Chapitre 4
THÉORIE DES DISTRIBUTIONS
Dans tout ce qui suit
Xest un ouvert de Rn,
ou plus généralement
une sous-variété avec bord de Rn.
Version du 5 février 2005
Claude Portenier METHODES HILBERTIENNES ET APPLICATIONS 85
4.1 La notion de distribution
4.1 La notion de distribution
Rappelons que D(X)désigne l’espace vectoriel des fonctions complexes indéÞniment déri-
vables à support compact dans X. L’exemple standard d’une telle fonction est
ρ(x):=(e1
(|x|21)si |x|61
0sinon .
DEFINITION 1 Nous dirons qu’une forme linéaire
µ:D(X)−→ C:ϕ7−→ µ(ϕ),
i.e. un élément du dual algébrique D(X)de D(X), est une distibution (algébrique) sur X.
Par compatibilité avec le produit scalaire de L2(X), introduisons la semi-dualité entre
D(X)et D(X)Þnie par
hϕ|µi:= µ(ϕ).
Remarquons que
|µi:D(X)−→ K:ϕ7−→ hϕ|µi
est une forme semi-linéaire. En d’autres termes la correspondance bijective entre formes linéaires
et formes semi-linéaires µ7−→ |µinous permet de considérer µcomme une forme semi-linéaire.
Nous ne ferrons pas de distinction, ce formalisme dû à Dirac étant susamment explicite !
Nous écrirons hϕ|µiD(X)si cela est nécessaire.
REMARQUE La notion de distribution habituelle nécessite encore une condition de conti-
nuité pour restreindre la classe d’objets considérés et obtenir des théorèmes de structure in-
téressants. Il n’est pas nécessaire dans beaucoup de situations de connaître explicitement la
topologie localement convexe (non-métrisable) à introduire ; en eet on peut voir qu’une forme
linéaire µD(X)est continue, i.e. µD(X)0si,etseulementsi,pourtoutKK(X)
et toute suite (ϕk)kND(X)telle que supp ϕkKpour tout kNet limkαϕk=0
uniformément pour tout αNn,onalimkhϕk|µi=0.
Nous n’en n’aurons pas besoin dans la suite, sauf dans certaine remarques pour bien montrer
les limites de la notion de distribution algébrique (voir par exemple la remarque 5.4.2). Pour
plus de détails le lecteur peut consulter mon cours d’Analyse fonctionnelle [10], chap. 4.
Rappelons que la structure d’espace vectoriel de D(X)est donnée (dans la notation semi-
linéaire !), pour tout µ, νD(X),αCet ϕD(X),par
hϕ|α·µi=α·hϕ|µiet hϕ|µ+νi=hϕ|µi+hϕ|νi.
86 THÉORIE DES DISTRIBUTIONS Claude Portenier
La notion de distribution 4.1
PROPOSITION Pour tout fL1
loc (X), on considère la distribution sur X
|fi:ϕ7−→ hϕ|fi:= Zϕ·f=Zϕ(x)·f(x)dx :D(X)−→ K
L’application
f7−→ |fi:L1
loc (X)−→ D(X)
est linéaire et injective.
Cela signiÞe que la forme linéaire |fidétermine parfaitement la classe fL1
loc (X)ou bien
la fonction fà un ensemble de mesure nulle près. C’est évident puisque D(X)est un espace-test
(cf. exemple 1.4.3). ¤
Ceci montre que les distributions sont des “fonctions généralisées” .
DEFINITION 2 Pour tout xX, on dit que la forme linéaire d’évaluation en x
δx:ϕ7−→ ϕ(x)
est la distribution de Dirac en x.SiXest une partie de Rnet 0X, on écrit souvent δàla
place de δ0.
EXEMPLE 1 Pour xX, la distribution de Dirac δxD(X),nestpasdelaforme|fi
pour un fL1
loc (X).
La démonstration est laissée en exercice.
EXEMPLE 2 Soit αune fonction croissante sur un intervalle ouvert Jde R.Ilestclairque
λα:ϕ7−→ Zϕ(t)dα(t)
est une forme linéaire sur D(J), i.e une distribution sur J(cf. cours d’Analyse [9], exemple
14.6.2)
Par exemple
λ:= λid :ϕ7−→ Zϕ
est l’intégrale de Lebesgue. Avec les notations ci-dessus on a
hϕ|λJi=ZϕdλJ=Dϕ¯¯¯|1iE,
i.e. l’intégrale de Lebesgue λJest la fonction généralisée 1!
DEFINITION 3 Pour tout tJ,onposeht:= 1[t,[Jet on dit que c’est la fonction de
Heaviside en t.Si0J, on écrit par commodité hàlaplacedeh0.
Pour tout ϕD(J),ona
hϕ|λhti=Zϕdht=ϕ(t)=hϕ|δti,
ce qui montre que λht=δtest la distribution de Dirac en t.
Claude Portenier THÉORIE DES DISTRIBUTIONS 87
4.1 La notion de distribution
EXEMPLE 3 La fonction αstrictement croissante et continue, dont le graphe est en première
approximation esquissé dans la Þgure qui suit déÞnit la mesure de Hausdorsur l’ensemble de
Cantor. Rappelons que cet ensemble a une mesure de Lebesgue nulle !
88 THÉORIE DES DISTRIBUTIONS Claude Portenier
Dérivation 4.2
4.2 Dérivation
Si fC(1) (X)et j{1,...,n}, pour tout ϕD(X),ona
Dϕ¯¯¯|jfiE=Zϕ·jf=Zjϕ·f=Djϕ¯¯¯|fiE
en ayant utilisé une partition de l’unité, le théorème de Fubini et la formule d’intégration par
parties. Ceci nous conduit à poser la
DEFINITION 1 Pour tout µD(X)et j{1,...,n},ondéÞnit une distribution jµ
par
hϕ|jµi:= hjϕ|µi,
dite la dérivée partielle de µ(au sens des distributions) . Plus généralement, si αNn,on
pose |α|:= |α1|+... +|αn|et on déÞnit la distribution αµpar
hϕ|αµi:= (1)|α|·hαϕ|µi.
Le calcul du début montre par récurrence que :
PROPOSITION Si fC(k)(X), alors pour tout αNntel que |α|6k,ladérivéeau
sens des distributions coïncide avec la dérivée classique αf, i.e.
α|fi=|αfi.
Nous travaillons dans les exemples qui suivent dans l’espace des distributions sur Rou un
intervalle Jde R.
EXEMPLE 1 Calculons
Dϕ¯¯¯||id|iE=D∂ϕ¯¯¯||id|iE=Z∂ϕ (s)·|s|ds =Z0
−∞
∂ϕ(s)·sdsZ
0
∂ϕ (s)·sds=
=Z0
−∞
ϕ(s)ds +Z
0
ϕ(s)ds =Zϕ(s)·signum (s)ds =Dϕ¯¯¯|signumiE.
Ceci montre que
||id|i =|signumi.
EXEMPLE 2 De même, on a
Dϕ¯¯¯|signumiE=D∂ϕ¯¯¯|signumiE=Z0
−∞
∂ϕ(s)ds Z
0
∂ϕ(s)ds =
=ϕ(0) + ϕ(0) = hϕ|2·δi,
ce qui montre que
|signumi=2δ.
Claude Portenier THÉORIE DES DISTRIBUTIONS 89
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