Les unités régionales hospitalières d`accueil et de soins pour les

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Références
[1] 
Les enquêtes Handicap-Santé (2008-2009). [Internet].
Paris: Direction de la recherche, des études, de l’évaluation
et des statistiques; 2010. http://www.drees.sante.gouv.fr/lesenquetes-handicap-sante,4267.html
[2] Haeusler L, de Laval T, Millot C. Étude quantitative sur le
handicap auditif à partir de l’enquête « Handicap-Santé ».
Document de travail, Série Études et Recherche (Drees).
2014;(131). 156 p. http://www.drees.sante.gouv.fr/etudequantitative-sur-le-handicap-auditif-a-partir-de-l,11341.html
[3] Haeusler L, Mordier B. Vivre avec des difficultés d
­ ’audition.
Répercussions sur les activités quotidiennes, ­
l’insertion et
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2014;(52):1-17. http://www.drees.sante.gouv.fr/vivre-avec-desdifficultes-d-audition,11279.html
>
[4] Lelièvre F, Sander MS, Tallec A. Handicap auditif en France.
Apports de l’enquête HID 1998-1999. Document de travail,
Série Études et Recherche (Drees). 2007;(71). 149 p.
http://www.drees.sante.gouv.fr/handicap-auditif-en-franceapports-de-l-enquete-hid-1998-1999,5098.html
[5] 
Kochkin S. MarkeTrak VIII: 25-years trends in the
hearing health market. Hear Rev. 2009;16(11):12-31.
http://www.betterhearing.org /hearingpedia /marketrakpublications/marketrak-viii-25-year-trends-hearing-health-market
Citer cet article
Handicap auditif, limitations et déficiences fonctionnelles :
principaux résultats de l’enquête Handicap-Santé 20082009, France. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(42-43):796-8.
http://www.invs.sante.fr/beh/2015/42-43/2015_42-43_3.html
FOCUS // Focus
LES UNITÉS RÉGIONALES HOSPITALIÈRES D’ACCUEIL ET DE SOINS POUR LES SOURDS
// REGIONAL HOSPITAL UNITS DEVOTED TO CARE AND SUPPORT FOR DEAF PEOPLE
Benoît Mongourdin1 ([email protected]), Alexis Karacostas2
Unité Rhône-Alpes d’accueil et de soins pour les sourds, CHU Grenoble, France
Unité d’informations et de soins des sourds, AP-HP, Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris, France
1 2 Mots-clés : Surdité, Sourds, Handicap auditif, Accès aux soins
// Keywords: Deafness, Deaf people, Hearing impairment, Access to healthcare
Porte d’entrée dans le système de santé français pour
les patients sourds, les unités régionales d’accueil et
de soins pour les sourds (Urass) sont désormais au
nombre de 18 en France 1. Implantées pour la plupart
dans des CHU, leur mission est d’offrir aux patients
sourds des soins de qualité équivalente à celle de
la population générale et d’adapter leur parcours de
soins. La surdité place les interlocuteurs, sourds ou
entendants, en situation de handicap, et les difficultés
sont partagées entre les interlocuteurs présents
dans l’acte de communication 2. Ainsi, les médecins
et autres soignants sont en grande difficulté face à
des patients qu’ils ne comprennent pas et dont ils
ne peuvent se faire comprendre.
C’est sous l’impulsion d’usagers sourds eux-mêmes,
et particulièrement du groupe Sourds de l’association
Aides, que fut créée, en 1995, la première structure de
soins en langue des signes. L’épidémie de sida révélait alors l’exclusion criante, mortelle et jusqu’alors
invisible des patients sourds des circuits de soins,
d’information et de prévention mis progressivement
en place pour la population générale 3,4. La première
unité a été implantée dans un service de médecine
interne de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
Formée d’un médecin, d’une assistante sociale et
d’une technicienne de laboratoire sourde (et donc
autorisée, par dérogation, à exercer dans la fonction
publique hospitalière), son succès a été immédiat.
798 | 15 Décembre 2015 | BEH 42-43 Les patients porteurs de pathologies très diverses
y affluaient, mettant au grand jour la réalité de ce
problème de santé publique invisible et non reconnu
jusqu’alors : les sourds, en France, étaient peu ou mal
soignés, et le système de santé inadapté.
Organisations des Urass
Les principes sur lesquels s’appuie l’organisation 5
de ces unités sont :
Le transfert de l’exigence linguistique : ce n’est
plus aux patients de s’adapter à la langue des
professionnels mais aux soignants d’utiliser la langue
dans laquelle le patient est le plus à l’aise (français
ou langue des signes). Ainsi, les médecins, secrétaires, psychologues et travailleurs sociaux de ces
unités possèdent-ils un niveau certifié de langue des
signes (au minimum niveau B2 du Cadre européen
de référence des langues, acquis ou à acquérir, soit
350 heures de formation linguistique), afin que chacun
soit en mesure d’exercer son métier, avec la même
qualité, en langue des signes ou en français.
Des équipes formées de professionnels sourds
et entendants. Cette mixité est un gage d’amélio­
ration des compétences linguistiques et de
v igilance accrue des professionnels entendants
­
en leur p
­ ermettant d’acquérir les compétences
Personnes sourdes ou malentendantes : un handicap méconnu, une population vulnérable
visio-gestuelles et culturelles spécifiques qui leur
manquent : par exemple, les réunions de service
se déroulent en langue des signes. Une telle organisation bouleverse les représentations fondées sur
des préjugés des professionnels et des patients
(voir plus loin), créant un espace possible pour une
véritable prise en compte de l’existence des patients
à travers une communication adaptée.
Le travail d’interprétation confié à des interprètes
diplômés, titulaires d’un master II d’interprétation
(Bac + 5), seule garantie d’une levée rigoureuse
de l’obstacle linguistique et du respect d’un cadre
­déontologique sans équivoque.
Des intermédiateurs sourds, indispensables au
dispositif, aident à combler le hiatus culturel entre
professionnels et patients. Titulaires de diplômes
généralement sociaux, ils assurent l’adaptation
des discours par la reformulation des questions et
des explications lors des consultations médicales
et améliorent la compréhension mutuelle, comme
lorsque les patients présentent des déficiences
associées ou des carences linguistiques. Véritables
référents i­dentitaires pour les patients comme pour
les professionnels, ils peuvent également aider les
patients sourds dans leurs démarches administratives.
Représentations et erreurs professionnelles
Le chiffre de 5 millions de déficients auditifs 6 recouvre
des réalités très diverses. La question n’est pas
« Qu’entend le patient ? » mais « Dans quelle langue
est-il le plus à l’aise ? ». Les sourds profonds de
naissance, majoritairement locuteurs de langue des
signes, représentent 80 000 à 100 000 personnes :
ils ne se plaignent pas de leur surdité  (1) mais sont en
difficulté d’accès aux soins. Les personnes devenues
sourdes ou malentendantes, quant à elles, sont plus
nombreuses et rarement concernées par la langue
des signes, mais les difficultés qu’elles expriment
concernent avant tout la carence de lieux de prise en
compte des souffrances et difficultés occasionnées
par leurs troubles auditifs, largement minimisées ou
ignorées par les professionnels 7.
Ainsi, les représentations des patients sourds
qu’ont les professionnels entendants correspondent
­rarement à la réalité :
• en France, 80% des sourds sont en difficulté
avec le français écrit, dont l’utilisation donne lieu
à de nombreux malentendus, potentiellement
dramatiques (exemple : 3 comprimés après le
repas = je prends 3 comprimés, et après, je
prends le repas) et, selon la seule étude réalisée
à titre officiel en France 8, 80% des sourds
profonds sont illettrés ;
Parcours de soins du patient sourd
dans les Urass
• la lecture labiale permet au maximum de discriminer 1 mot sur 3, la suppléance mentale  (2)
assurant un complément de compréhension.
De plus, elle n’est possible qu’en face à face et
perd toute efficacité si plusieurs interlocuteurs
sont en présence ;
Le patient est autonome pour prendre son rendezvous par SMS, courriel ou fax. Son entourage peut
utiliser le téléphone. Le patient est accueilli sur place
par un ou plusieurs membres de l’équipe, qui le
­recevront dans la langue de son choix. Banale pour
la population générale, la possibilité de ­rencontrer
un médecin, un psychologue ou un travailleur
social dans sa propre langue est inédite pour un
patient sourd.
• le port d’appareils auditifs ne présume en rien de
la capacité de percevoir la voix. Certains sourds
profonds portent des appareils pour un meilleur
repérage spatial, pour d’autres ils sont inutiles ;
• la présence d’un tiers est faussement rassurante
pour le patient comme pour le soignant. Outre
les problèmes de confidentialité déjà signalés,
l’interprétation est incertaine (95% des parents
entendants d’enfants sourds ne connaissent
pas la langue des signes et utilisent au mieux
un code familial partiel).
Si des consultations spécialisées, examens ou hospitalisations, sont nécessaires, les unités assurent la
mise à disposition, sur l’intégralité du parcours de
soins au sein du CHU, des moyens humains d’adaptation : un interprète diplômé et, si besoin, un intermédiateur, parfois un médecin ou une assistante sociale.
Tout soignant, quel qu’il soit, peut ainsi exercer
son métier normalement, sans être entravé par les
­questions de communication.
Nous faisons référence au fait que ce n’est pas la surdité
qui rend les sourds plus ou moins malheureux mais plutôt le
traitement social de la surdité qui provoque de l’exclusion.
« Être sourd c’est d’abord ne pas être entendu » affirmait
Bernard Mottez 2.
(2) 
La suppléance mentale est une stratégie principalement
utilisée par les personnes sourdes et malentendantes afin
d’interpréter une discussion suivant le contexte, que ce soit en
contact visuel direct ou en situation d’audition (comme au téléphone). Dans ce dernier cas, il est fréquent pour un malentendant
de ne pas comprendre plus d’un quart des mots, mais finalement de comprendre l’essentiel de la ­discussion. Utilisée avec la
lecture labiale, ou plutôt lecture maxillofaciale, elle permet de
trouver le sens des mots selon le contexte de la discussion, la
logique permettant ainsi d’identifier le mot a
­ pproprié et de lever
­partiellement des confusions ou malentendus.
(1) 
Ce dispositif permet aux patients sourds d’accéder
aux droits élémentaires dont ils sont habituellement
privés : confidentialité (la surdité ne rend plus obliga­
toire la présence d’un proche) et consentement
éclairé (par une information adaptée, le patient est en
mesure d’accepter ou de refuser les soins qui lui sont
proposés). Le patient sourd devient ainsi acteur de
son parcours de soins. Du point de vue des soignants,
le dispositif optimise la prise en charge : réduction des
erreurs diagnostiques, des durées d’hospitalisation
et des examens « de couverture » inutiles, amélioration de l’observance, diminution de la iatrogénicité,
­possibilité d’éducation thérapeutique...
Personnes sourdes ou malentendantes : un handicap méconnu, une population vulnérable
BEH 42-43 | 15 Décembre 2015 | 799
Conclusion
Depuis la création de la première unité en 1995, près
de 14 000 patients, soit environ 15% de la population
sourde estimée, ont fait appel aux Urass pour leur
parcours de soins généraux. Chaque année, sont réalisées plus de 20 000 consultations au sein des unités
par les médecins signeurs, plus de 10 000 consultations spécialisées adaptées, plus de 8 000 entretiens
psychologiques, plus de 100 00 entretiens médico-­
sociaux. Ces chiffres sont en constante a
­ ugmentation :
plus de 1 000 nouveaux patients par an font appel
aux unités. À tout moment de leur parcours de soins,
les patients accueillis peuvent librement choisir quelle
langue doit être utilisée, et 95% d’entre eux souhaitent
utiliser la langue des signes, quelles que soient leurs
compétences en français. n
Références
[1] Qualité de la prise en charge des patients sourds en
établissements de santé. [Internet]. Paris: Ministère des
Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
http://www.sante.gouv.fr/qualite-de-la-prise-en-charge-desusagers-dans-les-etablissements-de-sante-prise-en-chargedes-patients-sourds.html
[2] Mottez B. Les Sourds existent-ils ? Textes réunis et présentés
par Andrea Benvenuto. Paris: L’Harmattan; 2006. 388 p.
[3] Dagron J. Sourds et soignants, deux mondes, une ­médecine.
Paris: In Press; 1999. 170 p.
[4] Dagron J. Perception du risque du sida et accès aux soins
de la communauté sourde. Bilan de la partie “état des lieux”
épidémiologique. Bull Epidémiol Hebd. 1996;(25):112-3.
http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=2697
[5] Circulaire N°DHOS/E1/2007/163 du 20 avril 2007 ­relative
aux missions, à l’organisation et au fonctionnement des unités
d’accueil et de soins des patients sourds en langue des
signes (LS). Paris: Ministère de la Santé et des Solidarités.
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/circulaire_163_200407.pdf
[6] Haeusler L, de Laval T, Millot C. Étude quantitative sur le
handicap auditif à partir de l’enquête « Handicap-Santé ».
Document de travail, Série Études et Recherche (Drees).
2014;(131). 156 p. http://www.drees.sante.gouv.fr/etudequantitative-sur-le-handicap-auditif-a-partir-de-l,11341.html
[7] Gillot D. Le Droit des sourds : 115 propositions : rapport
au Premier ministre. Paris: La Documentation Française;
1998. 131 p.
[8] Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.
Le rapport à la santé des personnes sourdes, malentendantes
ou ayant des troubles de l’audition : résultats d’une étude
qualitative. Saint-Denis: Inpes; 2012. 110 p. http://www.inpes.
sante.fr/lsf/pdf/rapport-a-la-sante-surdite-resultats-etudequalitative.pdf
Citer cet article
Mongourdin B, Karacostas A. Les unités régionales hospitalières d’accueil et de soins pour les sourds. Bull Epidémiol
Hebd. 2015;(42-43):798-800. http://www.invs.sante.fr/beh/
2015/42-43/2015_42-43_4.html
La langue des signes
Strictement proscrite de l’éducation de l’enfant sourd en France depuis 1880, autorisée depuis 1976, droit
éducatif depuis 1991 (article 66 33 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991) et très récemment reconnue comme
langue à part entière (loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées), la langue des signes a toujours existé, partout où ont vécu
des sourds. Langue à part entière, avec sa syntaxe, sa grammaire et son vocabulaire, elle est aussi fluide et
riche que les langues orales. Le registre des langues signées est parfaitement adapté aux sourds puisqu’il
ne fait pas appel aux sons (un enfant sourd n’a aucun obstacle linguistique en langue des signes). La langue
des signes constitue ainsi la langue de vie d’un très grand nombre de sourds. Elle s’inscrit, de fait, dans le
bilinguisme, puisque l’accès au français écrit est une nécessité pour l’insertion sociale.
800 | 15 Décembre 2015 | BEH 42-43 Personnes sourdes ou malentendantes : un handicap méconnu, une population vulnérable
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