Le Temps, page 13 Débats 03.04.2013 Objectifs du millénaire de l’ONU: la Suisse travaille d’arrache-pied Michael Gerber Il ne nous reste que mille jours. Mille jours avant de faire le bilan en matière de pauvreté, d’éducation, de santé, d’environnement et de parité homme-femme dans le monde. D’ici à la fin 2015, les huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui ont été définis à l’issue du Sommet du millénaire organisé par l’ONU en 2000, devraient avoir été réalisés. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la communauté internationale s’est fixé des objectifs de développement clairs et mesurables afin de s’attaquer efficacement à la pauvreté et à la souffrance. Les pays pauvres ont axé leurs stratégies de développement nationales, et les pays donateurs, leurs priorités en matière de coopération au développement, sur les OMD. Depuis la formulation de ces derniers, de nombreux progrès ont été réalisés à l’échelle mondiale: la pauvreté, atteinte sous le seuil de 1,25 dollar (USD) par jour, a été réduite de moitié par rapport à son niveau de 1990. Aujourd’hui, le taux de scolarisation des filles est équivalent à celui des garçons. Depuis 2000, plus de deux milliards d’êtres humains ont accès à une eau potable de meilleure qualité. Cependant, il reste encore beaucoup à faire d’ici à 2015, car près d’un milliard de personnes souffrent encore de la faim. Quelque 2,5 milliards d’individus vivant dans des régions en développement n’ont pas accès à des équipements sanitaires. En ce qui concerne la réduction de la mortalité maternelle, les progrès sont plus modestes qu’espérés. Au lieu de reculer, les inégalités sociales ont progressé dans presque tous les pays ces dernières années. Un effort de coopération internationale plus prononcé et plus ciblé encore s’avère donc nécessaire pour atteindre tous les objectifs de développement d’ici à 2015. La Suisse renforcera son engagement au cours des prochaines années, notamment dans les domaines et régions pour lesquels les résultats sont les plus éloignés des attentes: – Dans les pays où l’Etat est fragilisé ou dans ceux touchés par un conflit, aucun des OMD n’a été atteint à ce jour. C’est pourquoi la Suisse souhaite renforcer son action de développement dans ces contextes. Dans certaines zones rurales de l’Afghanistan, elle contribue déjà à assurer les bases de subsistance les plus élémentaires et participe à la mise en place et à la consolidation du système éducatif de base, dont environ 150 000 enfants (dont 40% de filles) ont bénéficié à ce jour. – Pour maîtriser les défis mondiaux grandissants que sont le changement climatique, la raréfaction des réserves d’eau et des ressources alimentaires, les pandémies ou les migrations illégales, les OMD n’ont pas encore offert de recette miracle. La Suisse élargit donc le rayon d’action de sa coopération au développement au-delà des frontières nationales. Au Proche-Orient (Irak, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie) par exemple, elle associe avec succès depuis quatre ans promotion de la paix et gestion durable des ressources hydriques transfrontalières. – Les OMD ont aussi permis de souligner l’importance d’un partenariat international pour asseoir l’efficacité de la coopération internationale. Cela s’est notamment vu dans le cadre d’un projet innovant mené conjointement en Asie par la Suisse, l’Allemagne et la compagnie Allianz Re, qui a permis d’améliorer la sécurité alimentaire de plusieurs millions de riziculteurs grâce à une micro-assurance contre les pertes de récoltes et à des prévisions de récolte par satellite. A l’heure actuelle, la communauté internationale est d’ores et déjà unanime sur un point: le monde a besoin d’un nouvel «agenda de développement» – un programme et un calendrier – pour l’après-2015. Celui-ci devra se baser sur les expériences réalisées avec les OMD et inclure également le projet issu de la Conférence Rio +20 de 2012, visant à instaurer des objectifs de développement durable. Cette fois, il faudra réussir à adopter des objectifs valables pour tous les pays et associer toutes les couches de la population mondiale à leur formulation. De fait, les consultations et travaux internationaux destinés à concevoir un nouveau cadre global post-2015 tournent déjà à plein régime. Cet agenda est d’autant plus important pour la Suisse qu’il fixe les priorités de la politique de développement mondiale pour les 15 à 20 prochaines années et qu’il influera aussi sur notre propre approche du développement durable. Un pays aussi tourné vers le monde que le nôtre a un intérêt particulier à ce que tous les autres pays avec lesquels il entretient des relations économiques et sociales intenses soient stables à tous points de vue. Aussi la Suisse endosse-t-elle un rôle actif et fédérateur dans le cadre de ce nouveau programme pour le développement, par exemple en coordonnant, au sein d’une codirection, deux consultations mondiales de l’ONU sur l’eau et sur la dynamique démographique. La Suisse s’engage pour que les futurs objectifs soient axés sur les droits de l’homme, sur une économie «verte» socialement responsable et sur une gestion durable des ressources naturelles. Sans ce cadre général, conjointement établi, fixant des objectifs clairs et tournés vers l’action, il ne sera pas possible de mobiliser acteurs et moyens financiers au-delà du cercle classique de la coopération au développement. Et sans ce changement de paradigme au niveau du développement durable dans le monde, il ne sera pas possible de garantir des emplois et une équité sociale pour les générations futures, pas plus que de soutenir la consommation des ressources. Voilà pourquoi le monde a (encore) besoin d’objectifs pour le développement!