L’Europe et les Etats-Unis sont-ils gouvernés par
des nuls?
Quand The Economist met en couverture une photo de Barack Obama habillé en marinière
Armorlux, comme Arnaud Montebourg, avec en plus un béret basque et une baguette de pain, ce
n’est pas pour rendre hommage à l’efficacité de la politique française et européenne. Bien au
contraire, il s’agit de mettre en parallèle l’incapacité de l’Europe à prendre son destin en main
avec le blocage institutionnel de la vie politique américaine. L’Europe, selon Jean Claude
Casanova de l’IEP, est dirigée par « un incompétent (Juan Manuel Barroso, président de la
Commission européenne) et un muet du sérail (HermanVan Rompuy, président du Conseil
Européen) ». Les Etats Unis, de leur côté, se perdent dans des négociations byzantines entre
Démocrates et Républicains sur la fiscalité et le plafond de la dette.
L’économie mondiale à la remorque de la Chine
En Chine, pendant ce temps, comme le montrent bien Stephen King et Madhur Jha de
HSBC dans leur dernière publication « La grande rotation », l’économie mondiale est de plus en
plus dépendante des performances économiques de l’Empire du Milieu. Sa contribution à la
croissance mondiale est au plus haut. La grille de lecture devient donc assez simple : les pays qui
auront de la croissance seront les voisins de la Chine en Asie et les pays producteurs de matières
premières (Chili, Angola, Afrique du Sud, Kazakstan). Nous allons assister à une grande rotation
dans les portefeuilles disent les deux stratégistes de HSBC. « En matière d’investissement oubliez
les sociétés occidentales et concentrez vous sur la Chine » écrivent-ils.
Dans le vieux monde, l’Amérique aura encore un peu de croissance grâce à ses trois avantages
structurels : 1/ la flexibilité des salaires 2/ les gaz de schistes 3/ la dévaluation quasi continue du
dollar. L’Europe restera engluée dans ses problèmes et aura beaucoup de mal à éviter une
récession.
C’est la raison pour laquelle les éditeurs de BCA, prévoient dans leur publication « Perspectives
2013 » un horizon boursier avec un peu moins d’orages et quelques éclaircies.
En Europe, selon Edward Rhea de Barclays les performances des actions européennes pourraient
être paradoxalement bonnes (baisse des taux d’intérêt et de l’incertitude politique en 2013)
surtout favorables aux actions italiennes et espagnoles. En effet, en ce moment, sur les 10
marchés les moins chers : huit sont des pays développés européens : Grèce, Irlande, Italie,
Portugal, Espagne, Finlande, Pays-Bas et Autriche (P/E entre 4,8 et 11,7). Même si la croissance
des résultats des sociétés européennes sera nulle en 2013 pour les entreprises du Stoxx 600, le
manque d’actifs avec un rendement intéressant va pousser les investisseurs à s’intéresser aux
actions européennes. La progression du cours des actions ne viendra donc pas de la croissance
des résultats, mais d’une amélioration des multiples.
Goldman Sachs dans ses prévisions pour 2013 va même jusqu’à prévoir une progression de 20%
des valeurs européennes.
Le symbole Florange coûte très cher à l’économie
française
En France, l’année 2013 sera une année noire sur le front de l’emploi. Une deuxième année de
croissance très faible voire négative se profile.
Il est temps que François Hollande assume ouvertement sa ligne sociale démocrate.
La taxation des plus hauts revenus à 75% est en train de devenir pour François Hollande ce
qu’avait été le bouclier fiscal pour Nicolas Sarkozy. L’idée populaire de « faire payer les riches » a
des effets désastreux, car elle braque les chefs d’entreprise, y compris ceux qui sont loin d’avoir
des revenus aussi élevés que 1M d’euros.
Le dialogue social qui était censé aboutir à un compromis historique pour la fin de l’année se fait
attendre. Cette étape a été présentée par le chef de l’Etat comme le second volet, après le
rapport Gallois, de la reconquête de la compétitivité de la France. L’issue des négociations
sociales en cours sera un marqueur très important de la détermination du gouvernement.
Pour cacher les difficultés économiques de la France, on ne peut en effet impunément créer un
climat général de défiance à l’encontre des hauts revenus et des dirigeants d’entreprise et
utiliser la jalousie à l’égard des « riches » pour la déguiser en morale. N’en déplaise à Arnaud
Montebourg, il ne peut pas y avoir de redressement productif quand une fiscalité confiscatoire
chasse les créateurs de richesse de France explique Xavier Fontanet ancien Président
d’Essilor. Ce n’est pas la Banque Publique d’Investissement qui aura des capitaux propres
inférieurs à 50 Md€ qui pourra avoir un impact significatif sur les investissements des entreprises.
L’Etat français avec une dette de 1800 Md€, soit près de deux fois le PIB ne pourra pas financer le
capital nécessaire à une économie concurrentielle au niveau que requiert la compétition
mondiale.
Le symbole Florange coûte donc très cher en investisseurs français découragés et en
investisseurs étrangers horrifiés.
Pour ne prendre qu’un seul exemple de mesures idéologiques contre- productives, il suffit de
regarder l’effet de la taxe sur les transactions financières en vigueur depuis le 1er août 2012. Elle
a eu des effets très négatifs , -18%, sur le volume d’actions échangées à Paris. L’Etat ne percevra
pas les 1,6 Md€ escomptés, car chaque fois qu’un gouvernement perçoit des taxes excessives, la
masse imposable s’évade.
Tout cela pour aboutir au fait qu’Euronext, la société qui gère la bourse de Paris fasse l’objet d’un
rachat par la société américaine ICE C’était probablement beaucoup plus important de se battre
pour la place financière de Paris que pour le maintien de hauts fourneaux…. !
Pour Antoine Demongeot de Goldman Sachs, au terme d’une étude assez négative sur les
fondamentaux de l’économie française, il conclut qu’elle devrait néanmoins s’en sortir en raison
de la double pression des marchés et des autorités européennes.
La lecture de l’article de Jean Marc Ayrault, publié par Le Monde est un vrai tournant, car il admet
que le « modèle français » n’est plus adapté à la mondialisation et que nous souffrons de nos
propres faiblesses. Cependant, à aucun moment, le mot Europe n’est prononcé alors que selon
François Hollande pendant sa campagne, la croissance devait revenir grâce à une coopération
allemande rééquilibrée ! Tout le problème est maintenant que les statistiques de l’emploi vont
enregistrer autour de 40 000 chômeurs de plus par mois, pendant encore de nombreux mois. Ce
sera donc très difficile de maintenir le cap fixé avec une extrême gauche hostile, des écologistes
peu solidaires et une partie du Parti socialiste qui ne va pas aimer du tout la politique menée par
François Hollande et son gouvernement. Christian Saint-Etienne, professeur au Conservatoire
National des Arts et Métiers est plus radical : il faut dit il, si l’on veut créer des emplois
« désoviétiser la sphère politico-médiatico-éducative au sein de laquelle la fiscalité et la haine
attisée contre les riches ont remplacé la politique comme instrument d’oppression ». Il faut faire
des réformes courageuses qui ne porteront pas tout de suite leurs fruits.
La Grèce a vu sa note de crédit relevée par S&P ce qui a permis au 10 ans de se retrouver à
12,79% soit un plus bas depuis 21 mois. La perspective d’une sortie de la Grèce de l’Euro
s’éloigne pour le moment.
L’économie américaine regagne de la compétitivité
Aux Etats-Unis, le compromis qui a été signé ne règle pas la question du déficit budgétaire et
celle du relèvement du plafond de la dette.
L’accord budgétaire devrait avoir peu d’impact sur la croissance…
Trois crises financières, deux guerres, une récession ont fait plonger l’Amérique dans le rouge. Le
problème du « Fiscal Cliff » (= mur de la dette) comme partout ne peut être traité que dans la
durée. Les mesures provisoires prises fin 2012 vont laisser 3 à 6 mois de plus pour prendre les
décisions définitives.
Si ces deux problèmes trouvent une solution politique convenable, les dépenses d’investissement,
point faible de la croissance 2012, devraient reprendre vers juin 2013 et 2014, favorisées par la
compétitivité énergétique et manufacturière retrouvée grâce au gaz et au pétrole de schiste.
En ce moment, l’indice de sentiment sur les perspectives de l’immobilier est au plus haut depuis
2006, les ventes de maisons existantes ont progressé de 5,9% en novembre, un plus haut depuis
trois ans.
Cela permet à JPMorgan de projeter une croissance des résultats de 4% en 2013 pour les
entreprises du S&P500, accompagnée d’une augmentation des multiples. D’où un indice S&P500
qui pourrait atteindre les 1525 fin 2013 soit une progression de +9%.
L’Asie du Sud Est à l’heure du pragmatisme et l’Afrique
à l’heure de la croissance
Au Japon, le déficit commercial s’est creusé en novembre. On a assisté à une cuisant défaite
pour les démocrates de centre gauche et au retour en force des conservateurs. Le PLD a repris le
pouvoir avec une majorité écrasante aux élections législatives. Les marchés misent sur le
gouvernement de Shinzo Abe pour relancer l’économie japonaise.
Les taux bas depuis dix ans n’ont stimulé ni la consommation ni les investissements. En terme de
valorisation, le marché japonais serait selon BCA le plus attractif devant l’Espagne et la Grande
Bretagne.
En Corée du Sud, Park Geun-hye qui vient d’être élue à la tête de l’état est la première femme à
occuper ce poste. La concurrence avec le Japon va rester sévère au point que parmi les
« hypothèses improbables » de Saxo Banque pour 2013 elle imagine que les principales sociétés
d’électronique japonaise devront être nationalisées en raison de la concurrence sud coréenne.
L’arrivée simultanée de nouveaux dirigeants en Chine, au Japon et en Corée du Sud devrait
cependant changer la donne en Asie du Sud Est en proie à une montée des tensions. Le réalisme
économique devrait probablement peser en faveur d’un apaisement.
L’Afrique va doubler son PIB tous les dix ans estime Charles Robertson chef économiste de
Renaissance Capital. C’est pourquoi on retrouve dans les portefeuilles de fonds spécialisés sur
l’Afrique des valeurs comme Kernel (Réseau de silos et de terminaux exportateurs/
Ukraine), MHP (volailles/Ukraine), JBS (n°1 de la viande /Brésil), Juhayna (leader produits
laitiers/Egypte).
Jean-Jacques Netter
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