DFASP1 U.E. n° 1 « Neurologie et Infectiologie » Le traitement des hépatites virales chroniques B et C Catherine Gozé, MCU-PH laboratoire de Chimie thérapeutique Hépatites virales B et C Physiopathologie L’hépatite virale B Agent causal 8 génotypes Nécessité de transfert dans le noyau de la cellule hôte ADN polymérase à activité de reverse transcriptase Passage par un intermédiaire ARN Pré-génomique La réplication L’hépatite virale B Cycle de réplication L’hépatite virale B La lyse des hépatocytes est le fait de la réponse immune de l’hôte L’hépatite B est une maladie fortement inflammatoire L’hépatite virale B Le passage à la chronicité ü Le passage à la chronicité concerne peu de patients infectés ü A travers le monde le nombre de patients infectés est très grand ü 75 % des cancers hépatocellulaires à l’échelle mondiale sont provoqués par l’hépatite B L’hépatite virale B Le passage à la chronicité Incapacité du système immunitaire à éradiquer le virus L’hépatite virale B La prévention Ø Réduction de l’exposition aux facteurs de risque Ø Sécurisation des produits sanguins Sérologie sur les donneurs de sang : recherche de l’Ag HBS (et Ac antiHBS) Ø Vaccination Protéine d’enveloppe recombinante = Ag HBS 2 injections à 1 mois d’intervalle 3ème injection 6 mois plus tard L’hépatite virale C Agent causal 7 génotypes surtout génotypes 1 et 4 La réplication L’hépatite virale C Composition de la polyprotéine virale précurseur Clivage par des peptidases de la cellule hôte Autoprotéases virales Donne naissance à 10 protéines virales différentes : 7 protéines non structurales sont les cibles des antiviraux directs L’hépatite virale C Le passage à la chronicité L’hépatite virale C La prévention Ø Réduction de l’exposition aux facteurs de risque Ø Sécurisation des produits sanguins Sérologie sur les donneurs de sang : recherche de l’Ac antiHCV Ø Pas de vaccination disponible Médicaments utilisés dans le traitement de l’hépatite B chronique Traitement de l’hépatite B Les objectifs Le traitement n’est pas systématique : en fonction de l’importance de la charge virale, étendue des lésions hépatiques Le VHB insère son génome dans la cellule hôte donc est très difficile à éradiquer complètement. L’ambition du traitement est de : Ø Limiter la réplication du virus Ø Permettre une réponse immunitaire qui va se charger d’éliminer le virus : ü Disparition de l’Ag Hbe et apparition de l’Ac antiHbe :mise sous contrôle de la réplication virale ü Disparition de l’Ag HbS et apparition de l’Ac antiHbS : guérison Hépatite virale chronique B Deux groupes de médicaments qui correspondent à deux options thérapeutiques différentes Ø Interférons α Ø Antiviraux directs : inhibiteurs de réverse transcriptase de 2ème génération Interféron α Rappels physiologiques IFN virus Récepteur spécifique Haute affinité IFN Cellule infectée produit de l’IFNα Synthèse de protéines effectrices Cellule cible Le phénomène d’interférence La cellule devient résistante à l’infection L’IFNα est une cytokine, glycoprotéine de 167 à 187 AA Deux sont utilisés en thérapeutique : IFNα 1a et IFNα 2b IFNα Interféron α Rappels physiologiques Récepteur de haute affinité Formé de deux parties Environ 30 gènes cibles sont transcrits des ISG : IFN stimulated genes ISRE (IFN Sensitive Responsive Element) Interféron α Rappels physiologiques L’IFNα induit principalement 4 protéines à activité antivirale Ces protéines agissent sur les ARNm Effecteurs communs aux virus à ADN et ARN Activité antivirale à large spectre L’infection virale est stoppée dans son développement 1.l'OligoAdénylateSynthétase:hydrolyselesARN-m, 2.uneprotéine-kinasePKR:bloquelatraducEondesARN-m, 3.uneprotéineMx:bloquelatranscripEon, 4.uneadénosinedésaminase:modifielesARN-m. L’IFNα est un agent antiviral indirect Interféron α Interférons utilisés en thérapeutique Protéines recombinantes 1) Interférons standard Séquence en AA identique à celle des interférons naturels Copie conforme de la protéine physiologique Protéines recombinantes de 1re génération IFN a 2a (20 kD) IFN a 2b (20 kD) 2) Interférons pégylés Protéine recombinante + molécule de PEG PEG = Poly Éthylène Glycol Polymère non toxique, soluble dans l’eau De PM modulable Interféron α Interférons utilisés en thérapeutique Structure des IFN pégylés IFN a 2a (20 kD) + structure PEG ramifiée (40 kD) IFN a 2b (20 kD) + structure PEG linéaire (20kD) PEG Interféron alfa-2b VIRAFÉRONPEG Chaîne linéaire PEG 20 kD PEG Interféron alfa-2a PEGASYS Structure ramifiée PEG 40 kD IFN standard : chaîne protéique de 165 AA Interféron α 3) Spécialités actuellement disponibles Type interféron DCI Spécialité Voie adm. standard Interféron α 2a ROFERON A SC IM INTRONA SC IV VIRAFERON SC standard Interféron α 2b pégylé Peginterféron α 2a PEGASYS SC pégylé Peginterféron α 2b VIRAFERON-PEG SC Interféron α Propriétés pharmacocinétiques 1) Demi-vie d ’élimination IFN standard : 5à6h IFN pégylé : 54 h VIRAFERON-PEG 65 h PEGASYS La pégylation diminue la clairance rénale : La demi-vie est multipliée par 10 2) Rythme d’administration IFN standards 3 administrations/semaine IFN pégylés 1 seule administration / semaine Interféron α Effets indésirables Effets transitoires, réversibles, dose-dépendants Ø Syndrome pseudogrippal le plus fréquent 50 à 90 % des cas Ø Induction de troubles psychiques le plus grave mais rare dépression, anxiété, idées et comportement suicidaires Ø Réactions inflammatoires au point d’injection surtout IFN pégylés Ø Asthénie Ø Désordres gastrointestinaux Ø Perturbations biologiques Inhibiteurs de la réverse transcriptase du virus HBV : ADN polymérase ARN dépendante Mécanisme d’action général Analogue nucléosidique ou nucléotidique dépourvu de OH en 3’ pour continuer la liaison phosphodiester Effet terminateur de chaîne sur l’ADN en cours d’élongation Synthèse de l’ADN Ponts phosphodiesters Inhibiteurs de la réverse transcriptase du virus HBV : ADN polymérase ARN dépendante Entécavir BARACLUDE Analogue nucléosidique de la guanosine Telbivudine SEBIVO Analogue nucléosidique de la thymine Analogues nucléosidiques = base azotée + ribose doivent subir 3 phosphorylations pour acquérir Le statut de nucléotide triphosphates Inhibiteurs de la réverse transcriptase du virus HBV : ADN polymérase ARN dépendante Analogue nucléotidique acyclique phosphonate de l’adénosine Analogues nucléotidiques = base azotée + ribose (ou pseudosucre) + phosphate (1, 2 ou 3 groupements) Ténofovir disoproxil prodrogue Ne sont pas actifs aux doses thérapeutiques sur les ADN polymérases des cellules humaines ténofovir VIREAD Inhibiteurs de la réverse transcriptase du virus HBV : ADN polymérase ARN dépendante Conditions d’administration Entécavir Ténofovir Telbivudine BARACLUDE VIREAD SEBIVO 1 prise 0,5 mg/j 1 prise 245 mg/j 1 prise 600 mg/j Effets indésirables Ténofovir : toxicité rénale Ténofovir, entécavir : Telbivudine diarrhées, vomissements fatigue augmentation des transaminases Résistances au traitement Phénomène limité avec les inhibiteurs de 2ème génération Traitement de l’hépatite B Schémas thérapeutiques 1ère option thérapeutique : monothérapie IFNα Conditions Patient < 60 ans ALAT X par 2 à 5 fois Pas de cirrhose Génotypes A ou B Compliance difficile Avantages Durée traitement limitée (6 à 12 mois) Pas de résistance Possibilité de contrôle immunologique de la maladie Inconvénients Voie injectable Tolérance médiocre Faible taux de réponse complète Traitement de l’hépatite B Schémas thérapeutiques 2ème option thérapeutique : antiviraux directs en monothérapie Conditions Tout âge ALAT > 5 X cirrhose Tous les génotypes Compliance optimale Avantages Per os Bonne tolérance Inconvénients Administration longue durée Sans limite bien établie La transplantation hépatique est une option thérapeutique possible Médicaments utilisés dans le traitement de l’hépatite C chronique Les médicaments actuellement préconisés Ø Ribavirine : antiviral « polyvalent » Ø Antiviraux directs : 3 cibles q Inhibiteurs de la protéase NS3/4A q Inhibiteurs de la phosphoprotéine NS5A q Inhibiteurs de la NS5B (RNA polymérase RNA dépendante) Les cibles des antiviraux directs Anti-protéases : simeprevir, paritaprevir/ritonavir Inhibiteurs de la NS5A : daclastavir, ombistavir, ledipasvir, elbasvir Inhibiteurs de la RNA polymérase ARN dépendante : sofosbuvir, dasabuvir Traitement de l’hépatite C Les substances actives ne sont jamais utilisées en monothérapie : minimum 2 substances (bithérapie) L’efficacité est conditionnée par la nature du génotype. Le schéma de traitement varie en fonction du génotype On obtient des taux de RVS compris entre 95 % et 100 % L’efficacité de ces antiviraux directs laisse envisager une disparition du virus à l’horizon d’une dizaine d’années. Epidémiologie des génotypes France : génotype 1b génotype 1a génotype 3a génotype 2 génotype 4 40 à 50 % 15 à 25 % 15 à 25 % 10 % 5% Les différents types de réponse virologique Patient « répondeur » présentant une réponse virologique prolongée (RVP) ou Réponse virologique soutenue (RVS) : la charge virale est indétectable 6 mois après arrêt du traitement. Patient « non répondeur » absence de négativation de l’ARN viral sérique pendant la durée du traitement. Patient « rechuteur » réapparition d’ARN viral sérique à l’arrêt du traitement alors qu’il était indétectable pendant celui-ci. Les différents types de réponse virologique Patient rechuteur Seuil de détection Patient répondeur 24 semaines = 6 mois Arrêt du traitement La présence virale est détectée par la présence de l’ARN viral plasmatique mis en évidence par RT-PCR Ribavirine Antiviral polyvalent Ribavirine COPEGUS, REBETOL Analogue nucléosidique : analogue de la guanosine Ribavirine Antiviral polyvalent Mécanisme d’action Spectre antiviral large : mécanismes multiples 2 mécanismes indirects : Ø stimulation de l’immunité cellulaire médiée par les lymphocytes T Ø Inhibition de l’enzyme IMPDH de la cellule hôte conduisant à une déplétion en GTP par un mécanisme d’inhibition compétitive : effet antimétabolite 2 mécanismes directs : Ø Inhibition de la RNA polymérase RNA dépendante virale Ø Effet mutagène sur l’ARN viral générant des virus mutants non viables Ribavirine : Antiviral polyvalent IMPDH : Inosine Mono Phosphate Déshydrogénase RdRp : RNA dependent RNA polymerase Ribavirine Antiviral polyvalent Modalités d’utilisation Jamais utilisé en monothérapie 800 à 1000 mg/jour en fonction du génotype et de la charge virale. Rajouté aux antiviraux directs dans les hépatites compliquées de cirrhose 2 prises par jour Voie orale Effets indésirables Ø Anémie Ø Effet tératogène sur l’animal Ribavirine : Antiviral polyvalent Contre Indications Ø Ø Ø Ø Hypersensibilité Grossesse : effet tératogène Cirrhose du foie décompensée Insuffisance cardiaque sévère Modalités particulières de prescription Contraception efficace exigée chez : Patiente traitée ou chez la partenaire du patient traité Test de grossesse négatif : Ø à l’instauration du traitement Ø A chaque délivrance mensuelle Ø Pendant les 4 mois qui suivent l’arrêt du traitement Inhibiteurs de protéase NS3-NS4A de 2ème génération simeprevir OLYSIO Voie orale 150 mg / j 1 seule prise par jour asunaprevir BMS-650032 (ATU nominative) Voie orale 100 mg 2 fois par jour Inhibiteurs de protéase NS3-NS4A de 2ème génération Complexe paritaprevir + ritonavir Associés à un inhibiteur de NS5A (ombistavir) entrent dans la composition de la spécialité VIEKIRAX. Le ritonavir n’est pas un antiviral mais est un inhibiteur de CYP3A qui augmente la durée de vie du paritaprevir qui est un substrat du CYP3A Inhibiteurs de protéase NS3-NS4A de 2ème génération Mécanisme d’action Protéase impliquée dans maturation du pré-peptide précurseur Inhibiteurs de protéase NS3-NS4A de 2ème génération Effets indésirables Effets indésirables modérés avec les inhibiteurs de 2ème génération Interactions médicamenteuses Métabolisés par le cytochrome 3A4 Nombreuses interactions : § Certains antirétroviraux § Immunosuppresseurs (ciclo ou tacrolimus) Interactions à replacer dans le contexte : § Co-infection HCV-VIH § Cirrhose liée à l’hépatite C, principale cause de greffe hépatique. Réactivation fréquente du virus post-greffe Inhibiteurs de la phosphoprotéine NS5A daclastavir DAKLINZA Ombistavir entre dans la composition de la spécialité VIEKIRAX Ledipasvir : entre dans la composition de la spécialité HARVONI Inhibiteurs pangénotypiques Inhibiteurs de la phosphoprotéine NS5A Mécanisme d’action Phosphoprotéine possédant des rôles pléïotrope § Régule la réplication virale en faisant partie du complexe de réplication. Interagit directement avec NS5B § Impliquée dans l’assemblage des particules virales § Interagit avec diverses protéines de la cellule hôte. Inhibiteurs de la phosphoprotéine NS5A Effets indésirables ü fatigue ü céphalées ü nausées Inhibiteurs de l’ARN polymérase NS5B ARN polymérase ARN dépendante Analogue nucléotidique Sofosbuvir SOVALDI Analogue pronucléotidique de l’uridine Le groupement phosphate est masqué par deux masques chimiques qui permettent une pénétration spontanée dans la cellule prodrogue Sous l’action d’enzymes cellulaires l’analogue nucléotide monophosphate est régénéré Il rejoint le pool des nucléotides monophosphates Effet de terminaison de chaîne sur l’ARN en élongation Inhibiteurs de l’ARN polymérase NS5B ARN polymérase ARN dépendante Analogue non nucléosidique Dasabuvir EXVIERA Se fixe directement sur le site catalytique de l’enzyme. Agit directement sans nécessité de modification chimique Indépendant de la procédure de phosphorylation Effets indésirables Ø Ø Ø Ø Anémie Anorexie Céphalées fatigue Spécialités associant des antiviraux directs dirigés contre des cibles différentes Inhibiteur de protéase NS3/4A et inhibiteur de NS5A Paritaprevir/ritonavir + Ombistavir VIEKIRAX Inhibiteur de NS5A et inhibiteur de NS5B Ledispasvir+ Sofosbuvir HARVONI Recommandations de traitement Association Française pour Etude du Foie Juin 2015 Les modalités de traitement sont définies en fonction : Ø du génotype viral Ø De la présence ou pas d’une cirrhose Ø Patient naïf ou en échec d’un traitement antérieur Ø De la présence de ribavirine dans l’association Recommandations de traitement Génotype 1 : Ø Patient naïf § Sans cirrhose : sofosbuvir + daclastavir 12 semaines RVS 100 % § Avec cirrhose : sofosbuvir + daclastavir 24 semaines RVS 97 % sofosbuvir + daclastavir + ribavirine 12 semaines RVS 100 % Ø En échec de traitement § Sans cirrhose : sofosbuvir + daclastavir 12 semaines sofosbuvir + ledipasvir 12 semaines dasabuvir + paritaprevir/ritonavir + ombistavir 12 semaines § Avec cirrhose : rester sur les associations précédentes mais passer à 24 semaines ajouter aux associations la ribavirine et se limiter à 12 semaines Recommandations de traitement Génotype 2 : Ø Patient naïf § Sans cirrhose : sofosbuvir + ribavirine § Avec cirrhose : sofosbuvir + ribavirine Ø En échec de traitement § Sans cirrhose : sofosbuvir + daclastavir § Avec cirrhose : sofosbuvir + ribavirine sofosbuvir + daclastavir 12 semaines 24 semaines 12 semaines 24 semaines 12 semaines Recommandations de traitement Génotype 3 : Ø En absence de cirrhose : sofosbuvir + daclastavir Ø Avec cirrhose : sofosbuvir + daclastavir + ribavirine sofosbuvir + IFN-PEG + ribavirine 12 semaines 24 semaines 12 semaines Génotypes 4, 5 et 6 : Ø En absence de cirrhose : sofosbuvir + daclastavir sofosbuvir + ledipasvir Ø Avec cirrhose : sofosbuvir + daclastavir sofosbuvir + ledipasvir sofosbuvir + daclastavir + ribavirine sofosbuvir + daclastavir + ribavirine 12 semaines 12 semaines 24 semaines 24 semaines 12 semaines 12semaines Résistances Concernent surtout les inhibiteurs de la NS5A Problème moins important que pour les antiviraux directs Actifs contre l’hépatite B. Efficacité Avec ces associations (bi ou trithérapies) on a un taux De RVS > 95 % Tout traitement pour lequel le taux de RVS est < 90 % n’est plus recommandé. Coût Gros problème !! Le comprimé de Sofosbuvir est passé de 1000 à 500 € Suivi du traitement NFS en particulier si ribavirine en raison des risques d’anémie Clairance à la créatinine Tests des fonctions hépatiques : transaminase, fibrose Mesure répétée de la charge virale : toutes les 4 semaines pendant le traitement à l’arrêt du traitement : 12, 24 et 48 semaines après