Epargnants : La crise est-elle finie

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Epargnants : La crise est-elle finie ?
En janvier 2009 nous avions inauguré cette série d’entretiens vidéo en interrogeant Christian de Boissieu
, président du Conseil d’Analyse Economique sur ce que pourraient être les tendances 2009 pour les
épargnants.
Depuis, comme on dit, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La grande dépression n’a pas eu lieu, la
récession semble passée, la bourse n’a certes pas retrouvé son niveau de 2006 ni même celui d’avant la
faillite de Lehman Brother’s mais elle a repris des couleurs et fin septembre le CAC 40 est 20% plus haut
qu’au début d’année.
Nous avons demandé à Mathilde Lemoine, directrice des études économiques d’HSBC France et elle aussi
membre du Conseil d’analyse économique de nous faire part de son analyse de cette évolution et des
perspectives pour les épargnants. Son message principal reste celui de la prudence.
Epargnants : la crise est-elle finie ? par lafinancepourtous
Prudence raisonnable
Les épargnants, constate Mathilde Lemoine, restent prudents. Ils continuent de mettre leur épargne sur
des livrets. Ils n’ont toujours pas une grande confiance dans les OPCVM et les titres monétaires dont la
rémunération est, il est vrai, assez faible. En revanche, les décollectes sont stoppées dans l’assurance vie
compte tenu notamment de rendements offerts intéressants.
Selon Mathilde Lemoine, cette attitude est somme toute raisonnable compte tenu de l’évolution récente de
la croissance et de la bourse.
Les sources de l’amélioration de la bourse
L’amélioration de la bourse, au moins en ce qui concerne le CAC 40 trouve en effet sa source principale
dans l’évolution des cours des entreprises du secteur financier et du secteur automobile, secteurs qui sont
« sous perfusion publique ».
Si l’on prend par exemple l’automobile, ce secteur a été soutenu par des aides et par des primes à la casse
non seulement en France, mais aussi dans de nombreux autres pays, en Europe, en Amérique et même
au Japon. Cela a eu des conséquences très positives, y compris pour les exportations françaises. Les 2/3
du rebond des exportations françaises ont été réalisés dans ce secteur. A contrario, lorsque les primes à la
casse seront réduites ou supprimées, la difficulté d’adaptation du secteur automobile risque de ressurgir et
avec celle-ci un ajustement des indices boursiers.
D’une façon plus générale, l’amélioration réelle de la situation attestée par une détente sur les marchés
interbancaires, une diminution des primes de risque et un retour des investisseurs sur les marchés actions
est le résultat de politiques budgétaires et monétaires très « agressives ».
Incertitudes sur l’avenir
Que se passera-t-il lorsque ces politiques cesseront ? Les relais de croissance n’ont pas suffisamment de
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puissance pour entrainer un redémarrage de la production industrielle et de l’investissement susceptible de
tirer vers le haut les indices boursiers.
De plus la volatilité reste forte, ce qui constitue une source d’incertitude supplémentaire pour les
épargnants. Les politiques monétaires ont été des politiques « quantitatives ». Elles ont consisté en un
déversement massif de liquidités dans le monde. Mais les banques centrales n’ont pas le tableau de bord
leur permettant de savoir quand opérer des retraits de ces liquidités. Leur action peut tomber « juste »,
mais il y a autant de probabilité pour que ces retraits interviennent trop tôt ou trop tard. Cette incertitude
invite à la prudence.
Risque de croissance molle… dans le meilleur des cas de figure
Comme on le sait, souligne Mathilde Lemoine, on sort vraiment d’une crise lorsque d’une part le système
financier a pu « passer ses pertes » et ses dépréciations d’actifs et peut à nouveau prêter, et d’autre part
lorsque l’investissement des entreprises repart. C’est ce qui a pu être observé pour toutes les crises
financières du 20ème siècle. Pour qu’une telle reprise des investissements s’opère, les taux d’utilisation
des capacités de production doivent redémarrer. Les entreprises doivent avoir confiance dans la
progression de la demande future. Du fait notamment de la remontée du chômage dans le monde, cela
parait difficilement envisageable à court terme. Les facteurs dépressifs sur le potentiel d’activité restent
significatifs. On devrait donc connaitre une croissance molle, et ce « dans le meilleur des cas, c'est-à-dire
dans le cas ou les stratégies de « sorties » des politiques monétaires et budgétaires de crises s’opèrent
correctement, sans forte augmentation des rendements obligataires » .
Leçons de la crise pour les épargnants
Pour Mathilde Lemoine, les épargnants avaient un peu oublié le lien entre le rendement et le risque : « on
avait le sentiment, explique-t-elle, d’être dans une période un peu merveilleuse où on pouvait avoir
beaucoup de rendement de son épargne sans beaucoup de risque ». La crise a montré que les choses
sont plus compliquées que cela. Elle a aussi mis en relief le risque de liquidité qui, lui, avait eu tendance à
être totalement oublié. « Certains titres n’étaient pas si liquides que cela et quand « la mer s’est retirée »,
on a pu se rendre compte qu’on ne pouvait plus vendre ses titres ».
L’important est maintenant que « ces leçons servent ». « La vraie leçon, souligne–t-elle, serait d’accepter
collectivement un rendement un peu inférieur de notre épargne et qu’il soit mieux en lien avec la réalité de
la croissance de l’économie et de la distribution des richesses ». Il s’agirait d’inciter les entreprises à
investir dans leurs moyens de production, la productivité et la recherche & développement et « pas
seulement de donner l’illusion d’une croissance très rapide des cours boursiers ».
Mais, s’inquiète Mathilde Lemoine il n’est pas sûr que « l’on soit encore mûr » pour trouver le bon équilibre
et « accepter de renoncer à un rendement très élevé de l’épargne». Il n’est que de voir ce qui se passe
dans l’immobilier. Les investisseurs ont toujours très envie que les prix de l’immobilier augmentent une fois
qu’ils ont acheté, mais ils ont tendance à oublier que d’autres doivent « entrer » sur le marché et que l’on a
besoin d’un équilibre pour que l’économie fonctionne correctement.
Interview réalisée le 2 septembre 2009
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