Le clinicien au front doit être vigilant quant aux manifesta-
tions cliniques classiques. Toutefois, puisqu’elles sont rares, il
doit souvent se fier à d’autres indices pour éveiller ses soup-
çons. Chacun des quatre éléments cliniques suivants est
présent chez plus de la moitié des patients : une prédisposi-
tion à l’endocardite, une fièvre, un souffle cardiaque et une
bactériémie à germe classique (tableau I2-4). Leur présence,
particulièrement en association, doit mener à explorer la
possibilité d’une endocardite.
Tout hospitaliste doit également être attentif au fait qu’en-
viron 20 % des cas sont d’origine nosocomiale2, dont la
majorité sont causés par Staphylococcus aureus. On trouve
de 10 % à 20 % d’endocardites chez les personnes souffrant
d’une bactériémie à ce germe, même lorsqu’elle semble liée
à un cathéter ou à un autre foyer8.
COMMENT VÉRIFIER
SA PRÉSOMPTION DIAGNOSTIQUE ?
DIRE QUE J’AI DÉJÀ CONNU
MES CRITÈRES PAR CŒUR
Le diagnostic d’endocardite bactérienne peut être confirmé
par l’analyse histopathologique d’une valvule atteinte, mais
les critères non effractifs de Duke sont plus utilisés en pra-
tique. En combinant jusqu’à six critères (au plus un par section
des tableaux III et IV1-5), on peut diagnostiquer une endo-
cardite. Ce diagnostic est définitif lorsque sont présents
deux critères majeurs, un critère majeur et trois mineurs ou
encore cinq critères mineurs. Le diagnostic est « possible »
si sont réunis un critère majeur et un ou deux mineurs ou
encore si le patient a trois critères mineurs3. Leur sensibilité
est d’environ 80 % en cours de maladie, mais moindre au
moment du tableau initial3. Le jugement clinique a donc sa
place, et il n’est pas rare que des patients soient traités même
s’ils ne répondent pas aux critères d’endocardite définitive.
Rappelez-vous que les véritables pierres angulaires du dia-
gnostic sont les hémocultures et l’échocardiographie, les
deux épreuves sous-tendant les critères de Duke majeurs.
SOYEZ FIERS DE VOTRE CULTURE
Voici quelques conseils qui feront de vous un as de l’hémo-
culture9-11 :
h la bactériémie est constante en cas d’endocardite : inutile
d’attendre un pic de fièvre ;
h maximisez la sensibilité de vos hémocultures ;
• utilisez des bouteilles pour bactérie aérobie et anaé-
robie à chaque série (une série rassemble toutes les
bouteilles, généralement deux, pour des prélèvements
lors d’une même ponction veineuse),
• prélevez de trois à quatre séries sur une période d’au
moins soixante minutes. La sensibilité s’accroît de façon
marquée avec le volume de sang prélevé, atteignant
de 96 % à 98 % avec trois séries12 et n’augmentant que
modestement avec le quatrième prélèvement,
• faites les hémocultures avant le début des antibiotiques.
S’il est trop tard, vérifiez si votre établissement dispose
de bouteilles d’hémoculture avec agent liant les anti-
biotiques (ex. : BacT/ALERT FA FAN ou BD BACTEC
Plus). Ces bouteilles pourraient améliorer légèrement
la sensibilité, mais coûtent plus cher et augmentent la
détection d’organismes contaminants. Leur accessibi-
lité varie selon les pratiques locales.
h reconnaissez la contamination et réduisez-la au minimum ;
• comptez les séries positives plutôt que les bouteilles
(une contamination lors du prélèvement peut se mani-
fester dans les deux bouteilles),
• ne faites pas le prélèvement par un cathéter, sauf si
vous souhaitez éliminer un sepsis causé par ce cathé-
ter. Dans ces cas, prélevez toujours une série en péri-
phérie au même moment, laquelle doit également être
positive pour poser le diagnostic de bactériémie liée au
cathé ter. Autrement, il faut penser à une colonisation
du cathéter ou à une contamination,
• lorsqu’on vous avise d’une première hémoculture posi-
tive pour un germe à Gram positif (possible contami-
nant), refaites deux séries d’hémoculture avant de
modifier votre traitement. Celles-ci sont souvent utiles
pour juger de la valeur des premiers résultats.
Avec une telle approche, un agent causal sera identifié dans
plus de 90 % des cas5. Les systèmes automatisés modernes
TABLEAU II
PRÉVALENCE D’UNE PRÉDISPOSITION
CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS
D’ENDOCARDITE2,5,6
Adultes – Une prédisposition
est présente dans 55 % des cas
Valvulopathie native (maladie rhumatismale
, 10 %)
25 %
Prothèse valvulaire 20 %
Malformation congénitale (réparée ou non) 15 %
Utilisation de drogue par voie intraveineuse 15 %
Cathéters veineux permanents
(notamment pour l’hémodialyse)
15 %
Cardiostimulateur, défibrillateur 10 %
Ancienne endocardite De 5 % à 10 %
Enfants – Une prédisposition
est présente dans . 90 % des cas
Malformations cardiaques congénitales 90 %
h Réparées 45 %
h Non réparées 45 %
50
Le Médecin du Québec, volume 51, numéro 5, mai 2016