d’un mode spécifique de gouvernement à un autre. Qu’on envisage la
naissance du libéralisme ou de l’État moderne, c’est toujours à la faveur
d’une requalification, par les économistes, des relations économiques
qu’émergent de nouveaux modèles de gouvernement, eux-mêmes dictés
par la nature des phénomènes économiques décrite par les économistes,
pour finalement, avec le néolibéralisme, voir économie et pouvoir se
confondre. Comprenons donc que notre analyse se situe à un niveau de
deuxième ordre, c’est-à-dire que nous nous emploierons à manifester la
logique implicite du discours de Foucault, plutôt qu’à commenter les
problématiques examinées en elles-mêmes par le philosophe.
Dans le présent texte, nous entendons démontrer que le « problème
économique », c’est-à-dire le rôle singulier du discours économique
comme moteur de transformation historique, absent dans la partie de
l’œuvre qui va de Les mots et les choses [1966] jusqu’à Surveiller et punir
[1975], va soudainement apparaître comme le principe d’intelligibilité
de la transformation des rationalités gouvernementales. D’abord, il
s’agira pour nous de montrer comment les analyses consacrées à
l’économie politique dans l’œuvre du « jeune Foucault » ne sont jamais
autonomes, s’inscrivant plutôt dans le schéma général de l’histoire des
savoirs et du pouvoir. Ensuite, nous essaierons de montrer comment, à
partir du cours de 1977, le concept de gouvernementalité donne lieu à
une nouvelle analyse du pouvoir dans laquelle l’économie politique
devient le principe causal des changements historiques intervenants
dans le gouvernement des hommes. Nous appuierons notre
argumentation sur trois figures de la gouvernementalité, soit la Raison
d’État, la critique phyioscratique-libérale et le néolibéralisme.
1. L’économique : le « même » du pouvoir et du savoir
Dans cette partie de notre exposé, nous voudrions montrer comment
les analyses de Foucault dans Surveiller et punir [1975] ne donnent lieu,
tout au plus, qu’à une mention de l’influence « amplificatrice » qu’a pu
avoir l’avènement du capitalisme dans la naissance de l’ordre
disciplinaire, mention est vite abandonnée au profit d’analyses
extrinsèques à la problématique économique. Mais avant, il nous faudra
démontrer comment les analyses épistémologiques foucaldiennes des
années 1960 ne laissent pas davantage l’économie se singulariser par
rapport aux analyses qui vont suivre, l’économie politique ne figurant
que comme figure des épistémès examinées.