S'agissant de la nature de cette faute, Maître Meslin a relevé différents exemples de fautes pouvant être reprochés
à la fois à l'entreprise, à la maîtrise d'œuvre, ou encore à la maîtrise d'ouvrage.
S'agissant de la faute de l'entreprise, il peut s'agir, notamment, d'un manquement à l'obligation de conseil de l'en-
treprise à l'égard du maître d'ouvrage, ou encore tous les manquements relatifs à la méthodologie d'exécution ou
aux matériaux qui pourront être utilisés sur les chantiers. Il en va, ainsi, d'un manque de précaution dans la réal-
isation des terrassements (Cass. civ. 3, 25 mai 2005, n˚ 03-19.286, FS-P+B N° Lexbase : A4196DIA), ou encore
du non-respect de normes de bruit ou des horaires prévus pour le chantier (Cass. civ. 3, 22 novembre 2000, n˚
99-12.182 N° Lexbase : A8805CYR). Il peut s'agir encore de tous les manquements aux règles de l'art.
S'agissant de la faute pouvant être reprochée au maître d'œuvre, il peut s'agir, également, d'un manquement à
l'obligation de conseil, ou encore de tout ce qui relève de la méthodologie qui aura été préconisée pour l'exécution
des travaux par la maîtrise d'œuvre. Ainsi, dans l'arrêt précité rendu le 25 mai 2005, la préconisation des fondations
inadaptées a constitué une faute de la maîtrise d'œuvre. De même, tous les défauts de précaution dans la mission
de contrôle et de surveillance des travaux de la part de la maîtrise d'œuvre constituent autant de fautes pouvant
être mises à sa charge.
S'agissant des fautes pouvant être reprochées à l'entreprise et à la maîtrise d'œuvre, on constate que la notion de
faute est relativement souple et laisse une grande marge d'appréciation aux juges du fond.
S'agissant de la faute pouvant être reprochée au maître de l'ouvrage, la question est plus délicate, selon Julien
Meslin. En effet, il y a très peu d'exemple dans ce domaine. Par ailleurs, il convient de relever que la décision même
de construire ne saurait constituer en elle-même une faute. Pour caractériser une faute du maître de l'ouvrage, il
conviendrait, alors, de revenir aux concepts applicables en matière de responsabilité des constructeurs, relatifs,
en particulier, aux causes d'exonération (soit, l'immixtion fautive du maître de l'ouvrage dans la conception de
l'exécution des travaux ; et l'acceptation délibérée des risques). Aussi, toute résistance aux conseils donnés par les
constructeurs pourrait constituer une faute du maître de l'ouvrage. Il en irait de même, lorsqu'il s'immisce dans les
modalités d'exécution des travaux et/ou de gestion du chantier, qui s'avèreraient incompatibles avec le voisinage ;
ou encore, lorsque le maître d'ouvrage réalise, en toute connaissance de cause, après avoir été informé des risques,
une construction conséquente qui cause un trouble anormal de voisinage (cf. Cass. civ. 3, 19 mai 2009, n˚ 08-16.701,
F-D N° Lexbase : A1992EHA).
Les clauses de garantie des troubles anormaux de voisinage
En tout état de cause, Maître Meslin rappelle qu'il est possible de stipuler des clauses de garantie des troubles
anormaux de voisinage dans les contrats, lesquelles constituent alors le fondement des recours en garantie.
Ainsi, la norme AFNOR prévoit une clause de garantie des troubles anormaux de voisinage par l'entreprise au profit
du maître de l'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre, en cas de faute (norme AFNOR NFP 03-001, art. 5-2-2). Selon
l'intervenant, dans la mesure où (i) la finalité de cette clause est de prévoir un partage des risques relatif aux troubles
anormaux de voisinage entre l'entreprise et le maître d'ouvrage et (ii) où, dans ce cadre, le maître d'ouvrage ne
se trouve garanti qu'en cas de faute de la part de l'entreprise, il pourrait être soutenu que l'entreprise se trouve,
implicitement mais nécessairement, garantie dès lors qu'elle rapporte la preuve qu'elle n'a commis aucune faute.
Les clauses de garantie sont de deux ordres. Les clauses de garantie que l'on pourrait qualifier d'"absolue", par
lesquelles l'entrepreneur garantit le maître d'ouvrage des dommages de toute nature qui pourraient se produire du
fait ou à l'occasion des travaux. Ces clauses sont extrêmement risquées pour celui qui l'accepte, dès lors qu'elles
font prendre en charge, par le constructeur, des faits dommageables de toute nature et qui potentiellement peuvent
ne pas relever de son fait personnel, mais de celui du maître d'ouvrage. Afin de protéger l'entreprise, il est nécessaire
de restreindre les clauses de garantie en prévoyant, par exemple, une garantie couvrant les "dommages résultant
uniquement du fait personnel de l'entreprise", ou "les dommages directement imputables à l'entreprise" ou encore
"une garantie des dommages consécutifs au mode opératoire d'intervention sur le chantier". Par ailleurs, ces clauses
peuvent faire l'objet d'une limite quant à leur montant (par exemple, l'entrepreneur s'engage à garantir le maître
d'ouvrage des dommages qui résulteraient des troubles anormaux de voisinage, à hauteur de tel pourcentage du
prix du contrat).
Quid de la validité de ces clauses ? Une validité de principe est reconnue par la Cour de cassation (cf. notamment,
Cass. civ. 3, 23 janvier 1991 n˚ 89-15.097 N° Lexbase : A2670ABI ; Cass. civ. 3, 22 novembre 2000, n˚ 99-12.182
N° Lexbase : A8805CYR). Il a été récemment jugé que les juges du fond doivent vérifier si le contrat n'implique pas
que les constructeurs prennent en charge la totalité des conséquences des troubles anormaux du voisinage avant
la condamnation du maître d'ouvrage (Cass. civ. 3, 9 février 2012, n˚ 11-11-.453, F-D N° Lexbase : A3463ICA). Une
partie de la doctrine considère que les clauses de garantie dites "absolues" ne devraient pas pouvoir produire leurs
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