Imagerie moléculaire - Université Paul Sabatier

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IMAGERIE MOLÉCULAIRE
L’imagerie cellulaire
en pleine révolution
>>> Philippe COCHARD, directeur de recherche
CNRS, au Centre de Biologie du Développement,
(CBD, unité mixte UPS/CNRS) et Alain JAUNEAU,
Ingénieur de recherche CNRS à la Plateforme
Microscopie Imagerie de l’IFR40.
>>> Reconstruction tridimensionnelle de cellules
nerveuses et de leurs prolongements marqués par la
protéine fluorescente GFP dans une tranche de cerveau
de rongeur. Image acquise grâce au microscope
bi-photon. © B. Ronsin, A. Le Ru & A. Lorsignol
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Le bon vieux microscope sur lequel des générations
d’étudiants ont usé leur cornée pour observer des
lames minces de matériel fixé est aujourd’hui voué
à rejoindre les étagères des musées. Depuis une
quinzaine d’années, l’imagerie du vivant connaît un
essor considérable, issu de la synergie des
compétences des biologistes, mathématiciens,
informaticiens, physiciens et chimistes. Sans cesse,
de nouveaux équipements et de nouvelles méthodes
apparaissent, permettant d’imager le vivant en trois
dimensions, en temps réel, en profondeur et en très
haute résolution. Cette diversification des techniques
s’est orientée dans deux directions complémentaires :
imager les molécules et leurs interactions, ou les
analyser au sein d'échantillons complexes, cellules,
embryons et même organismes entiers. Désormais,
on peut voir fonctionner les cellules en direct, sous
l’objectif du microscope, suivre le trafic ou les
interactions de protéines d’intérêt grâce à des
marqueurs fluorescents issus d’animaux marins (ce
qui a donné lieu au Nobel de chimie en 2008 à O.
Shimomura, M. Chalfie et R. Tsien), interagir avec la
cellule à l’échelle nanométrique au moyen de lasers…
Les applications sont très nombreuses, simplement
limitées par l’imagination des chercheurs.
Ces développements spectaculaires de l’imagerie
cellulaire constituent un enjeu majeur pour les
laboratoires de biologie, s’ils veulent rester
compétitifs au plan international. Cependant les
microscopes optiques et électroniques modernes sont
onéreux et nécessitent un personnel hautement
qualifié, éléments difficiles à réunir pour un seul
laboratoire. Pour cette raison, les différents plateaux
techniques de microscopie du site toulousain se sont
très tôt regroupés en une plateforme régionale
d’imagerie cellulaire, Toulouse Réseau Imagerie (TRI),
reconnue au plan national par le GIS IBiSA. La
plateforme a été initialement mise en place au Centre
de biologie du développement, puis à l’IFR 109. Elle
coordonne actuellement les ressources en imagerie
optique, électronique et en cytométrie sur l’ensemble
de la région Midi-Pyrénées : plateaux de la Fédération
de Recherche en biologie de Toulouse , de l’IFR 40
(Agrobiosciences, Interactions et Biodiversité) sur
l’Agrocampus d’Auzeville, de l’IFR 150 (Institut de
biologie médicale de Toulouse), sur les campus des
Centres Hospitaliers Régionaux de Purpan et de
Rangueil, ainsi que du Centre Pierre Potier (ITAV). Six
plateaux techniques, plus de 30 postes de travail et
20 ingénieurs et techniciens sont à la disposition de
la communauté scientifique, et accueillent
annuellement plus de 800 chercheurs, appartenant à
160 équipes.
En dépit de cette dispersion géographique, un
management défini au travers de la démarche qualité
(certification ISO 9001, obtenue en janvier 2010),
permet un fonctionnement efficace. La plateforme
possède un site web (http://tri.genotoul.fr/), guichet
unique pour tous les plateaux quelle que soit leur
localisation, et qui présente les activités, équipements
et services. Elle est membre de la Génopole de
Toulouse (http://genopole-toulouse.prd.fr/), réseau qui
coordonne la plupart des grandes plateformes en
sciences de la vie de la région Midi-Pyrénées. Elle est
ouverte sans restriction à tout acteur de la recherche,
publique comme privée. Ses principales missions
sont :
Fournir aux chercheurs l’expertise et les technologies
de pointe dans le domaine de l’imagerie cellulaire ;
constituer un cadre de réflexion et d’échanges dans
ce domaine en évolution rapide ; former les
chercheurs et étudiants dans toutes les méthodes
liées à la microscopie ; contribuer aux
développements de nouveaux équipements et de
méthodologies.
Dans son ensemble, la plateforme TRI fournit les
compétences, les équipements et l’assistance
technique pour tout projet nécessitant l’imagerie
cellulaire sous ses diverses formes.. Elle possède des
compétences et des matériels de pointe dont certains
sont uniques en France, voire en Europe : microscopie
confocale et multiphoton, microscopie champ large
avec déconvolution, imagerie en durée de vie de
fluorescence (FLIM), microscopie à feuille de lumière
(SPIM), microscopie à haute résolution (TIRF),
imagerie de molécules uniques, imagerie intra-vitale
et corps entier du petit animal, tomographie et cryométhodes en microscopie électronique.
Dans ce dossier sont présentés un certain nombre de
recherches utilisant cette plateforme d’imagerie
cellulaire…
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20
Imagerie
moléculaire
Comment les plantes
se protègent des pathogènes
A l'instar du système immunitaire des animaux, les végétaux ont développé au
cours de l'évolution des mécanismes de défense visant à les protéger des virus,
bactéries et champignons. L’utilisation des techniques d’imagerie récentes ont
mis en évidence la complexité des protéines mises en jeu. La compréhension
des mécanismes d'immunité végétale constitue un enjeu majeur pour
envisager la réduction de l’usage de produits phytosanitaires dangereux pour
l'environnement et pour les consommateurs.
>>> Laurent DESLANDES, chargé de
Recherches CNRS et Susana RIVAS, chargée
de Recherches CNRS au Laboratoire des
interactions plantes micro-organismes
(unité mixte CNRS/INRA).
Elucider les nouveaux mécanismes de résistance des
plantes est au cœur des préoccupations de notre
équipe. On y étudie comment une plante perçoit, au
niveau cellulaire, la présence de son agresseur et par
quels mécanismes elle parvient à adapter une réponse
de défense spécifiquement adaptée.
Le modèle d'étude choisi : la plante Arabidopsis
thaliana, appelée plus communnement "Arabettes des
dames" et deux bactéries, Xanthomonas campestris
et Ralstonia solanacearum, agents de deux
phytobactérioses responsables chaque année de pertes
agricoles se chiffrant en millions d'euros.
Têtes chercheuses
Comme d'autres bactéries pathogènes, ces deux
espèces sont capables d'injecter des protéines à
l'intérieur même de leurs cellules végétales hôtes.
Ces protéines appelées effecteurs s'apparentent à
de véritables missiles à tête chercheuse qui vont
notamment avoir pour cible des protéines de défense
de l'hôte afin de les neutraliser et court-circuiter
ainsi la mise en place de l’immunité végétale. En
réponse à ces effecteurs, les végétaux ont développé
des systèmes de surveillance faisant intervenir des
protéines « gardiennes » visant à détecter la présence
des effecteurs eux-mêmes ou leurs effets sur les
protéines ciblées de l'hôte. Une fois l’agent pathogène
démasqué, la réponse immunitaire est déclenchée.
Dans le cas contraire, la plante ne parvient pas
à se défendre et l’agresseur prend le dessus.
>>> Observation en microscopie confocale d’un noyau de
cellule de Nicotiana benthamiana exprimant transitoirement une protéine effectrice bactérienne et sa cible végé-
Le missile et sa cible
L’idée consiste à étudier des couples protéiques issus
respectivement de l’agresseur bactérien et de son
tale, respectivement fusionnées à des fluorophores CFP
(Cyan Fluorescent Protein) et YFP (Yellow Fluorescent
Protein). La technique de FLIM permet de détecter des
transferts d’énergie entre les 2 fluorophores lorsque
ceux-ci sont fusionnés à 2 molécules qui interagissent
entre elles.
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hôte végétal (autrement dit, le missile et sa cible). En
étroite collaboration avec la plateforme Microscopie
et imagerie cellulaire de l'IFR40, on a démontré
l’existence d’interactions physiques entre différents
partenaires protéiques grâce à la technique de FRETFLIM. Cette technique est basée sur des mesures de
transfert d’énergie entre molécules fluorescentes
fusionnées aux protéines d’intérêt. Elle présente
l’énorme avantage de pouvoir démontrer des
interactions protéines/protéines en préservant
l’intégrité des structures cellulaires d’intérêt et par
conséquent de pouvoir suivre des mouvements
dynamiques de complexes protéiques au niveau
subcellulaire.
Nous sommes loin d’être au bout de nos surprises.
Outre la caractérisation de véritables complexes
protéiques, ces travaux sont en passe de mettre en
lumière des mécanismes moléculaires d’une grande
complexité. Ces avancées sont déterminantes pour la
compréhension des événements de perception plantesagent pathogènes qui conditionnent l'activation de la
réponse immunitaire végétale.
Pour en savoir plus : Froidure et al (2010) Proc.
Natl. Acad. Sci. 107, 15281-15286; Tasset et al
(2010) Plos Pathog. (sous presse).
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Imagerie
moléculaire
La morphogenèse
en temps réel
Si la génomique découvre l’ensemble des macromolécules du vivant, un enjeu
majeur est de comprendre comment elles s’assemblent pour former des
structures tridimensionnelles organisées. Les avancées de l’imagerie
permettent maintenant d’analyser en temps réel les changements de forme
des cellules vivantes pour élucider les mécanismes impliqués.
>>> Equipe morphogenèse et signalisation
cellulaires, au Centre de Biologie du
Développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS).
De gauche à droite au premier plan : Serge
PLAZA, Hélène CHANUT, Delphine MENORET,
François PAYRE, au deuxième plan : Pierre
FERRER, Yvan LATAPIE, Philippe VALENTI,
dOSSIER
Ahmad ALSAWADI, Emilie BENRABAH.
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Devenir adulte pour des cellules ou des tissus, consiste à
acquérir une forme spécifique nécessaire à leurs
fonctions dans l’organisme. Les cellules présentent ainsi
une grande diversité d’organisation tridimensionnelle.
L’altération de leur forme provoque même des maladies
génétiques (surdités, déficiences visuelles et neurales).
Les mécanismes responsables de la morphogenèse
restent cependant très mal connus aujourd’hui. En effet
les techniques d’observation nécessitaient jusqu’à
récemment de travailler sur des tissus fixés, ne
permettant pas d’analyser la dynamique de la
morphogenèse. La combinaison d’avancées scientifiques
et techniques ouvre aujourd’hui la porte de l’analyse
fonctionnelle des cellules vivantes par imagerie
fluorescente à haute résolution spatiale et
temporelle (5D).
La meduse
La fin du 20ème siècle a révolutionné la conception des
microscopes. Plus que l’illumination (lasers), les caméras
numériques et leur pilotage par ordinateur, c’est bien
la découverte d’une protéine fluorescente chez la méduse
(Green Fluorescent Protein ou GFP) qui a levé le verrou
de l’analyse de cellules vivantes. Grâce à la génétique
moléculaire, il est devenu possible de fusionner une
protéine d’intérêt avec des dérivés de la GFP pour suivre
sa distribution dynamique dans les cellules vivantes et
ainsi d’explorer sa fonction.
Division cellulaire
On peut par exemple suivre ainsi la division des cellules,
via une série stéréotypée de changements de leur forme
pour la séparation des cellules filles. Mais le mode de
contrôle de cette réorganisation tridimensionnelle restait
inconnu. En analysant la dynamique du « squelette »
des cellules vivantes normales, ou en absence de
différents facteurs, notre équipe du Centre de Biologie
du Développement a découvert l’importance des
protéines Ezrin, Radixin, Moesin (ERM) pour contrôler
la forme des cellules et la répartition des chromosomes
au cours de leur division. La fonction des ERM nécessite
un contrôle localisé de leur activité et l’équipe développe
des approches à large échelle dans les cellules vivantes
pour identifier ces régulateurs et leur fonction.
>>> Macrophages vivants en cours de migration dans
l’embryon de drosophile. Les filaments d’actine sont
observés par une fusion GFP, révélant l’impact de
l’absence de la Fascin (à droite) sur l’organisation
polarisée des cellules. © J. Zanet
Migration des cellules dans l’organisme
La morphogenèse embryonnaire nécessite aussi la
migration de certaines cellules, qui se déplacent sur les
autres tissus attirées par des gradients moléculaires.
Comprendre ces mécanismes nécessite donc leur analyse
directement au sein de l’embryon. Là encore, la
combinaison de protéines fluorescentes, d’imagerie
confocale vitale et de la génétique nous a permis
d’identifier la Fascin comme un régulateur clé de la
forme des cellules en migration dans l’embryon. Cette
protéine relie entre eux des filaments d’actine, pour
former de véritables câbles qui soutiennent
l’organisation polarisée des cellules en migration. En
absence de Fascin, les cellules perdent leur forme
spécifique et sont incapables de migrer.
Les protéines ERM et Fascin sont dérégulées dans de
nombreux cancers où elles favorisent la formation et
l’agressivité des métastases. Comprendre leur
dynamique chez des organismes modèles aidera à mieux
cerner leur impact pathologique. L’évolution constante
des approches d’imagerie vitale à l’Université Paul
Sabatier permettra encore de nouvelles avancées
fondamentales en lien direct avec la santé.
Pour en savoir plus : Carreno et al, 2008, Journal of
Cell Biology, 2009 Aug; 136(15):2557-65; Zanet et al,
2009, Development, 2008 Feb 25;180(4):739-46.
Contacts : [email protected] et [email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20
Imagerie
moléculaire
Imagerie de Fluorescence
du Petit Animal
L'Imagerie de fluorescence du petit animal permet d'observer le
comportement cellulaire à l'intérieur d'un animal vivant. Très instructif, et
particulièrement éthique...
Cette technologie a l’avantage de permettre de
respecter la règle des 3 R (Réduction, Raffinement,
Remplacement), règle édictée pour limiter l’usage des
animaux de laboratoire. En effet, le suivi dans le
temps (sur plusieurs mois) peut être effectué sur un
même animal sans le sacrifier. La réduction du
nombre d’animaux nécessaire pour des données
statistiques fiables est un élément économiquement et
sociétalement positif.
>>> Aurélie PAGANIN-GIOANNI, chercheur
post doctorant, Elisabeth BELLARD,
Ingénieur d’études CNRS, Muriel GOLZIO,
chargée de recherche CNRS et
Justin TEISSIÉ, directeur de recherche
CNRS, chercheurs à l’Institut de
Pharmacologie et de Biologie Structurale
(IPBS, unité mixte UPS/CNRS).
L'imagerie optique par fluorescence consiste à
visualiser ce que l'on cherche à observer grâce à des
molécules injectées à l'animal simplement anesthésié.
Ces molécules sont couplées à un marqueur
fluorescent qui va se lier aux cibles et émettre de la
lumière. La principale difficulté à surmonter pour
pouvoir observer à l'intérieur des organismes sans les
ouvrir est la propagation de la lumière dans les
tissus. Ce sont en effet des milieux inhomogènes et
turbides, qui dévient les faisceaux incidents et
transmis et altérent la détection du signal lumineux
émis. Pour surmonter cette difficulté, il faut
introduire des corrections pour tenir compte de
l’absorption, la diffusion, la réflexion et la réfraction
des photons. Pour tenir compte de ces différents
paramètres, la fenêtre optique optimale se situe dans
le proche infra-rouge, entre 600 et 1000 nm.
Corps entier
La plateforme intègre donc des avancées technologiques
(illuminateurs puissants -lasers, LED-, caméras ultrasensibles –EmCCD-) pour augmenter considérablement la
sensibilité de détection et la résolution spatio-temporelle.
L’imagerie spectrale a été choisie pour éliminer
l’autofluorescence. Les études ont lieu sur un
« macroscope » Leica ou des dispositifs corps entier.
Il est alors possible de repérer les zones d’expression
(par exemple lors de la progression métastatique) de
tumeurs fluorescentes sur l’animal. Il est espéré ainsi
dans le futur le ciblage visuel des zones tumorales
lors de l’acte chirurgical.
>>> Organisation des vaisseaux tumoraux de
mélanomes B16 : visualisation par « macroscopie
intravitale ». L’injection d’une molécule fluorescente
rouge (dextran rhodamine) permet la visualisation
directe de l’organisation complexe des vaisseaux
dans le contexte tumoral.
La peau constitue une limite dans la résolution spatiale.
Un saut technologique est de travailler en mode
intravital où une légère chirurgie permet d’avoir une
vision directe de l’organe cible ou d’implanter une fenêtre
à la place de la peau. La détection se fait sur l’animal
anesthésié placé sous sur la platine du macroscope
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(champ large), du microscope biphotonique ou d’un
microscope dédié avec enregistrement vidéo. L’avantage
majeur est que la peau n’est plus présente dans le trajet
optique d’où l’absence des phénomènes d’absorption, de
réflexion et d’autofluorescence. La résolution à l’échelle
cellulaire est accessible grâce à l’imagerie multiphotonique
qui permet de résoudre spatialement des signaux
lumineux émis plus en profondeur car elle utilise des
longueurs d’onde d’excitation dans le proche IR qui
pénètrent davantage les tissus L’excitation se trouve
limitée à un volume restreint, où se focalise le faisceau.
Cette technique permet d’atteindre une profondeur de
200 à 600 µm. Des images tridimensionnelles de très
haute résolution sont acquises. Il en résulte l’élimination
de la fluorescence hors du plan focal, une zone
d’excitation diminuée, moins de photo-dégradation et de
photo-toxicité.
Plateforme ONIPA
La plateforme d’imagerie baptisée ONIPA (imagerie
optique non invasive du petit animal) est au service
de toute la communauté scientifique. De nombreux
projets collaboratifs sont en cours, tels l’imagerie de
la progression métastatique du cancer de la prostate
avec Olivier Cuvillier et Bernard Malavaud. La
microscopie biphotonique permet d’observer
l’organisation des cellules cancéreuses exprimant
constitutivement la GFP (une protéine fluorescente
verte) et celle des vaisseaux tumoraux. Il est possible
de détecter les vaisseaux suite à l’injection d’un
dextran rhodamine (fluorescence rouge) dans
l’animal. Les images numériques peuvent alors être
analysées par traitement numérique pour déterminer
la perméabilité (via Labview) et la densité vasculaire.
Leur évolution temporelle fournit l’information sur la
dynamique des processus impliqués. On peut par
exemple observer la modification des flux sanguins
(vascular lock) induite par un traitement physique
des tumeurs (électro chimiothérapie). L’imagerie
permet un suivi quantitatif de l’évolution de la
perméabilité membranaire des vaisseaux et de
confirmer le piégeage des principes actifs injectés,
support de la haute efficacité du traitement.
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Imagerie
moléculaire
L’imagerie à feuille de lumière pour
accéder à la troisième dimension
Un des challenges de l’imagerie optique en biologie est de visualiser en trois
dimensions des structures biologiques et des organismes sans perturber leur
développement. Un nouvel instrument, le SPIM, basé sur la microscopie à
feuille de lumière, la fluorescence et des possibilités d'acquisition en vues
multiples ouvre de nouvelles perspectives.
>>> Valérie LOBJOIS, Chercheuse et Corinne
LORENZO, Ingénieure, travaillant à l’UMS3039ITAV, unité mixte de service UPS/CNRS/INSA).
Le principe de la microscopie à feuille de lumière
consiste à réaliser des coupes optiques d’un
échantillon en l’illuminant par le côté avec une feuille
de lumière. Le SPIM (Selective Plane Illumination
Microscope), est un microscope inventé à l’EMBL
(Heidelberg) par Ernst Stelzer et son équipe dans
lequel la feuille de lumière est obtenue par la mise en
forme d’un faisceau laser avec une lentille cylindrique.
La feuille de lumière est positionnée dans le plan
focal de la lentille d’un objectif de détection placé
perpendiculairement au trajet d’excitation. Du fait
de la dissociation des trajets optiques d’excitation et
d’émission (ou d’imagerie), l’ensemble du plan
optique est éclairé, mais pas les autres plans du
spécimen. Il n’y a donc pas d’émission de lumière hors
du plan focal et l’image de ce plan est acquise dans sa
globalité, et non pas après un balayage progressif, ce
qui permet, d’une part, d’obtenir des images avec une
excellente résolution axiale et, d’autre part, de
diminuer grandement le temps d’exposition à la
lumière, réduisant du même coup les risques de
phototoxicité au sein de l’échantillon. Une autre
caractéristique spécifique du SPIM est que
l’échantillon peut être tourné sur lui-même de 360°
permettant ainsi des acquisitions sous plusieurs
angles de vues. La fusion de ces différentes vues
permet une visualisation en 3D de l’échantillon avec
une résolution quasi isotrope.
Echantillons épais
Il n’existe pas à l’heure actuelle de microscope SPIM
commercial. Face à la nécessité d’une stratégie
d’imagerie adaptée à des échantillons épais, nous
avons développé un prototype SPIM aujourd'hui
à la disposition de la communauté scientifique.
Ce développement s’est appuyé sur des compétences
multidisciplinaires associant en particulier des
biologistes cellulaires spécialistes d'imagerie
(ITAV/LBCMCP, Bernard Ducommun), des
mathématiciens de l'IMT (Jérôme Fahrenbach,
Pierre Weiss) et des informaticiens de l’IRIT (Denis
Kouamé). Au niveau international, une communauté
scientifique s’est développée autour de la microscopie
à feuille de lumière dans le but de partager les
avancées de chacun et de promouvoir cette
microscopie émergente.
Microscopie émergente
Cette microscopie émergente fait aujourd'hui l'objet
d'un intérêt majeur car elle représente une solution
originale parmi l’ensemble des techniques d’imagerie
existantes, permettant de répondre à des questions
jusque-là inexplorables du fait de l’absence de
technologies adaptées. Le SPIM est particulièrement
adapté pour l’imagerie en profondeur d’échantillons
de quelques dizaines de micromètres à quelques
millimètres, fixés ou vivants. Des domaines aussi
variés que la biologie cellulaire (figure a), la biologie
du développement (figure e-f), la biologie marine, la
biologie végétale (figure b ; d), et l’ingénierie tissulaire
sont concernés, comme le montre la galerie d'images
originales acquises avec le prototype SPIM accessible
sur la plate-forme d’imagerie de l’ITAV.
>>> Images de différents organismes modèles acquises sur le
SPIM. Objectif d’illumination 10X NA 0.25, objectif de détection
10X physiologique NA 0.3, Ïex 532 nm, Ïem 560 nm. (a)
Sphéroïdes Capan2-DsRed, (b) Racine d’Arabidopsis thaliana,
(c) Neurofilaments embryon de souris, (d) Méristème
d’Arabidopsis thaliana, (e-f) embryon de Zebrafish.
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Echelle 100 µm.
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Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20
Imagerie
moléculaire
Lumières
sur le calcium
L’ion calcium contrôle de nombreux processus d’activation cellulaire,
notamment lors du développement de l’embryon. Un rôle mis en lumière par
l’imagerie dynamique dans l’équipe de Marc Moreau du Centre de Biologie du
développement, en particulier lors de la formation du système nerveux
(neurogenèse) ou lors du développement du rein (néphrogenèse).
Le crapaud sud-africain, ou xenope, est une star de
laboratoire. C'est chez lui que l'équipe de Marc
Moreau étudie le rôle du calcium dans le
développement. Au coeur du dispositif : l’imagerie
dynamique qui a permis de visualiser en temps réel les
mouvements de calcium dans les cellules de l’embryon
de xénope. Cette technique d’imagerie originale
permet de compter les photons émis par une sonde
luminescente sensible au calcium et de les visualiser de
manière dynamique, c'est-à-dire de mesurer dans le
temps et l’espace, in vivo, les mouvements de calcium
dans une cellule.
>>> Marc MOREAU, directeur de recherche CNRS
et Catherine LECLERC, chargée de recherche CNRS,
chercheurs au Centre de biologie du
développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS).
Ouverture de canaux
Cette imagerie dynamique a permis de mettre en
évidence que, dans une zone déterminée de l’embryon,
certaines cellules présentent spontanément des
augmentations transitoires de calcium intracellulaire.
Ces augmentations de calcium sont modulées dans le
temps et dans l’espace et correspondent à l’ouverture
de canaux calciques membranaires spécifiques. Ces
événements élémentaires très précoces vont ensuite à
plus long terme contrôler la transcription de gènes
spécifiques, en particulier orienter de manière
irréversible la destinée des cellules dans une voie de
différenciation précise. Ainsi nous avons pu déchiffrer
les voies de signalisation dépendante du calcium qui
sont impliquées dans les phénomènes précoces à
l’origine du l’origine du système nerveux de l’embryon
ou de la mise en place du rein.
Allergies
Les éléments impliqués dans la signalisation calcique
constituent aussi un gisement potentiel de cibles
thérapeutiques dans de
nombreuses pathologies. En
effet, les caractéristiques d’un
signal calcium (signature
>>> Visualisation dans un lymphocyte Th 2 des mouvements de calcium à travers
des canaux unitaires mesurés par ondes évanescentes (TIRFM). Dans cette repré- calcique) en réponse à un
sentation la concentration en calcium passant à travers un canal unique est codée stimulus donné sont modifiées
en fausse couleur, le bleu correspond à de faible concentration, le rouge aux lorsque l’on compare une
concentrations les plus fortes. Les cellules ont été stimulées par un antigène se
cellule normale et une cellule
liant à un récepteur sur la membrane du lymphocyte.
pathologique. La modification
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de cette signature calcium par des agents
pharmacologiques permettrait de passer d’un état
pathologique à un état normal.
Cet aspect finalisé est illustré par une collaboration
fructueuse avec l’équipe de Lucette Pelletier du Centre
de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP, unité
mixte UPS/Inserm). Ce travail a montré notamment
que la signalisation calcique joue un rôle prédominant
dans l’activation et la différenciation des lymphocytes
T. Parmi ces lymphocytes la population Th2 est
responsable de manifestations allergiques dont la
fréquence ne cesse de croître dans nos pays. Cette
collaboration a permis d’identifier des canaux
calciques spécifiquement exprimés dans les LTh2 et
jouant un rôle déterminant dans leurs fonctions.
Ondes évanescentes
Il est pratiquement impossible d’étudier le
fonctionnement de ces canaux par des techniques
électrophysiologiques classiques. Une nouvelle
technique d’imagerie optique a donc été développée,
qui permet de voir fonctionner ces canaux : la TIRFM
ou « Total, Internal Reflection Fluorescence
Microscopy ». Cette technique permet d’imager un
canal calcique unitaire (c’est-à-dire une protéine) par
utilisation d’ondes évanescentes sur des cellules
préalablement chargées avec une sonde fluorescente
sensible au calcium. Cette méthodologie est peu
invasive et permet d’enregistrer en temps réel l’activité
de plusieurs centaines de canaux simultanément avec
une grande résolution temporelle. De plus nous
pouvons cartographier la distribution des canaux
fonctionnels à la surface de la membrane et cette
technique est applicable pour effectuer du screening
à haut débit.
Contact : [email protected]
Imagerie
moléculaire
L’expression des gênes
sous le microscope
Un des enjeux actuels de la biologie est de replacer dans leur contexte
cellulaire des processus élucidés par les outils de la biologie moléculaire pour
en comprendre l’organisation spatiale. Faire correspondre ces deux échelles de
description structurale du vivant, moléculaire et cellulaire, est un défi en passe
d’être relevé.
>>> Isabelle LÉGER-SILVESTRE, maître de
conférences UPS, Olivier GADAL, chargé de
recherche CNRS, , Pierre-Emmanuel GLEIZES,
professeur UPS, Célia PLISSON-CHASTANG,
chargée de recherche CNRS et Franck DELAVOIE,
maître de conférences UPS, tous au Laboratoire
de Biologie Moléculaire Eucaryote, (LBME,
unité mixte UPS/CNRS).
Les développements des microscopies et des
techniques de détection moléculaire in situ ont permis
de mettre en relation l’organisation des
compartiments cellulaires avec leurs fonctions.
Parallèlement, la structure de nombreuses
macromolécules isolées a pu être déterminée à l’échelle
atomique grâce à la cristallographie aux rayons X ou
à la RMN. Les développements récents de la
tomographie en microscopie électronique à
transmission (MET) permettent désormais de décrire
la cellule en trois dimensions à l’échelle du nanomètre
et d'y détecter directement des structures
macromoléculaires. L’image obtenue est encore plus
proche de la réalité lorsque l'échantillon est préparé
par congélation ultra-rapide et observé dans de la
glace vitreuse par cryomicroscopie électronique (cryoMET), une méthode de choix pour étudier la structure
de cellules ou de complexes macromoléculaires isolés.
Production des ribosomes
Ces techniques avancées, implantées récemment sur le
plateau de microscopie électronique de l’IFR109, sont
utilisées au LBME pour comprendre de manière plus
intégrée la production des ribosomes. Ces machines
moléculaires formées d’ARN et de protéines catalysent
chez tous les êtres vivants la synthèse des protéines.
Leur production est un processus extrêmement
complexe qui débute par la production de leur
composant ARN à partir des gènes ribosomiques.
Isolé du noyau par étalement de la chromatine, un
gène ribosomique peut être visualisé par MET sous
l’aspect d’un « arbre de Noël » (Figure A) dont
chaque branche correspond à un
ribosome en cours de synthèse. Dans
une cellule, ces gènes sont répétés et
rassemblés de manière compacte dans
un domaine nucléaire, le nucléole, dont
la morphologie reflète l’état de la
production des ribosomes (Figure B).
L’analyse par tomographie électronique
>>> Des molécules isolées à l’organisation cellulaire : comment détecter un de ces structures, actuellement en
gène ribosomique en cours de transcription (observé sur un étalement de cours, devrait permettre de combler le
chromatine en A) ou reconnaître la structure moléculaire des particules ribosomanque de connaissance sur
miques (C) dans le noyau d’une levure (B)?
l’organisation de la chromatine
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nucléolaire à une échelle intermédiaire entre la
molécule isolée et l’ultrastructure du nucléole. Lors de
sa synthèse, l’ARN se replie et s’assemble avec des
protéines. Déterminer la structure tridimensionnelle
de ces particules ribosomiques en formation (préribosomes) pour en comprendre les mécanismes
d’assemblage et de transport vers le cytoplasme
requiert l’analyse de milliers d’images de ces
particules isolées et observées dans de la glace vitreuse
par cryo-MET. En couplant la détermination de ces
structures à la tomographie électronique des cellules,
il devrait être possible dans un deuxième temps de
localiser les pré-ribosomes dans le volume cellulaire
directement par reconnaissance de forme et
comprendre d’une manière beaucoup plus précise
l’organisation spatiale des mécanismes de synthèse des
ribosomes (Figure C). L’ensemble de ces
développements est rendu possible tant par
l’automatisation des procédures d’acquisition des
images en MET que par la possibilité d’appliquer des
techniques d’analyse d’images très gourmandes en
calculs.
Suivi dynamique
A côté de ces progrès spectaculaires dans la
description structurale du vivant en MET, des
avancées tout aussi importantes sur le suivi
dynamique des complexes macromoléculaires in situ
sont faites grâce à la microscopie de fluorescence
(MF) sur cellules vivantes. Développer la microscopie
corrélative (visualisation des mêmes structures en
MET et MF) représente un autre niveau d’intégration
d’échelles d’étude. La combinaison des informations
complémentaires (dynamiques, analytiques,
structurales) apportées par ces modes d’imagerie à
différentes échelles nous offre la perspective
d’appréhender de façon beaucoup plus directe la
complexité de la formation et de la fonction de
macromolécules comme les ribosomes.
Contacts : [email protected], [email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20
Imagerie
moléculaire
La synapse immunologique au cœur
de la pathologie tumorale humaine
De nouvelles techniques d'imagerie installées à Purpan sur le site de l’ Institut
Fédératif de Recherche Bio-Médicale de Toulouse (IFR 150) dévoilent les liens
mortels qui se tissent entre certaines cellules du système immunitaire et leur
cible, des cellules cancéreuses.
>>>Salvatore VALITUTTI, Directeur de recherche
INSERM, Centre de physiopathologie de Toulouse
Purpan (CPTP, unité mixte UPS/Inserm).
Notre équipe a récemment lancé un programme de
recherche faisant appel à différentes techniques
d'imagerie pour disséquer l'interaction des cellules
du système immunitaire avec certaines cellules
cancéreuses. Entre les lymphocytes T humains et
les cellules présentatrices d'antigènes se forme une
synapse immunologique. Une synapse à laquelle
l’équipe s’intéresse de longue date en utilisant des
approches morphologiques in vitro. Au regard des
études in vivo sur des modèles animaux, l'utilisation
de cellules humaines in vitro présente l'avantage
d’employer des réactifs et des approches qui peuvent
être transférées directement à la recherche clinique.
Cependant, cette approche présente la limitation
évidente de simplifier le scénario d'une réponse
immunitaire physiologique basée sur des interactions
cellulaires multiples et hétérogènes.
C’est pour contourner cette limitation que l'équipe a
récemment mis en place de nouvelles approches
expérimentales pour étudier l'activation des cellules T
humaines dans un contexte plus proche de la
physiopathologie.
Interactions en temps réel
Grâce à l'utilisation d'un microscope confocal et
d'un microscope bi-photonique, l'équipe progresse
actuellement sur la caractérisation des types
cellulaires, de la localisation en trois dimensions et de
l'état d'activation des cellules immunitaires infiltrant
les tissus humains. En outre, la migration de cellules T
et leur interaction avec des APC (cellules
présentatrices d’antigènes) spécifiques est observée
en temps réel, dans des explants de tissu vivant,
en utilisant la microscopie à deux photons en
environnement contrôlé permettant le maintien des
explants tissulaires dans des conditions de survie
prolongées.
>>> Synapse immunologique formée entre
un lymphocyte T cytotoxique et une cellule cible
infectée par un virus (rouge). Le lymphocyte T
cytotoxique polarise son cytosquelette de tubuline
(vert) et ses granules lytiques (bleu) vers la cible
pour la tuer.
Ces approches sont utilisées pour étudier la
progression des maladies néoplasiques telles que les
lymphomes et les mélanomes, en collaboration avec
des cliniciens du département de pathologie du CHU
Purpan (professeur Pierre Brousset) et du
Département d'hématologie du CHU Purpan
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(professeur Guy Laurent) ainsi que dans les
départements de dermatologie et d’oncologie
à Toulouse.
Visualisation en profondeur
La microscopie bi-photonique permet ainsi la
visualisation en profondeur dans les tissus, en trois
dimensions et en multicouleur, ainsi que la
quantification de détails morphologiques. Cette
technologie est rarement appliquée à la pathologie
humaine, puisque les tissus pathologiques sont
classiquement étudiés en utilisant
l’immunohistochimie ou des techniques de
« micro-array ». L'application de la microscopie à
deux photons à la pathologie humaine a plusieurs
avantages sur les techniques classiques, car elle
permet d’observer en 3D le site de contact entre les
cellules du système immunitaire et les cellules de la
tumeur et de mieux définir les réarrangements
moléculaires survenant lors de ces contacts cellulaires.
La collaboration entre les ingénieurs du plateau
technique d’imagerie cellulaire, les équipes de
recherche et les cliniciens du CHU Purpan permettra
dans un proche avenir, de corréler les résultats
morphologiques détaillés avec le pronostic des
pathologies associées.
Le projet n’en est encore qu’à son début, mais les
résultats attendus devraient avoir un impact
important dans la compréhension des mécanismes
sous-jacents de la surveillance immunitaire dans les
maladies néoplasiques. De façon plus générale, ils
pourront contribuer à développer de nouveaux outils
et savoir-faire pour appréhender la pathologie
humaine à l’aide d’outils techniques de haute
résolution morphologique.
Contact : [email protected]
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