Entreprisessociales – EmmanuelFaber Page2 sur 4
d’autres facteurs influencent nos choix de façon consciente ou inconsciente, au détriment du
simple calcul économique. Parmi ces facteurs, le souci de solidarité joue un rôle non
négligeabledansnosmodesdeconsommation,toutsimplementparcequelasolidaritéjoueun
rôle dans notre vie quotidienne, familiale, amicale ou sociale. C’est même une tendance de
fond,dontunnombrecroissantd’entreprisesacomprislepotentieldemarché.
Pourquoidonclespersonnesquifontdeschoixdeconsommationenfonctiondecritèresnon
exclusivement financiers, lorsqu’elles sont placées face à une décision d’épargne,
refermeraientellesbrutalementleurchampde consciencepourneplus sepréoccuperquedes
deuxchiffresquifigurentàgauchedusigne%?Unepartiedelaréponserésidedanslefaitque
lagestionde l’épargneest soustraitée àdes intermédiaires.Mêmesien bout dechaînec’est
l’épargnant qui décide, l’intermédiation, la complexification et la globalisation des marchés
financiers a, il est vrai, participé à déresponsabiliser les épargnants. Le résultat c’est que
l’investissementdel’épargne,l’actefondateurdetouteactivitééconomique,quivaorienterles
choixdesociétéetlesmodesd'organisationsociale,aététotalementdéconnectédel’exercice
d’uneconscienceresponsableparsesacteursultimes:nousmêmes.
Onacoutumededirequelemarchéestlemoyenleplusefficaced’allocationdesactifs,mais
qu’il n’est qu’un moyen aveugle. C’est sansdoute vrai mais s’ilest aveugle, ce n’est pas en
raison de sa complexité systémique, c’est d’abord parce que chacun d’entre nous veut bien
l’être:enexigeantdemonbanquierqu’ilplacemonépargnesurlasicavlaplusperformantede
sonportefeuille, j’accepte deneteniraucuncomptedesconséquencessociétales decechoix,
alorsqu’ellessontfondamentales.
Pourdessociétéscommelesnôtres,dontladémographieetl’économiesonttellesqu’ellesvont
continueràmassivementproduiredel’épargnedanslesannéesàvenir,ils’agittoutsimplement
d’unedémissioncollectiveetindividuelled’unrôlesocialquenouslaissonssoitàlacollectivité
publique (locale ou internationale), soit à des ONGs, dont l’existence (et le développement
rapide)démontresimplementleslimitesdusystèmequenousacceptonsd’entretenir.
J’ailaconvictionquedenombreuxépargnantssontprêtsàplacerunepartiedeleurargentdans
desinvestissementsquileurapportent,audelàd’unretourfinancier,unsupplémentdesens.
Mais si les épargnants acceptent d’allouer leurs investissements en fonction d’objectifs non
exclusivement financiers, il faudra bien, pour qu’ilspuissent choisir, queles entreprisesdans
lesquelles ils pourront investir se donnent ellesmêmes des objectifs non financiers et les
communiquent.D’oùunedeuxièmequestion :peutonconcevoirquedesentreprisescotées
enboursesefixentdesobjectifsdifférentsdecequiestsupposéêtreexigéparlesmarchés
financiers?Onpeutaujourd’huiendoutertantestfortelapressiondu« dogmedes20%.»
« +20%paran ».C’estmaintenantlechiffrequetoutlemondeaentêtecommeétantl’étalon
delacroissancedetoutindicateurfinancierdignedecenom :l’immobilierquandlemarchése
porte bien, le marché des actions lorsque cela ne va pas trop mal. Cela place désormais le
niveauderendement10ou15pointsaudessusdutauxauquellesétatsempruntent.
Ceténormedifférentielestporteurd’unrisqueinhérentquiesttoutsimplementliéaufaitque
l’économieréelleglobaleestbienincapabledecroîtreàlamêmevitesse.Cequiveutdoncdire
quelesystèmenepeutfonctionneràlongtermequeparcrisesou« ajustements»,nécessaires
pourreconnecterdetempsentempslafinanceavecl’économieréelle.
Comptetenude ces cycles et desréductionsde coût et d’effectifs massives et brutalesqu’ils
entraînentsurlesmarchésfinanciers,laplupartdesopérateursàWallStreetoulaCityestiment
quelesgainsqu’ilsretirentdecerendementde15ou20%nesontaprèstoutqu’uneassurance