équipes de haut niveau contribuent
chaque jour à donner un rayonnement
international à leurs pratiques.
La cellule animation du réseau, menée
par l’encadrement médical et soignant de la
CHP, crée la dynamique régionale. Elle coor-
donne et anime le fonctionnement général du réseau, apporte un appui technique
et logistique sur tous les établissements,
standardise et harmonise les pratiques au
sein du réseau, pilote les groupes de travail et développe la recherche.
Enfin, elle mène une action d’information,
de formation et de sensibilisation.
Le CHRU est par ailleurs engagé dans la
mise à disposition de son plateau technique (laboratoire de virologie, typage HLA,...)
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Les techniques, la recherche, sans
oublier l’organisation autour de cette
chaîne de vie, sont en perpétuelle évolution et le travail des équipes hospitalières montpelliéraines en est la preuve.
N’oublions pas que nous sommes tous
concernés par cette chaîne de vie.
Anonyme, gratuit et volontaire, le don
représente une vraie chance de vie. En
informant nos familles sur notre position face au don, nous rentrons dans la
chaîne.
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