IMAGERIE MOLÉCULAIRE L’imagerie cellulaire en pleine révolution >>> Philippe COCHARD, directeur de recherche CNRS, au Centre de Biologie du Développement, (CBD, unité mixte UPS/CNRS) et Alain JAUNEAU, Ingénieur de recherche CNRS à la Plateforme Microscopie Imagerie de l’IFR40. >>> Reconstruction tridimensionnelle de cellules nerveuses et de leurs prolongements marqués par la protéine fluorescente GFP dans une tranche de cerveau de rongeur. Image acquise grâce au microscope bi-photon. © B. Ronsin, A. Le Ru & A. Lorsignol page 4 Le bon vieux microscope sur lequel des générations d’étudiants ont usé leur cornée pour observer des lames minces de matériel fixé est aujourd’hui voué à rejoindre les étagères des musées. Depuis une quinzaine d’années, l’imagerie du vivant connaît un essor considérable, issu de la synergie des compétences des biologistes, mathématiciens, informaticiens, physiciens et chimistes. Sans cesse, de nouveaux équipements et de nouvelles méthodes apparaissent, permettant d’imager le vivant en trois dimensions, en temps réel, en profondeur et en très haute résolution. Cette diversification des techniques s’est orientée dans deux directions complémentaires : imager les molécules et leurs interactions, ou les analyser au sein d'échantillons complexes, cellules, embryons et même organismes entiers. Désormais, on peut voir fonctionner les cellules en direct, sous l’objectif du microscope, suivre le trafic ou les interactions de protéines d’intérêt grâce à des marqueurs fluorescents issus d’animaux marins (ce qui a donné lieu au Nobel de chimie en 2008 à O. Shimomura, M. Chalfie et R. Tsien), interagir avec la cellule à l’échelle nanométrique au moyen de lasers… Les applications sont très nombreuses, simplement limitées par l’imagination des chercheurs. Ces développements spectaculaires de l’imagerie cellulaire constituent un enjeu majeur pour les laboratoires de biologie, s’ils veulent rester compétitifs au plan international. Cependant les microscopes optiques et électroniques modernes sont onéreux et nécessitent un personnel hautement qualifié, éléments difficiles à réunir pour un seul laboratoire. Pour cette raison, les différents plateaux techniques de microscopie du site toulousain se sont très tôt regroupés en une plateforme régionale d’imagerie cellulaire, Toulouse Réseau Imagerie (TRI), reconnue au plan national par le GIS IBiSA. La plateforme a été initialement mise en place au Centre de biologie du développement, puis à l’IFR 109. Elle coordonne actuellement les ressources en imagerie optique, électronique et en cytométrie sur l’ensemble de la région Midi-Pyrénées : plateaux de la Fédération de Recherche en biologie de Toulouse , de l’IFR 40 (Agrobiosciences, Interactions et Biodiversité) sur l’Agrocampus d’Auzeville, de l’IFR 150 (Institut de biologie médicale de Toulouse), sur les campus des Centres Hospitaliers Régionaux de Purpan et de Rangueil, ainsi que du Centre Pierre Potier (ITAV). Six plateaux techniques, plus de 30 postes de travail et 20 ingénieurs et techniciens sont à la disposition de la communauté scientifique, et accueillent annuellement plus de 800 chercheurs, appartenant à 160 équipes. En dépit de cette dispersion géographique, un management défini au travers de la démarche qualité (certification ISO 9001, obtenue en janvier 2010), permet un fonctionnement efficace. La plateforme possède un site web (http://tri.genotoul.fr/), guichet unique pour tous les plateaux quelle que soit leur localisation, et qui présente les activités, équipements et services. Elle est membre de la Génopole de Toulouse (http://genopole-toulouse.prd.fr/), réseau qui coordonne la plupart des grandes plateformes en sciences de la vie de la région Midi-Pyrénées. Elle est ouverte sans restriction à tout acteur de la recherche, publique comme privée. Ses principales missions sont : Fournir aux chercheurs l’expertise et les technologies de pointe dans le domaine de l’imagerie cellulaire ; constituer un cadre de réflexion et d’échanges dans ce domaine en évolution rapide ; former les chercheurs et étudiants dans toutes les méthodes liées à la microscopie ; contribuer aux développements de nouveaux équipements et de méthodologies. Dans son ensemble, la plateforme TRI fournit les compétences, les équipements et l’assistance technique pour tout projet nécessitant l’imagerie cellulaire sous ses diverses formes.. Elle possède des compétences et des matériels de pointe dont certains sont uniques en France, voire en Europe : microscopie confocale et multiphoton, microscopie champ large avec déconvolution, imagerie en durée de vie de fluorescence (FLIM), microscopie à feuille de lumière (SPIM), microscopie à haute résolution (TIRF), imagerie de molécules uniques, imagerie intra-vitale et corps entier du petit animal, tomographie et cryométhodes en microscopie électronique. Dans ce dossier sont présentés un certain nombre de recherches utilisant cette plateforme d’imagerie cellulaire… Contacts : [email protected] et [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20 Imagerie moléculaire Comment les plantes se protègent des pathogènes A l'instar du système immunitaire des animaux, les végétaux ont développé au cours de l'évolution des mécanismes de défense visant à les protéger des virus, bactéries et champignons. L’utilisation des techniques d’imagerie récentes ont mis en évidence la complexité des protéines mises en jeu. La compréhension des mécanismes d'immunité végétale constitue un enjeu majeur pour envisager la réduction de l’usage de produits phytosanitaires dangereux pour l'environnement et pour les consommateurs. >>> Laurent DESLANDES, chargé de Recherches CNRS et Susana RIVAS, chargée de Recherches CNRS au Laboratoire des interactions plantes micro-organismes (unité mixte CNRS/INRA). Elucider les nouveaux mécanismes de résistance des plantes est au cœur des préoccupations de notre équipe. On y étudie comment une plante perçoit, au niveau cellulaire, la présence de son agresseur et par quels mécanismes elle parvient à adapter une réponse de défense spécifiquement adaptée. Le modèle d'étude choisi : la plante Arabidopsis thaliana, appelée plus communnement "Arabettes des dames" et deux bactéries, Xanthomonas campestris et Ralstonia solanacearum, agents de deux phytobactérioses responsables chaque année de pertes agricoles se chiffrant en millions d'euros. Têtes chercheuses Comme d'autres bactéries pathogènes, ces deux espèces sont capables d'injecter des protéines à l'intérieur même de leurs cellules végétales hôtes. Ces protéines appelées effecteurs s'apparentent à de véritables missiles à tête chercheuse qui vont notamment avoir pour cible des protéines de défense de l'hôte afin de les neutraliser et court-circuiter ainsi la mise en place de l’immunité végétale. En réponse à ces effecteurs, les végétaux ont développé des systèmes de surveillance faisant intervenir des protéines « gardiennes » visant à détecter la présence des effecteurs eux-mêmes ou leurs effets sur les protéines ciblées de l'hôte. Une fois l’agent pathogène démasqué, la réponse immunitaire est déclenchée. Dans le cas contraire, la plante ne parvient pas à se défendre et l’agresseur prend le dessus. >>> Observation en microscopie confocale d’un noyau de cellule de Nicotiana benthamiana exprimant transitoirement une protéine effectrice bactérienne et sa cible végé- Le missile et sa cible L’idée consiste à étudier des couples protéiques issus respectivement de l’agresseur bactérien et de son tale, respectivement fusionnées à des fluorophores CFP (Cyan Fluorescent Protein) et YFP (Yellow Fluorescent Protein). La technique de FLIM permet de détecter des transferts d’énergie entre les 2 fluorophores lorsque ceux-ci sont fusionnés à 2 molécules qui interagissent entre elles. page 5 hôte végétal (autrement dit, le missile et sa cible). En étroite collaboration avec la plateforme Microscopie et imagerie cellulaire de l'IFR40, on a démontré l’existence d’interactions physiques entre différents partenaires protéiques grâce à la technique de FRETFLIM. Cette technique est basée sur des mesures de transfert d’énergie entre molécules fluorescentes fusionnées aux protéines d’intérêt. Elle présente l’énorme avantage de pouvoir démontrer des interactions protéines/protéines en préservant l’intégrité des structures cellulaires d’intérêt et par conséquent de pouvoir suivre des mouvements dynamiques de complexes protéiques au niveau subcellulaire. Nous sommes loin d’être au bout de nos surprises. Outre la caractérisation de véritables complexes protéiques, ces travaux sont en passe de mettre en lumière des mécanismes moléculaires d’une grande complexité. Ces avancées sont déterminantes pour la compréhension des événements de perception plantesagent pathogènes qui conditionnent l'activation de la réponse immunitaire végétale. Pour en savoir plus : Froidure et al (2010) Proc. Natl. Acad. Sci. 107, 15281-15286; Tasset et al (2010) Plos Pathog. (sous presse). Contacts : [email protected] et [email protected] Imagerie moléculaire La morphogenèse en temps réel Si la génomique découvre l’ensemble des macromolécules du vivant, un enjeu majeur est de comprendre comment elles s’assemblent pour former des structures tridimensionnelles organisées. Les avancées de l’imagerie permettent maintenant d’analyser en temps réel les changements de forme des cellules vivantes pour élucider les mécanismes impliqués. >>> Equipe morphogenèse et signalisation cellulaires, au Centre de Biologie du Développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS). De gauche à droite au premier plan : Serge PLAZA, Hélène CHANUT, Delphine MENORET, François PAYRE, au deuxième plan : Pierre FERRER, Yvan LATAPIE, Philippe VALENTI, dOSSIER Ahmad ALSAWADI, Emilie BENRABAH. page 6 Devenir adulte pour des cellules ou des tissus, consiste à acquérir une forme spécifique nécessaire à leurs fonctions dans l’organisme. Les cellules présentent ainsi une grande diversité d’organisation tridimensionnelle. L’altération de leur forme provoque même des maladies génétiques (surdités, déficiences visuelles et neurales). Les mécanismes responsables de la morphogenèse restent cependant très mal connus aujourd’hui. En effet les techniques d’observation nécessitaient jusqu’à récemment de travailler sur des tissus fixés, ne permettant pas d’analyser la dynamique de la morphogenèse. La combinaison d’avancées scientifiques et techniques ouvre aujourd’hui la porte de l’analyse fonctionnelle des cellules vivantes par imagerie fluorescente à haute résolution spatiale et temporelle (5D). La meduse La fin du 20ème siècle a révolutionné la conception des microscopes. Plus que l’illumination (lasers), les caméras numériques et leur pilotage par ordinateur, c’est bien la découverte d’une protéine fluorescente chez la méduse (Green Fluorescent Protein ou GFP) qui a levé le verrou de l’analyse de cellules vivantes. Grâce à la génétique moléculaire, il est devenu possible de fusionner une protéine d’intérêt avec des dérivés de la GFP pour suivre sa distribution dynamique dans les cellules vivantes et ainsi d’explorer sa fonction. Division cellulaire On peut par exemple suivre ainsi la division des cellules, via une série stéréotypée de changements de leur forme pour la séparation des cellules filles. Mais le mode de contrôle de cette réorganisation tridimensionnelle restait inconnu. En analysant la dynamique du « squelette » des cellules vivantes normales, ou en absence de différents facteurs, notre équipe du Centre de Biologie du Développement a découvert l’importance des protéines Ezrin, Radixin, Moesin (ERM) pour contrôler la forme des cellules et la répartition des chromosomes au cours de leur division. La fonction des ERM nécessite un contrôle localisé de leur activité et l’équipe développe des approches à large échelle dans les cellules vivantes pour identifier ces régulateurs et leur fonction. >>> Macrophages vivants en cours de migration dans l’embryon de drosophile. Les filaments d’actine sont observés par une fusion GFP, révélant l’impact de l’absence de la Fascin (à droite) sur l’organisation polarisée des cellules. © J. Zanet Migration des cellules dans l’organisme La morphogenèse embryonnaire nécessite aussi la migration de certaines cellules, qui se déplacent sur les autres tissus attirées par des gradients moléculaires. Comprendre ces mécanismes nécessite donc leur analyse directement au sein de l’embryon. Là encore, la combinaison de protéines fluorescentes, d’imagerie confocale vitale et de la génétique nous a permis d’identifier la Fascin comme un régulateur clé de la forme des cellules en migration dans l’embryon. Cette protéine relie entre eux des filaments d’actine, pour former de véritables câbles qui soutiennent l’organisation polarisée des cellules en migration. En absence de Fascin, les cellules perdent leur forme spécifique et sont incapables de migrer. Les protéines ERM et Fascin sont dérégulées dans de nombreux cancers où elles favorisent la formation et l’agressivité des métastases. Comprendre leur dynamique chez des organismes modèles aidera à mieux cerner leur impact pathologique. L’évolution constante des approches d’imagerie vitale à l’Université Paul Sabatier permettra encore de nouvelles avancées fondamentales en lien direct avec la santé. Pour en savoir plus : Carreno et al, 2008, Journal of Cell Biology, 2009 Aug; 136(15):2557-65; Zanet et al, 2009, Development, 2008 Feb 25;180(4):739-46. Contacts : [email protected] et [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20 Imagerie moléculaire Imagerie de Fluorescence du Petit Animal L'Imagerie de fluorescence du petit animal permet d'observer le comportement cellulaire à l'intérieur d'un animal vivant. Très instructif, et particulièrement éthique... Cette technologie a l’avantage de permettre de respecter la règle des 3 R (Réduction, Raffinement, Remplacement), règle édictée pour limiter l’usage des animaux de laboratoire. En effet, le suivi dans le temps (sur plusieurs mois) peut être effectué sur un même animal sans le sacrifier. La réduction du nombre d’animaux nécessaire pour des données statistiques fiables est un élément économiquement et sociétalement positif. >>> Aurélie PAGANIN-GIOANNI, chercheur post doctorant, Elisabeth BELLARD, Ingénieur d’études CNRS, Muriel GOLZIO, chargée de recherche CNRS et Justin TEISSIÉ, directeur de recherche CNRS, chercheurs à l’Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale (IPBS, unité mixte UPS/CNRS). L'imagerie optique par fluorescence consiste à visualiser ce que l'on cherche à observer grâce à des molécules injectées à l'animal simplement anesthésié. Ces molécules sont couplées à un marqueur fluorescent qui va se lier aux cibles et émettre de la lumière. La principale difficulté à surmonter pour pouvoir observer à l'intérieur des organismes sans les ouvrir est la propagation de la lumière dans les tissus. Ce sont en effet des milieux inhomogènes et turbides, qui dévient les faisceaux incidents et transmis et altérent la détection du signal lumineux émis. Pour surmonter cette difficulté, il faut introduire des corrections pour tenir compte de l’absorption, la diffusion, la réflexion et la réfraction des photons. Pour tenir compte de ces différents paramètres, la fenêtre optique optimale se situe dans le proche infra-rouge, entre 600 et 1000 nm. Corps entier La plateforme intègre donc des avancées technologiques (illuminateurs puissants -lasers, LED-, caméras ultrasensibles –EmCCD-) pour augmenter considérablement la sensibilité de détection et la résolution spatio-temporelle. L’imagerie spectrale a été choisie pour éliminer l’autofluorescence. Les études ont lieu sur un « macroscope » Leica ou des dispositifs corps entier. Il est alors possible de repérer les zones d’expression (par exemple lors de la progression métastatique) de tumeurs fluorescentes sur l’animal. Il est espéré ainsi dans le futur le ciblage visuel des zones tumorales lors de l’acte chirurgical. >>> Organisation des vaisseaux tumoraux de mélanomes B16 : visualisation par « macroscopie intravitale ». L’injection d’une molécule fluorescente rouge (dextran rhodamine) permet la visualisation directe de l’organisation complexe des vaisseaux dans le contexte tumoral. La peau constitue une limite dans la résolution spatiale. Un saut technologique est de travailler en mode intravital où une légère chirurgie permet d’avoir une vision directe de l’organe cible ou d’implanter une fenêtre à la place de la peau. La détection se fait sur l’animal anesthésié placé sous sur la platine du macroscope page 7 (champ large), du microscope biphotonique ou d’un microscope dédié avec enregistrement vidéo. L’avantage majeur est que la peau n’est plus présente dans le trajet optique d’où l’absence des phénomènes d’absorption, de réflexion et d’autofluorescence. La résolution à l’échelle cellulaire est accessible grâce à l’imagerie multiphotonique qui permet de résoudre spatialement des signaux lumineux émis plus en profondeur car elle utilise des longueurs d’onde d’excitation dans le proche IR qui pénètrent davantage les tissus L’excitation se trouve limitée à un volume restreint, où se focalise le faisceau. Cette technique permet d’atteindre une profondeur de 200 à 600 µm. Des images tridimensionnelles de très haute résolution sont acquises. Il en résulte l’élimination de la fluorescence hors du plan focal, une zone d’excitation diminuée, moins de photo-dégradation et de photo-toxicité. Plateforme ONIPA La plateforme d’imagerie baptisée ONIPA (imagerie optique non invasive du petit animal) est au service de toute la communauté scientifique. De nombreux projets collaboratifs sont en cours, tels l’imagerie de la progression métastatique du cancer de la prostate avec Olivier Cuvillier et Bernard Malavaud. La microscopie biphotonique permet d’observer l’organisation des cellules cancéreuses exprimant constitutivement la GFP (une protéine fluorescente verte) et celle des vaisseaux tumoraux. Il est possible de détecter les vaisseaux suite à l’injection d’un dextran rhodamine (fluorescence rouge) dans l’animal. Les images numériques peuvent alors être analysées par traitement numérique pour déterminer la perméabilité (via Labview) et la densité vasculaire. Leur évolution temporelle fournit l’information sur la dynamique des processus impliqués. On peut par exemple observer la modification des flux sanguins (vascular lock) induite par un traitement physique des tumeurs (électro chimiothérapie). L’imagerie permet un suivi quantitatif de l’évolution de la perméabilité membranaire des vaisseaux et de confirmer le piégeage des principes actifs injectés, support de la haute efficacité du traitement. Contacts : [email protected] et [email protected] Imagerie moléculaire L’imagerie à feuille de lumière pour accéder à la troisième dimension Un des challenges de l’imagerie optique en biologie est de visualiser en trois dimensions des structures biologiques et des organismes sans perturber leur développement. Un nouvel instrument, le SPIM, basé sur la microscopie à feuille de lumière, la fluorescence et des possibilités d'acquisition en vues multiples ouvre de nouvelles perspectives. >>> Valérie LOBJOIS, Chercheuse et Corinne LORENZO, Ingénieure, travaillant à l’UMS3039ITAV, unité mixte de service UPS/CNRS/INSA). Le principe de la microscopie à feuille de lumière consiste à réaliser des coupes optiques d’un échantillon en l’illuminant par le côté avec une feuille de lumière. Le SPIM (Selective Plane Illumination Microscope), est un microscope inventé à l’EMBL (Heidelberg) par Ernst Stelzer et son équipe dans lequel la feuille de lumière est obtenue par la mise en forme d’un faisceau laser avec une lentille cylindrique. La feuille de lumière est positionnée dans le plan focal de la lentille d’un objectif de détection placé perpendiculairement au trajet d’excitation. Du fait de la dissociation des trajets optiques d’excitation et d’émission (ou d’imagerie), l’ensemble du plan optique est éclairé, mais pas les autres plans du spécimen. Il n’y a donc pas d’émission de lumière hors du plan focal et l’image de ce plan est acquise dans sa globalité, et non pas après un balayage progressif, ce qui permet, d’une part, d’obtenir des images avec une excellente résolution axiale et, d’autre part, de diminuer grandement le temps d’exposition à la lumière, réduisant du même coup les risques de phototoxicité au sein de l’échantillon. Une autre caractéristique spécifique du SPIM est que l’échantillon peut être tourné sur lui-même de 360° permettant ainsi des acquisitions sous plusieurs angles de vues. La fusion de ces différentes vues permet une visualisation en 3D de l’échantillon avec une résolution quasi isotrope. Echantillons épais Il n’existe pas à l’heure actuelle de microscope SPIM commercial. Face à la nécessité d’une stratégie d’imagerie adaptée à des échantillons épais, nous avons développé un prototype SPIM aujourd'hui à la disposition de la communauté scientifique. Ce développement s’est appuyé sur des compétences multidisciplinaires associant en particulier des biologistes cellulaires spécialistes d'imagerie (ITAV/LBCMCP, Bernard Ducommun), des mathématiciens de l'IMT (Jérôme Fahrenbach, Pierre Weiss) et des informaticiens de l’IRIT (Denis Kouamé). Au niveau international, une communauté scientifique s’est développée autour de la microscopie à feuille de lumière dans le but de partager les avancées de chacun et de promouvoir cette microscopie émergente. Microscopie émergente Cette microscopie émergente fait aujourd'hui l'objet d'un intérêt majeur car elle représente une solution originale parmi l’ensemble des techniques d’imagerie existantes, permettant de répondre à des questions jusque-là inexplorables du fait de l’absence de technologies adaptées. Le SPIM est particulièrement adapté pour l’imagerie en profondeur d’échantillons de quelques dizaines de micromètres à quelques millimètres, fixés ou vivants. Des domaines aussi variés que la biologie cellulaire (figure a), la biologie du développement (figure e-f), la biologie marine, la biologie végétale (figure b ; d), et l’ingénierie tissulaire sont concernés, comme le montre la galerie d'images originales acquises avec le prototype SPIM accessible sur la plate-forme d’imagerie de l’ITAV. >>> Images de différents organismes modèles acquises sur le SPIM. Objectif d’illumination 10X NA 0.25, objectif de détection 10X physiologique NA 0.3, Ïex 532 nm, Ïem 560 nm. (a) Sphéroïdes Capan2-DsRed, (b) Racine d’Arabidopsis thaliana, (c) Neurofilaments embryon de souris, (d) Méristème d’Arabidopsis thaliana, (e-f) embryon de Zebrafish. Contacts : [email protected] et [email protected] Echelle 100 µm. page 8 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20 Imagerie moléculaire Lumières sur le calcium L’ion calcium contrôle de nombreux processus d’activation cellulaire, notamment lors du développement de l’embryon. Un rôle mis en lumière par l’imagerie dynamique dans l’équipe de Marc Moreau du Centre de Biologie du développement, en particulier lors de la formation du système nerveux (neurogenèse) ou lors du développement du rein (néphrogenèse). Le crapaud sud-africain, ou xenope, est une star de laboratoire. C'est chez lui que l'équipe de Marc Moreau étudie le rôle du calcium dans le développement. Au coeur du dispositif : l’imagerie dynamique qui a permis de visualiser en temps réel les mouvements de calcium dans les cellules de l’embryon de xénope. Cette technique d’imagerie originale permet de compter les photons émis par une sonde luminescente sensible au calcium et de les visualiser de manière dynamique, c'est-à-dire de mesurer dans le temps et l’espace, in vivo, les mouvements de calcium dans une cellule. >>> Marc MOREAU, directeur de recherche CNRS et Catherine LECLERC, chargée de recherche CNRS, chercheurs au Centre de biologie du développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS). Ouverture de canaux Cette imagerie dynamique a permis de mettre en évidence que, dans une zone déterminée de l’embryon, certaines cellules présentent spontanément des augmentations transitoires de calcium intracellulaire. Ces augmentations de calcium sont modulées dans le temps et dans l’espace et correspondent à l’ouverture de canaux calciques membranaires spécifiques. Ces événements élémentaires très précoces vont ensuite à plus long terme contrôler la transcription de gènes spécifiques, en particulier orienter de manière irréversible la destinée des cellules dans une voie de différenciation précise. Ainsi nous avons pu déchiffrer les voies de signalisation dépendante du calcium qui sont impliquées dans les phénomènes précoces à l’origine du l’origine du système nerveux de l’embryon ou de la mise en place du rein. Allergies Les éléments impliqués dans la signalisation calcique constituent aussi un gisement potentiel de cibles thérapeutiques dans de nombreuses pathologies. En effet, les caractéristiques d’un signal calcium (signature >>> Visualisation dans un lymphocyte Th 2 des mouvements de calcium à travers des canaux unitaires mesurés par ondes évanescentes (TIRFM). Dans cette repré- calcique) en réponse à un sentation la concentration en calcium passant à travers un canal unique est codée stimulus donné sont modifiées en fausse couleur, le bleu correspond à de faible concentration, le rouge aux lorsque l’on compare une concentrations les plus fortes. Les cellules ont été stimulées par un antigène se cellule normale et une cellule liant à un récepteur sur la membrane du lymphocyte. pathologique. La modification page 9 de cette signature calcium par des agents pharmacologiques permettrait de passer d’un état pathologique à un état normal. Cet aspect finalisé est illustré par une collaboration fructueuse avec l’équipe de Lucette Pelletier du Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP, unité mixte UPS/Inserm). Ce travail a montré notamment que la signalisation calcique joue un rôle prédominant dans l’activation et la différenciation des lymphocytes T. Parmi ces lymphocytes la population Th2 est responsable de manifestations allergiques dont la fréquence ne cesse de croître dans nos pays. Cette collaboration a permis d’identifier des canaux calciques spécifiquement exprimés dans les LTh2 et jouant un rôle déterminant dans leurs fonctions. Ondes évanescentes Il est pratiquement impossible d’étudier le fonctionnement de ces canaux par des techniques électrophysiologiques classiques. Une nouvelle technique d’imagerie optique a donc été développée, qui permet de voir fonctionner ces canaux : la TIRFM ou « Total, Internal Reflection Fluorescence Microscopy ». Cette technique permet d’imager un canal calcique unitaire (c’est-à-dire une protéine) par utilisation d’ondes évanescentes sur des cellules préalablement chargées avec une sonde fluorescente sensible au calcium. Cette méthodologie est peu invasive et permet d’enregistrer en temps réel l’activité de plusieurs centaines de canaux simultanément avec une grande résolution temporelle. De plus nous pouvons cartographier la distribution des canaux fonctionnels à la surface de la membrane et cette technique est applicable pour effectuer du screening à haut débit. Contact : [email protected] Imagerie moléculaire L’expression des gênes sous le microscope Un des enjeux actuels de la biologie est de replacer dans leur contexte cellulaire des processus élucidés par les outils de la biologie moléculaire pour en comprendre l’organisation spatiale. Faire correspondre ces deux échelles de description structurale du vivant, moléculaire et cellulaire, est un défi en passe d’être relevé. >>> Isabelle LÉGER-SILVESTRE, maître de conférences UPS, Olivier GADAL, chargé de recherche CNRS, , Pierre-Emmanuel GLEIZES, professeur UPS, Célia PLISSON-CHASTANG, chargée de recherche CNRS et Franck DELAVOIE, maître de conférences UPS, tous au Laboratoire de Biologie Moléculaire Eucaryote, (LBME, unité mixte UPS/CNRS). Les développements des microscopies et des techniques de détection moléculaire in situ ont permis de mettre en relation l’organisation des compartiments cellulaires avec leurs fonctions. Parallèlement, la structure de nombreuses macromolécules isolées a pu être déterminée à l’échelle atomique grâce à la cristallographie aux rayons X ou à la RMN. Les développements récents de la tomographie en microscopie électronique à transmission (MET) permettent désormais de décrire la cellule en trois dimensions à l’échelle du nanomètre et d'y détecter directement des structures macromoléculaires. L’image obtenue est encore plus proche de la réalité lorsque l'échantillon est préparé par congélation ultra-rapide et observé dans de la glace vitreuse par cryomicroscopie électronique (cryoMET), une méthode de choix pour étudier la structure de cellules ou de complexes macromoléculaires isolés. Production des ribosomes Ces techniques avancées, implantées récemment sur le plateau de microscopie électronique de l’IFR109, sont utilisées au LBME pour comprendre de manière plus intégrée la production des ribosomes. Ces machines moléculaires formées d’ARN et de protéines catalysent chez tous les êtres vivants la synthèse des protéines. Leur production est un processus extrêmement complexe qui débute par la production de leur composant ARN à partir des gènes ribosomiques. Isolé du noyau par étalement de la chromatine, un gène ribosomique peut être visualisé par MET sous l’aspect d’un « arbre de Noël » (Figure A) dont chaque branche correspond à un ribosome en cours de synthèse. Dans une cellule, ces gènes sont répétés et rassemblés de manière compacte dans un domaine nucléaire, le nucléole, dont la morphologie reflète l’état de la production des ribosomes (Figure B). L’analyse par tomographie électronique >>> Des molécules isolées à l’organisation cellulaire : comment détecter un de ces structures, actuellement en gène ribosomique en cours de transcription (observé sur un étalement de cours, devrait permettre de combler le chromatine en A) ou reconnaître la structure moléculaire des particules ribosomanque de connaissance sur miques (C) dans le noyau d’une levure (B)? l’organisation de la chromatine page 10 nucléolaire à une échelle intermédiaire entre la molécule isolée et l’ultrastructure du nucléole. Lors de sa synthèse, l’ARN se replie et s’assemble avec des protéines. Déterminer la structure tridimensionnelle de ces particules ribosomiques en formation (préribosomes) pour en comprendre les mécanismes d’assemblage et de transport vers le cytoplasme requiert l’analyse de milliers d’images de ces particules isolées et observées dans de la glace vitreuse par cryo-MET. En couplant la détermination de ces structures à la tomographie électronique des cellules, il devrait être possible dans un deuxième temps de localiser les pré-ribosomes dans le volume cellulaire directement par reconnaissance de forme et comprendre d’une manière beaucoup plus précise l’organisation spatiale des mécanismes de synthèse des ribosomes (Figure C). L’ensemble de ces développements est rendu possible tant par l’automatisation des procédures d’acquisition des images en MET que par la possibilité d’appliquer des techniques d’analyse d’images très gourmandes en calculs. Suivi dynamique A côté de ces progrès spectaculaires dans la description structurale du vivant en MET, des avancées tout aussi importantes sur le suivi dynamique des complexes macromoléculaires in situ sont faites grâce à la microscopie de fluorescence (MF) sur cellules vivantes. Développer la microscopie corrélative (visualisation des mêmes structures en MET et MF) représente un autre niveau d’intégration d’échelles d’étude. La combinaison des informations complémentaires (dynamiques, analytiques, structurales) apportées par ces modes d’imagerie à différentes échelles nous offre la perspective d’appréhender de façon beaucoup plus directe la complexité de la formation et de la fonction de macromolécules comme les ribosomes. Contacts : [email protected], [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20 Imagerie moléculaire La synapse immunologique au cœur de la pathologie tumorale humaine De nouvelles techniques d'imagerie installées à Purpan sur le site de l’ Institut Fédératif de Recherche Bio-Médicale de Toulouse (IFR 150) dévoilent les liens mortels qui se tissent entre certaines cellules du système immunitaire et leur cible, des cellules cancéreuses. >>>Salvatore VALITUTTI, Directeur de recherche INSERM, Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP, unité mixte UPS/Inserm). Notre équipe a récemment lancé un programme de recherche faisant appel à différentes techniques d'imagerie pour disséquer l'interaction des cellules du système immunitaire avec certaines cellules cancéreuses. Entre les lymphocytes T humains et les cellules présentatrices d'antigènes se forme une synapse immunologique. Une synapse à laquelle l’équipe s’intéresse de longue date en utilisant des approches morphologiques in vitro. Au regard des études in vivo sur des modèles animaux, l'utilisation de cellules humaines in vitro présente l'avantage d’employer des réactifs et des approches qui peuvent être transférées directement à la recherche clinique. Cependant, cette approche présente la limitation évidente de simplifier le scénario d'une réponse immunitaire physiologique basée sur des interactions cellulaires multiples et hétérogènes. C’est pour contourner cette limitation que l'équipe a récemment mis en place de nouvelles approches expérimentales pour étudier l'activation des cellules T humaines dans un contexte plus proche de la physiopathologie. Interactions en temps réel Grâce à l'utilisation d'un microscope confocal et d'un microscope bi-photonique, l'équipe progresse actuellement sur la caractérisation des types cellulaires, de la localisation en trois dimensions et de l'état d'activation des cellules immunitaires infiltrant les tissus humains. En outre, la migration de cellules T et leur interaction avec des APC (cellules présentatrices d’antigènes) spécifiques est observée en temps réel, dans des explants de tissu vivant, en utilisant la microscopie à deux photons en environnement contrôlé permettant le maintien des explants tissulaires dans des conditions de survie prolongées. >>> Synapse immunologique formée entre un lymphocyte T cytotoxique et une cellule cible infectée par un virus (rouge). Le lymphocyte T cytotoxique polarise son cytosquelette de tubuline (vert) et ses granules lytiques (bleu) vers la cible pour la tuer. Ces approches sont utilisées pour étudier la progression des maladies néoplasiques telles que les lymphomes et les mélanomes, en collaboration avec des cliniciens du département de pathologie du CHU Purpan (professeur Pierre Brousset) et du Département d'hématologie du CHU Purpan page 11 (professeur Guy Laurent) ainsi que dans les départements de dermatologie et d’oncologie à Toulouse. Visualisation en profondeur La microscopie bi-photonique permet ainsi la visualisation en profondeur dans les tissus, en trois dimensions et en multicouleur, ainsi que la quantification de détails morphologiques. Cette technologie est rarement appliquée à la pathologie humaine, puisque les tissus pathologiques sont classiquement étudiés en utilisant l’immunohistochimie ou des techniques de « micro-array ». L'application de la microscopie à deux photons à la pathologie humaine a plusieurs avantages sur les techniques classiques, car elle permet d’observer en 3D le site de contact entre les cellules du système immunitaire et les cellules de la tumeur et de mieux définir les réarrangements moléculaires survenant lors de ces contacts cellulaires. La collaboration entre les ingénieurs du plateau technique d’imagerie cellulaire, les équipes de recherche et les cliniciens du CHU Purpan permettra dans un proche avenir, de corréler les résultats morphologiques détaillés avec le pronostic des pathologies associées. Le projet n’en est encore qu’à son début, mais les résultats attendus devraient avoir un impact important dans la compréhension des mécanismes sous-jacents de la surveillance immunitaire dans les maladies néoplasiques. De façon plus générale, ils pourront contribuer à développer de nouveaux outils et savoir-faire pour appréhender la pathologie humaine à l’aide d’outils techniques de haute résolution morphologique. Contact : [email protected]