L’ANALYSE DU DISCOURS PUBLICITAIRE Publicité : produit de communication complexe, qui réunit : - fonctions d’information et de représentation. - qui a une structure sémiologique mixte : iconique et linguistique, présentant un dosage variable entre texte (signifiant linguistique) et image (signifiant iconique). Nécessité de quelques notions de linguistique et de sémiologie pour rendre compte de tous les niveaux communicatifs. 1 - Les constituants du discours publicitaire : 1.1. Le signifiant iconique (le visuel) - pouvoir de mémorisation (d’après des expériences 30% des personnes se 1 souviennent de ce qu’elles voient et seulement 10% de ce qu’elles lisent) - pouvoir de mimesis (imitation) de la réalité quotidienne (généralement version idéalisée, édulcorée du réel), pour faciliter le processus d’identification et donc d’adhésion au message ; - pouvoir symbolique : la publicité sollicite l’imaginaire (appel à des mondes fantastiques, magiques, fabuleux) et active les structures fondamentales de la doxa (opinion commune, savoir partagé), pour la confirmer ou la déjouer. Recours fréquent aux stéréotypes socio-culturels (appartenance groupale : la famille, les jeunes gens etc.) 2 3 4 5 6 7 1.2. Le signifiant linguistique - La marque (de la firme), constituant minimal (parfois force persuasive inhérente due à la réputation : publicités se réduisant à image du produit + marque) - Le nom du produit (souvent condensé de dénomination et de mini-description orientée positivement) . Ex : OGENAGE global (crème anti-âge) ; PRECISION CHANEL (crème anti-âge) - Le rédactionnel : constituant expansé, formé de séquences et sous-séquences, parfois matérialisées par segmentation typographique en paragraphes. - Le slogan (étymologie : cri de guerre. Terme dérivant du gaélique écossais: sluagh-ghairm, prononcé slogorm (sluagh ("ennemi") et 8 ghairm ("cri") / Utilisé tout particulièrement dans la « publicité mécaniste » mais attesté dans la majorité des publicités). Deux catégories de slogans : - L’accroche (« head-line ») : disposée en début d’annonce, structure formulaire concise et frappante, propose la devise du produit et a un aspect ponctuel et engageant Ex : C’est par qui ? C’est Parker 309 GT1 16 : toujours partante ! - La phrase d’assise (ou base-line) : facultative, prend place en fin d’annonce, propose la devise de la marque dont elle synthétise la stratégie économique ou la « promesse ». Généralement contenu générique. Ex : Peugeot : un constructeur sort ses griffes 1.3 - Entre signifiant linguistique et iconique : 9 le LOGO : signifiant composite, image – mot ; entre langage et dessin. 2 - Analyse du signifiant verbal ou de l’ensemble verbo-iconique : quelques notions utiles 2. 1 – Différence Dénotation/Connotation 2.1.1. - La dénotation C’est ce à quoi le signe (mot ou image) fait référence : pour ce qui concerne les mots, c’est le sens littéral, correspondant à la définition du dictionnaire, sur laquelle généralement il y a consensus ; pour ce qui est de l’image : les objets du réel représentés). 2.1.2.- La connotation C’est l’ensemble des sens qui s’ajoutent au sens premier, qui sont suggérés, évoqués. 10 Ex. 1 : serpent (mot ou image). Dénotation : reptile doué de certaines caractéristiques ; connotation : diable, péché, ruse, danger, etc.) Expressions métaphoriques (jeux sur la connotation) : « Langue de serpent » ; « Nourrir (réchauffer) un serpent dans son sein » Ex. 2 : « rouge » (mot ou image) : au niveau dénotatif désigne la couleur, au niveau connotatif désigne un ensemble de valeurs symboliques (danger, passion, tendance politique, etc.). ; Expressions métaphoriques (jeux sur la connotation) : « Voir rouge » ; « alerte rouge », « agiter le chiffon rouge » ; etc.) Dans un système verbo-iconique comme la publicité, on peut reconnaître un sens dénoté (degré zéro de l’image) et un ou plusieurs sens connotés (ex : liberté, pouvoir, succès, séduction etc.) Connotation est un élément beaucoup plus instable et variable que la dénotation (éléments culturels et éléments subjectifs) : cependant, il est fondamental, parce que c’est l’élément à partir duquel se déclenche la représentation, la valeur 11 symbolique du langage. En revanche, la fonction d’information se base principalement sur la dénotation. Exemple publicité où l’élément fondamental est constitué par la connotation : 12 Exemple de publicité plus axée sur la dénotation (mise en avant du /des produits, description, information) 13 3 – Les fonctions linguistiques de Jakobson Contexte (référentielle ou dénotative) Emetteur (émotive) ---------------------------------->Destinataire (conative) Message (poétique) Contact (phatique) Code (métalinguistique) Selon Jakobson, toute communication comporte six éléments fondamentaux qui entourent le MESSAGE. Selon que la communication privilégie un des six éléments, se définissent six fonctions fondamentales de la langue : - fonction référentielle (ou dénotative, informative) - fonction émotive (ou expressive) - fonction conative (ou incitative) - fonction phatique - fonction métalinguistique - fonction poétique (ou ludique) Voici les six éléments qui entourent le message et les six fonctions relatives : 14 3.1 – fonction émotive ou expressive : communication centrée sur l’EMETTEUR (ou énonciateur) à partir duquel provient le message : marques de première personne, présence d’éléments affectifs, évaluatifs. 15 3.2 – communication centrée sur le DESTINATAIRE (ou récepteur) : personne(s) à qui le message est adressé : fonction conative ou incitative). L’émetteur cherche à faire agir le destinataire (souvent slogan au mode impératif). C’est la fonction fondamentale de la publicité. Ex : slogan : Buvez cette tisane soir et matin, vous vous dépurerez… 16 3.3 – CONTACT entre émetteur et destinataire : fonction phatique. Cela regroupe tous les actes linguistiques sollicitant à établir, maintenir ou interrompre le contact physique et psychologique entre émetteur et destinataire. 3.4 – CODE : système commun entre émetteur et destinataire : fonction métalinguistique. C’est la fonction à travers laquelle la langue parle de la langue elle-même. 17 3.5 – MESSAGE : propriétés formelles du message, qui attire l’attention sur lui-même, sa forme : fonction poétique et ludique. La communication attire l’attention sur la forme du message, jeux stylistiques, jeux de mots etc. slogans : I like Ike (campagne présidentielle Eisenhower 1952 et 1956 / Ike surnom de Eisenhower) Fuego, tout feu, tout femme 18 Lancel. Quand il pense à elle, il pense à L. 3.6 La fonction référentielle : porte sur le contexte, les éléments réels qui entourent le message. Elle se base donc sur les informations : 19 20 4 – Le signifiant linguistique : le rédactionnel et ses caractéristiques textuelles. En principe, dans tout texte, on distingue 5 types fondamentaux, qu’on peut retrouver dans le rédactionnel: – Le type descriptif : relations dans l’espace, formes, attribution de qualités (romans, portraits, guide touristique, mode d’emploi d’un appareil etc.). Dans la publicité : – Le type narratif : relations dans le temps, les événements, les modifications d’événements (romans, reportages, faits divers, etc.) – Le type injonctif : relations entre actions, sérialité des actions et des comportements (notices, mode d’emploi d’un appareil, recettes de cuisine, annonces, règlements etc.) - Le type explicatif : illustration de données, relations entre concepts, composition et décomposition de concepts ou notions (ouvrages 21 de vulgarisation scientifique, articles d’information, manuels scolaires etc.) - Le type argumentatif : relations entre concepts, événements, opinions, envisagées dans un but de persuasion (importance de l’effet sur le destinataire : essais, pamphlets, éditorial, etc.) 5. La « pseudo-argumentation » publicitaire Finalité fondamentale de la publicité est celle de convaincre à l’action : le type argumentatif constitue typologie textuelle dominante. En réalité, il s’agit plutôt d’une pseudoargumentation, visant la persuasion non pas grâce à la logique, mais à travers la séduction, la suggestion. Cependant, comme pour l’argumentation véritable, trois composants essentiels sont en jeu pour être efficace au point de vue argumentatif et pragmatique (c’est-à-dire pour inciter à 22 l’action) : Logos, Pathos, Ethos, (éléments déjà définis dans la Rhétorique d’Aristote). Logos : raisonnement, structure et disposition conceptuelle (pseudo-logique publicitaire. Voir surtout figures de l’enthymème et du paradoxe) Pathos : sentiments et émotions que l’énonciateur se propose de susciter dans l’auditoire Ethos : image de soi construite dans le discours (choix stylistiques, attitude personnelle, gestuelle) 23 24 25 26 27 6 – Les marques énonciatives : En linguistique, on désigne par le terme Enonciation l’opération à travers laquelle on met concrètement en fonction la langue (code abstrait aux potentialités multiples) dans une situation de communication. Cette opération se rend manifeste dans le texte (publicitaire ou autre) par des marques énonciatives. éléments déictiques (deixis : action de montrer) : éléments qui aident à repérer le référent concret et à le situer dans un lieu et temps concret (éléments linguistiques ex : ici – là – maintenant, mais aussi éléments gestuels ; dans l’image : éléments explicites qui attirent l’attention sur le produit, parcours du regard) marques de l’énonciateur (point de vue/marques de la personne qui parle : subjectivité/objectivité ; éléments axiologiques : évaluation, valorisation explicite) 28 marques du destinataire : implication directe du destinataire (appel direct, interrogation directe, regard) 29 30 31 7 - La rhétorique publicitaire : slogan, rédactionnel peuvent contenir des figures ou des jeux de mots. Les jeux de mots se basent, en général, sur les éléments phonétiques, sur la polysémie des mots, sur le défigement, ou encore sur des figures de rhétorique. Polysémie : caractéristique d’un mot d’avoir deux ou plusieurs sens différents (ex. mot créneau, canard) - Mots homonymes . ex. grève, voler) Défigement : détournement d’une expression figée par remplacement d’un élément (ex : Bugnon fait la force ! slogan campagne électorale pour André Bugnon en Suisse ; L’appétit vient en Maggi) 32 EXEMPLES SLOGANS 1 ) Jeux de mots Toyota RAV 4 Pierre Cardin. C’est bien la première fois que vous supporterez un coup de griffe sur votre Rav 4. Lancia Y climatisée. Une belle italienne doit savoir comment refroidir un chaud lapin. Arcopal. Une maison bien dans son assiette Bourjois maquillage. Très réussi, ce vernis – sage ! 1.1) Jeux phoniques Bjorg. Mangeons bien, mangeons bio, mangeons Bjorg Fuego, tout feu, tout femme 33 Calvin Klein. Sois bien, sois mal. Sois toi Bonduelle. Quand c’est bon, c’est Bonduelle La Redoute. Dorlotez-vous. On s’occupe de tout 2 – Figures 2.1. Figures sémantiques Métaphores (basées concepts): sur l’analogie entre Toyota Hilux. Le roi de la route Philippe Matignon. Bas et collant. L’écrin de beauté de vos jambes Harley-Davidson. Le frisson brûlant d’un parfum de liberté Hermès. 24, faubourg. Le monde secret où chaque femme est un soleil Métonymies (basées sur la contiguïté des référents. Ex : l’effet pour la cause, la matière pour le produit, le lieu pour la fonction): 34 Chez McDonald’s on croque la santé à belles dents Clarins. Double Sérum 38, quatre gouttes de jeunesse par jour Taïga. Un cuir pour homme Euphémismes : Nivea Visage. Adoucit les traces visibles du temps Lancôme. Les signes du temps s’effacent sous vos doigts Estée Lauder. Fond de teint anti-âge. Effacez les années Vichy. Soin du jour anti-temps. Passé. Présent. Futur Hyperbole Louis Vuitton. L’écriture Chanel. Le temps Carte d’Or. Douceur tendre et glacée Arthur Bonnet. Ici la couleur se fait douceur, luminosité et chaleur J.M. Martin. Passionnément féminin 35 Motorola. Tout ce que vous n’avez jamais imaginé Antithèse Lipofactor. Pendant que certains parlent, d’autres agissent Fiat Palio. Plus vous demandez de la vie, moins vous ferez de compromis Calvin Klein. Contradiction. Elle est toujours et jamais la même 2.2. Figures de forme ou disposition Anaphore rhétorique Clarins. Mascara. Plus de volume. Plus de brillance. Plus de regard Clarins. Envie de minceur, envie de fermeté, envie de douceur ? 36 Whiskas. Le trio en gelée, le trio en sauce, le trio en terrine : du changement à discrétion Chiasme Special Kellog’s. Vitamines et fer. Fer et vitamines. Le plus beau deux pièces de l’été Ebel. Insondable merveille ou merveilleuse énigme ? 2.3. Figures de pensée Paradoxe (contraire à la « doxa », savoir partagé, opinion courante) Givenchy. (Pi). Un peu plus loin que l’infini Lacoste. Deviens ce que tu es Calvin Klein. Sois bien, sois mal. Sois toi NafNaf. Entre votre côté naf et votre côté naf qui va l’emporter ? Nestlé. Bon jusqu’à l’excès, bien meilleur au-delà 37 Enthymème (enchaînement pseudo-logique) Rolex. Si Annika Sorenstan a atteint les sommets du golf en 2 ans, c’est parce qu’elle aime la perfection. Sa montre ? Une rolex. Rolex. Pour Sir Ranulph Fiennes, quand il fait – 40° et il reste 20 km à parcourir, il est hors de question de s’arrêter. Sa rolex explorer 2 a toujours partagé ce point de vue. Rolex. La terre tourne en 24 heures. La rolex GMT Master aussi Patek Philippe. Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien, pour les générations futures. Citroën Evasion : Les hommes naissent libres et égaux. C’est en choisissant leur voiture que certains demeurent plus libres que les autres. Citroën Evasion, pour les gens épris de liberté. 38 3 – Jeux énonciatifs Implication énonciateur (première personne ; pseudo-témoignage) Vivaldi chaussures. Mes pieds n’écoutent que Vivaldi (première personne et de plus, jeu de mots sur le nom Vivaldi) Retinol anti-cellulite Modeling. Mon jean me l’a dit le premier : une taille en moins ! Implication destinataire (deuxième personne ; pseudo-dialogue) Renault Scénic. La voiture a évolué, et vous ? Light Wool. Comment réagir face au réchauffement de la planète ?Demandez à toutes celles qui portent de la laine légère. Bouggy Shoes. Hé mec ! t’as pas sandales ? Radion. Chacun ne peut pas sécher son linge au soleil. Mais si ! Comité d’aide médicale. Notre efficacité, c’est votre cœur ! 39 La troisième personne (le point de vue général, la fiction de l’objectivité, de l’universalité) Clarins. Lift minceur. Une évidence : pour rajeunir le visage, il faut l’affiner Lingerie. La féminité, on la porte en soi Lancaster. Oublier le temps avec l’oxygène Minidou. Et puis un beau jour la vanille rencontra la fraîcheur vive 40 FICHE D’ANALYSE PUBLICITE ORGANISATION VERBO-ICONIQUE 1 - Proportion espace : visuel et scriptural Pourcentage visuel sur espace total Distribution scriptural : marque, nom du produit, slogan (accroche, phrase d’assise), rédactionnel, logo. – Rapport texte/image - Rupture - Complémentarité : faible – moyenne – forte Image centrée sur : produit/consommateur/témoignage (testimonial) Eléments doxiques mobilisés (valeurs symboliques, appel au savoir partagé, aux stéréotypes culturels etc.) 2 3 – Dénotation / Connotation. ORGANISATION SEMANTIQUE – RHETORIQUE 1 – La « pseudo-argumentation » publicitaire - Composants en jeu : LOGOS / PATHOS /ETHOS - Typologie textuelle (du rédactionnel) - Fonction linguistique dominante 3 – Les marques énonciatives - Les personnes et le point de vue: énonciateur / destinataire / point de vue général (subjectivité vs objectivité) - Eléments déictiques (lieu et temps) - Eléments axiologiques (évaluatifs) 3 – Caractéristiques rhétoriques et sémantiques (jeux de mots, figures) 41 42