Chapitre IV Les différents modèles développés dans ce chapitre ont pour objectif de modéliser le comportement non linéaire et hystérétique sous haut niveau de sollicitations mécaniques et électriques des céramiques piézoélectriques. Aujourd’hui il est intéressant d’avoir un modèle plus général intégrant les évolutions de la permittivité εr, du coefficient piézoélectrique d33 et des pertes associées avec la contrainte mécanique, le champ électrique et la température. L’hystérésis de ces céramiques a été modélisée de deux façons différentes. Le premier modèle, basé sur la théorie libre de Landau Devonshire, est limité notamment lorsque la céramique est soumise à une contrainte mécanique tandis que le second est construit à partir d’éléments non linéaires. Les résultats théoriques sont comparés aux résultats expérimentaux obtenus sur différents matériaux et plus particulièrement sur le matériau dopé avec 1% de manganèse et de fluor. Table des matières du Chapitre IV IV.1. Introduction 139 IV.2. Modélisation basée sur la théorie de Landau Devonshire 139 IV.2.1. Modélisation sans dissipation d’énergie 140 IV.2.2. Modélisation avec dissipation d’énergie 143 IV.2.3. Limites du modèle basé sur la théorie de l’énergie libre de Landau - Devonshire IV.3. 148 Modélisation de l’hystérésis par un élément non linéaire type « frottement sec » 149 IV.3.1. Principe de l’analogie ressort/frottement sec et simulation sous champ électrique 150 IV.3.1.a. Principe de l’analogie ressort/frottement sec 150 IV.3.1.b. Modélisation sous champ électrique 152 IV.3.2. Elément de base du modèle 155 IV.3.3 calcul de la polarisation 158 IV.3.4. Influence de la contrainte 160 IV.3.5. Relation entre les coefficients d33, ε33 et la déformation S 162 IV.3.7. Modélisation du comportement des céramiques sous fortes sollicitations extérieures 166 IV.3.7.a. Modélisation sous champ électrique 167 IV.3.7.b. Modélisation sous contrainte mécanique 174 IV.3.7.c. Modélisation des cycles d’hystérésis sous contrainte mécanique 177 IV.4 Conclusion 178 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures IV.1. Introduction Les céramiques piézoélectriques sont massivement utilisées dans de nombreux actionneurs piézoélectriques. A bas niveau de champ électrique et de contrainte, le comportement de ces actionneurs est décrit par les équations constitutives de la piézoélectricité [22]. Pour des sollicitations plus élevées, une extension des équations constitutives au second ordre permet de rendre partiellement compte des effets non linéaires observés sur les transducteurs de puissance [29,38,1]. Cependant ces équations ne peuvent pas être utilisées pour décrire le comportement hystérétique qui apparaît sous fortes sollicitations mécaniques et électriques. Les effets d’hystérésis sont particulièrement néfastes pour certains actionneurs fortement sollicités car ils induisent une évolution irréversible des performances. De nombreux modèles sont proposés dans la littérature pour interpréter le comportement hystérétique des matériaux [2, 3, 4]. Nous développerons dans un premier temps un modèle basé sur la théorie de l’énergie libre de Landau Devonshire puis nous proposerons un modèle plus général, basé également sur des éléments non linéaires, permettant de modéliser les effets d’hystérésis en champ électrique et en contrainte. IV.2. Modélisation basée sur la théorie de Landau Devonshire Ce modèle est basé sur la théorie phénoménologique de Landau – Devonshire qui vise à décrire les transitions ordre – désordre de façon générale, en ignorant les spécificités du système particulier considéré [5, 6]. Cette théorie a été appliquée pour la première fois par Devonshire sur les titanates de baryum. On s’intéresse dans un premier temps au comportement ferroélectrique seul puis nous introduirons une dissipation d’énergie lors de la polarisation. Ce terme de dissipation apparaît lorsqu’on associe en série le ferroélectrique parfait avec une impédance (Figure IV.1). Généralement on prend la structure en parallèle pour les céramiques piézoélectriques mais cette structure ne permet pas d’expliquer le non-retournement de la polarisation observé sur certaines céramiques. Le champ électrique sur le ferroélectrique parfait étant fixé, il faut donc utiliser la structure en série. Pour modéliser cette dissipation 139 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures d’énergie, nous introduisons un terme 2 dP qui prend en compte la variation de la dt polarisation avec le champ électrique. Figure IV.1 : Schéma du modèle IV.2.1. Modélisation sans dissipation d’énergie Un solide cristallin peut être caractérisé thermodynamiquement par son énergie interne U. L’énergie libre F peut s’exprimer en fonction de l’énergie interne U de la manière suivante : F = U - TS -σε T : température S : entropie σ : contrainte ε : déformation D’après la théorie de Landau – Devonshire, la différentielle de l’énergie interne U d’un solide cristallin en fonction des grandeurs mécaniques et électriques peut s’écrire : dU = TdS + EdP+ σdε où E est le champ électrique et P représente la polarisation. On peut également exprimer dF (différentielle de l’énergie libre) à partir de l’énergie libre de Helmholtz (F = U –TS) et de la différentielle de l’énergie interne. La différentielle de l’énergie libre peut alors s’écrire sous la forme : dF=-SdT+EdP+0G1 140 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 141 On peut considérer que les effets associés à la transition dépendent essentiellement de la polarisation. On développe donc l’énergie libre (transition du deuxième ordre) en puissance de P au voisinage de la température de transition θc. Cette énergie libre de la céramique ferroélectrique, déterminée à contrainte constante, dépend de la température et de la polarisation. On a donc la relation suivante : AP 2 BP 4 F(P, )0 2 4 (IV.1) A et B sont des variables qui dépendent que de la température. Cette fonction (Figure IV.2) présente deux minima qui correspondent aux états énergiquement stables de la polarisation. En effet la stabilité est imposée par ∂2F >> 0 . ∂P 2 Il faut choisir A = a(θ - θc) avec a > 0 et B > 0 pour que la solution pour θ < θc soit P ≠ 0. L’équation devient : F(P, )0 a( c 3 2 BP 4 2 4 (IV.2) avec θ : température de travail θc : température de transition Figure IV.2 : Evolution de l’énergie de Landau Devonshire en fonction de la polarisation Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 142 Etant donné que le champ électrique dérive de l’énergie libre on peut donc écrire : E= ∂F = a( c 3E3 3 ∂P (IV.3) La polarisation rémanente ± Pr est déduite de l’énergie libre de la céramique. Elle correspond aux minima de la fonction F(P,θ) à E = 0. La polarisation rémanente est donc solution de l’équation a(c 3E33 = 0 . Les solutions sont donc : Pr = 0 Pr = ± (matériau non polaire) a( c B Le champ coercitif correspond quant à lui à Ec = 2 3 3 [a(c ] × (matériau ferroélectrique) ∂P → ∞ pour E → E c soit ∂E 3/2 b1/2 . En posant α = a(θ – θc) on a Pr = ± .1/2 .3/2 et E = × c 1/2 b1/2 3 3 b L’équation IV.3 peut alors s’écrire sous la forme suivante : E= P2 3 3 P × × E c × 2 -1 2 Pr Pr (IV.4) En tenant compte des constantes (Pr et Ec ) définies précédemment, la polarisation peut être tracée en fonction du champ électrique en utilisant l’équation IV.4 (Figure IV.3). Dans la région (b – e), représentée en trait pointillé, la valeur de ε serait négative car ∂P <0 . Ceci n’a pas de sens physique (ε<0) et la condition de stabilité ∂E n’est plus respectée. Conséquemment la polarisation ne suit pas ce chemin mais pour une certaine valeur de champ électrique elle passe directement (saut de polarisation) de b à c et de e à f. En posant Pr = 0,5 C/m2, Ec = 0,8 MV/m et Emax = ± 3 MV/m, on obtient alors un cycle d’hystérésis semblable à celui des matériaux ferroélectriques (Figure IV.4). Cependant la première polarisation n’est pas incluse dans le modèle présenté. Ce cycle d’hystérésis est simulé à l’aide du logiciel MATLAB (version 5.3). Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.3 Evolution de la polarisation en fonction du champ électrique appliqué : la polarisation décrit le cycle (a–f–b–c–d–c–e–f–a), (b – e) région instable Figure IV.4 : Cycle d’hystérésis parfait IV.1.2. Modélisation avec dissipation d’énergie le ferroélectrique parfait est associé en série (cf IV.2) avec une résistance τ qui correspond à une dissipation d’énergie lors de la polarisation. Ce terme de dissipation 143 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 2 ∂P (où τ est la constante de dissipation) est introduit dans l’équation IV.4 qui ∂t devient : E=2 3 3 P P2 ∂P ( c ∂t 2 Pr Pr2 (IV.5) L’analyse de l’équation IV.5 montre que la quantité 2πfτ (f étant la fréquence du champ) va jouer un rôle prépondérant sur la valeur de la polarisation. Pour mettre en évidence ce phénomène, nous avons effectué des simulations numériques pour différentes fréquences et les courbes simulées et expérimentales sont représentées Figure IV.5et IV.6. Pour les basses fréquences 0,1 Hz, le cycle est très symétrique, la valeur du champ coercitif est proche de la valeur initiale (800 V/mm) et la polarisation rémanente est proche de celle du ferroélectrique parfait. Lorsque la fréquence augmente nous observons une augmentation du champ coercitif et de la polarisation rémanente mais le cycle reste symétrique. A partir de quelques dizaines de hertz, on observe un cycle non centré et la polarisation ne se retourne plus. On observe un transitoire sur la polarisation qui oscille autour d’une valeur continue ce qui signe une équation à forte non-linéarité. Ce transitoire non linéaire empêche la polarisation de prendre des valeurs négatives, il devient impossible d’inverser la polarisation par inversion de champ comme observé expérimentalement (Figure IV.7). Le non-retournement de la polarisation est conditionné par la valeur du paramètre 2πfτ. Pour des céramiques douces, la valeur de τ qui est homogène à une résistivité, doit être faible puisqu’on arrive à polariser sur des fréquences relativement élevées. Pour les céramiques dures c’est l’inverse. 144 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.5 : Cycles d’hystérésis simulés en fonction de la fréquence Figure IV.6 : Cycles d’hystérésis expérimentaux obtenus sur un PZT dopé avec 1% de manganèse et de fluor en fonction de la fréquence 145 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.7 : Cycle d’hystérésis sans inversion de polarisation Etant donné que l’analogie physique de l’équation IV.5 est le ferroélectrique parfait en série avec une résistance, il semble intéressant d’observer la polarisation (P), le champ électrique E et le champ électrique sur le ferroélectrique parfait noté Ef en fonction du temps. Dans ce cas E f = E - 2 ∂P ∂t La Figure IV.8 montre l’évolution de E, Ef et P pour différentes fréquences. Pour une fréquence faible le champ Ef aux bornes du ferroélectrique descend nettement en dessous du champ coercitif (Ec = 0,8 MV/m) et donc on peut inverser la polarisation. Si on augmente la fréquence (ou la valeur de τ), le champ sur le ferroélectrique devient très dissymétrique. La valeur minimale de Ef reste inférieure à celle du champ coercitif et par conséquent on ne peut pas retourner la polarisation. A haute fréquence, il devient impossible d’inverser la polarisation par inversion de champ. 146 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.8 : Evolution de E, Ef et P pour différentes fréquences 147 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures En considérant que le modèle est représentatif de la réalité expérimentale, on peut trouver une raison physique au terme de dissipation 2 ∂P . Ce terme de dissipation ∂t d’énergie peut être dû : • à une « viscosité diélectrique » comme dans la polarisation d’orientation. Les polarisations élémentaires (domaines) ne basculent pas toutes en même temps ce qui fait apparaître un retard macroscopique • à une résistance non négligeable au niveau des joints de grains ou des murs de domaines (interface domaine/domaine). En effet le modèle développé ferroélectrique parfait + résistance est équivalent à un enchaînement de grains ou de domaines (Figure IV.9). Figure IV.9 : Enchaînement ferroélectrique parfait + résistance IV.1.3. Limites du modèle basé sur la théorie de l’énergie libre de Landau - Devonshire Ce modèle, basé sur la théorie de l’énergie libre de Landau Devonshire, permet de décrire les cycles d’hystérésis des céramiques piézoélectriques. On montre que le retournement de la polarisation est conditionné par la valeur de la constante de dissipation τ. Les effets de fréquence du cycle sont pris en compte mais ils sont sur estimés. Cependant ce modèle permet difficilement d’obtenir la variation de la polarisation sous contrainte mécanique uniaxiale. Ce modèle étant limité, il est donc nécessaire de développer un modèle plus général pour avoir l’évolution de la polarisation en fonction du champ et de la contrainte et les coefficients associés ε33 et d33. 148 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures IV.3. Modélisation de l’hystérésis par un élément non linéaire type « frottement sec » Pour palier les problèmes exposés précédemment, on se propose de modéliser directement l’évolution macroscopique de la polarisation sous champ électrique et sous contrainte mécanique uniaxiale en utilisant des éléments fortement non-linéaires. Ces éléments sont déterminés à partir des observations expérimentales. La Figure IV.10 montre, comment à partir d’un matériau diélectrique (P = f(E)), on obtient le cycle d’hystérésis d’un matériau ferroélectrique par simple translation de la courbe représentant le comportement du diélectrique. Cependant cette translation dépend du signe de la variation temporelle de P. • Si P >0 • Si P <0 alors P = f(E-Ec) (Ec représente le champ coercitif alors P = f(E+Ec) Pour respecter la physique, l’évolution de la polarisation P = f(E) doit être monotone croissante, passer par zéro et saturer à une valeur non nulle à l’infini. Si on prend à titre d’exemple la dépendance WDQN3=E qui donne l’évolution de la polarisation en fonction du champ électrique d’un diélectrique, l’équation générale de la polarisation du ferroélectrique s’écrit : • WDQN3 + VLJQH (P)=E avec β = Ec. Cette équation est semblable à celle d’un couple ressort/frottement sec de type coulomb l[7], avec l’analogie suivant E = F (force) et P = u (déplacement). Par conséquent, l’idée motrice du modèle est de simuler l’hystérésis à partir d’un élément type « frottement sec ». 149 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.10 : Polarisation ferroélectrique comme translaté d’une polarisation non linéaire saturante IV.1.1. Principe de l’analogie ressort/frottement sec et simulation sous champ électrique IV.1.1.a. Principe de l’analogie ressort/frottement sec L’élément de modélisation est composé d’un frottement sec lui-même avec un ressort de rappel. Le fonctionnement de l’ensemble peut être décrit par le schéma donné Figure IV.11. La force résistive du frottement sec est toujours opposée au mouvement • Si P >0 • Si P <0 rien ne se passe avant E > + WDQN3 rien ne se passe avant E > -WDQN3 Tant que la force F appliquée est insuffisante, l’objet ne se déplace pas. Dès qu’on dépasse la force critique, l’objet se met en mouvement (u ≠ 0) en comprimant le ressort de rappel. Si on ôte alors la force incidente, l’objet s’immobilise dans une position différente de la position initiale. Il reviendra en arrière lorsqu’on appliquera une force qui, ajoutée à la force de rappel (Frappel) du ressort, sera supérieure à la force critique. Le système considéré possède donc une infinité de positions stables. 150 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 151 u=0 Force F F<β u>0 Force F F>β +Frappel Frappel déplacement Force F F>β +Frappel Frappel u>0 Force F F>β -Frappel Frappel Figure IV.11 : Schéma de principe du frottement sec Les équations constitutives d’un tel élément sont les suivantes : • • VLJQ X > ))rappel • • VLJQ X < ))rappel si u >0 si u <0 alors Frappel = F - β alors Frappel = F + β (IV.6) Dans ces inégalités, F est la force appliquée, β représente la force critique, u le déplacement mécanique, la distribution sign renvoie le signe de la fonction entre • parenthèses et u est la vitesse du déplacement mécanique. L’équation IV.6 se résout à partir de la valeur du déplacement obtenue précédemment. La force de rappel est Frappel (u)= A1tan ( .X ) . La Figure IV.12 donne un exemple de cette fonction pour différentes valeurs de A1. On remarque que la vitesse de saturation dépend principalement du coefficient A1. La Figure IV.13 montre le déplacement normalisé u en fonction de la force incidente et on peut voir lors du premier cycle cet effet de saturation sur le déplacement mécanique. Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.12 : Evolution de la fonction tan-1(A1x) pour plusieurs valeurs de A Figure IV.13 : Cycle d’hystérésis d’un « frottement sec » avec saturation IV.1.1.b. Modélisation sous champ électrique Ce modèle donne le déplacement mécanique d’un élément en fonction de la force appliquée. Il reste ensuite à calculer la polarisation à partir de ce déplacement. Par analogie avec le déplacement de l’atome de titane par rapport à l’atome d’oxygène dans la maille perovskite lors de la polarisation, on peut admettre que u correspond au déplacement des charges ioniques (séparation du barycentre des charges positives de celui des charges négatives). Le déplacement de l’atome de titane entraîne un déplacement des atomes de plomb comme le montre la Figure IV.14. Ainsi, si le champ 152 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 153 électrique appliqué est E, la force reçue dans le modèle est F=qE, avec q la charge déplacée par le champ. De même, la polarisation induite sera : P= q.u V (IV.7) Avec q la charge déplacée, u le déplacement effectif et V le volume de l’élément considéré. Figure IV.14 : Déformation de la maille perovskite lors de la polarisation Par observation de la courbe expérimentale de polarisation sous champ électrique, on se rend compte qu’une polarisation induite apparaît même pour de petits champs électriques. On est donc amené à considérer un spectre de couple ressort/frottement sec (Figure IV.15), avec pour certains, de faibles forces critiques β. La distribution de ces forces critiques β est déterminée à partir de la courbe expérimentale (Figure IV.16). Figure IV.15 : représentation schématique des éléments en série Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 154 Figure IV.16 : Densité de probabilité des valeurs de la force critique (β) Dans le cas où l’on considère plusieurs éléments, on a alors : P= ∑P P= q ∑u V élément = ∑ q.u ,la charge q et le volume V étant les mêmes, on a V (IV.8) Le volume V est calculé à partir des données géométriques et q est déterminé à partir des données expérimentales (ici, on a un diamètre = 6,35mm et une longueur = 1mm/1000, car on a 1000 éléments et une céramique de 1mm de hauteur). Pour cela, on suppose que le déplacement des charges ur à la polarisation rémanente est connu. Dans notre cas, on a ∑ur = 3,5x10-6m, Pr = 0,325 C/m² et V = 3,17x10-11m3, d’où q = 2,9495x10-3C. Pour chaque élément, on suppose que q restera constant et que la variation de u déterminera la variation de P. En considérant un grand nombre d’éléments de type « ressort/frottement sec » différents (entre 100 et 1000), on obtient la courbe présentée Figure IV.17. Celle-ci est comparée avec la courbe expérimentale de la céramique dopée avec 1% de manganèse et de fluor. La série de frottements secs permet de rendre compte du cycle d’hystérésis mais pour l’instant le modèle présente une dérivée nulle pour de très faibles sollicitations, donc un coefficient ε33 nul. C’est pourquoi il est nécessaire d’introduire un deuxième ressort en série avec le frottement sec pour modéliser le comportement complet de la céramique. Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.17 : Cycles d’hystérésis simulé et expérimental IV.1.2. Elément de base du modèle Le nouvel élément de base est constitué de deux parties distinctes qui ne jouent pas le même rôle. La première partie (couple ressort/frottement sec) ne décrit que le comportement d’un matériau ferroélectrique sous champ électrique élevé. En effet il faut nécessairement que la force appliquée soit supérieure à la force critique β pour mettre en mouvement le frottement sec. Cette partie ne bouge pas sous de faibles champs électriques et la polarisation reste constante. Cette première partie correspond à ce qui convient d’appeler la partie extrinsèque de la polarisation. Elle peut être assimilée au mouvement des murs de domaine lors du processus de polarisation qui se traduit in fine par une polarisation de la céramique. Le champ électrique aligne préférentiellement dans sa direction la polarisation des domaines. Ce phénomène se traduit par une polarisation rémanente à champ nul. La deuxième partie de l’élément (partie II) qui est définie comme la partie intrinsèque de la polarisation, traduit le comportement linéaire de la céramique. Quel que soit le niveau de sollicitation, on observe une variation de la polarisation. Cet effet peut être vu comme le déplacement réversible des murs de domaines. La séparation partie intrinsèque et extrinsèque est peut être un peu académique et dans la réalité les phénomènes sont faiblement couplés. Néanmoins cette séparation est utile car elle met en évidence deux mécanismes de polarisation très différents. Dans ce cas, la variation de la polarisation du deuxième ressort dépend de l’état de polarisation de la céramique et donc de la partie extrinsèque de la polarisation. 155 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Sans polarisation Avec polarisation Figure IV.18 : Evolution des orientations des domaines ferroélectriques sous l’effet d’un champ électrique La représentation schématique de cet élément est donnée Figure IV.19, où F est la force incidente ou appliquée, βi représente la force critique du frottement sec, δ est le coefficient d’amortissement et Frappel et Fb sont respectivement la force de rappel du frottement sec et celle du deuxième ressort. Le couplage qui relie les deux éléments, est représenté par une boîte noire. L’amortisseur placé en parallèle du couple ressort/frottement sec, joue le même rôle que la résistance t dans le modèle décrit précédemment (ferroélectrique parfait + résistance). Ce terme permet de dissiper de l’énergie et prend en compte la variation du déplacement mécanique avec le champ électrique. Ce terme de dissipation permet de modéliser les effets de fréquence. couplage F ui βi Frappel δ Fb partie II partie I Figure IV.19 : Représentation schématique de l’élément de base Ce schéma mécanique peut également s’interpréter comme un schéma électrique (Figure IV.20). Bien que plus limitée, puisqu’elle n’est applicable qu’à une dimension, l’approche par schéma électrique est néanmoins commune dans la modélisation linéaire 156 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 157 des matériaux piézoélectriques. Les éléments mécaniques placés en série dans l’approche mécanique sont en parallèle dans le schéma électrique. Le frottement sec, le ressort de rappel et l’amortisseur sont remplacés respectivement par la diode, le ferroélectrique et la résistance R1. La partie linéaire (partie II) est constituée d’un ressort R2 et d’une capacité (ε2). Les deux branches sont couplées par l’intermédiaire de la capacité (ε0) ce qui crée ainsi un couplage physique entre les effets intrinsèques et extrinsèques. • R 1 P1 R2 partie I E1 partie II (P2) ε0 E i1 i2 ε2 • Diode E c sign( P1 ) Ferro WDQN31 Figure IV.20 : Schéma électrique Après avoir pris en compte tous les effets, on peut écrire : E - E1 = E1 =E - • • 1 ( P + P 1 2 )dt 00 ∫ P1 P2 00 00 (IV.9) On écrit ensuite les équations dans chaque branche. - dans la branche linéaire (partie II), on a : • 1 1 P1 R 2 P2 + + P2 = E 00 00 02 (IV.10) Comme E, P1 sont connus à t = 0, on peut calculer P2. - dans l’autre branche (partie I) • • R 1 P1 + E csign( P1 ) + γtan(kP1 ) + P1 P =E- 2 00 00 (IV.11) Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 158 Connaissant P2, on peut déterminer ainsi P1 et donc résoudre le système entre P1 et P2. Il nous reste à déterminer les coefficients γ et k. On fait abstraction du couplage • entre les deux branches. Pour des variations très faibles tel que P1 → 0 et après polarisation de la céramique (P1 = Pr), on peut écrire en E =0 : • • γtan(kPr ) = E + E csign( P ) γtan(kPr ) = E c donc γ= si P < 0 (retour vers E = 0 à partir de Emax) alors Ec tan(kPr ) Sous la même hypothèse de variation très lente de P1, on a : tan(kP1 ) = E ± Ec γ On remplace γ par sa valeur et on obtient la relation suivante : E tan(kP1 ) = ± 1 tan(kPr ) Ec donc E kP1 = tan -1 ± 1 tan(kPr ) E c 2 donc k= Quand E → ∞, kP1(E→∞) = 2P1 (∞) La relation IV.11 s’écrit alors : • • R 1 P1 + E csign( P1 ) + 3 3 Ec 3 tan 1 + 1 = E - 2 00 3 2P∞ 0 0 tan r 2P∞ (IV.12) Cette relation est valable pour toute fonction tel que décrite au paragraphe IV.3 IV.1.3. calcul de la polarisation On va maintenant résoudre l’équation IV.12 pour déterminer la polarisation de la partie intrinsèque en fonction champ appliqué. Les valeurs de Pr et P∞ sont obtenues à partir de la courbe expérimentale. Dans le cas général P1 n’a pas ses maxima et minima calés sur les maxima et minima du champ électrique E, il existe toujours un décalage entre la polarisation maximale et le champ maximal. En fait, on a les lois de Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures • 159 • comportement représentées Figure IV.21. On peut écrire R1 P + Ecsign( P ) en fonction • de P . • • • Figure IV.21 : Comportement de R1 P + Ecsign( P ) en fonction P • • Comme R1 P + Ecsign( P ) = E - µ(t) avec µ(t) = 3 Ec tan 1 , on peut 3 2P∞ tan r 2P∞ • alors exprimer le comportement de P en fonction de la somme E – µ(t) qui ressemble à la caractéristique d’une diode zener (Figure IV.22). Nous pouvons remarquer que E - µ(t) correspond à la tension aux bornes de la résistance et de la diode. D’après la Figure IV.22, on voit que le courant est différent de zéro si E - µ(t) > E c ou E - µ(t) < - E c . Quand -E c < E - µ(t) < E c , le courant dans la diode est nul et par conséquent son intégrale P1(t) n’évolue plus et reste constante quel que soit le temps t. Numériquement il suffit d’initialiser P1 (partie extrinsèque) en t = 0 et de déterminer si E - µ(t) > E c ou E - µ(t) < - E c . Comme P1 est connu à l’instant j, on en déduit la valeur de P2 en j+1 grâce à l’équation IV.10. Comme nous l’avons expliqué précédemment (cf IV.3.1.b), une représentation réaliste du comportement des céramiques piézoélectriques nécessite la prise en compte d’un spectre (distribution) de champ coercitif. Dans le cadre de l’approche présentée, il suffit de placer en parallèle les éléments (Figure IV.23). Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.22 : Comportement du courant en fonction de E – δ(t) E élément n°1 élément n°2 élément n E c(1) E c(2) Ec(n) Figure IV.23 : représentation schématique des éléments en parallèle La polarisation globale de la céramique tient compte des deux parties de l’élément de base. Elle est donnée pour n élément par : n P= ∑ (P + P ) 1 2 (IV.13) i=1 IV.1.4. Influence de la contrainte La force appliquée dans le modèle est une force électrique (champ électrique) néanmoins on désire également modéliser les effets de la contrainte mécanique sur les céramiques. Pour prendre en compte ces effets, il faut dans un premier temps connaître la variation de la polarisation avec la contrainte mécanique. Expérimentalement on observe une dépolarisation partielle voire totale de la céramique quel que soit au départ l’orientation de la polarisation. Il est donc raisonnable de penser que τ dépend de la polarisation. La force F excitant le système, est alors définie comme une combinaison d’une force électrique E et d’une force mécanique (γ1τ) qui dépend de la polarisation. Maintenant la force F est donnée par : 160 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures F = E - γ1τP (γ1 est une constante et τ la contrainte) 161 (IV.14) Pour vérifier le bien fondé de notre hypothèse (τ dépend de P), nous allons effectuer le développement limité au premier ordre de l’équation IV.12. Celle-ci va nous permettre de déterminer le signe de γ et de vérifier le sens de variation de la polarisation (∆P) sous contrainte mécanique. Après avoir polarisé la céramique (P = Pr), on attend suffisamment longtemps pour que la polarisation soit stabilisée et on appuie légèrement • et très lentement ( P1 faible et E = 0). On supprime le couplage entre les deux branches et on pose : P = Pr + ∆P L’équation IV.12 devient alors : • 3r + û3 Ec 3r + û3 tan ( cVLJQ 3r + û3 = - γ1τ(Pr + û3 00 3 2P∞ tan r 2P∞ On effectue le développement limité au premier ordre et dans notre cas • sign( û3 VLJQû3 . on obtient alors la relation suivante : Ec + donc Ec π∆P = - γ1τ(Pr + û3( cVLJQû3 3r 2 3r tan 2P∞ cos 2P∞ 2P∞ û3 - γ1τPr - E c - E csign(û3 Ec 1τ 3 3 tan r 2P∞ cos 2 r 2P∞ 2P∞ (IV.15) terme 1 Dans la relation IV.15, le terme 1 noté λ est toujours supérieur à zéro. On pose τ < 0 . Deux cas se présentent : Si γ1 < 0 et en considérant que sign(û3 alors û3 - γ1τPr γ1τ +λ Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Si γ1 > 0 et en considérant que sign(û3 alors û3 162 γ1τPr , cette relation γ1τ +λ peut être négative ou positive. En conclusion, le paramètre γ1 ne peut pas être positif car ceci ne respecte pas la physique. Les effets de la contrainte mécanique et du champ électrique sur la polarisation sont représentés Figure IV.24. Sous champ électrique, la variation de polarisation est positive si le champ est positif et négative si le champ est négatif. Dans le cas de la contrainte, la variation de la polarisation dépend du signe de la polarisation au départ. Si P >0, ∆P sera négatif et si P < 0 alors ∆P sera positif. La dépendance de τ avec P est donc nécessaire et elle montre la différence fondamentale entre le champ électrique (vecteur) et la contrainte mécanique (tenseur). Figure IV.24 : Représentation schématique des effets de contrainte mécanique et du champ électrique sur la polarisation IV.1.5. Relation entre les coefficients d33, ε33 et la déformation S Après avoir introduit les effets du champ et de la contrainte, il nous reste à établir les relations qui existent entre les coefficients d33, ε33, la déformation et la polarisation. En partant de l’équation générale de la partie I du schéma électrique (équation IV.16), on peut calculer les variations infinitésimales de la polarisation avec la contrainte et le champ. • • R 1 P1 + E c sign( P1 ) + , effets de dissipation effet hystérétique 3 Ec ( tan 1 + , , 1 231 3r 2P∞ terme de champ tan électrique couplage 2P∞ avec la contrainte termeélectrostatique (IV.16) Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures On a : dP(2( 163 ∂P ∂P Gτ G( ∂τ E ∂E τ On calcule d’abord ∂P , on obtient l’équation IV.17 ∂τ E ∂P1 ∂P1 Ec R 1 +2 E c δ( P1 ) + + 12 131 ∂τ ∂τ 3r 31 tan 2P∞ cos 2P∞ 2P∞ • • On calcule maintenant (IV.17) ∂P et on obtient l’équation IV.18 ∂E 2 • ∂P1 ∂P1 Ec R 1 +2 E c δ( P1 ) + + 12 ∂E ∂E 3r 31 tan 2P∞ cos 2P∞ 2P∞ • IV.18 En divisant l’équation IV.17 par -γ1P, on peut écrire le système suivant : • -1 P • -1 ∂P1 ∂ 1 [A ] + [B] = 1 avec [A] = R1 +2 Ec δ( P1 ) 13 ∂τ 13 ∂τ • IV.19 ∂P ∂P Ec 1 [A ] + 1 [B] = 1 avec [B] = + 12 ∂E 3 3 ∂E tan r 2P∞ cos 1 2P∞ 2P∞ • • ∂P1 L’équation IV.19 impose : ∂τ ∂P ∂P ∂P = - 131 1 HW 1 131 1 ∂E ∂τ E ∂E E Or comme ∂P1 ∂P = d 33 et 1 ∂τ E ∂E τ = 0 33 , on peut écrire la relation suivante : τ d 33 E = -γ1P1 0 33 τ En supposant la réversibilité des effets directs et inverses alors En remplaçant τ IV.20 ∂P1 ∂S = = d 33 . ∂τ ∂E dP1 dP par -131 1 , la déformation peut s’écrire de la manière suivante : d2 dE Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures P1 (E) S = -1 ∫ 0 dP 31 1 G( 1 dE 164 P1 (E) ∫ 31G31 0 Finalement, la déformation en fonction de la polarisation est donnée par pour un élément par : P1 (E) P2 S = -1 1 2 0 -1 2 31 (312 2 IV.21 La relation IV.21 donne une relation directe et simple entre la déformation et la polarisation de la céramique. A notre connaissance, cette démarche est nouvelle et permet à partir d’une hypothèse simple (τ dépend de la polarisation) de trouver des relations directes et simples entre la déformation, le coefficient d33 et le coefficient ε33. IV.1.6. Calcul de l’énergie A partir de l’équation générale IV.16, on peut calculer la puissance en la • multipliant par P1 . L’énergie est définie comme l’intégrale de la puissance sur le temps. elle est donnée par la relation suivante : • • • 2 ∫ R1 P1 dt + ∫ Ecsign( P1 ) P1 dt + on a • • 1 1 ∫ • • 3 • Ec tan 1 P1 dt + ∫ 1231 31 GW ∫ ( P1 dt 3 2P∞ tan r 2P∞ • ∫ E sign( P ) P dt = E ∫ P c c 1 dt et on pose δ = Ec . L’équation 3r tan 2P∞ précédente devient : • • • • 3 • R1 ∫ P12 dt + E c ∫ P1 dt + δ ∫ tan 1 P1 dt + 1 ∫ 231 31 GW ∫ ( 31 GW IV.22 2P∞ énergie de couplage énergie fournie énergie dissipée par le frottement newtonien énergie dissipée par l'hystérésis énergie électrostatique dans le ferroélectrique au système énergie dissipée Les différents termes de l’énergie, à contrainte nulle, sont représentés Figure IV.25 en fonction du temps. Les minima de l’énergie sont observés pour E = 0 et correspondent à des points de stabilité (Figure IV.26). Par conséquent La polarisation Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 165 rémanente ± Pr correspond aux minima de l’énergie à E = 0. Lorsque le système est sollicité avec un champ électrique périodique, la variation d’énergie électrostatique est nulle sur une période puisque P est périodique. Il en résulte que l’énergie fournie au • système est dissipée dans la résistance R1 et dans la diode ( E c ∫ P1 dt ). On réécrit l’équation IV.22 qui devient : • • • R 1 ∫ P12 dt + E c ∫ P1 dt = ∫ E P1 dt IV.23 • • Les deux termes de disspation ( R 1 ∫ P12 dt et E c ∫ P1 dt ) sont représentés Figure IV.27 en fonction de la fréquence. L’énergie dissipée dans la résistance passe par un maximum tandis que l’énergie dissipée par l’hystérésis diminue de façon continue avec la fréquence. Ces courbes montrent que la polarisation de la céramique diminue lorsque l’on dépasse la fréquence pour laquelle l’énergie dissipée est maximale. Figure IV.25 : Evolution des différents termes de l’énergie en fonction du temps Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.26 : Evolution de l’énergie fournie au système en fonction du champ électrique Figure IV.27 : Evolution des énergies de dissipation en fonction de la fréquence IV.1.7. Modélisation du comportement des céramiques sous fortes sollicitations extérieures Les simulations numériques sont effectuées en utilisant un code propre implanté sous MATLAB. Il faut noter que l’équation IV.12 est décrit par un opérateur différentiel • non-linéaire qui bifurque lorsque la dérivée temporelle P1 change de signe. Les résultats de la modélisation sont comparés aux courbes expérimentales obtenues sur plusieurs matériaux et plus particulièrement sur la céramique PZT dopé avec 1% de manganèse et de fluor. 166 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures IV.1.7.a. Modélisation sous champ électrique Dans un premier temps, on mesure, en fonction du champ électrique, le courant de polarisation de la céramique PZT dopé avec 1% de manganèse et de fluor à l’aide d’un ampli de courant (KETHLEY 428) L’enregistrement des données se fait avec un enregistreur (KIPP & ZONEN) fréquence d’échantillonnage est fixée à 10Hz. Cette courbe expérimentale permet de déterminer la polarisation spontanée et rémanente et la répartition des champs coercitifs. Ces paramètres seront utilisés pour ajuster les coefficients du modèle. La première courbe de polarisation nous donne la distribution des champs coercitifs. Ensuite on applique dans le modèle un champ électrique sinusoïdal (E = Emaxsin(ωt)) et on ajuste les paramètres (R1, R2, ε0 et ε2) pour obtenir une bonne corrélation entre la courbe expérimentale et la courbe simulée (Figure IV.28). Les valeurs des différents coefficients sont : R1 = 2.104 R2 = 2.107 ε0 = 7.10-6 ε2 = 2,5.10-8 f = 50 mHz Figure IV.28 : Cycle d’hystérésis : Polarisation en fonction du champ électrique 167 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures La Figure IV.29 représente, en fonction du champ électrique la déformation lors du processus de polarisation calculée à partir du modèle et celle obtenue expérimentalement. On peut remarquer que l’utilisation de l’équation IV.21 pour le calcul de la déformation est tout à fait justifiée puisque la simulation théorique présente un bon accord avec la courbe expérimentale. Pour le matériau dopé avec 1% de manganèse et de fluor, on a γ1 = - 0,056. Il existe une déformation rémanente après polarisation de la céramique. En effet l’orientation des polarisations spontanées des domaines dans la direction de polarisation entraîne une élongation de la céramique. Expérimentalement les céramiques piézoélectriques présentent une polarisation pour des champs électriques inférieurs au champ coercitif Ec (Figure IV.30a). Dans ce cas, on ne peut plus considérer un seul champ coercitif pour la céramique mais une distribution de champs coercitifs. On peut donc associer une valeur de champ coercitif à chaque domaine de la céramique. Cette valeur pourrait être proportionnelle à la taille du domaine considéré. Notre modèle prend également en compte cet effet comme illustré sur la Figure IV.30b. Les possibilités deviennent alors intéressantes puisque nous pouvons visualiser le comportement de la céramique quel que soit le champ considéré. Il reste à appliquer ce modèle à une céramique polarisée (P1(0) = Pr et P2 = 0). La courbe expérimentale, obtenue sur un matériau au manganèse et au fluor et présentée Figure IV.31, montre pour un champ variant de –Ec à +Ec une dépolarisation irréversible de la céramique suivie d’un petit cycle elliptique. Le modèle proposé dans ce chapitre prend en compte cet effet de dépolarisation (Figure IV.31). Ce modèle montre que chaque point du cycle P = f(E) est adressable et il prend en compte toute l’histoire de la céramique. La céramique ne revient jamais dans le même état d’équilibre. Il existe donc une infinité d’états d’équilibres contrairement à ce que l’on pouvait penser. Il faudrait chauffé la céramique au-dessus de la température de Curie pour annuler tous les effets associés à l’étape de polarisation et donc rajeunir la céramique. 168 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.29 : Déformation relative en fonction de la contrainte Figure IV.30 : Différents états de polarisation Figure IV.31 : Evolution de la polarisation d’une céramique polarisée 169 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 170 Ce modèle électrique basé sur le couple diode/ferroélectrique permet de simuler le comportement d’une céramique quelle que soit la polarisation initiale et quel que soit le champ électrique appliqué. Les résultats des simulations ouvrent la voie à des simulations plus générales. On peut par exemple appliquer un champ électrique statique (Estat) et lui superposer un champ électrique sinusoïdal de faible amplitude. L’évolution de la permittivité relative εr est déterminé à partir de la variation de la polarisation et de l’équation piézoélectrique suivante : On a 0 33 0 33 = ∂D or, D=ε0E + P, et comme ε0E << P, on peut écrire que : ∂E T=cte ∂P ∂E T=cte (IV.24) La comparaison entre la courbe expérimentale et la courbe théorique est donnée Figure IV.32. On obtient la bonne évolution de ε33. La valeur du coefficient εr, obtenue par simulation, est proche de la valeur expérimentale. Néanmoins ce coefficient est défini à haut niveau et il correspond aux déplacements irréversibles des murs de domaines. Les valeurs du coefficient εr, obtenues par le modèle, sont sur estimées par rapport aux valeurs mesurées à 1 kHz sous 10 V/mm (Figure IV.33). Cependant l’évolution des courbes est similaire. Actuellement le modèle ne permet pas de prévoir l’évolution du coefficient εr en fonction d’un champ électrique du type E = Estat +E0sin(ωt) avec Estat >> E0. En résumé, le mouvement réversible des murs de domaines sous bas niveau est constant quel que soit le champ statique Estat. On devrait pouvoir modéliser ce phénomène en modifiant le couplage entre les deux parties du schéma électrique. Figure IV.32 : Evolution de la permittivité relative en fonction E Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.33 : Evolution du coefficient εr en fonction de E = Estat +E0sin(ωt) (E0 = 10 V/mm et f = 1 kHz) Effet de fréquence La résistance R1 placé en série du couple diode/ferroélectrique permet • d’introduire les effets de fréquence dans le modèle. Le terme R 1 P1 est un terme de pertes apparaissant lors de la polarisation de la céramique sans pour autant participer à cette dernière (aucune participation au cycle d’hystérésis). Il permet de dissiper de l’énergie et peut être dû à une résistance non négligeable au niveau des murs de domaines. La Figure IV.34 présente les résultats des simulations obtenus pour plusieurs fréquences ainsi que les résultats expérimentaux obtenus sur la céramique au manganèse et au fluor. Pour les basses fréquences (50 mHz), le cycle est symétrique et la valeur du champ coercitif est proche de la valeur expérimentale. Lorsque la fréquence augmente, • le terme R 1 P1 devient plus important et ceci se traduit sur le cycle d’hystérésis par une augmentation du champ coercitif. A partir de quelques dizaines de Hertz, le cycle n’est plus symétrique et la polarisation ne se retourne pas par inversion de champ, phénomène observé sur certaine céramique (Figure IV.7). Une partie de l’énergie est dissipée dans la résistance et par conséquent le champ sur la diode et le ferroélectrique diminue. Il faudrait augmenter la valeur du champ pour retourner la polarisation mais on risque de dépasser la tension de claquage de la céramique. 171 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.34 : Evolution des cycles d’hystérésis pour plusieurs fréquences Effet de température La polarisation rémanente d’une céramique piézoélectrique décroît avec la température et s’annule au-dessus d’une température Tc appelée température de Curie. Expérimentalement ceci se traduit par une diminution progressive du champ coercitif avec la température. Cette caractéristique est introduite dans le modèle via le champ 172 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 173 coercitif Ec. L’évolution des champs coercitifs avec la température suit une loi de Curie – Weiss. Maintenant ils sont définis par l’expression suivante : E c (θ)=E 0c θc − θ θc (IV.25) Où E 0c est la valeur du champ coercitif à θ = 0 et θc est la température de Curie du matériau. On impose par ailleurs que si θc - θ < 0 alors Εc = 0 (car des champs coercitifs négatifs n’auraient aucun sens). Il est alors possible de calculer la polarisation rémanente Pr pour une température donnée et de tracer son évolution en fonction de la température (Figure IV.35). On observe bien la transition ferroélectrique – paraélectrique à la température de Curie (soit 200°C dans notre cas) (Pr = 0). Ensuite, la polarisation reste constante (P = 0) lorsque la température redescend en dessous de la température de Curie. Ce phénomène est propre aux céramiques piézoélectriques car elles sont étant constituées de grains. En effet, l’orientation des domaines dans la céramique en dessous de la température de Curie est aléatoire. La somme des polarisations spontanées de chaque domaine est donc nulle. Dans le cas d’un monocristal monodomaine, on observerait en dessous de la transition paraélectrique – ferroélectrique une polarisation rémanente. Figure IV.35 : Evolution de la polarisation rémanente en fonction de la température Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Nous avons modélisé le comportement de la céramique sous champ électrique, nous allons maintenant étudier son comportement sous contrainte mécanique uniaxiale. IV.1.7.b. Modélisation sous contrainte mécanique On applique dans le modèle une contrainte mécanique γ1τP1 et on se place dans le cas ou la céramique est polarisée. On utilise le principe de mesure au Chapitre III (cf III.7.2.a) pour étudier l’évolution de la polarisation sous contrainte mécanique de la céramique dopée avec 1% de manganèse et de fluor. La céramique subit le cycle thermique décrit Figure IV.36. La simulation numérique (Figure IV.37) met en évidence le phénomène de dépolarisation observé expérimentalement pour des contraintes élevées. La contrainte a un effet direct sur la polarisation des céramiques. Dans un premier temps les domaines à 90°, orientés lors de la polarisation, vont avoir tendance à reprendre leur direction initiale. Ensuite, lorsque l’on augmente la contrainte il apparaît des basculements à 180° de certains domaines et ces phénomènes sont irréversibles [27]. Il s’ensuit une dépolarisation de la céramique et ceci est mis en évidence par le modèle. Dans le modèle, les éléments dont les champs coercitifs sont faibles, basculent en premier. Figure IV.36 : Schéma du cycle de contrainte 174 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures 175 Figure IV.37 : Evolution de la polarisation sous contrainte mécanique On obtient une bonne corrélation entre la courbe expérimentale et la courbe théorique. Pour les simulations numériques, le coefficient d33 est calculé à partir des équations piézoélectriques. On a d33 = d 33 = ∂D or, D=ε0E + P, et comme ε0E << P, on peut écrire que : ∂T E=cte ∂P ∂T E=cte (IV.26) La comparaison entre la courbe expérimentale et la courbe théorique est donnée Figure IV.38. L’évolution des deux courbes est similaire. Cependant la valeur du coefficient d33 est sous-estimée par la modélisation. Comme pour le coefficient ε33, le coefficient d33 est calculé sous haut niveau de sollicitations. Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.38 : Evolution du coefficient d33 sous contrainte uniaxiale Nous avons vu que la contrainte mécanique dépolarisait le matériau. On observe une diminution de la polarisation qui se traduit par une diminution de l’activité piézoélectrique. L’évolution du coefficient d33 de la céramique industrielle type P188 est donnée Figure IV.39 pour différentes valeurs de contrainte (40, 80 et 120 MPa).La variation du coefficient d33 dépend du niveau de contrainte et son évolution est quasiment linéaire après un cycle de contrainte. On peut donc dire que la contrainte mécanique stabilise le coefficient de charge d33 puisqu’ il reste stable tant que l’on ne dépasse pas la contrainte maximale atteinte précédemment. Cette technique pourrait être utilisée pour stabiliser les matériaux qui présentent des effets caractéristiques d’un comportement non linéaire. Figure IV.39 Evolution du coefficient d33 en fonction de la contrainte 176 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures IV.1.7.c. Modélisation des cycles d’hystérésis sous contrainte mécanique Dans ce paragraphe, l’influence d’une contrainte mécanique sur les cycles d’hystérésis et la déformation est modélisée. La céramique est soumise simultanément à un champ électrique et à une contrainte mécanique ( E - γ1τP1 ). On compare les résultats expérimentaux de Fang et Li [8] aux simulations théoriques obtenues avec le modèle (Figure IV.40). On observe une diminution de la polarisation et de la déformation lorsque la contrainte mécanique croît de 0 à 80 MPa. Les simulations théoriques présente un bon accord avec les résultats expérimentaux de Hwang et al bien que l’effet de la contrainte mécanique sur la déformation soit sous estimé. Là aussi la contrainte a un effet direct sur la polarisation de la céramique. Cette force mécanique s’oppose au champ électrique et elle empêche la céramique de se déformer sous l’action du champ électrique. Par conséquent, on observe une diminution de la polarisation rémanente lorsque la contrainte augmente. Pour annuler l’effet de la contrainte mécanique, il faudrait augmenter le champ électrique. Figure IV.40 177 Chapitre IV : Modélisation du comportement des céramiques sous sollicitations extérieures Figure IV.40 : Evolution de la polarisation et de la déformation pour plusieurs valeur de contrainte statique IV.2. Conclusion Les deux modèles présentés dans ce chapitre permettent de décrire partiellement le comportement des céramiques sous fortes sollicitations extérieures. Le premier modèle met en évidence les effets de fréquence sur la polarisation mais il ne permet pas d’obtenir la dépolarisation et le coefficient d33 sous contrainte. Le second modèle basé sur les éléments type « diode/ferroélectrique » permet de simuler la polarisation avec une précision inégalée avec les autres modèles rencontrés. Il est capable de simuler des cycles d’hystérésis aussi bien pour de petits champs électriques que pour de forts champs. Comparativement, la théorie de Landau Devonshire ne prévoit qu’une valeur de polarisation. Ici on en a une infinité, ce qui est conforme à la physique des choses. De plus ce modèle permet de prendre en compte les effets combinés de champ électrique, de fréquence , de contrainte et de température. Les simulations nous ont permis de déterminer l’évolution de certains coefficients du matériau sous contrainte mécanique et sous champ électrique. Néanmoins, pour mieux cadrer avec les observations expérimentales, il faudrait améliorer le couplage entre les deux parties de l’élément de base. 178 Reférences [1] VERDUN-AURELLE, N., thèse de doctorat, Non linéarités dans les céramiques piézoélectriques Application aux transducteurs acoustiques de puissance, Thèse de doctorat, Lyon : INSA de Lyon, 1996, 160 p.. [2] STEINKOPFF, T., Finite-element modelling of ferroic domain switching in piezoelectric ceramics, Journal of the European Ceramic Society, vol. 19, p. 1247-1249, 1999. [3] SMITH, S. R. P., Polarization switching in layered ferroelectric structures, J. Phys. : Condens. Matter, vol. 10, p. 9141-9154, 1998. [4] HWANG, S. C., HUBER, J. E., MCMEEKING, R. M. et al., The simulation of switching in polycristalline ferroelectric ceramics, J. Appl. Phys., vol. 84 n°3, p. 15301540, 1998. [5] DEVONSHIRE, A. F., Theory of barium titanate – Part I, Phil. Mag., 1949, vol. 40, p. 1040-1063. [6] DEVONSHIRE, A. F., Theory of barium titanate – Part II, Phil. Mag., 1951, vol. 42, p. 1065-1079. [7] SASHIDA, T., KENJO, T., Theoretical treatment of component elements, chapter 2. An introduction to Ultrasonic Motors, Oxford : Clarenson Press, 1993 p.25-47. [8] FANG, D., LI, C., Journal of Materials Science, Nonlinear electric-mechanical behavior of a soft PZT-51 ferroelectric ceramic, journal of materials science, vol. 34, p. 4001-4010, 1999.