PARTAGER POUR MIEUX VIEILLIR LETTRE D’INFORMATION 3
A LA RECHERCHE
D’UNE SOLUTION
ENSEMBLE
ADJARATOU KONE
ASSISTANTE DE VIE
SENIOR COMPAGNIE
NEUILLY-SUR-SEINE
Avez-vous déjà réalisé des
prestations au domicile
d’un bénéciaire souffrant
d’addiction à l’alcool ?
O
ui, je m’occupe actuelle-
ment d’une dame qui est
souffrante d’une addic-
tion à l’alcool.
Quel comportement avez-vous
adopté ? Avez-vous essayé
d’en parler avec votre
bénéciaire ?
J’essaie d’en parler avec elle en évitant
d’être trop insistante ou intrusive mais
elle a tendance à devenir agressive
lorsque j’aborde le sujet. Je me suis
rendue compte avec le temps qu’il
ne s’agissait pas que de moi. Un jour
une autre professionnelle a essayé de
Chez les personnes de 65-75 ans, 65 % des hommes et 33 % des femmes
consomment quotidiennement des boissons alcoolisées : 2,6 verres pour les hommes
vs 1,5 pour les femmes.(1)
Il n’y a pas d’âge pour commencer à avoir des problèmes avec l’alcool. Chez les
aînés, un tiers des personnes dépendantes de l’alcool ont souffert de cette difculté
après l’âge de la retraite.(2)
Pour les personnes âgées…
Pas plus de 1 à 2 verres par jour et
jamais plus de 3 verres par occasion.
Sources : (1) INPES - (2) ANPA - (3) OMS
La consommation à moindre risque (3) :
• 3 verres standards /j pour un homme
• 2 verres standards /j pour une femme
• 4 verres standards par occasion
• 1 jour sans alcool par semaine
lui en parler mais la bénéciaire s’est
contrariée et l’a mise à la porte !
Avez-vous signalé cette
problématique à votre
directeur ? à sa famille ?
Je n’ai pas eu besoin de signaler cette
problématique étant donné que la
situation de la bénéciaire est aussi
bien connue par mon directeur que
par la famille. Nous sommes tous au
courant de son addiction cependant je
tiens informée ma direction à chaque
fois que j’interviens chez elle.
Des actions ont-elles été mises
en place an de solutionner
cette addiction ?
Le problème que l’on rencontre
aujourd’hui c’est que cette dame a ses
contacts et ce sont eux qui lui fournissent
ses bouteilles d’alcool. Face à cela il
est très compliqué d’agir d’autant plus
qu’elle fait en sorte de se faire livrer dès
qu’elle est seule !
Nous connaissons tous la complexité
de la situation mais je pense qu’on
devrait essayer de trouver une solution
ensemble avec la famille et tous les
intervenants…
spécique senior du CSAPA de
Basse-Terre, elle est conduite par
un gériatre-addictologue. Cette
consultation comprend : une évaluation
standardisée avec tests (équilibre et
chute, dépression, nutrition, mémoire)
à la recherche des troubles cognitifs.
Ces tests débouchent sur des ateliers
individuels.
Comment peut-on agir
collectivement an de
prévenir ce éau ?
Actuellement, nous insistons sur la
prévention, en formant et sensibilisant
les auxiliaires de vie, les inrmiers,
les aides-soignants, les médecins et
en pratiquant des conférences-débats,
des présentations de lms au niveau
du CCAS et clubs du troisième âge,
sans oublier la lutte contre l’isolement
et la solitude qui sont à l’origine des
consommations souvent tardives après
60 ans.
« Que l’alcool puisse être à l’origine
des difcultés d’une personne âgée doit
être une hypothèse systématiquement
envisagée »
Citation de Sylvie GADEYNE, Université
de Bruxelles. ALCOOL SYNONYME
DE TRAITEMENT
CAROLINE BACLET-ROUSSEL
PSYCHOLOGUE CLINICIENNE
SPÉCIALISÉE EN NEUROPSYCHOLOGIE
PARIS
Quels sont les principaux
facteurs qui peuvent
déclencher une addiction
à l’alcool chez les
personnes âgées ?
L es facteurs sont nombreux et
dépendent de l’histoire de vie de la
personne. Si par le passé le sujet a
déjà présenté une addiction à l’alcool,
en vieillissant il aura plus de risques de
développer un nouveau comportement
d’addiction.
Le vieillissement est une source
d’angoisse pour bon nombre de
personnes et l’alcool peut très vite
devenir une solution d’apaisement.
Dans ce type de situation, relativement
fréquente, l’alcool est utilisé comme
une sorte d’anxiolytique.
Dans le cas des personnes âgées
déprimées, certaines vont avoir une
tendance à utiliser l’alcool comme un
traitement naturel, comme bon nombre
de personnes, qu’elles soient âgées ou
non. Cependant le problème vient du
fait que la dépression soit fortement
sous-estimée car dans l’idée générale
la dépression va avec le vieillissement
et elle n’est pas traitée. L’alcool devient
donc une solution comme un traitement.
Comment est prise en charge
une personne âgée souffrant
d’alcoolisme ?
Quelles sont les particularités
de la personne âgée atteinte
de troubles cognitifs en
situation d’addiction
à l’alcool ?
La prise en charge d’une personne
âgée est la même que celle d’un un
sujet plus jeune. Les personnes se
rendent tout d’abord à une consultation
en addictologie qui peut déboucher
soit une hospitalisation et une cure
de sevrage, soit des traitements
médicamenteux et un suivi avec un
alcoologue et un psychologue.
La prise en charge en alcoologie
d’une personne âgée atteinte de
troubles cognitifs est une situation
particulière et complexe dans la
mesure où les troubles vont constituer
un obstacle à la compréhension et à
la participation de la personne. Pour
pouvoir arrêter de boire de l’alcool de
façon déraisonnable, il faut avoir des
capacités de raisonnement efciente,
la possibilité de s’empêcher de faire
quelque chose que l’on a envie ou
l’habitude de faire, comprendre quel
est l’intérêt d’arrêter de boire et se
projeter dans le futur an de se rendre
compte du gain que l’on va pouvoir
en retirer… Or une personne âgée
atteinte de troubles cognitifs ne peut
prendre la mesure de cette addiction
et cela constitue une grande difculté à
la prise en charge et remet en question
la possibilité de sevrage. Dans ce type
de situation il faut d’adresser à des
personnes spécialisées aussi bien des
problématiques du grand âge que de
l’addictologie.
En tant qu’aidant que faire ?
Tout d’abord, il faut rappeler qu’il
est bien difcile de faire face à cette
addiction et de savoir comment
accompagner son parent ; cela peut
devenir très lourd, particulièrement
pénible. Pour autant il ne faut pas
perdre de vue que la personne qui
boit exprime un malaise à travers
ce comportement, une détresse
psychologique. Il faut, dans la mesure
du possible, rapidement faire intervenir
des professionnels au risque de
s’épuiser dans des attitudes inefcaces
voire contre-productives.
Face à de telles situations, il faut
que les aidants et les personnes
aidées se dirigent vers des services
d’addictologie en sachant que les
convaincre de cette démarche est
souvent compliqué. Dans ces situations,
la clé est souvent le médecin traitant :
les personnes âgées ont en général
une relation de conance avec leur
médecin généraliste qui pourra pointer
le problème et proposer une solution.
NE PAS ÊTRE
DANS LE JUGEMENT
BRIGITTE ROBERT
PSYCHOLOGUE EHPAD - NANTERRE
Quels sont les principaux
facteurs qui peuvent
déclencher une addiction
à l’alcool chez les personnes
âgées ?
L
es facteurs sont très variés. Cela
peut être du à une rupture quel
qu’elle soit, un deuil difcile à
effectuer que ce soit la perte
d’un proche, la maladie, l’éloigne-
ment familial... Tous ces facteurs peu-
vent déclencher une consommation
régulière d’alcool, souvent chez une
personne âgée qui avait l’habitude de
prendre un petit verre, et aboutir à une
addiction. Cela survient souvent dans
un contexte contra-dépressif et s’installe
d’une façon lente avec parfois une
banalisation du geste.
Selon vous, quel est le
comportement à adopter en
tant qu’aidant (familial ou
professionnel) face à une telle
situation ?
L’attitude à adopter comme aidant
c’est avant tout de ne pas juger
le comportement ni faciliter la
consommation, et essayer d’en parler
avec la personne. Si le dialogue n’est
pas possible, il faut trouver à l’extérieur
des appuis (relais professionnels, centre
de soin spécialisés...) pour rééchir à
la situation.
Les personnes âgées sont-
elles souvent en situation
de déni ? Comment agir
face à cette réaction ?
Le déni des alcoolisations peut
survenir chez elles dont l’addiction est
ancienne, ils banalisent et minimisent
les prises d’alcool. La meilleure attitude
est de ne pas chercher à ce qu’elles
reconnaissent leur addiction, ce qu’elles
ne peuvent pas faire. Il s’agit d’explorer
avec l’entourage et la personne âgée
ce qui pourrait rompre l’isolement, le
repli sur soi et l’animer...Il ne faut pas
perdre de vue que ce qui est visé
quand on prend soin d’une personne
âgée, c’est de maintenir une certaine
qualité de vie.
Lors d’un suivi pour une
addiction à l’alcool, un
suivi psychologique est-il
indispensable ?
La prise en charge de l’addiction à
l’alcool est souvent pluri-professionnelle,
mais des médiations thérapeutiques ou
groupales existent également.