COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION, SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE | 1
Point de pratique
Réduire les risques d’infection au
minimum après une transplantation d’organe en
pédiatrie : des conseils aux praticiens
Upton D Allen; Société canadienne de pédiatrie
Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2013;18(3):149-54
Affichage : le 1 mars 2013 Reconduit : le 1 février 2016
Résumé
Les patients d’âge pédiatrique qui ont subi une
transplantation d’organe courent des risques
associés à diverses maladies infectieuses. Ils y
sont plus susceptibles en raison du traitement
immunosuppresseur. Ces patients sont désormais
de plus en plus soignés en milieu communautaire.
Le présent point de pratique présente des conseils
sur les aspects essentiels de la prévention et du
traitement d’infections courantes.
Mots-clés : Antibiotics; Immunosuppression;
Infection; Transplantation; Vaccines
Le patient d’âge pédiatrique qui subit une
transplantation d’organe risque de contracter diverses
maladies infectieuses provenant de trois sources
possibles : la réactivation endogène de pathogènes
latents (p. ex., virus d’herpès), la transmission par
l’organe ou le tissu du donneur ou la transmission
provenant de la collectivité ou du milieu de soins. Les
cliniciens qui exercent en milieu communautaire
soignent souvent ces patients vulnérables avant ou
après la transplantation. Des lignes directrices sur la
prévention et le traitement de ces infections ont
récemment été publiées[1] et ont fait l’objet d’analyses.
[2] Le présent point de pratique résume les aspects
essentiels de la prise en charge de ces patients et
s’attarde sur les problèmes susceptibles de se
produire en milieu communautaire.
La préparation du patient
Il faut tirer profit de la période précédant la
transplantation pour améliorer le plus possible l’état de
santé général et le bien-être du patient, notamment
pour optimiser son statut vaccinal (tableau 1). La
possibilité d’une réponse immunitaire convenable
s’améliore lorsque les vaccins sont administrés avant
le début de l’immunosuppression. Règle générale,
l’intervalle entre l’administration d’un vaccin inactivé et
la transplantation doit dépasser deux semaines afin
d’assurer une réponse immunitaire suffisante.[3]-[4] Il
faut prévoir au moins quatre semaines entre la
dernière dose d’un vaccin « vivant » et le début de
l’immunosuppression.[3]-[4] Les vaccins vivants (p. ex.,
vaccin contre la rougeole) sont relativement contre-
indiqués après une transplantation. De plus, les
contacts de la maisonnée du patient doivent avoir reçu
tous les vaccins contre la rougeole, la rubéole, les
oreillons, la varicelle, la coqueluche, l’Haemophilus
influenzae de type b, le méningocoque, le
pneumocoque, le rotavirus et l’influenza saisonnière
qui sont recommandés pour leur âge. Pendant la
période précédant la transplantation, il faut également
déterminer les infections aiguës, chroniques ou
latentes dont souffre le candidat à la transplantation de
même que les donneurs vivants prospectifs. Le
présent point de pratique traite surtout du candidat à la
transplantation ou du receveur d’organe, mais les
cliniciens devront également travailler en étroite
collaboration avec leur centre de transplantation et
connaître les protocoles de dépistage des donneurs
vivants. Des maladies particulières peuvent être
décelées grâce aux antécédents du patient (y compris
les risques associés à l’exposition à la tuberculose,
aux voyages, aux séjours à l’étranger, aux animaux
domestiques, au mode de vie et à l’emploi), à
l’examen physique ou aux tests de dépistage (tableau
2). Des infections préexistantes peuvent rendre la
2| RÉDUIRE LES RISQUES D’INFECTION AU MINIMUM APRÈS UNE TRANSPLANTATION D’ORGANE EN PÉDIATRIE : DES CONSEILS AUX PRATICIENS
transplantation contre-indiquée ou la retarder. Il est
essentiel de posséder de l’information détaillée sur le
patient pour évaluer le risque d’infection et orienter la
prophylaxie après la transplantation (tableau 3). Il faut
fournir des conseils, à la fois au receveur et au
donneur, sur les moyens d’éviter des expositions à
haut risque pendant la période précédant
immédiatement la transplantation (p. ex., au sujet du
mode de vie, des voyages, des aliments et des
sources d’eau).
Les infections auxquelles s’attendre après la
transplantation
Au cours du premier mois
Plus de 95 % des infections qui se manifestent
pendant cette période critique sont similaires aux
infections contractées par des patients non
immunodéprimés qui ont subi une intervention
chirurgicale comparable.[5]-[6] Dans les autres cas, le
receveur souffrait déjà d’une infection avant la
transplantation, laquelle a été exacerbée par
l’opération, l’anesthésie et le traitement
immunosuppresseur, ou avait contracté une infection
par l’allogreffe.
De un à six mois après la transplantation
Pendant cette période, l’immunosuppression prend
effet et peut entraîner deux types d’infections
opportunistes. Dans la première catégorie figurent les
pathogènes viraux associés aux infections latentes ou
persistantes, y compris le cytomégalovirus (CMV), le
virus d’Epstein-Barr (VEB), l’herpèsvirus humain de
type 6 et les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C.
Ces pathogènes peuvent provoquer une infection
primaire (généralement transmise par le donneur
plutôt que contractée dans la collectivité), une
réactivation de pathogènes latents ou une réinfection
par une nouvelle souche du virus. Les pathogènes
classiques appartenant à la deuxième catégorie sont
le Listeria monocytogenes, l’Aspergillus fumigatus et le
Pneumocystis jirovecii. L’immunosuppression
soutenue favorise le développement de l’infection par
ces organismes, avec ou sans les effets
immunomodulateurs des infections virales pour créer
un état net d’immunosuppression suffisant pour
accroître la susceptibilité. Certaines transplantations
d’organe (p. ex., l’intestin grêle) comportent des
risques d’infection opportuniste plus élevés que
d’autres (p. ex., le rein), parce que
l’immunosuppression est plus intense.
Plus de six mois après la transplantation
Les données publiées sur les complications
infectieuses pendant cette période sont limitées et
peuvent être biaisées vers de graves infections qui
nécessitent une hospitalisation. Les patients sous
immunosuppression d’entretien dont l’allogreffe
fonctionne bien sont susceptibles de contracter les
mêmes infections d’origine non nosocomiale que les
enfants en santé (p. ex., troubles respiratoires
courants). Certains patients dont la transplantation
fonctionne moins bien (p. ex., immunosuppression
aiguë ou chronique, mauvaise fonction de l’allogreffe
ou infection virale chronique) sont très vulnérables à
des infections récurrentes liées à des troubles
mécaniques ou anatomiques non corrigés (p. ex.,
implantation d’un corps étranger ou obstruction) et à
des infections opportunistes causées par le P jirovecii,
le L monocytogenes, le Cryptococcus neoformans et le
Nocardia asteroides, entre autres.
L’évaluation du receveur d’organe fébrile
Chez un receveur d’organe, la fièvre peut être causée
par une infection courante de l’enfance ou par une
infection propre au receveur d’organe.[2] Le moment de
l’infection après la transplantation oriente le médecin
quant aux pathogènes les plus susceptibles d’en être
responsables. L’évaluation et le traitement empirique
dépendront de l’état clinique du patient et de la
détermination ou non de la source d’infection.
Examen anormal et foyer d’infection défini
L’hospitalisation peut être indiquée, compte tenu de
l’état clinique du patient et du foyer d’infection.
L’évaluation diagnostique doit au moins inclure une
formule sanguine, une formule leucocytaire et une
hémoculture. Les autres examens sont fonction de
l’orientation clinique et du moment de la présentation
après la transplantation.
Examen normal et foyer d’infection non défini
En général, l’hospitalisation s’impose si le patient n’est
pas bien sur le plan clinique. L’évaluation diagnostique
se fonde sur les diagnostics différentiels. Les patients
qui se sentent bien n’ont pas nécessairement besoin
d’être hospitalisés; tout dépend de la qualité du suivi
disponible, de la capacité de revenir à l’hôpital
rapidement si l’état du patient s’aggrave, du degré
d’immunosuppression et du délai depuis la
transplantation. L’évaluation diagnostique doit au
moins inclure une formule sanguine, une formule
leucocytaire, une hémoculture et une culture d’urine.
Dans les premiers mois suivant la transplantation, le
foyer d’infection est souvent associé à l’intervention
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chirurgicale effectuée. Les cliniciens doivent connaître
les infections virales liées à la fièvre, mais sans foyer
d’infection apparent (p. ex., CMV et adénovirus). En
l’absence de source bénigne et évidente de fièvre, il
faut traiter ces patients en consultation avec leur
centre de transplantation. Lorsqu’ils choisissent des
antibiotiques pour combattre l’infection (au besoin), les
cliniciens doivent connaître les interactions possibles
entre les antibiotiques et les immunosuppresseurs
utilisés. La liste des immunosuppresseurs figure au
tableau 4, tandis que les interactions potentielles entre
les médicaments sont exposées au tableau 5.
Les vaccins après la transplantation
Le moment et le calendrier
La plupart des centres de transplantation fournissent
des calendriers de vaccination des patients d’âge
pédiatrique qui ont récemment reçu une
transplantation (tableau 1). En général, on n’administre
pas de vaccins dans les six à 12 mois suivant une
transplantation,[7] à l’exception du vaccin inactivé
contre l’influenza saisonnière, qu’on évite d’administrer
moins d’un mois après la transplantation, puis tous les
ans par la suite. Les cliniciens devraient se familiariser
avec les calendriers de vaccination pertinents. De
plus, il est essentiel de vacciner les contacts familiaux
pour protéger le receveur d’organe vulnérable.
Les vaccins contre-indiqués
Les vaccins contre-indiqués chez les receveurs
d’organe immunodéprimés sont exposés au tableau 3.
Certains groupes recommandent l’administration des
vaccins contre la rougeole, la rubéole et les oreillons à
un groupe sélectionné de patients à faible risque chez
qui l’immunosuppression est minime.[3][8]-[9] Il existe
des données limitées sur l’administration du vaccin
contre la varicelle après une transplantation.[10]-[11]
Cependant, la plupart des experts considèrent la
transplantation d’organe comme une contre-indication
à l’administration du vaccin contre la varicelle et, en
cas d’exposition, les personnes susceptibles sont
candidates à l’administration d’immunoglobuline
varicelle-zona. Ce problème fait ressortir l’importance
de la vaccination avant la transplantation. Il est
démontré que la vaccination des candidats à la
transplantation d’âge pédiatrique maintient l’immunité
humorale pendant au moins deux ans, soit bien après
la période d’immunosuppression la plus marquée.[12]
Quelques vaccins indiqués
Vaccins contre le pneumocoque : Les receveurs
d’organe, particulièrement les transplantés cardiaques,
sont considérés comme très vulnérables à une
maladie pneumococcique invasive.[13]-[14] Par
conséquent, le vaccin contre le pneumocoque est l’un
des vaccins les plus importants à administrer aux
receveurs d’organe. Selon les recommandations
actuelles, il faut favoriser l’administration séquentielle
du vaccin conjugué contre le pneumocoque 13-valent
(le nombre de doses dépendant de l’âge de l’enfant)
suivi du vaccin 23-valent huit semaines plus tard.[15]-[16]
Quelques receveurs d’organe ayant une asplénie
fonctionnelle ou anatomique sont candidats à la
prophylaxie à la pénicilline à long terme pour prévenir
la pneumococcie invasive.
Vaccins contre le méningocoque : Ces vaccins
peuvent être administrés en toute sécurité
conformément au calendrier systématique pour enfant.
Il faut utiliser le vaccin quadrivalent conjugué contre le
méningocoque (VCM) de préférence au vaccin
polysaccharidique quadrivalent. La plupart des experts
s’entendent pour affirmer que le vaccin
polysaccharidique n’a aucun rôle à jouer pour l’instant.
Le VCM n’est pas approuvé pour les enfants de moins
de 24 mois.
Vaccins contre le virus du papillome humain : Le
vaccin contre le virus du papillome humain (VPH) peut
être administré en toute sécurité après une
transplantation d’organe. Les données sont
insuffisantes pour étayer l’efficacité du vaccin contre le
VPH chez les receveurs d’organe dont la réponse
immunitaire est plus faible que celle de personnes en
santé, mais le vaccin est fortement recommandé tant
chez les filles que chez les garçons, compte tenu de
leur risque particulier de contracter de graves
condylomes et des cancers potentiellement agressifs
liés au VPH.
Vaccins contre l’hépatite A et l’hépatite B : Le
vaccin contre l’hépatite B doit être administré
conformément au calendrier systématique de
vaccination, mais à deux fois la dose habituelle.
D’ordinaire, le vaccin contre l’hépatite A est
recommandé pour les personnes ayant d’autres
facteurs de risque de maladie hépatique que la
transplantation (p. ex., hépathopathies chroniques ou
facteurs épidémiologiques). Cependant, certains
experts recommandent l’administration du vaccin
contre l’hépatite A même en l’absence d’autres
facteurs de risque, parce que des médicaments au
potentiel hépatotoxique peuvent être utilisés pour
traiter l’immunosuppression.
4| RÉDUIRE LES RISQUES D’INFECTION AU MINIMUM APRÈS UNE TRANSPLANTATION D’ORGANE EN PÉDIATRIE : DES CONSEILS AUX PRATICIENS
Vaccins contre la polio inactivée, l’Haemophilus
influenzae de type b et la diphtérie, le tétanos et la
coqueluche accellulaire : Ces vaccins sont tous
recommandés, de préférence avant la transplantation,
conformément au calendrier systématique pour les
enfants. S’il n’a pas déjà été administré, il faut injecter
le vaccin contre l’Haemophilus influenzae de type b,
quel que soit l’âge de l’enfant.
Vaccin contre l’influenza : Les receveurs d’organe,
tous les membres de la famille et les autres contacts
étroits doivent se faire administrer le vaccin contre
l’influenza inactivé tous les ans à l’automne.
Les virus respiratoires contractés dans la
collectivité
Les receveurs d’organes d’âge pédiatrique sont
vulnérables aux infections respiratoires virales
d’origine communautaire, y compris le virus
respiratoire syncytial, les virus de l’influenza, le
métapneumovirus humain, les virus para-influenza et
d’autres encore.[17] Des lignes directrices sur la
prévention et la prise en charge de ces infections ont
récemment été publiées,[18]-[19] et des lignes directrices
sur la prise en charge de l’influenza sont publiées
chaque année au Canada.[20]
Les personnes ciblées pour une prophylaxie
antimicrobienne après une transplantation
Les receveurs d’organe peuvent avoir besoin d’une
prophylaxie antimicrobienne contre les espèces à
Candida, les espèces d’Aspergillus, et les virus du
groupe herpès (p. ex., herpès simplex, CMV, VEB),
l’hépatite B, le P jirovecii, le Toxoplasma gondii, les
Strongyloides, l’infection tuberculeuse latente et
d’autres pathogènes (tableau 2). Parmi ces agents
infectieux, le CMV et le VEB consument le plus de
ressources dans la plupart des centres de
transplantation pédiatriques. Les lignes directrices sur
la prévention et le traitement de ces maladies ont
récemment été mises à jour. [1][21]-[22]
Les risques d’infection liés à la vie quotidienne
après une transplantation
En plus de fournir de l’information sur les risques des
immunosuppresseurs (tableau 4)[23] et leurs
interactions avec des antimicrobiens courants (tableau
5), les cliniciens doivent informer les jeunes
transplantés des risques d’infection liés à la
consommation des aliments et de l’eau, aux animaux
de compagnie et aux autres animaux, à la nage et aux
autres sports aquatiques, aux spores fongiques (p. ex.,
provenant du jardinage, des bâtiments agricoles, de
chantiers de construction, des excavations, des caves,
de la marijuana et du tabac), aux piqûres d’insectes,
aux voyages et aux comportements sexuels, selon le
cas.[19]
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TABLEAU 1
Vaccins recommandés et contre-indiqués chez les receveurs d’une transplantation
Vaccin Inactivé (I) ou vivant atténué
(VA)
Recommandé avant la
transplantation
Recommandé après la
transplantation
Systématique pour tous les receveurs d’une transplantation
Diphtérie I Oui Oui
Coqueluche I Oui Oui
Tétanos I Oui Oui
Polio I Oui Oui
Haemophilus influenzae de type b (quel que soit
l’âge)
I Oui Oui
Streptococcus pneumoniae (VCP à polysaccharide
13/23-valent*)
I Oui Oui
Neisseria meningitidis (conjugué de sérogroupe C et
conjugué quadrivalent)
I Oui Oui
Influenza I Oui Oui
VA NonNon
Hépatite B I Oui Oui
Hépatite A I Oui Oui
Rougeole§VA Oui Non
Rubéole§VA Oui Non
Oreillons§VA Oui Non
Varicelle§VA Oui Non
Rotavirus (selon l’âge) VA Oui Non
Virus du papillome humain I Oui Oui
Situations particulières
BCG VA Oui Non
Rage I Oui Oui
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