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Normes budgétaires européennes : contraignantes mais peu
pertinentes
D’un point de vue conceptuel, ces normes
reposent sur le système européen des
comptes (SEC 2010), c’est-à-dire un outil
statistique de comptabilité nationale.
L’utilisation exclusive de ce cadre de référence
européen pour mesurer l’équilibre des comptes
des pouvoirs publics occulte selon nous
certains domaines importants de la gestion
publique et s’avère clairement insuffisante pour
procéder à son évaluation. Ceci pour plusieurs
raisons.
Tout d’abord, et cela a déjà été régulièrement
dénoncé, les normes européennes n’opèrent
pas de distinction entre un déficit provenant de
la gestion journalière et un besoin de
financement résultant de projets
d’investissements.
Ensuite, les règles s’appliquent à chaque
niveau de pouvoir séparément et de surcroit de
façon strictement annuelle. En passant
progressivement d’un critère d’équilibre
macroéconomique (c-à-d applicable
globalement à l’ensemble du secteur public) à
une contrainte d’équilibre s’appliquant à des
entités individuelles, certains projets
d’investissements ne sont tout simplement plus
réalisables.
L’approche strictement annuelle constitue une
source de complication supplémentaire et un
frein encore plus important aux
investissements. Les dépenses
d’investissement doivent en effet être imputées
selon ces normes en une seule foi au cours de
l’exercice de réalisation, grevant donc
intégralement le résultat de cet exercice, et ce
indépendamment de leur durée de vie
économique. De plus, les réserves qui ont été
constituées au cours des exercices antérieurs
dans un souci de saine gestion publique, sont
sans impact sur le solde de l’exercice. Cette
approche rigide, annuelle et purement
comptable va clairement à l’encontre des
nouvelles obligations imposées par les règles
de gouvernance européennes imposant une
programmation budgétaire pluriannuelle.
Troisièmement, le critère budgétaire retenu
néglige également toute vision patrimoniale,
les actifs constitués grâce aux investissements
n’étant absolument pas pris en considération.
Bien entendu, d’aucuns rétorqueront que ces
derniers ne sont pas nécessairement
valorisables et transmissibles à des tiers. A
contrario, il est indéniable qu’un sous-
investissement structurel crée une dette
cachée. Comme le mentionnait récemment le
Professeur De Grauwe dans Le Soir, « les
générations futures héritent de dettes mais
aussi des actifs ». Or, si le sous-
investissement chronique se poursuit, les
pouvoirs publics transmettront aux générations
futures des actifs complètement amortis,
obsolètes et qui nécessiteront des efforts
d’investissements souvent plus importants que
s’ils avaient été réalisés à temps.
Last but not least, il est bien connu que les
projets d’investissements publics ont un impact
direct sur la croissance économique par leurs
effets induits sur les commandes de matériaux,
de transport, le recours aux entreprises de
construction et pour les commerçants locaux.
C’est plus spécifiquement le cas des
investissements publics locaux qui sont
géographiquement dispersés sur le territoire et
qui ont davantage recours à une main d’œuvre
locale. L’effet multiplicateur et ce rôle contra-
cyclique des investissements publics n’est pas
à sous-estimer dans le contexte de faible
croissance actuel.