Charte éthique et morale du développement intensif durable Jacques Diouf (FAO-2004) a élaboré une charte éthique et morale du développement durable. Elle interpelle évidemment et on doit se poser de nombreuses questions... Il convoque plusieurs penseurs Locke, Hobes, Kant mais pas Thomas More ni les historiens et économistes de l'époque et de nos jours!!! L’intensification met en jeu des questions éthiques qui empruntent à chacune des traditions pouvant servir à déterminer et à peser les responsabilités morales qui devraient être discutées et élaborées non seulement par les gouvernements et les décideurs mais aussi par les producteurs et les consommateurs. « Les gouvernements et les décideurs, les producteurs et les consommateurs, devront affronter la dimension éthique de l’intensification. Comment pourrons-nous définir et choisir des stratégies qui nous permettent d’éviter en partie les effets négatifs de l’intensification? » Un colloque s’est tenu à Bamako (9 déc. 2009) sur : « PRESSIONS SUR LES TERRES OUEST-AFRICAINES - CONCILIER DÉVELOPPEMENT ET POLITIQUES D'INVESTISSEMENT. Les conclusions ne sont guères réjouissantes et confirment en partie les craintes de J. DIOUF. 1) Constat « Avec la crise alimentaire mondiale de 2008 et la chute libre des bourses, la course aux terres agricoles augmente d’une façon exponentielle. Ceci soulève de nouveaux défis en termes de sécurité alimentaire, d’environnement, d’opportunités d’investissements durables et de paix sociale. Un certain nombre d’études tentent de recenser les ventes ou locations de terres par des investisseurs étrangers ; de grandes instances internationales et certains gouvernements prennent position et appellent à une réglementation afin d’éviter les risques d’expropriation, d’utilisation des ressources naturelles au détriment de la population locale ; les opportunités en termes d’emplois, d’infrastructures, de relance du marché… » 2) Propositions « • Les investisseurs doivent tenir compte des réserves alimentaires et de l’état de la demande dans les pays destinataires. L’investissement étranger ne doit pas aggraver l’insécurité alimentaire locale. • Les transactions portant sur des terres ou des produits doivent être en adéquation avec les valeurs du marché. Les accords commerciaux doivent se conformer aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. - BioFuel Africa fournit du biocarburant respectueux de l’environnement à l’aide de méthodes de production durables et de pratiques commerciales socialement responsables. Elle souhaite s’assurer que son principe “FOOD FIRST” (alimentation d’abord) est strictement respecté dans tous les emplacements où elle intervient. • que le parlement promeuve le développement durable via l’agriculture (en Afrique), même s’il faut le faire au détriment des ventes foncières ; • que les parlements du Nord et du Sud associent leurs efforts pour réguler les transactions foncières dans les pays pauvres. » 3) Premiers résultats Ces propositions sont loin d’avoir été appliquées dans les achats et les utilisations des terres à Madagascar, à Ségou, au Mali, sur le périmètre irrigué, au Sénégal 6 ha sur 5000, après 3 ans, ont été plantés en jatropha sans compensation en vivriers… En effet elles sont trop contraignantes pour être respectées par les multinationales et leurs craintes de manque et de carburant et de nourriture. 4) Risque d’un nouvel « enclosure acts » J. DIOUF fait référence aux "Enclosure acts" du XVIème siècle en Angleterre... et il souhaite que les paysans soient consultés et puissent donner leur avis sur le développement durable intensifié !!!! Cette Charte pour les paysans du Sud ne renverrait elle pas au Code noir pour les esclaves et au Code du travail pour les salariés afin de limiter les abus et excès? Il fait remarquer : "Les Kantiens trouveront inacceptables le fait d’exclure les petits propriétaires du processus de décision, mais ils noteront, en outre, que les lois imposant de clôturer les terres ont pour effet d’appauvrir radicalement ces agriculteurs et leurs descendants. Ils affirmeront que le dénuement empêche l’individu d’exercer son libre choix de manière raisonnable et l’oblige en fait à supporter les humiliations et les privations. Dans ce contexte, les droits de subsistance fondamentaux, comme le droit à la nourriture, deviennent des exigences minimales à respecter, sinon l’individu ne jouit pas de la considération morale qui lui est due." Monsieur Diouf a t il en tête ce qu'ont été les conséquences des lois sur l'enclosure dont ci après quelques aperçus ? A- Enclosure Acts (Wikipedia) "Les conséquences sociales de l'enclosure ont été décriées dès le XVIe siècle par des auteurs anglais tels que Thomas More. La plus importante conséquence a été de supprimer les possibilités de pacage et de glane à de nombreux petits fermiers ou habitants qui profitaient des espaces ouverts. Pour assurer leur subsistance, ils quittèrent les champs pour la ville. C'est une des raisons qui expliquent qu'en Grande-Bretagne la population s'est urbanisée plus tôt qu'en France et que l'agriculture s'y est plus rapidement intensifiée." D’où les étapes suivantes : • l'appropriation par les propriétaires d'espaces préalablement dévolus à l'usage collectif ; • substitutions de l'ancien système ouvert par des champs enclos par des haies ; • établissement de vastes domaines, loués à des fermiers pourvus de moyens financiers. Nota de moi : ce "ils quittèrent les champs"!!!!. N’est ce pas ce à quoi on assiste déjà ? B- La genèse du Capital. K. Marx (Pages socialistes- 1924). "La base de la révolution capitaliste c'est l'expropriation des cultivateurs par la conversion des terres en pacages avec démolition des villages entiers des paysans. Mais ceci fut interdit par Henry VII (Bacon-1489) puis par Henry VIII en 1533. Après le vol de la dime ecclésiastique pour les pauvres, Elisabeth instaura la taxe du pauvre (Sorte de RMI/RSA= c'est de moi!!!).... Mais ces actes de rapines ne constituaient alors que des attentats individuels combattus vainement pendant 150 ans par la législature. Au XVIIIème siècle, voyez le progrès, la loi devint même l'instrument de spoliation (Bills for inclosure s of commons)... Par exemple, la duchesse de Sutherland, en 1814, converti tout le comté en pâturage et expulse 15000 paysans de 79400 acres après avoir détruit leur maison sous l'aide de l'armée (Ensor, 1818). Ces acres furent divisées en 29 grosses fermes de mouton (131000 moutons) donnés à une famille. "Dépeupler le pays et convertir les terres arables en pacages, c'était en premier lieu le moyen le plus commode d'avoir des revenus sans avoir de frais..." (Sommers, 1818). Le sol a a été incorporé au Capital et livré aux villes des bras dociles d'un prolétariats sans feu ni lieu. Ce prolétariat allait plus vite que que son absorption par les manufactures naissantes. Il en sortait une masse de mendiants, de voleurs, de vagabonds... Sous le règne d'Henry VIII, 72 000 furent pendus, les autres adjugés comme esclaves... De 1769 à 1770 les Anglais provoquèrent une famine artificielle en achetant tout le riz et en ne consentant à la revendre qu'à des prix fabuleux... »* *(En 1806, la mort d’un million d’Hindous dans la seule province d’Orissa est le résultat de ce système de spéculation). Dès les années 1850-60, à cause d’une forte demande mondiale de coton, les agents et sous agents recruteurs ne trouvent plus de paysans pour travailler dans les filatures, aussi encartent ils les enfants pauvres et orphelins. Ce trafic de « viande humaine » (dixit K. Marx) qui renvoi à l’esclavage des noirs dans les plantations en Amérique, l’indigne au plus haut point (France Culture, 10h, chez Enthoven, 16 février 2011). En Afrique, à chaque famine, les transporteurs et les commerçants locaux achètent les stocks locaux et les vivres envoyés par le PAM et autres donateurs… pour spéculer. L’intensification peut elle se réaliser en maintenant tous les paysans au pays ou alors qu’une faible partie comme en Angleterre dès le XVIème siècle et en Europe après 1940 ? Dans ce cas, pourra t on créer autant d’emplois que de paysans chassés de leur terres ? Que deviendront les laisser pour compte en absence de couverture sociale ? Les terres achetées seront-elles les plus riches ou les plus infertiles ? La disparition des dernières jachères ne risque t elle pas de sonner la dégradation ultime de ces terres si on n’apporte plus de matières organiques ? Et dans ce cas comment assurer la durabilité des systèmes agraires sans apporter sans cesse plus d’engrais minéraux et de biocides ? Mais peut être que dans 50 ans les salaires en Afrique seront les plus bas de la Planète et les chinois délocaliseront leurs usines là-bas. Pour éviter la spéculation et donc le retour aux émeutes de la faim, il faudrait accepter la proposition de monsieur Sarkozy d’interdire la spéculation sur les matières premières alimentaires comme l’avait fait Roosevelt de 1933 à sa mort. Ce qui lui valu d’échapper à deux tentatives d’assassinats ! Serge Valet