Comment aborder différemment le sujet de
l’accaparement des terres
Opinion pieces, 12 January 2011, by Olivier De Schutter, Rapporteur Spécial des Nations Unies pour le
Droit à l'Alimentation. Rédigé pour le CPL portal.
photo credits: International Service for Human Rights
Dans les discussions internationales sur le phénomène connu sous le nom d’ « accaparement des terres »
- c’est-à-dire l’achat ou la location à long terme de grandes superficies de terres par les investisseurs – le
débat s’articule autour de la question suivante : cette tendance peut-elle, oui ou non, être réglementée
au niveau régional ou international, et si oui, de quelle manière ? Les investissements à grande échelle
sur les terres agricoles ont été critiqués, principalement en raison des questions qui se posent quant à la
capacité des pays visés par ces transactions foncières, dont beaucoup connaissent des problèmes de
gouvernance, à gérer de manière efficace ces investissements, afin d’assurer qu’ils contribuent au
développement rural et à la réduction de la pauvreté : l’argument invoqué c’est que, même dans les cas
où les investissements à grande échelle sur les terres agricoles semblent souhaitables, en théorie – en
présence de terres ‘sous exploitées’ qu’il est difficile de valoriser sans importer des capitaux -, dans la
pratique, s’assurer que de tels investissements bénéficieront à tous les intervenants, et que tous y
trouveront leur compte, pourrait se révéler impossible.
Si ceci était le seul problème, alors une réglementation appropriée – et l’octroi de certains avantages
pour gérer correctement de tels investissements – pourrait effectivement être une solution. Mais en fait,
ce n’est pas l’unique problème. Car ce qui préoccupe vraiment, derrière la question de l’essor des
investissements à grande échelle sur les terres agricoles, c’est que le fait de céder des terres aux
investisseurs ayant un accès privilégié aux capitaux afin de « valoriser » ces terres implique des coûts de
substitution très élevés, puisque ceci résultera en un type d’exploitation agricole dont l’impact, en termes
de réduction de la pauvreté, est bien moindre que si on améliorait l’accès des communautés agricoles
locales à la terre et aux ressources : il existe une contradiction évidente entre le fait de céder des terres
aux investisseurs pour y créer de grandes plantations et l’objectif de redistribution et de garantie d’un
accès plus équitable à ces terres, objectif en faveur duquel les gouvernements se sont engagés à
plusieurs reprises, et, plus récemment, lors de la Conférence internationale de 2006 sur la réforme
agraire et le développement rural.
La faim n’est pas le résultat d’une production alimentaire trop basse, mais plutôt d’une pauvreté rurale et
urbaine écrasante. Cette dernière dérive souvent de la première, alors que des bidonvilles se sont formés
autour des grandes villes, suite à l’exode rural, et parce que, pour beaucoup, la petite exploitation
agricole ne représentait plus une solution viable. Accélérer cette tendance vers des formes d’agriculture à