LA SIGNIFICATION DES OMD POUR LES PAYS PAUVRES

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CHAPITRE DEUX
2
Ce chapitre
examine ce qu’ont
signifié les OMD
pour quatre pays
très différents sur
la base d’études
de cas originales
réalisées par
des instituts de
recherche
nationaux.
LA SIGNIFICATION DES OMD
POUR LES PAYS PAUVRES –
QUATRE ÉTUDES DE CAS
B
ien que la Déclaration du Millénaire ait été
approuvée par 189 États membres de l’ONU,
les OMD qui en ont découlé ont signifié
des choses différentes selon les pays. Ainsi
qu’il a été expliqué dans le chapitre 1, ils ont
contribué à mobiliser un soutien international en
faveur du développement, en concentrant les efforts
sur un nombre limité d’objectifs et de cibles. Pour
les pays en développement, les OMD peuvent donc
orienter la formulation des politiques nationales et
servir de cadre pour gérer l’aide extérieure. Mais
un tel cadre, adopté au niveau international, n’est
peut-être pas toujours adapté à des priorités et des
approches spécifiques dans différents contextes
nationaux. Il est interprété et utilisé différemment
dans chaque cas. Afin d’élaborer un cadre de
développement pour l’après-2015, il est important
de bien comprendre ce qui détermine la forme que
peut la transposition, comment le cadre des OMD a
été utilisé en relation avec les politiques nationales
de développement et dans quelle mesure il a facilité,
ou dans certains cas peut-être même entravé, leur
mise en œuvre. De quelle façon des instruments
définis à l’échelle mondiale comme les OMD ontils contribué et sont-ils susceptibles de contribuer
à des processus de développement ancrés dans des
contextes nationaux spécifiques?
Ce chapitre examine ce qu’ont signifié les OMD
pour quatre pays très différents, le Népal, le Rwanda,
la Côte d’Ivoire et le Pérou, sur la base d’études de
cas originales réalisées par des instituts de recherche
nationaux pour les besoins du présent rapport12. La
première section du chapitre donne un aperçu des
analyses des chercheurs. Certaines des principales
questions auxquelles ils ont tenté de répondre
concernent notamment les effets des OMD en
tant qu’instrument sur les choix politiques et leur
application au niveau national13.
Il est important aussi d’envisager, de manière
plus générale, comment fonctionnent les processus
politiques nationaux et comment les cadres
internationaux comme celui des OMD interagissent
avec les politiques nationales. La deuxième partie du
chapitre présente donc de récents travaux d’économie
12 Des résumés des études de cas sont annexés au présent rapport et leurs versions complètes sont publiées sur le site web du RED. Les études ont
été menées par:
• Le SAWTEE et le CESLAM au Népal, sous la direction de Pandey, P.R., Adhikari, R. et Sijapati, B. (2012)
• L’IPAR au Rwanda, sous la direction d’Abbott, P., Malunda, D. et Ngamije Festo (2012)
• Le CIRES en Côte d’Ivoire, sous la direction de Kouadio, E.K., Ouattara, Y. et Souleymane, S.D. (2013)
• Le RIMISP et l’IEP au Pérou, sous la direction de Barrantes, R. et Berdegué, J.A. (2012)
13 Des équipes de chercheurs établis dans les pays concernés on réalisé les études de cas. Elles ont aussi organisé des consultations avec les autorités
nationales et des organisations de la société civile afin de discuter de leurs données et de leurs analyses, et de formuler des propositions relatives à
un programme de développement pour l’après-2015 dans l’optique de leurs pays respectifs. Ces propositions doivent donc être comprises comme
des points de vue qui se dégagent des discussions et des consultations organisées par les chercheurs, mais qui ne prétendent pas représenter les
positions d’une organisation ou d’une entité publique quelconque.
24
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
politique en vue d’analyser les processus décisionnels
spécifiques aux différents pays et les modalités de
mise en œuvre qui sous-tendent les stratégies de lutte
contre la pauvreté et, plus largement, les politiques
liées au développement. La dernière partie du
chapitre analyse les incitants politiques que peuvent
apporter les liens économiques mondiaux et les
relations internationales, ainsi que l’impact potentiel
des instruments mondiaux et régionaux au niveau
national. Chaque pays a aussi des caractéristiques
uniques susceptibles d’influencer les interactions de
son gouvernement avec l’économie mondiale et avec
les relations et instruments internationaux.
2.1. Les OMD au niveau national –
quatre études de cas
Les quatre études de cas commanditées sur le Népal,
le Rwanda, la Côte d’Ivoire et le Pérou ont examiné
les informations disponibles concernant les effets
probables des OMD sur les décisions nationales
en matière de lutte contre la pauvreté. Bien que les
DÉVELOPPEMENT
éléments attestant de l’impact des OMD dans ces pays
soient moins concluants, les études ont cependant
permis d’identifier certains de leurs effets. Elles nous
éclairent aussi sur les perceptions des OMD et sur
les raisons qui incitent les gouvernements à utiliser
les OMD en tant qu’instrument (objectifs, cibles,
indicateurs, mécanismes de suivi, etc.) et à en respecter
les engagements politiques. Les quatre pays sont très
divers et présentent un large éventail de situations
différentes en termes de développement et de relations
avec l’UE, comme en attestent les indicateurs de base
présentés dans le tableau 2.1.
Bien que ces études de cas ne soient pas censées
constituer un échantillon représentatif, elles illustrent
utilement une série de situations auxquelles ont été
confrontés les pays en développement au cours de la
décennie écoulée depuis l’adoption de la Déclaration
du Millénaire. Les quatre pays ont des niveaux de
développement divers et se caractérisent par des
tendances et des défis de nature variée en termes
de démographie, d’économie et d’environnement,
comme le résume le tableau 2.2
Tableau 2.1 Études de cas nationales: Indicateurs choisis
Népal
Rwanda
Côte d’Ivoire
Pérou
Population en 2011
(en millions d’habitants)
30 mn
11 mn
20 mn
29 mn
PIB en 2011 (en Mrd $ courants)
18,9 bn
6,4 bn
24,1 bn
176,7 bn
PIB par habitant en 2011
(en $ constants de 2000)
275$
356$
549$
3.364$
Statut de revenu attribué par
la Banque mondiale
LIC
LIC
LMIC
UMIC
Indice de Gini
32,8 (2010)
50,8 (2011)
41,5 (2008)
48,1 (2010)
Versements d’APD par l’UE et le CAD/
OCDE en 2010 (en Mio $)
210 mn
308 mn
267 mn
211 mn
APD reçue en % du RNB en 2011
4,70%
20,22%
6,24%
0,36%
Balance commerciale avec l’UE27
en 2011 (en Mio $)
- 26 mn
Migrants dans l’UE en proportion du
nombre total d’émigrants en 2010
4,1%
- 115 mn + 2.401 mn + 4.196 mn
8,9%
9%
29,1%
Sources: bases de données statistiques de la Banque mondiale, de l’OCDE, du CCI et de la CNUCED
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
25
CHAPITRE DEUX
Table 2.2 Case study countries trends and projections
DÉMOGRAPHIE
CROISSANCE
DÉMOGRAPHIQUE
STRUCTURE
PAR ÂGE
URBANISATION
MIGRATION
INTERNATIONALE
1,9 % en 2010.
FÉCONDITÉ
EN DÉCLIN
TRÈS JEUNE
0-24 ans
TRÈS RURALE
Urbaine – 17 %
Rurale – 83 %
Taux de migration net:
-0,6 par 1 000 personnes
pour la période 2010-15
1950
NÉPAL
6,1
2,9
ENFANTS
PAR FEMME
+ de 65 ans
ENFANTS
PAR FEMME
2,9 % en 2010.
FÉCONDITÉ
EN DÉCLIN
1950
8
5,4
PAR FEMME
ENFANTS
PAR FEMME
1950
6,8
4,7
ENFANTS
PAR FEMME
2010
ENFANTS
PAR FEMME
1,1 % en 2010.
FÉCONDITÉ
EN DÉCLIN
1950
26
6,9
2,6
URBAINE
RURALE
Âge moyen 21,4
TRÈS JEUNE
0-24 ans
63,4%
33,9%
2,7%
+ de 65 ans
1,8 % en 2010.
FÉCONDITÉ
EN DÉCLIN
PÉROU
Minimale
SORTANTE
TRÈS RURALE
Urbaine – 19.1 %
Rurale – 80.9 %
URBAINE
RURALE
TRÈS JEUNE
MIXED
0-24 ans
Urbaine – 51.3 %
Rurale – 48.7 %
URBAINE
RURALE
0-24 ans
49,1%
44,8%
6,1%
PAR FEMME
+ de 65 ans
2010
ENFANTS
PAR FEMME
Beaucoup de migrants
régionaux et d’origine
libanaise dans des
emplois peu qualifiés
Beaucoup d’Ivoiriens
émigrent en France attirés
par la langue et par des
similitudes culturelles
TRÈS RURALE
Urbaine – 77.3 %
Rurale – 22.7 %
Taux de migration net: -2,8
par 1 000 personnes pour
la période 2010-15
ENTRANTE
25-64 ans
ENFANTS
Nouvelles migrations:
0,1 par 1 000 personnes
pour la période 2010-15
SORTANTE
Âge moyen 19,2
JEUNE
SORTANTE
Une grande part des
migrants rwandais sont
des refugiés qui ont fui
le génocide
ENTRANTE
25-64 ans
+ de 65 ans
Taux de migration net:
0 par 1 000 personnes
pour la période 2010-15
Faible migration entrante
en provenance d’autres
États membres de la CAE
Âge moyen 18,7
61,2%
35%
3,8%
Principales destinations:
Inde et pays du Golfe,
les envois de fonds des
migrants parviennent à
56 % de l’ensemble des
ménages
ENTRANTE
25-64 ans
ENFANTS
2010
CÔTE D’IVOIRE
ENTRANTE
25-64 ans
2010
RWANDA
56,9%
38,9%
4,2%
RURALE
Âge moyen 25,6
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
URBAINE
Récemment, des
ressortissants espagnols
sont arrivés pour échapper
à la crise de l’euro
SORTANTE
Principales destinations:
USA, Espagne, Italie et
autres pays de l’UE
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIE
CROISSANCE
ÉCONOMIQUE
2001
NEPAL
Le taux de croissance
annuel moyen du PIB
entre 2001 et 2011
n’a été que de
2011
2008
ENTRE 2008 ET 2012
LA CROISSANCE DU
PIB RÉEL A ÉTÉ DE
RWANDA
PAR AN EN MOYENNE
COMMERCE
INTERNATIONAL
La croissance des
importations est
beaucoup plus forte,
entraînant des déficits
commerciaux constants
IMPORTATIONS
Principaux partenaires
commerciaux:
India (far ahead), China,
EU, Singapore and USA.
DÉFICIT
La croissance des
importations est
beaucoup plus forte,
entraînant des déficits
commerciaux constants
CÔTE D’IVOIRE
DÉFICIT
6,4%
La Côte d’Ivoire a eu un
excédent commercial de
15 % du PIB en 2011.
C’est dû en partie à sa
position de leader
mondial pour les
exportations de cacao.
CROISSANCE
ANNUELLE DU
Principal partenaire
commercial:
UE
PIB
2001
Le taux de croissance annuel
moyen du PIB a été de
5,8%
PÉROU
Le Pérou a eu la croissance
du PIB la plus forte de
la région et l’inflation
la plus faible.
Aujourd’hui considéré
comme un PRITS
2011
FLUX DE CAPITAUX
MANQUE DE
MAIN-D’ŒUVRE
QUALIFIÉE
46%
EXCÉDENT
Le Pérou a bénéficié
d’un excédent dans
sa balance commerciale
au cours des
8 dernières années
La majorité de la
population est occupée
dans une agriculture de
subsistance.
EXCÉDENT
Les approbations d’IDE
ont néanmoins augmenté
depuis 2006/07.
Le Rwanda est l’un des
pays les plus performants
selon les indicateurs
«Doing Business» de la
Banque mondiale, mais
il peine encore à attirer
l’IDE. Les perspectives
pour 2011/12 étaient
positives.
Le sous-emploi est le
problème principal.
La main-d’œuvre
qualifiée est rare.
Chômage en
augmentation
6,4% 15,7%
Lente croissance des
investissements privés
1996-2011: Croissance
de l’IDE de 0,47 %
2002
2008
Part des investissements
Le chômage des jeunes de l’UE en déclin.
(25-34 ans) était de
17,5 % en 2008.
La plus grande partie
de la population est
occupée dans le secteur
informel.
% TRAVAILLENT
DANS LA
PRODUCTION
DE CACAO
TAUX DE CHÔMAGE
En baisse, tandis que
la population active
augmente.
IMPORTS
Principal partenaire
commercial:
UE, Chine, USA,
Brésil et Chili
Le Népal figure parmi les
pays qui parviennent le
moins à attirer l’IDE.
de chômeurs en 2008.
Beaucoup de personnes
choisissent de chercher
du travail à l’étranger.
IMPORTATIONS
Principaux partenaires
commerciaux
Chine, Suisse, UE.
2012
2008-2010
EMPLOI
38,71% 17,57%
1996-2003 2003-2011
Ratio investissements /
PIB le plus élevé des
7 pays d’AL
1995 2011
71%
2001
54,6%
2010
Le taux de
sous-emploi est
cependant élevé
US$5,05 US$22
milliards milliards
Le stock d’IDE représentait
9,8 % du PIB total.
L’Espagne, le Royaume-Uni
et les USA ont été les
principaux investisseurs.
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
27
CHAPITRE DEUX
ENVIRONNEMENT
CLIMAT
CATASTROPHES
NATURELLES,
DONT:
NÉPAL
SÉISMES,
TSUNAMIS,
INONDATIONS,
GLISSEMENTS DE
TERRAIN, ACTIVITÉ
VOLCANIQUE
MODÉRÉE.
BIODIVERSITÉ
Déforestation
(surexploitation
forestière pour le
bois de chauffage
et absence
d’alternatives),
épuisement des
sols; contamination
des eaux.
TERRES/EAU
POLLUTION
Potentiel considérable
pour la production
d’énergie
hydroélectrique
Les premiers signes du
changement climatique
sont perceptibles, avec
des périodes plus
longues de pluie et
de sécheresse.
Déforestation,
épuisement
des sols et
conservation de
la vie sauvage.
En raison de la densité de
population élevée, les
terres sont rares et
surexploitées. L’érosion
des sols est un problème
majeur. Les ressources
en eau servent à la
production d’énergie
hydroélectrique.
Saisons des pluies
plus courtes et
saisons sèches plus
longues affectant
potentiellement la
culture du cacao.
Les forêts publiques ont
subi des dégradations du
fait d’une utilisation illégale
aux effets négatifs sur
la biodiversité.
La quantité des ressources
en eau demeure largement
suffisante pour couvrir les
besoins croissants, malgré
des disparités régionales.
La pollution et la
dégradation des sols
dues aux activités
humaines menacent les
ressources en eau.
CATASTROPHES
NATURELLES,
DONT:
Déforestation (résultant
en partie de l’abattage
illégal); surpâturage dans
les zones côtières
et la sierra.
Désertification,
érosion des sols
et contamination
des eaux
Pollution atmosphérique
à Lima; pollution des
eaux fluviales et côtières
par les effluents
municipaux et miniers.
RWANDA
CÔTE D’IVOIRE
PÉROU
28
SÉISMES,
TSUNAMIS,
INONDATIONS,
GLISSEMENTS DE
TERRAIN, ACTIVITÉ
VOLCANIQUE
MODÉRÉE
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
• Népal
Après plus de 200 ans de monarchie héréditaire
et autocratique, le Népal a élu un gouvernement
démocratique en 1990. Des divergences politiques sont
apparues rapidement et ont conduit à une insurrection
maoïste de 1996 à 2006, date à laquelle les rebelles
ont uni leurs forces avec les partis d’opposition pour
démettre le souverain régnant. Bien que le travail
de rédaction d’une nouvelle constitution ait été
entamé, de fréquents changements de coalitions au
gouvernement en ont empêché l’achèvement jusqu’à
présent. La guerre civile et l’instabilité qui s’en est
suivie ont privé le Népal d’investissements étrangers
de grande ampleur dans les secteurs productifs et
l’économie est restée faible. Les bailleurs de fonds se
sont également montrés circonspects, en concentrant
leurs efforts sur les secteurs sociaux et en gérant
souvent leurs propres projets plutôt que de laisser au
gouvernement le soin d’administrer l’aide.
Les OMD et les préférences des bailleurs de fonds
ont contribué à guider la politique de développement
au Népal. La coopération Sud-Sud (CSS) et les envois
de fonds des migrants ont aussi été des moteurs
importants du développement. Au cours de la
décennie écoulée, dans ses plans à moyen et long
terme, le gouvernement a concentré son attention sur
deux priorités: le développement des infrastructures
et la réduction de la pauvreté. Les cibles des OMD
sont donc intégrées dans ces stratégies, avec une
place prépondérante accordée aux infrastructures
physiques (production hydroélectrique et réseaux
routiers stratégiques, notamment les autoroutes
interdistricts) en vue de promouvoir la croissance
économique. Avant tout, la stratégie du gouvernement
visait à assurer d’abord la croissance et à s’occuper
ensuite de la répartition de l’aide.
Depuis 2000, les politiques du gouvernement
ont été influencées par les bailleurs de fonds. La
priorité donnée aux problèmes sociaux s’en est
trouvée renforcée, au détriment d’autres secteurs. La
dépendance du Népal à l’égard de l’aide et ses flux très
faibles d’IDE contribuent à expliquer cette situation.
En fait, l’aide étrangère représente environ 25 % du
budget national du Népal, dans la mesure où, hormis
l’APD du CAD, des montants d’aide considérables
entrent aussi dans le pays. La comparaison entre les
décaissements récents et ceux antérieurs à 2000 montre
clairement que les préférences des donateurs se sont
reportées vers les secteurs sociaux, dans la ligne des
OMD, au détriment de fonds affectés précédemment
aux secteurs productifs (par ex., l’industrie et le
commerce, le transport et les communications,
l’agriculture). Néanmoins, les partenaires du Sud, en
particulier la Chine et l’Inde, ont manifesté de l’intérêt
pour le développement du potentiel hydroélectrique
du Népal.
DÉVELOPPEMENT
Les OMD et les
préférences des
bailleurs de fonds
ont contribué à
guider la politique
de développement
au Népal. La
coopération
Sud-Sud (CSS) et
les envois de fonds
des migrants ont
aussi été des
moteurs
importants du
développement.
Les progrès du Népal en termes de développement
sont mus également par les envois de fonds des
migrants. D’après les estimations, en 2010, ils ont
représenté 22,6 % du PIB national. La Banque mondiale
(2011) a constaté que près de la moitié des taux de
réduction de la pauvreté, entre 1995 et 2004, pouvait
être attribuée aux envois de fonds, qui continuent à
jouer un rôle important. Près de 80 % de ces envois de
fonds servent à la consommation et seule une petite
proportion va au secteur productif. Si ces aff lux
considérables ont contribué aux avancées des OMD
Encadré 2.1 Les résultats du Népal en termes de réalisation des OMD
Le Népal a fortement réduit la pauvreté. Selon
la Banque mondiale, la proportion des personnes
vivant avec moins de 1,25 $ par jour (PPA) est
descendue à 24,8 % en 2010, alors qu’elle était de 53,1
% en 2003 et de 68 % en 1995.
Le rapport de progrès de 2010 sur les OMD
(Commission nationale du plan, 2010) a indiqué
que le Népal atteindra probablement certaines cibles.
Outre le déclin de la pauvreté, le taux de scolarisation
a grimpé à 93,7 % et la parité entre les sexes dans
l’enseignement primaire a déjà été atteinte. Les
taux de mortalité des enfants de moins de cinq
ans et de mortalité maternelle ont été réduits à 50
pour 1 000 et 229 pour 100 000 naissances vivantes,
respectivement. Il est douteux que les cibles des
OMD en matière de durabilité environnementale
puissent être atteintes.
(Étude de cas sur le Népal et base de données en
ligne de la Banque mondiale)
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
29
CHAPITRE DEUX
Le gouvernement
rwandais a eu
recours aux OMD
pour formuler ses
stratégies de
développement à
moyen terme.
(notamment l’OMD 1 et l’OMD 2), il est à craindre
que l’émigration puisse affaiblir les incitations qui
encouragent le gouvernement à créer des emplois
productifs. L’étude de cas fait aussi ressortir les coûts
sociaux et financiers associés à l’émigration, en
particulier la charge supportée par les femmes. Dans
l’ensemble, le Népal a de bonnes chances d’atteindre
un nombre appréciable de cibles des OMD (encadré
2.1, ci-dessous), mais des doutes subsistent quant aux
autres, notamment les cibles environnementales.
• Rwanda
Le Rwanda a remarquablement progressé en termes
de développement au cours des 12 années passées.
Le gouvernement s’est engagé sur une voie de
développement qui combine des politiques en faveur
de la sécurité, de la croissance et de la réduction de
la pauvreté. Ces politiques comprennent des mesures
visant à assurer la stabilité, l’organisation sociale et
à réduire la dépendance à l’égard de l’aide par une
diversification de l’économie, à dominante rurale.
Le Rwanda dépend très fortement de l’aide
extérieure, dont l’APD qui constitue plus de 40 % du
budget national. L’aide a aussi beaucoup augmenté
au cours de la décennie passée et certains bailleurs
de fonds, comme l’UE, ont souhaité en apporter une
part considérable sous la forme d’appui budgétaire.
Le gouvernement rwandais a eu recours aux OMD
pour formuler ses stratégies de développement à
moyen terme. La première Stratégie de développement
économique et de réduction de la pauvreté (SDERP)
(2008–2013) intégrait des indicateurs et des cibles des
OMD dans son cadre politique. La seconde SDERP
(2013–2018) était en préparation lors de l’élaboration
du présent rapport, mais il est prévu d’en assurer la
continuité, avec quelques adaptations des cibles des
OMD. Le Rwanda semble en voie de réaliser la plupart
des OMD d’ici 2015, avec un taux de croissance de 8
% au cours des 12 années écoulées et un recul de la
pauvreté, au point que le Rwanda est désormais revenu
à la situation qui était la sienne avant le génocide de
1994 en termes de pauvreté. Les deux priorités de la
nouvelle stratégie à moyen terme sont l’accélération
de la croissance économique durable (avec une cible
de 11,5 % par an (p.a.), largement considérée comme
trop ambitieuse) et l’intensification de la lutte contre
la pauvreté pour en abaisser le niveau sous la barre
des 30 % . Trois des quatre priorités stratégiques
thématiques sont la transformation économique,
le développement rural et la productivité, ainsi que
l’emploi des jeunes. D’autres cadres intégrés par le
gouvernement dans ses partenariats de développement
adoptent les principes de l’efficacité de l’aide énoncés
dans la Déclaration de Paris de 2005.
• Côte d’Ivoire
Les deux décennies qui ont suivi l’indépendance de la
Côte d’Ivoire, en 1960, sont parfois décrites comme la
période du «miracle ivoirien». Le pays était considéré
comme la «locomotive» de la région ouest-africaine,
avec des taux de croissance économique élevés, un
secteur du cacao et du café en pleine expansion et des
investissements publics considérables. Toutefois, le
déclin inéluctable des prix du cacao et l’alourdissement
de la charge de la dette à la fin des années 1970 et au
Encadré 2.2 Les résultats du Rwanda en termes de réalisation des OMD
Depuis 2000, la pauvreté a reculé au Rwanda,
aussi bien dans l’absolu qu’en termes relatifs. Des
améliorations majeures ont été observées, en
particulier au cours des cinq dernières années, qui
ont vu la proportion des personnes vivant sous le
seuil national de pauvreté passer de 56,7 % en 2005/6
à 44,9 % en 2010/11. La proportion de personnes
vivant avec moins de 1,25 $ (PPA) a chuté de 72,1 % en
2000 à 63,2 % en 2010. Les indicateurs de l’éducation
et de la santé ont aussi laissé apparaître des progrès
remarquables: au cours de la même période, le taux net
30
de scolarisation dans le primaire a grimpé de 72,6 %
à 91,7 %, le taux de mortalité infantile a diminué
de plus de moitié (de 117,4 pour 1 000 naissances à
50), de même que le taux de mortalité maternelle. Le
Rwanda a consacré beaucoup d’efforts en faveur de
l’émancipation des femmes, et plus de la moitié des
membres du Parlement sont des femmes. Malgré ces
avancées, il est peu probable que le Rwanda atteigne
toutes les cibles des OMD d’ici 2015. (Étude de cas
sur le Rwanda)
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
DÉVELOPPEMENT
Encadré 2.3 Les résultats de la Côte d’Ivoire en termes de réalisation des OMD
Un taux de croissance constamment élevé, de 7 % p.a.
en moyenne entre 1960 et 1978, a placé la Côte d’Ivoire
dans le groupe des PRI. Avec les crises économiques
et politiques du milieu des années 1980, l’incidence
de la pauvreté a grimpé de 10 % (1985) à 35,8 % en
1995 et à 48,9 % en 2008. Durant toute cette période,
selon un rapport national de 2010 sur les OMD, les
résultats concernant la plupart des autres cibles des
OMD se sont dégradés, hormis quelques-uns, dont
la réduction du taux de mortalité des moins de cinq
début des années 1980 ont débouché sur une crise
économique qui, combinée au décès du président
Houphouët-Boigny en 1993, a engendré une instabilité
politique persistante.
En Côte d’Ivoire, la pertinence des OMD doit être
envisagée dans le contexte d’instabilité politique et de
troubles violents. Après la dévaluation du franc de la
communauté financière africaine (franc CFA) en 1994,
l’APD a commencé à décliner progressivement, jusqu’à
ce que les institutions financières internationales
(IFI) et l’UE y mettent spectaculairement fin en 1998
pour cause de mauvaise gouvernance. Le coup d’État
de 1999 et la tentative de prise de pouvoir en 2002
se sont soldés par la partition du pays entre le Nord
et le Sud, par des accords de paix et par une relative
stabilité en 2007, suivie de nouvelles dissensions postélectorales en 2011. Ces événements forment la toile
de fond sur laquelle les bailleurs de fonds, dont l’UE,
ont réorienté leur APD vers l’aide humanitaire et les
efforts de consolidation de la paix.
Durant les intervalles de relative stabilité – en 2002,
en 2006 et finalement en 2010 – les OMD ont servi
de points de référence aux tentatives visant à relancer
les plans de développement, avec des techniciens
à la tête des principaux services gouvernementaux
pour garantir un certain degré de continuité. En
avril 2006, le Programme des Nations unies pour
le développement (PNUD) et le gouvernement ont
élaboré un programme destiné à intensifier les efforts
pour réaliser les OMD, et un processus consultatif
ans (de 181 à 125 par 1 000 naissances vivantes)
entre 1998 et 2005, et une légère baisse du taux de
mortalité maternelle. Ces améliorations reflètent
l’intensification des campagnes de vaccination et le
pourcentage plus élevé des accouchements assistés
par du personnel de santé qualifié. À la suite de son
accord sur le cadre d’accélération des OMD en 2010,
le gouvernement a accepté de se concentrer sur la
réalisation de l’OMD relatif à la santé maternelle.
En Côte d’Ivoire,
la pertinence des
OMD doit être
envisagée dans
le contexte
d’instabilité
politique et de
troubles violents.
a été mis en place afin d’assurer la participation
et la sensibilisation des parties prenantes, ainsi
que la mobilisation de ressources financières
supplémentaires. Mais la reprise des affrontements
violents a mis un frein à ces efforts. Depuis 2010, un
nouveau programme accéléré portant sur les cibles
essentielles des OMD en matière de santé maternelle
a été approuvé par les bailleurs de fonds.
Des objectifs de développement ont toujours existé
sur le papier, comme en attestent les différentes
générations de documents de stratégie de réduction de
la pauvreté qui intègrent explicitement les OMD. Mais
des retards ont été accumulés dans leur mise en œuvre.
Cela donne à penser que le gouvernement s’est servi de
ces plans pour avoir de nouveau accès à l’aide et pour
parvenir au point d’achèvement (atteint en juin 2012)
de l’initiative en faveur des «pays pauvres très endettés»
(PPTE), ce qui a entraîné l’annulation de 60 % de la
dette du pays, et lui a conféré par la même occasion une
crédibilité renouvelée auprès des bailleurs de fonds et
des investisseurs étrangers. L’importance des OMD en
tant que moyen d’obtenir des financements extérieurs
est soulignée dans le rapport de l’étude de cas: «Les
OMD restent toujours les éléments de référence dans
la stratégie de développement, à cause certainement
de leurs capacités de mobilisation de financements
internationaux.» Pourtant, malgré la présence sousjacente des OMD dans les stratégies du gouvernement
et les politiques mises en œuvre par les techniciens,
les dépenses publiques ont été dominées par la crise
politico-militaire et les efforts de reconstruction.
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
31
CHAPITRE DEUX
Le Pérou, à
l’instar d’autres
PRI, reste
confronté à
d’importants défis
en termes de
développement.
Le Pérou «n’est
peut-être pas
pauvre, en
moyenne, mais il
est encore loin
d’être développé».
• Pérou
Comme le souligne le rapport sur l’étude de cas:
«Le Pérou illustre très bien le nouveau monde en
développement, un monde qui change vite, qui voit son
économie continuer à croître même au plus fort de la crise
mondiale, qui fait baisser très rapidement la pauvreté et
qui surmonte bon nombre des obstacles mis en évidence
par les OMD.» Mais le rapport ajoute que le Pérou, à
l’instar des autres PRI, reste confronté à d’importants
défis en termes de développement. Certains d’entre
eux ont trait à des problèmes structurels persistants.
Le Pérou «n’est peut-être pas pauvre, en moyenne, mais
il est encore loin d’être développé».
En 1990, le Pérou était classé parmi les PFR, avec
des taux de pauvreté et d’inégalité élevés. Après une
période de troubles et de conflits armés internes, qui
a duré de la fin des années 1980 au début des années
1990, l’ordre a été rétabli. Ce retour au calme a permis
au Pérou, à partir de 1994, et surtout depuis 2001, après
la crise financière en Asie, d’accéder à une croissance
soutenue, grâce à un secteur minier en plein essor,
lui-même alimenté par la croissance spectaculaire
de la Chine, dans un contexte de forte continuité
de la politique macroéconomique. Si la pauvreté a
considérablement baissé au cours de cette période, des
inégalités structurelles majeures persistent, malgré
certaines améliorations, avec une forte concentration
de la pauvreté dans les zones rurales et parmi les
populations indigènes.
L’étude de cas soutient que le cadre des OMD n’a pas
vraiment servi de source d’inspiration, d’orientation
ou de référence pour l’obtention d’un consensus
national sur le développement ni pour la mobilisation
d’un soutien, à l’intérieur comme à l’extérieur du
pays. Tout au plus le Pérou a-t-il retrouvé ses objectifs
existants dans certains des OMD. Par exemple, les
réformes économiques ont commencé en 1990, bien
avant l’adoption des OMD. Au cours de la dernière
décennie, chaque gouvernement successif a formulé
ses propres objectifs. Les OMD n’ont eu, dans le
meilleur des cas, qu’une influence mineure sur ces
plans et n’apparaissent pas dans les politiques ou les
débats publics.
D’ailleurs, parmi les politiques sociales majeures, les
mesures de lutte contre la pauvreté ou les initiatives en
faveur de l’égalité, il n’y en a aucune qui soit inspirée
par les OMD ni même qui y fasse référence. Il n’est
donc pas étonnant que le suivi et la coordination des
progrès des OMD au Pérou aient été confiés à un
service subalterne du gouvernement. Il y a plusieurs
raisons à cela. Bon nombre des priorités et des mesures
de protection sociale du pays sont antérieures à la
Déclaration du Millénaire et aux OMD. Elles ont
été adoptées en partie pour atténuer l’impact des
politiques d’ajustement structurel mises en œuvre
pour combattre l’inflation rampante et rétablir la
stabilité macroéconomique.
Encadré 2.4 Les résultats du Pérou en termes de réalisation des OMD
Le Pérou a beaucoup progressé dans les domaines
liés aux OMD. Par exemple, à partir de 2001,
l’économie péruvienne a commencé à croître, ce qui
a permis de faire baisser fortement et durablement
le taux de pauvreté pour le réduire à près de la moitié
des niveaux nationaux de 2001 en 2011. Le Pérou a
dépassé les cibles des OMD en ce qui concerne la
réduction du nombre de personnes souffrant de la
faim, l’éducation primaire pour tous, l’égalité entre
les sexes, la mortalité infantile et le VIH/SIDA. Les
performances ont été légèrement inférieures au
niveau requis en matière de santé maternelle et
d’eau potable salubre.
32
La malnutrition chronique des enfants a
chuté d’environ 40 % en 1990 à 25,4 % en 2000,
pour se situer autour de 18 à 20 % en 2010. Les
niveaux de malnutrition sont deux fois plus élevés
dans les zones rurales (actuellement de 37 %),
mais les zones urbaines et rurales ont présenté
des taux de réduction similaires. Une autre
indication des inégalités graves et persistantes
est perceptible dans l’incidence de la pauvreté
monétaire, qui est deux fois plus forte dans la
population indigène que dans la population
non indigène (45,7 % et 24,1 % respectivement).
(Étude de cas sur le Pérou)
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
L’aide ne représente qu’une part mineure des
recettes du gouvernement. Les sources d’inspirations
politiques les plus importantes en matière de réduction
de la pauvreté (par exemple, au travers de politiques
de développement social comme des programmes
ciblés de transfert d’argent) sont venues d’autres pays
d’Amérique latine comme le Brésil et le Mexique,
plutôt que des bailleurs de fonds. Enfin, beaucoup
de cibles des OMD n’étaient pas particulièrement
difficiles à atteindre pour un pays qui affichait déjà
un RNB par habitant de 4 790 $ en 2000, et qui a, par
la suite, connu des progrès économiques et sociaux
rapides.
Plus récemment, certaines cibles de l’OMD 7 ont
été intégrées dans la politique environnementale
du Pérou, notamment dans la Politique nationale
pour l’environnement (2009), le Plan d’action
environnemental (2010), et le Plan bicentenaire
(2011). Même alors, les accords internationaux n’ont
joué aucun rôle dans la conception des politiques et
de plans d’action du gouvernement.
Résumé des expériences des quatre pays
concernant les OMD
Les quatre études de cas font clairement ressortir les
différences majeures dans les manières dont les pays et
les gouvernements relèvent les défis des engagements
en matière d’OMD et utilisent le soutien extérieur
qu’ils apportent. Une première conclusion évidente
est qu’il n’existe pas de solution toute faite et que la
crédibilité d’un cadre international comme celui
des OMD dépend de sa capacité à s’adapter de façon
flexible à des contextes très différents. Chaque pays
a suivi son propre parcours de développement et a
rencontré des problèmes différents dans son modèle
de croissance et dans ses efforts de réduction de la
pauvreté. Le fait que les quatre pays, au cours des 20
années écoulées, aient tous traversé des périodes de
conflit et de fragilité rappelle, si besoin était, qu’il
s’agit là d’un obstacle majeur au développement et que
même les pays qui progressent rapidement demeurent
souvent dangereusement vulnérables à des chocs qui
peuvent les ramener des décennies en arrière.
DÉVELOPPEMENT
Il n’existe pas
de solution
toute faite et
la crédibilité
d’un cadre
international
comme celui des
OMD dépend de
sa capacité à
s’adapter de façon
flexible à des
contextes très
différents.
Encadré 2.5 Compromis et dilemmes propres aux environnements complexes et fragiles
Les gouvernements nationaux sont souvent
confrontés à la nécessité de trouver des compromis
ou de faire des choix difficiles, entre des objectifs
liés aux OMD et des questions de sécurité, par
exemple, ou entre démocratie et stabilité.
Ainsi, au Rwanda, la problématique plus large de
la sécurité a longtemps compliqué la promotion du
développement inclusif et durable (DID). Dans les
années 1990, des pays donateurs ont été accusés
d’être complices de la «violence structurelle» qui a
conduit au génocide (Uvin, 1998). Avec la victoire du
Front patriotique rwandais (FPR), les bailleurs de
fonds ont cherché à faciliter une solution politique.
Depuis, un soutien considérable a été apporté au
programme de développement du gouvernement,
qui s’est montré très réceptif aux conditionnalités
techniques et autres recommandations des
donateurs. Certains bailleurs de fonds ont nourri
des préoccupations concernant une gouvernance
autoritaire, des violations des droits politiques et
les risques associés à l’exclusion politique.
Dans le courant de l’année 2012, d’autres
donateurs ont fait part de leurs craintes face aux
souffrances humaines qui auraient été causées
par les politiques nationales appliquées par le
Rwanda en matière de sécurité dans la région, et
en particulier dans l’est de la RDC. Cette situation
a plongé l’UE et d’autres bailleurs de fonds dans
un dilemme. L’UE et certains de ses États membres
ont dès lors réduit la prévisibilité du financement
alloué pour soutenir les efforts de développement
du Rwanda dans l’espoir d’inciter le gouvernement
à négocier un accord de sécurité avec son principal
voisin.
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
33
CHAPITRE DEUX
Les quatre études
de cas ont regretté
le peu d’attention
que portent les
OMD aux secteurs
productifs, aux
investissements
dans les
infrastructures
et à la croissance
économique.
Au Rwanda et au Népal, les OMD ont été intégrés
dans des plans de développement et ont servi de
points de repère pour mesurer les progrès dans
certains domaines particuliers. Au Rwanda, les
OMD s’inscrivent bien dans la ligne du discours et
des politiques du gouvernement, fortement axés sur
le développement. Le Népal a connu deux décennies
d’instabilité politique et de conflits. Les OMD ont
contribué à orienter les politiques durant une période
de transition et figurent en bonne place dans les
plans de développement à moyen et long terme du
gouvernement. Le Pérou, à l’inverse, fait à peine
référence au cadre des OMD et ne s’en est pratiquement
pas servi pour élaborer ses propres politiques de
réduction de la pauvreté ou de développement. La
Côte d’Ivoire a traversé diverses périodes d’instabilité
et de violences depuis 1999. Durant tout ce temps, les
pouvoirs publics ont continué à se référer au cadre des
OMD, ce qui a aidé le pays à renouer des relations avec
la communauté des bailleurs de fonds et à mobiliser de
l’aide pour des projets de coopération axés sur la lutte
contre la pauvreté. Des obstacles majeurs subsistent
dans leur mise en œuvre et, après une décennie, les
cibles des OMD que le pays a des chances d’atteindre
demeurent peu nombreuses.
Certaines critiques ont été formulées à l’encontre
des OMD, auxquels il a été reproché de biaiser le
soutien des bailleurs de fonds en faveur des secteurs
sociaux, alors que les gouvernements nationaux
peuvent avoir des préférences et des priorités
différentes. L’intérêt des dépenses publiques pour la
fourniture de services sociaux ne fait pas de doute.
Cependant, les quatre études de cas ont regretté le
peu d’attention que portent les OMD aux secteurs
productifs, aux investissements nécessaires dans les
infrastructures et, plus généralement, à la dimension
de la croissance économique. Trois études de cas sur
quatre ont aussi exprimé la crainte que les bailleurs de
fonds n’honorent pas leurs engagements en termes de
volume et d’efficacité de l’aide.
2.2. Expliquer les choix
politiques: une perspective
d’économie politique
Depuis les années 1990, des efforts considérables ont
été déployés afin de mieux comprendre les différences
dans les choix politiques et les trajectoires des pays
en développement. Ces travaux trouvent, en partie,
leur origine dans la frustration des bailleurs de fonds
à l’égard des «modèles de bonnes pratiques» et de
la théorie selon laquelle le «transfert» d’institutions
formelles des pays riches vers les pays pauvres pourrait
être profitable (Centre for the Future State, 2010).
Des évaluations et des études ont mis en évidence le
peu de succès du soutien apporté par les bailleurs de
fonds à des réformes globales des institutions et de la
gouvernance. Souvent, ces efforts bien intentionnés
étaient inappropriés dans le contexte du pays
concerné parce qu’ils reposaient largement sur des
modèles idéalisés inspirés par les institutions et les
systèmes de gouvernance des pays de l’OCDE. Pour
reprendre la formule de Dani Rodrik, «les innovations
institutionnelles voyagent mal» (Rodrik, 2003, p. 17).
Cette section s’appuie sur une nouvelle génération
d’outils de diagnostic14 et d’analyses d’économie
politique parrainés en grande partie par des bailleurs
de fonds. Ces travaux examinent les environnements
sociaux et politiques dans lesquels s’opèrent les
processus de développement, et regardent «derrière
la façade» des institutions formelles et des politiques.
Il est aussi fait référence aux constatations et aux
conclusions de programmes de recherche15 sur le
pouvoir et la politique en Afrique, sur la capacité de
mobilisation/d’action en matière de développement,
sur les relations entre les élites et les secteurs
productifs, la politique et le développement agricole,
le climat d’investissement et les États fragiles.
Structures, institutions et processus politiques
Certains bailleurs de fonds commencent à recourir
14 Ces outils d’économie politique sont notamment: DFID, 2008; Banque mondiale, 2010; Ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, 2009;
DEVCO Concept Note, 2011 (Unsworth et Williams, 2011).
15 Les programmes de recherche sont notamment: le programme Afrique: pouvoir et politique (www.institutions-africa.org); le Development
Leadership Programme (www.dlprog.org); l’Improving Institutions Pro-poor Growth Programme (www.ippg.org.uk); Future Agricultures
(www.future-agricultures.org); l’Elites, Production and Poverty Programme (www.diis.dk/epp); et le Tracking Development Programme (http://
www.institutions-africa.org/trackingdevelopment_archived/home.html).
34
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
davantage à des cadres et des analyses d’économie
politique afin de mieux comprendre les acteurs et les
facteurs qui interviennent, au niveau national, pour
faire avancer ou au contraire pour entraver les choix
politiques et les mesures d’application en matière
de réduction de la pauvreté ou de développement.
La notion d’économie politique renvoie à un
vaste ensemble de traditions intellectuelles. En
règle générale, on distingue trois niveaux d’outils
analytiques applicables aux contextes nationaux et
sectoriels:
• Les structures: le premier niveau concerne les
aspects structurels, «difficiles à changer», comme
les ressource naturelles, la structure générale
de l’économie, les relations régionales, les
sources principales des recettes (potentielles) du
gouvernement, etc. La structure de l’économie et
les ressources disponibles peuvent, par exemple,
influencer la nature des recettes du gouvernement.
Ces recettes peuvent être issues du revenu du
travail (via la fiscalité) ou de rentes (provenant par
exemple des recettes tirées des minerais, de l’APD,
etc.). La nature de ces recettes influence souvent
les incitations politiques auxquelles sont soumis
des groupes particuliers – généralement les élites
dirigeantes16 (voir aussi l’encadré 2.6). D’autres
aspects importants peuvent inclure l’histoire de
la formation de l’État, l’exclusion de régions et de
groupes de population, qui peuvent entraîner des
clivages sociaux, ethniques et économiques, des
menaces pour la légitimité de l’État, des conflits
internes et une fragilité. De tels aspects étaient
manifestement au cœur des conflits profondément
enracinés dans les quatre pays couverts par les
études de cas.
• Les institutions: À un deuxième niveau,
l’analyse d’économie politique s’intéresse au
fonctionnement des institutions et à leur influence
sur le comportement des acteurs politiques et
économiques. Dans tous les pays, des institutions
formelles (ancrées dans la constitution, codifiées
dans les lois, etc.) interagissent avec des règles
du jeu informelles (fondées sur des normes et
des croyances sociales, culturelles, ethniques,
religieuses) et ces interactions déterminent la
distribution du pouvoir, la nature de la compétition
politique, le fonctionnement des marchés, etc. Il est
souvent difficile pour des intervenants extérieurs,
comme les bailleurs de fonds, de comprendre ou
même de «percevoir» les institutions informelles,
parce que les outils conceptuels dont ils disposent
ont été largement conçus pour se concentrer
sur la pointe de l’iceberg, c.-à-d. les institutions
formelles. La conséquence est que les acteurs
externes du développement perdent «leur aptitude
à identifier des possibilités de changement et des
contraintes, ce qui explique pourquoi les réformes
se heurtent à des limites récurrentes» (Andrews,
2013, p. 42).
• Les acteurs: Les niveaux structurels et
institutionnels façonnent les processus politiques
et influencent le comportement et les choix des
acteurs-clés. Pour schématiser, on peut distinguer
trois groupes d’acteurs (voir la figure 2.1): l’élite
politique au pouvoir, les fonctionnaires, et les
acteurs sectoriels (société civile, entreprises,
exploitations agricoles et ménages). Dans un cas
de figure idéal, ces groupes agiraient ensemble
efficacement, dans un effort de coopération
mutuel et en parfaite synergie, pour engendrer
des résultats positifs en termes de développement
(A Joint Statement, 2012). Ce n’est pas ainsi que
les choses ont tendance à se passer dans les pays
en développement. On rencontre plus souvent
un modèle de relations dans lequel les élites
dirigeantes ou les gouvernements ne prennent
pas d’engagements crédibles envers les acteurs
sectoriels en ce qui concerne la sécurité et le
rendement de leurs investissements. Généralement,
ces élites dirigeantes ne donnent pas la priorité
à la production de biens publics ou collectifs
susceptibles de stimuler les investissements privés,
ou elles ne donnent pas la priorité à un engagement
constructif entre l’administration et les acteurs
sectoriels.
DÉVELOPPEMENT
Des efforts
considérables ont
été déployés afin
de mieux
comprendre les
différences dans
les choix
politiques et les
trajectoires des
pays en
développement.
On pourrait se demander pourquoi les bailleurs
de fonds et les pays bénéficiaires continuent depuis
si longtemps à s’engager dans la logique de scénarios
de développement, alors que rien n’indique que
l’aide contribue grandement à améliorer la capacité
administrative des pays en question. Une réponse
tient à ce qu’on appelle l’«isomorphisme mimétique»,
par lequel les fonctionnaires et les élites des pays
bénéficiaires adoptent les apparences et les structures
16 Dans le présent rapport, le terme «élite» désigne les personnes qui exercent de hautes responsabilités au niveau du pouvoir politique, militaire,
financier et/ou économique.
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
35
CHAPITRE DEUX
Un modèle
intéressant pour
la compréhension
des divergences de
choix politiques
cherche à
déterminer quand
et pourquoi les
élites politiques
soutiennent le
secteur productif.
Les réponses
contribuent à
expliquer les
divergences entre
les trajectoires de
développement
selon les pays et
les différences
dans l’engagement
à l’égard des
OMD.
Figure 2.1 Acteurs-clés des processus politiques
Élites politiques
dirigeantes
Fonctionnaires
Source: A Joint Statement, 2012
(ou formes) institutionnelles appropriées afin de
dissimuler ou de camouf ler le fait qu’elles n’ont
pas adopté les fonctions institutionnelles. Cela se
traduit par des postures politiques vides de sens et
des réformes (souvent longues et coûteuses) qui ne
sont jamais appliquées. Les réformes adoptées sont
de simples «signaux». En négligeant des aspects
importants du contexte, les bailleurs de fonds
étrangers courent le risque de parier sur un cheval qui
n’existe pas (Andrews et al., 2012). Il y a de nombreux
exemples de gouvernements qui s’engagent à réaliser
les OMD sans prendre les mesures ou les dispositions
institutionnelles qui s’imposent pour respecter leurs
engagements. Le Rwanda se distingue de ce modèle
dans la mesure où le gouvernement agit pour tenir ses
engagements en termes de réduction de la pauvreté. Il
offre aussi l’exemple d’un gouvernement qui parvient
à combiner efficacement des mesures politiques
formelles et les institutions informelles de l’imihigo
(un contrat de performance qui repose sur des bases
traditionnelles solides) pour inciter les acteurs publics
à atteindre des objectifs de prestation de services liés à
la pauvreté (Booth et Golooba-Mutebi, 2012).
Élites dirigeantes et clientélisme
Si le débat sur la façon dont s’opère le développement
reste très animé, il existe quelques indices permettant
de démêler la logique décisionnelle et les variables qui
interviennent dans les processus de développement.
Des analyses comparatives et d’autres recherches ont
été menées sur les relations entre les élites politiques,
les fonctionnaires et les acteurs du secteur privé et
de la société civile. Un modèle intéressant pour la
36
Acteurs sectoriels
(entreprises, exploitations
agricoles et ménages)
compréhension des divergences de choix politiques
qui affectent la pauvreté, la croissance et les processus
de transformation ou de développement cherche,
plus largement, à déterminer quand et pourquoi les
élites politiques soutiennent le secteur productif. Les
réponses à ces questions contribuent aussi à expliquer
les divergences entre les trajectoires de développement
selon les pays, et se révèlent pertinentes pour éclairer
les différences dans l’engagement à l’égard des OMD
dans les quatre pays couverts par les études de cas
(«Elites, Production and Poverty programme», DISS,
2012).
Plutôt que de parler des gouvernements, ce cadre
invite les utilisateurs à cibler et spécifier les rôles
et les comportements des élites dirigeantes et des
coalitions au pouvoir (groupes et individus qui
aident les élites dirigeantes à se hisser ou à rester au
pouvoir). Le modèle suppose que, dans les régimes
autoritaires comme dans les pays démocratiques, la
survie politique est la principale motivation des élites
dirigeantes. Pour survivre, les élites dirigeantes vont
probablement devoir résister à deux types de pression
– la concurrence ou l’opposition. La première tient au
fait que les élites dirigeantes peuvent être vulnérables
et exposées aux pressions des groupes exclus. Plus leur
vulnérabilité est grande, plus les élites dirigeantes sont
susceptibles de se concentrer sur des résultats rapides
ou sur des avantages immédiats pour gagner des
électeurs (dans une démocratie). Cela se traduit par
une vision à court terme. La seconde tient au fait que
les coalitions au pouvoir peuvent être fragmentées
en raison de rivalités internes. Ordinairement, cette
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
situation implique une combinaison de rapports de
force horizontaux entre les factions des élites au plus
haut niveau et de luttes pour le pouvoir verticales entre
les factions des niveaux supérieur et inférieur ou leurs
partisans.
Soucieuses d’assurer leur survie politique et
confrontées à ces pressions, les élites dirigeantes
tenteront de cimenter les relations internes, de gagner
ou d’acheter le soutien d’électorats cruciaux. La
nature et les combinaisons de ces luttes de pouvoir
et rapports de forces s’ajoutent aux institutions
politiques formelles et informelles pour influencer les
préférences et la mise en œuvre des politiques dans
des domaines comme la production de biens publics,
la réglementation du marché et les interventions
économiques (Moore et Schmitz 2008; Leftwich, 2011;
Kahn, 2010; Whitfield et Therkildsen, 2011). Les élites
dirigeantes doivent avoir accès au financement, aux
emplois ou à d’autres faveurs afin d’obtenir en échange
le soutien dont elles ont besoin pour la coalition au
pouvoir. Ces relations patron-client tendent à dominer
la politique dans les pays en développement (Kahn,
2010; Whitfield et Therkildsen, 2011).
Le clientélisme concurrentiel est une forme
de relation patron-client où l’élite politique est
confrontée à une forte opposition des groupes exclus
et des factions internes. C’est la situation ou l’équilibre
politique qui prévaut le plus souvent dans beaucoup
de pays en développement (Kahn, 2010; Kahn, 2012).
Ces pressions, combinées à un système de compétition
électorale, engendrent rarement les types d’incitants
politiques susceptibles de favoriser les biens publics,
les capacités de production ou la croissance durable.
Généralement, dans un contexte de clientélisme
concurrentiel, les élites dirigeantes ne disposent pas
de l’horizon temporel, de la possibilité de mobiliser
des ressources et des capacités d’exécution dont
elles auraient besoin pour s’engager sur des voies de
croissance ou de développement durables.
Rentes, croissance économique et
transformation
Les élites dirigeantes ont besoin de différentes sources
de financement pour maintenir leurs coalitions
et remporter les élections (dans les démocraties).
Elles ont besoin de recettes publiques pour mettre
en œuvre leurs politiques et préserver la stabilité
macroéconomique. Elles ont besoin d’investissements
privés pour alimenter l’économie formelle, assurer la
sécurité et faire fonctionner l’appareil de l’État, au sens
large, etc. Elles ont aussi besoin de fonds qui peuvent
servir à l’organisation de la coalition au pouvoir.
Ces rentrées peuvent être légales (dons, cotisations,
etc.) ou illégales. L’ampleur et le type de financement
auquel les élites dirigeantes ont accès créent aussi des
incitants politiques qui déterminent les choix et les
mesures.
Pour mieux apprécier la nature de ces incitants et
si les politiques reflètent vraiment un engagement
des dirigeants ou sont seulement destinées à servir
de signaux sans substance, il faut s’intéresser aux
sources des recettes et des rentes. Les rentes peuvent
être comprises comme des f lux de revenus qui
s’ajoutent aux bénéfices provenant du marché et aux
salaires. Il peut s’agir de profits tirés de l’exploitation
d’un monopole, de subventions, de la possession
de ressources rares, de la corruption et de l’aide.
Certaines de ces rentes sont performantes du point
de vue économique, tandis que d’autres ne le sont pas.
Moore préfère parler de «recettes politiques», soit les
revenus que les gouvernements et les élites politiques
tirent de l’exercice du pouvoir (Moore, 2011, p. 7).
Dans ces recettes politiques, il distingue encore deux
catégories: les recettes publiques (provenant des taxes,
des recettes non fiscales et des subventions allouées
par d’autres États ou organisations internationales)
et les recettes de l’élite politique (revenus que des
politiciens, militaires ou fonctionnaires corrompus,
etc., obtiennent par un abus d’autorité ou par le
contrôle de certains pans de l’économie). Les limites
entre ces catégories sont souvent floues17.
DÉVELOPPEMENT
Généralement,
dans un contexte
de clientélisme
concurrentiel, les
élites dirigeantes
ne disposent pas
de l’horizon
temporel, de la
possibilité de
mobiliser des
ressources et des
capacités
d’exécution dont
elles auraient
besoin pour
s’engager sur
des voies de
croissance ou de
développement
durables.
Les autorités publiques qui ont accès à des recettes
qu’elles ne doivent pas «gagner» par leur travail
politique risquent davantage d’abuser de leur pouvoir
(Moore, 1998). Autrement dit: «L’accès à des niveaux
élevés de rentes et autres revenus du même type peut
réduire les incitations à transiger avec les citoyens et
encourager la prédation des élites» (OCDE, 2011:26).
Cet accès aisé à des rentes peut être opposé à la réalité
d’une économie plus diversifiée. La diversification
peut apporter une assiette fiscale plus large, avec
des perspectives de négociation effectives entre les
autorités publiques et les groupes qui procurent ces
recettes à l’État au sein de la société. Cependant,
17 Une autre distinction porte sur les revenus du travail et les rentes, les premiers se rapportant à la fiscalité en général, tandis que les secondes
correspondent aux revenus tirés de l’aide, de l’exportation des ressources naturelles, etc. (Moore, 1998).
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
37
CHAPITRE DEUX
Encadré 2.6 Rentes et développement en Côte d’Ivoire et au Rwanda
Un réexamen de la
situation dans sept
pays africains a
mis en évidence
certaines
caractéristiques
frappantes de
régimes très
performants. Ces
caractéristiques
incluaient un
pouvoir fort
(personnalisé), des
processus de rentes
centralisés, et des
horizons à long
terme qui laissent
suffisamment de
temps pour
concevoir, tester et
réorienter les
politiques.
En Côte d’Ivoire, au cours de la période 1960–1978,
l’économie a connu une croissance moyenne de 7 %
par an, qui a stimulé la migration vers la capitale
Abidjan. Un système présidentiel fort dans un
régime à parti unique a redistribué les rentes basées
sur une économie de plantation essentiellement
cacaoyère et, dans une moindre mesure, caféière.
Il a organisé un habile système de quotas afin
d’équilibrer les intérêts de divers groupes ethniques
et de distribuer les investissements publics dans les
régions mal desservies. Le clientélisme politique
dans un contexte de prix élevé des matières
premières a favorisé la croissance économique et
la stabilité. La politique de migration faisait partie
intégrante de cette économie politique. En outre,
le gouvernement Houphouët-Boigny est parvenu à
tirer des rentes du cacao par le biais du marché. Il a
utilisé ces ressources, à côté d’emprunts extérieurs,
pour des investissements productifs, mais les a
aussi redistribuées dans tout le pays pour payer
l’armée et engranger un soutien politique, assurant
ainsi une certaine stabilité sociale. Les 15 premières
années de l’indépendance sont associées à ce qu’on
a appelé le «patrimonialisme de développement».
Les chocs extérieurs (crise pétrolière, crise de
la dette et dégradation des termes de l’échange
dans les années 1980), le manque d’innovation
(avec l’épuisement des terres vierges pour la
culture et la baisse de productivité des cacaoyers
à la fin d’un cycle de plantation de 30 ans), et les
pressions extérieures appelant à la tenue d’élections
multipartites ont fini par faire s’écrouler la «grande
coalition» d’Houphouët-Boigny, juste avant sa
mort en 1993, et par planter le décor de la politique
de division ethnique qui marquera les années
suivantes. La distribution centralisée de la rente
du cacao avait favorisé la stabilité politique quand
les prix des matières premières étaient élevés. Mais
le déclin du marché a miné à la fois l’économie et la
stabilité politique. Les politiques de libéralisation
appliquées à partir du milieu des années 1980 n’ont
fait que renforcer davantage la décentralisation des
rentes (McGovern, 2011).
L’importance de ce système de rente pour la survie
politique de l’élite dirigeante trouve une illustration
spectaculaire dans la crise post-électorale de 2010.
Au plus fort de cette crise, des instances régionales
comme la Communauté économique des États de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’UE ont imposé
des mesures restrictives à l’encontre du président
38
Gbagbo en raison de son refus de respecter les
résultats des élections. Ces mesures visaient à
priver le président en exercice de l’accès aux rentes
des exportations de cacao et à tarir le financement
de son armée.
Au Rwanda, la situation politique après le
génocide a été marquée par une victoire militaire
initiale du Front patriotique rwandais (FPR) et
caractérisée par un contrôle centralisé des rentes
économiques, un système qui restreint clairement
la compétition politique et donne la priorité à la
production de biens publics (y compris la sécurité
nationale), aux mesures visant à réduire la pauvreté
et à l’engagement en faveur d’une transformation
économique. Le contrôle des sources de rentes
économiques paraît effectivement être centralisé
et déployé d’une façon qui correspond à une vision
du développement à long terme privilégiant la
fourniture de biens et de services publics. Au cours
de la dernière décennie, l’élite politique dirigeante
a cherché à élargir sa base en démontrant son
aptitude à combattre la pauvreté et en s’attelant
à la transformation économique. Elle a augmenté
les recettes nationales, lutté contre la corruption,
amélioré la coordination de l’aide, rejoint un
groupe de partenaires du Sud en pleine expansion
et poursuivi activement une politique d’intégration
économique régionale au sein de la Communauté
de l’Afrique de l’Est (CAE). À l’instar de certaines
stratégies de développement adoptées par des
gouvernements d’Asie de l’Est et du Sud-Est (voir
l’encadré 2.7), la politique rwandaise est dictée par
la conviction que des efforts de développement
et de transformation en matière économique et
sociale sont indispensables pour éviter que se
répète une «catastrophe nationale encore dans
les mémoires» (Booth et Golooba-Mutebi, 2011;
2012). Le génocide et ses séquelles contribuent
aussi à expliquer la situation unique, en termes
d’économie politique, de la formulation et de
l’application des politiques au Rwanda. Le caractère
très restreint de la compétition politique (par peur
d’une résurgence de la politisation des clivages
ethniques) et le contrôle strict de l’armée et des
forces de sécurité (garantes du pouvoir) doivent
être envisagés en tenant compte des accords
politiques qui visent à partager le pouvoir avec
des groupes non majoritaires (FPR) et de la mise
en place d’incitants pour encourager les politiques
sociales économiques.
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
toutes les régions moins développées se caractérisent
par des secteurs capitalistes formels qui ne sont
pas suffisamment grands pour produire assez de
recettes publiques. C’est pourquoi, dans les processus
politiques plus larges où les élites s’efforcent de garder
ou de reconquérir le contrôle du gouvernement, elles
dépendront de diverses formes de recettes de l’élite
politique.
L’orthodoxie des bailleurs de fonds suppose
généralement que les rentes provenant de la corruption
et le clientélisme sont préjudiciables au développement
économique. Toutefois, des recherches indiquent que
des succès en termes de croissance et de transformation
ont été, et peuvent encore être, associés à des politiques
hétérodoxes en ce qui concerne l’utilisation productive
de rentes (Kahn, 2007; Booth, 2012). Un réexamen de
la situation dans sept pays africains, dont le Rwanda
et la Côte d’Ivoire (voir aussi l’encadré 2.6), a mis en
évidence certaines caractéristiques frappantes de
régimes très performants (Kelsall, 2011; Kelsall et al.,
2010). Ces caractéristiques incluaient un pouvoir fort
(personnalisé), des processus de rentes centralisés, et
des horizons à long terme qui laissent suffisamment
de temps pour concevoir, tester et réorienter les
politiques. La centralisation permet, par exemple,
aux dirigeants d’aiguiller la création de rentes vers
des domaines présentant un potentiel économique,
de financer des biens publics essentiels et d’assurer la
stabilité politique. Autrement dit, des pays caractérisés
par le clientélisme, la corruption et la recherche de
rentes substantielles peuvent réussir à surmonter
certaines lacunes de coordination, à centraliser les
rentes et à investir dans les biens publics, en voyant
plus loin que le court terme et en se tournant vers
l’expérimentation et l’apprentissage.
Les quatre études de cas, avec leurs différents parcours
de développement, et surtout les trois exemples de la
Côte d’Ivoire, du Rwanda et du Pérou, qui ont le plus
progressé au cours de la dernière décennie, démontrent
l’importance de la croissance et de la transformation
économique pour la durabilité future. Généralement,
le succès de la transformation économique s’explique
par une combinaison d’institutions, d’acteurs et
de facteurs, tels qu’un État central cohérent, une
vision axée sur le développement, l’engagement
des dirigeants et les liens entre l’État et les groupes
qui composent la société. Cette combinaison naît
d’interactions dynamiques et de compromis entre
les élites dirigeantes, l’administration et les multiples
groupes de la société civile qui interviennent au niveau
sectoriel. Il faut pour cela que les gouvernements
s’emploient à garantir de façon crédible que les
profits tirés des investissements ne seront pas perdus,
à produire des biens publics essentiels, à investir dans
l’apprentissage et l’expérimentation, et à relever les
multiples défis de la coordination.
Les pouvoirs publics des pays en développement
se heurtent souvent à des difficultés décourageantes
quand ils essaient de promouvoir le type de
transformation économique dont ils auraient besoin
pour assurer durablement la réduction de la pauvreté
et le développement, l’adaptation au changement
climatique et l’atténuation de ses effets, etc. Ces
difficultés ont trait principalement aux problèmes
à surmonter dans le domaine de l’action collective
et de la coordination pour construire des secteurs
productifs compétitifs. Dans la pratique, les élites
dirigeantes opteront généralement pour la voie de
la moindre résistance. Au lieu de créer de nouveaux
secteurs productifs ou de moderniser les secteurs
existants, elles se rabattront sur d’autres solutions,
s’il en existe, qui leur évitent de s’atteler «à la tâche
difficile d’aider les entrepreneurs locaux à renforcer
leurs capacités technologiques et de créer de nouvelles
institutions pour mettre en œuvre des politiques
industrielles. Ces alternatives incluent les ressources
naturelles extractives (par ex., les minerais et le
pétrole), l’aide publique étrangère au gouvernement
et les exportations de matières premières agricoles»
(Whitfield et Therkildsen, 2011, p. 25).
Cette section visait à proposer une série de modèles
théoriques qui peuvent contribuer à expliquer
pourquoi différents pays adoptent des trajectoires
et des politiques de développement particulières.
Comme nous le verrons dans la section suivante, les
facteurs extérieurs – qu’il s’agisse de cadres politiques
comme les OMD ou des systèmes économiques
et financiers mondiaux – jouent un rôle dans ces
processus politiques nationaux. Leur impact peut
être important. Une meilleure compréhension des
interactions entre ces deux sphères – les moteurs
mondiaux et régionaux, d’une part, et l’économie
politique intérieure de l’autre – permettra d’apprécier
la «marge de manœuvre» dans un contexte national
particulier.
DÉVELOPPEMENT
Les quatre études
de cas démontrent
l’importance de la
croissance et de la
transformation
économique pour
la durabilité
future.
Généralement,
le succès de la
transformation
économique
s’explique par une
combinaison
d’institutions,
d’acteurs et de
facteurs, tels qu’un
État central
cohérent, une
vision axée sur le
développement,
l’engagement des
dirigeants et les
liens entre l’État
et les groupes qui
composent la
société.
Cet aperçu sommaire ne peut évidemment pas
prétendre à l’exhaustivité et ne traite pas de plusieurs
autres dimensions importantes, souvent négligées ou
moins visibles, qui favorisent les réformes et changent
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
39
CHAPITRE DEUX
Encadré 2.7 Expliquer les différences politiques – Asie du Sud-Est et Afrique subsaharienne
Le programme de recherche Tracking Development
a étudié les facteurs qui contribuent à expliquer les
divergences dans les trajectoires de développement
en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne
au cours des 50 dernières années. Le clientélisme
omniprésent en Afrique subsaharienne ne peut
expliquer, en soi, le manque relatif de progrès
et de transformation économique, dès lors que
la corruption et le clientélisme caractérisaient
aussi les pays d’Asie du Sud-Est lors de leur essor
économique.
Au travers de comparaisons de pays par paires (le
Kenya avec la Malaisie, le Nigéria avec l’Indonésie,
la Tanzanie avec le Vietnam, et l’Ouganda avec le
Cambodge) Tracking Development formule trois
conditions politiques préalables à une croissance et
une réduction de la pauvreté durables. La réunion
de ces trois conditions permet d’atteindre un
«tournant du développement»: a) une saine gestion
macroéconomique; b) un niveau de vie meilleur
dans le secteur rural combiné à une productivité
agricole accrue et à la sécurité alimentaire; et c)
la libéralisation économique et la création des
conditions nécessaires à la liberté économique,
en particulier pour les agriculteurs et les petits
entrepreneurs. Si les quatre pays africains ont, dans
l’ensemble, affiché de bons niveaux de croissance
économique, il n’y a pas eu de véritable percée dans
la productivité des petits exploitants agricoles. «En
conséquence, l’impact de la croissance économique
les processus, notamment la capacité d’action et
de mobilisation, l’organisation des populations
pauvres et les multiples formes d’actions menées
par la société civile pour surmonter les difficultés
de l’action collective et améliorer les relations entre
gouvernance et responsabilité. En fait, le passage du
domaine de l’analyse du contexte à celui de la praxis
du développement représente aussi un changement
d’attitude, en ce que les réformateurs et les acteurs
extérieurs sont amenés à laisser derrière eux les
modèles de «bonnes pratiques» pour s’adapter aux
circonstances (Booth, 2011), en tirant parti des
connaissances et des capacités de résolutions des
problèmes adaptées à l’échelon local.
40
africaine sur la pauvreté reste faible, et son
avenir incertain, face à la montée des inégalités,
à la croissance limitée du marché intérieur et à
l’insécurité alimentaire persistante. Il n’y a pas eu
non plus en Afrique de signe de la transformation
industrielle qui a suivi la révolution agricole en Asie
du Sud-Est» (Developmental Regimes in Africa,
2012).
Les motivations et les incitations étaient variables.
Dans certains pays d’Asie du Sud-Est, les élites
dirigeantes redoutaient une opposition radicale
ou communiste, ou la menace d’un soulèvement
rural massif. Pour garantir leur survie, les élites ont
adopté une trajectoire de développement qui vise
à garantir des avantages matériels directs au plus
grand nombre possible. Cela a renforcé l’impact
des politiques, sans qu’il soit nécessaire d’accorder
beaucoup d’attention au respect des principes
juridiques, des procédures administratives, ou
des droits et des libertés politiques (van Donge
et al., 2012). Ces fortes pressions – impossibles à
reproduire et à bien des égards exceptionnelles – ont
beaucoup incité les gouvernements à consolider leur
légitimité en produisant des biens publics, plutôt
que de courir les risques associés à de simples
simulacres de réformes.
Programme Tracking Development
http://www.institutions-africa.org/
trackingdevelopment_archived/home.html
2.3. Les moteurs internationaux,
les OMD et l’économie politique
intérieure
Certains facteurs dans l’économie mondiale et les
relations internationales affectent la gouvernance,
les institutions et les processus politiques au niveau
national. Ces «moteurs internationaux», ou facteurs
mondiaux et régionaux qui ont un impact sur
l’économie politique intérieure, peuvent changer
les structures du pouvoir et des incitations au sein
desquelles opèrent les élites économiques et politiques.
Le propos de cette section n’est pas de présenter tous
les moteurs internationaux qui interagissent avec
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
l’économie politique intérieure et les incitations
économiques et politiques possibles ou probables
qu’ils engendrent. Il s’agit avant tout d’attirer
l’attention sur l’importance de cette dimension dans
la réflexion sur un programme de développement
pour l’après-2015, car l’intérêt des débats dépendra
non seulement du contenu d’un nouveau programme,
mais aussi des processus au moyen desquels de
nombreux intervenants, anciens, émergents ou
nouveaux, peuvent chercher à codéterminer la nature
des résultats.
L’analyse des effets des facteurs internationaux sur
les processus économiques et politiques intérieurs
comporte des aspects très complexes, dans la
mesure où bon nombre de ces facteurs peuvent agir
simultanément. Leur importance relative varie et il
peut s’avérer particulièrement difficile d’attribuer des
résultats observés à certains moteurs en particulier.
Ces influences s’exercent sur de longues périodes et
les processus ne sont généralement pas linéaires, avec
à la fois des effets immédiats et des répercussions
à différents niveaux. L’OCDE a mis au point une
méthodologie analytique qui distingue sept catégories
de moteurs internationaux, en retraçant certains de
leurs effets probables sur les rapports de force et sur
les processus politiques de contestation et négociation
entre les groupes d’intérêts au niveau national (OCDE,
2011).
Les sept catégories les plus pertinentes sont: a)
les sources de rentes (qui englobent l’aide); b) les
opportunités et les contraintes liées à la dissimulation
et au transfert d’actifs illicites; c) les investissements
étrangers; d) les menaces pour la sécurité mondiale et
régionale et les réactions; e) les mesures juridiques et les
sanctions internationales contre les élites nationales;
f) les pressions sur les élites politiques, en termes
de réputation, de la part des acteurs régionaux et
internationaux; et g) les idées et compétences externes,
y compris les effets des diasporas. Ces catégories sont
potentiellement susceptibles d’orienter les efforts
dans des directions qui aboutissent à des résultats
positifs en termes de développement. On peut citer par
exemple la pression des consommateurs et des médias
dans les pays développés qui favorise les marchandises
certifiées et produites dans le respect de la légalité ou
qui menace la réputation de certains profiteurs. Les
organisations de la société civile et les ONG peuvent
mobiliser l’opinion et créer des pressions qui incitent
les autorités à améliorer leur gouvernance économique
et politique. Mais ces moteurs internationaux peuvent
aussi renforcer la mauvaise gouvernance et même
engendrer ou prolonger une fragilité (voir aussi
l’encadré 2.8).
Les sources de rentes constituent une catégorie qui
illustre bien ce problème. Les sources de rentes et de
recettes publiques ont été fortement altérées du fait de
la nature changeante de l’économie mondiale (Moore
et al., 2009; Moore 2011). La mondialisation récente
a augmenté la proportion de recettes publiques non
fiscales et a aussi renforcé les revenus (illégaux) des
élites politiques, par rapport aux recettes publiques
(légales). L’accroissement substantiel de la demande
pour les (rares) ressources naturelles a créé des
opportunités sans précédent pour les élites politiques
intéressées par les rentes qu’elles peuvent tirer de leurs
exportations. Les pouvoirs publics peuvent ainsi être
moins enclins à chercher des revenus plus fiables en
négociant avec des groupes d’acteurs de la société qui
réclament des investissements dans la recherche et
l’innovation ou, plus généralement, des institutions
publiques responsables et efficaces. Combinées aux
opportunités qu’ont les élites de dissimuler, blanchir et
transférer des actifs financiers (la deuxième catégorie
de moteurs), ces rentes provenant des ressources
naturelles peuvent devenir un véritable fléau, car elles
sont susceptibles d’alimenter des conflits violents, des
guerres civiles et une fragilité prolongée (OCDE, 2011;
OCDE, 2012; Centre for the Future State, 2010).
DÉVELOPPEMENT
La mondialisation
récente a augmenté
la proportion de
recettes publiques
non fiscales et a
aussi renforcé les
revenus (illégaux)
des élites
politiques, par
rapport aux
recettes publiques
(légales).
L’accroissement
substantiel de la
demande pour les
(rares) ressources
naturelles a créé
des opportunités
sans précédent
pour les élites
politiques
intéressées par les
rentes qu’elles
peuvent tirer de
leurs exportations.
2.4. Les enseignements à tirer de
la situation au niveau national
Ce chapitre a proposé une triple «confrontation à la
réalité» depuis la perspective des pays concernés. La
première consistait à apprécier dans quelle mesure
les OMD ont été utiles au Népal, à la Côte d’Ivoire,
au Rwanda et au Pérou pour atteindre leurs cibles et
progresser dans la réalisation de leurs objectifs. Si
18 Les OMD devraient être considérés comme un instrument mondial, plutôt que comme un moteur mondial, à côté d’autres instruments et
mesures réglementaires déployés à l’échelle mondiale et régionale comme l’Initiative pour la transparence des industries extractives, le Mécanisme
africain d’évaluation par les pairs, l’initiative sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux, la
Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, etc. L’outil mis au point par l’OCDE évalue la pertinence de ces instruments mondiaux
et régionaux en termes d’effets probables sur les sept moteurs internationaux.
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
41
CHAPITRE DEUX
Encadré 2.8 Rentes, paradis fiscaux et fragilité
Ce chapitre a
proposé une triple
«confrontation à
la réalité» depuis
la perspective des
pays concernés.
La première
consistait à
apprécier dans
quelle mesure
les OMD ont été
utiles. La
perspective
d’économie
politique
constitue la
deuxième
confrontation.
La troisième
confrontation
à la réalité se
rapporte à la
compréhension
de la qualité et des
conséquences des
relations entre
les moteurs et
instruments
mondiaux,
l’économie
politique
intérieure et les
résultats en
termes de
développement.
42
Comme l’a observé Moore (2011), la récente phase de
mondialisation a débouché sur «des augmentations
des recettes publiques non fiscales par rapport aux
recettes fiscales et des recettes de l’élite politique par
rapport aux recettes publiques». Ce renforcement
des rentes par la mondialisation peut expliquer
en partie le «phénomène contemporain des États
faibles, fragiles ou défaillants. Dans les régimes
où les recettes de l’élite politique sont relativement
abondantes, le pouvoir est entre les mains d’individus
que rien n’incite à renforcer l’État: construire ou
consolider des institutions qui pourraient mobiliser
de nombreux citoyens et les amener à participer à
la vie politique (partis politiques), encourager le
dialogue politique entre différents groupes d’intérêt
(pouvoir législatif), percevoir des recettes à des fins
publiques (administration fiscale), prendre des
décisions politiques bien informées et les appliquer
de façon cohérente (fonction publique), protéger les
citoyens contre la criminalité et l’usage illégitime
de la force (police, justice, système carcéral) ou
mettre en place les moyens techniques nécessaires
pour que le gouvernement ait à rendre compte de
l’utilisation de l’argent public (cours des comptes).
La mondialisation qui a marqué la fin du vingtième
siècle a non seulement conduit certains États
les quatre pays ont envoyé le signal d’un engagement
à l’égard des OMD et de leur réalisation, la mise
en pratique a varié entre un niveau plutôt bas et
une haute intensité. Les principaux déterminants
du degré et de l’orientation de la mise en œuvre se
situent dans l’économie politique intérieure, c.-à-d.
dans l’interaction entre les aspects structurels, les
institutions formelles et informelles, et les acteurs
ou les facteurs qui interviennent au quotidien dans
les processus politiques. La perspective d’économie
politique constitue la deuxième confrontation. Les
quatre pays en développement se sont aussi intégrés
davantage dans l’économie mondiale par des liens
qui relèvent, entre autres, du commerce, de l’aide
au développement, de la mobilité internationale de
la main-d’œuvre et de l’intégration financière. La
troisième confrontation à la réalité se rapporte à la
compréhension de la qualité et des conséquences des
relations entre les moteurs et instruments mondiaux
périphériques à tirer leurs sources de financement
non plus des recettes fiscales générales, mais de
ce que Schumpeter aurait pu appeler des recettes
domaniales, mais elle a aussi créé, pour les élites
politiques, de nombreuses opportunités et tentations
de récolter des revenus illicites – en pratiquant ou
en facilitant la production et le trafic de stupéfiants,
le blanchiment d’argent sale, l’évasion fiscale, la
corruption dans l’attribution de marchés publics,
ou même simplement en allégeant les formalités
administratives pour les bailleurs de fonds et leurs
projets en échange de missions de consultance
lucratives. Du fait de la mondialisation, ces sources
de revenus sont plus abondantes. La libéralisation
des finances internationales, notamment sous la
forme des paradis fiscaux, a permis de dissimuler
plus facilement et à moindre coût les revenus illicites
et a donc renforcé les incitations à en gagner»
(Moore, 2011, p. 12).
(comme les OMD), l’économie politique intérieure et
les résultats en termes de développement.
Dans la réf lexion sur un nouveau cadre pour
l’après-2015, ces trois confrontations à la réalité
peuvent nous aider à repenser son contenu et le
processus qui aboutit à un tel accord à l’échelle
mondiale. Les défis du développement vont
probablement devenir plus complexes, le paysage de
l’aide va encore changer, avec de «nouveaux venus» qui
gagnent en puissance ou en influence et qui ont aussi
leur rôle à jouer, tandis que d’autres opportunités se
feront jour puisque «nous sommes maintenant bien
mieux placés pour comprendre ces processus et éviter
les angles morts qui nous ont gênés dans le passé»
(Rodrik et Rosenzweig, 2009, p. 5).
Il subsiste néanmoins certaines zones d’ombre. Un
aspect dont ce chapitre n’a pas traité, par exemple, tient
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
à l’économie politique des partenaires internationaux:
leurs capacités en tant que bailleurs de fonds19, en tant
que partenaires commerciaux et économiques, les
obstacles auxquels ils sont confrontés et les incitations
qui influencent leurs choix politiques et leurs actions
dans différents contextes régionaux et internationaux,
et qui déterminent leurs préférences dans l’application
des principes convenus et des engagements pris,
comme le soutien à la cohérence des politiques pour
le développement. Une telle analyse permettrait
de mieux discerner les marges de manœuvre des
partenaires internationaux dans le respect de leurs
engagements, ce qui pourrait contribuer à éclairer le
processus de mise en place des partenariats et à en
définir les priorités dans la formulation d’un éventuel
programme de développement pour l’après-2015, de
sa substance et de son architecture institutionnelle.
Sans perdre de vue les défis qui restent à relever, il
est possible de tirer de ce chapitre et des études de
cas nationales plusieurs enseignements préliminaires
intéressants dans la perspective d’un programme pour
l’après-2015 et de son processus d’élaboration:
• La diversité est le maître-mot. Trois des quatre
études de cas confirment que l’instrument des
OMD a contribué d’une manière ou d’une autre à
améliorer la conception des politiques, à mobiliser
des ressources extérieures, à faciliter le dialogue
et peut avoir eu une inf luence sur les choix
politiques et leur mise en œuvre dans certains
domaines relevant des OMD. Mais les études
de cas nationales confirment aussi l’importance
centrale des processus politiques et économiques
intérieurs dans le choix des modes d’action ou
d’inaction, ainsi que le rôle déterminant des élites
dirigeantes ou des coalitions au pouvoir.
• La «volonté politique» affirmée qui sous-tend
les objectifs de développement et la «capacité
de l’État» au niveau national ne peuvent être
tenues pour acquises. L’«orthodoxie des bonnes
pratiques» inhérentes à la plupart des modèles de
développement de l’OCDE peut donner une idée
de ce qui est souhaitable, mais il faut tenir compte
des réalités et des limites de ce qui est applicable.
• Les efforts – notamment ceux de certains bailleurs
de fonds – visant à appréhender le contexte sous
des angles divers (dont celui de l’économie
politique) peuvent être utiles. Il est indispensable
d ’exploiter systématiquement la nouvelle
génération d’outils de diagnostic plus fins, par
exemple en matière d’analyses des conflits et de
l’économie politique, pour mieux comprendre:
a) comment les institutions politiques et
économiques fonctionnent et interagissent dans
les pays en développement; b) comment recourir
à des instruments externes en vue de créer une
adéquation avec les efforts de réforme ou de
consolidation de la paix; c) comment les effets des
moteurs internationaux sur l’économie politique
intérieure peuvent contribuer à éclairer des
stratégies de développement ou d’autres réponses
qui tiennent compte des conflits et du contexte;
et d) comment interviennent les dimensions des
incitations et de l’économie politique chez les
partenaires internationaux, ce qui peut aider à tirer
parti d’un potentiel inexploité pour élaborer des
stratégies participatives adaptées qui combinent
des points d’entrée ciblés avec des partenariats
multilatéraux crédibles et efficaces au niveau
mondial, régional et national.
DÉVELOPPEMENT
Les études de cas
nationales
confirment aussi
l’importance
centrale des
processus
politiques et
économiques
intérieurs dans
le choix des modes
d’action ou
d’inaction.
• Une caractéristique frappante dans les quatre
études de cas a trait au rôle joué par les conflits
violents dans l’histoire récente de ces pays. Dans
chaque cas, les circonstances politiques ont été
façonnées par les différentes stratégies que les
élites ont adoptées pour réprimer ou employer
la violence, et qui ont influencé – et continuent
d’influencer à des degrés divers – la stabilité ou
la fragilité. Selon les estimations, la moitié de la
population pauvre du monde vit ou vivra dans des
États fragiles (OCDE, 2012). Une compréhension
approfondie des effets et des incitations que les
moteurs internationaux créent en termes de
mauvaise gouvernance, de recherche de rentes
par les élites économiques et dirigeantes, etc., peut
aider les partenaires de développement extérieurs,
comme l’UE, à donner la priorité aux domaines où
leur action a le plus d’impact.
19 Les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux façons dont les politiques et les institutions des gouvernements donateurs et des agences d’aide
au développement affectent la fourniture de l’aide (par ex., Martens et al., 2002; Gibson et al., 2005; Knack et Rahman, 2007; Faust, 2011). Ces
travaux portant sur les règles du jeu formelles et informelles des bailleurs de fonds, sur les incitations engendrées par leurs interactions et sur
leur influence en termes de choix politiques et de préférences des principaux acteurs jettent un éclairage sur les incohérences des politiques et
sur les difficultés de mise en œuvre au niveau national, régional et mondial. La compréhension de la logique qui motive la prise des décisions
et des défis à relever dans leur application pourrait contribuer à l’adoption de stratégies plus efficaces à l’avenir.
A P R È S 2 0 1 5 : U N E A C T I O N M O N D I A L E P O U R U N AV E N I R I N C L U S I F E T D U R A B L E
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CHAPITRE DEUX
Même si un cadre
pour l’après-2015
peut faciliter la
formation des
partenariats en
faveur du
développement
national, il ne
peut déterminer
comment ces
partenariats
seront utilisés
dans chaque cas.
• Avec la multiplication des canaux de l’aide et
l’augmentation des frais de transaction pour les pays
bénéficiaires, les bailleurs de fonds doivent coopérer
avec leurs principaux partenaires pour transposer et
traduire les principes d’efficacité de l’aide approuvés
à l’échelle internationale en fonction des besoins et
du potentiel du pays concerné.
• C’est là l’aspect le plus urgent, dans la mesure
où les pays en développement devront renforcer
– notamment en termes de responsabilité –
les capacités institutionnelles dans lesquelles
viendront s’ancrer des sources de financement
innovantes pour relever les nouveaux défis
mondiaux (changement climatique, etc.).
En ce qui concerne plus spécifiquement l’UE, ses
caractéristiques uniques et les relations qu’elle a
nouées avec de multiples intervenants à divers niveaux
de gouvernance (du mondial au local) et dans divers
domaines politiques en font un partenaire de premier
plan. Outre les éléments mentionnés ci-dessus, l’UE
est bien placée pour:
• encourager, faciliter et guider la coordination et
l’harmonisation des actions des bailleurs de fonds
au niveau national, en collaboration avec les pays
partenaires;
• contribuer, surtout dans les environnements
fragiles, à la formulation de réponses des bailleurs
de fond qui tiennent compte des situations de
conf lit et qui combinent l’APD avec d’autres
domaines d’intervention comme le commerce,
les sanctions ciblées à l’encontre des représentants
des élites, la saisie d’actifs, la lutte contre l’évasion
fiscale au niveau mondial et régional, etc.;
• promouvoir, auprès des acteurs externes, une
meilleure gestion des connaissances concernant
les situations spécifiques au pays concerné, en
faisant usage d’outils de diagnostic perfectionnés,
en intégrant les idées et les enseignements tirés, et
en formulant des approches plus spécifiques pour
accroître l’efficacité de l’aide;
• jouer un rôle déterminant au niveau international
pour encourager une action collective en faveur
des biens publics mondiaux. Compte tenu de la
multiplication et de la fragmentation des sources
de financement (du développement) – mais aussi
des rentes –, il est probable que le renforcement de
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la transparence et l’amélioration de la gouvernance
financière mondiale s’imposeront comme les deux
domaines prioritaires pour l’action de l’UE.
Cependant, ce chapitre a surtout démontré
l’importance vitale de disposer d’un cadre pour
l’après-2015 qui soit suffisamment f lexible pour
s’adapter à l’immense diversité des situations et des
trajectoires de développement dont il devra tenir compte
pour se révéler un outil d’orientation utile pour les
différents partenaires du développement. Les études de
cas ont montré qu’un cadre international comme celui
des OMD peut aider à plusieurs égards aussi bien les
acteurs des pays en développement que les partenaires
internationaux. Mais en définitive, la question de savoir
qui relèvera les défis du développement et comment
dépend de l’économie politique intérieure et de
l’interaction des acteurs et des facteurs nationaux avec
ceux qui interviennent au niveau régional et mondial.
C’est pourquoi, même si un cadre pour l’après-2015
peut faciliter la formation des partenariats mondiaux
et autres en faveur du développement national, il ne
peut déterminer comment ces partenariats seront
utilisés dans chaque cas. Au niveau national, le cadre
s’intégrera dans l’économie politique intérieure comme
l’un des instruments dont peuvent se servir les acteurs
locaux pour progresser dans la réalisation de leurs
objectifs et comme une plateforme de négociation avec
les acteurs externes.
La volonté politique, la bonne gouvernance et les
capacités adéquates au niveau national sont, de toute
évidence, des éléments essentiels qui ne peuvent
être tenus pour acquis. Pourtant, comme l’a aussi
montré ce chapitre, les acteurs externes, les régimes
internationaux, les flux des ressources financières,
le commerce et la migration de la main-d’œuvre ont
des impacts considérables sur les processus locaux
et peuvent être mis à profit, de diverses façons, par
les acteurs locaux. L’élaboration d’un cadre pour
l’après-2015 ne devrait donc pas être axée sur la seule
coopération au développement, en tant que vecteur de
l’aide aux processus de développement intérieur, mais
devrait aussi inclure ces autres facteurs.
C’est pourquoi, sans exagérer l’impact d’un cadre
mondial sur l’économie politique intérieure, son
importance est souvent bien réelle, et la mise en place
d’un environnement international propice est donc
une tâche essentielle à laquelle il faudra s’atteler dans
un cadre pour l’après-2015. Ce n’en est que plus vrai
dans les situations fragiles, où le rôle des acteurs et
RAPPORT EUROPÉEN SUR LE DÉVELOPPEMENT 2013
RAPPORT EUROPÉEN
SUR LE
DÉVELOPPEMENT
Encadré 2.9 Fragilité – exemples de réponses de l’UE dans les pays couverts par les études de cas
Au moins trois pays – la Côte d’Ivoire, le Népal
et le Rwanda – peuvent encore être qualifiés
de «fragiles», bien que seul le premier ait fait la
démarche de rejoindre le g7+, un groupe de 17 pays
en développement que se décrivent eux-mêmes
comme «fragiles»20.
Les réponses de l’UE aux situations de conflits
violents et de fragilité ont initialement été réactives
plutôt que proactives. Les changements de stratégies
en Côte d’Ivoire, au Népal et au Rwanda donnent
à penser qu’ils ont été décidés en réaction aux
événements dramatiques survenus dans ces pays:
le refus du président Gbagbo d’accepter sa défaite
électorale (au risque de provoquer une guerre civile),
le génocide qui s’est soldé par la victoire du FPR au
Rwanda, et le régime monarchique de plus en plus
répressif au Népal au début des années 2000.
La réponse des bailleurs de fonds à la situation
du Népal illustre l’utilité d’un diagnostic fiable et
indépendant qui se concentre non pas tant sur l’aspect
formel des institutions politiques et économiques,
mais sur leur mode de fonctionnement. Une étude
parrainée par le DFID a analysé comment les
facteurs externes tels que l’aide ont contribué à la
dynamique du conflit et au développement. Putzel et
des facteurs externes peut se révéler crucial pour
contrecarrer certaines des filières qui permettent aux
élites de perpétuer des régimes politiques (souvent
violents) et pour créer des conditions favorables dans
lesquelles les acteurs locaux ont les moyens d’agir
efficacement et de faire progresser le développement.
En résumé, si les acteurs nationaux ont besoin
d’une marge de manœuvre suffisante pour formuler
leurs propres priorités et leurs propres parcours de
développement, l’usage qu’ils font de cette latitude
Di John (2012) insistent sur l’importance des acteurs
externes pour identifier et soutenir les groupes
sociaux indépendants des élites qui sont en mesure
de proposer des réformes inclusives et de s’engager
dans la lutte politique pour les mener à bien.
Le Népal et la Côte d’Ivoire illustrent aussi
le potentiel de l’UE en termes de contribution
aux efforts de consolidation de la paix dans les
environnements fragiles ou en situation de conflit,
grâce à une combinaison judicieuse d’instruments
politiques. En fait, les deux pays offrent de bons
exemples des moyens dont disposent les bailleurs
de fonds pour encourager des solutions politiques
plus inclusives. Dans le cas du Népal, cela s’est fait en
permettant l’inclusion et la légitimation de groupes
précédemment exclus du processus de paix. En Côte
d’Ivoire, ce sont les sanctions financières, combinées
aux mesures adoptées par d’autres acteurs régionaux
comme la Communauté économique des États
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui ont réduit
l’emprise du président Gbagbo et ont contrecarré
son intention de résoudre le conflit par des moyens
militaires.
Si les acteurs
nationaux ont
besoin d’une
marge de
manœuvre
suffisante pour
formuler leurs
propres priorités
et leurs propres
parcours de
développement,
l’usage qu’ils font
de cette latitude
est soumis à des
contraintes
exercées par les
acteurs et les
facteurs qui
interviennent tant
au niveau local
qu’à l’échelle
internationale.
Source: Rapports des études de cas
est soumis à des contraintes très diverses exercées
par les acteurs et les facteurs qui interviennent tant
au niveau local qu’à l’échelle internationale. Le cadre
pour l’après-2015 doit donc être suffisamment flexible
pour respecter cette diversité nationale et cette marge
d’action et doit avoir, en même temps, l’envergure
nécessaire pour couvrir un large spectre de moteurs
externes, tout en restant spécifique dans chaque cas,
de façon à guider efficacement l’action internationale
dans son soutien aux efforts locaux en faveur d’un
développement inclusif et durable.
20 Les membres du g7+ se sont regroupés autour de demandes de réponses appropriées, qui tiennent compte des situations de conflits, de la part
de la communauté internationale, et ont activement plaidé en faveur d’une «Nouvelle donne» au FHN de Busan en novembre 2011.
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