La FCMII commandite un symposium sur la recherche d'un traitement curatif Le Journal, été 1998 par K. J. McHugh , B. Sc. Ph. D. Pendant la récente semaine sur les maladies digestives à Banff s'est tenu un symposium satellite intitulé «Vers un traitement curatif des maladies inflammatoires de l'intestin». Ce symposium était cocommandité par l'Association canadienne de gastroentérologie (ACG) et la Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l'intestin (FCMII). Les docteurs Mary Perdue, de l'université McMaster, et Phil Sherman, de The Hospital for Sick Children de Toronto, organisateurs du symposium, ont réuni un groupe de chercheurs sur les maladies inflammatoires de l'intestin (MII) réputés dans le monde entier et provenant des meilleurs établissements canadiens. La première conférencière, le docteur Ann Griffiths, directrice du programme sur les MII à l'université de Toronto, a traité de La génétique des MII. Elle s'est penchée sur l'importance de la susceptibilité génétique des MII et sur ce que la génétique peut apprendre aux chercheurs au sujet des MII. La preuve du rôle de la génétique sur les MII provient d'études cliniques qui démontrent une augmentation de la prévalence dans certaines familles et certains groupes ethniques. Puisque les conjoints des personnes atteintes ne courent pas un risque supérieur à la moyenne de souffrir d'une MII, cette prévalence accrue au sein des familles n'est pas imputable à un agent de contagion. Les études auprès de jumeaux confirment l'influence génétique de ces maladies. La possibilité qu'un jumeau développe une MII si l'autre jumeau est atteint est beaucoup plus élevée chez les jumeaux monozygotes, ou identiques (aux mêmes gènes), que chez les jumeaux dizygotes, ou faux jumeaux (gènes différents). Pourtant, un jumeau identique dont l'autre jumeau est atteint ne développera pas nécessairement une MII, ce qui laisse supposer la présence d'un «élément déclencheur» de la maladie. Ainsi, les MII découlent de plusieurs gènes défectueux et non pas d'un seul gène anormal, comme c'est le cas de maladies comme la fibrose kystique. Le corps humain contient plus de 15 000 gènes qui renferment le mode de fabrication de protéines précises. Même de petites anomalies génétiques peuvent nuire à la production convenable de la protéine de ce gène, ce qui peut provoquer une maladie. De toute évidence, c'est une tâche ardue que de découvrir lesquels des 150 000 gènes recèlent les anomalies responsables de l'apparition des MII. La recherche des gènes d'une maladie respecte toujours la même méthodologie. Il faut d'abord trouver lequel des 23 chromosomes contient les gènes anormaux, puis l'emplacement précis de ces derniers. On cherche enfin pour quelle protéine le gène est encodé. Chaque gène possède l'«encodage» d'une protéine précise, c'est-à-dire qu'il est responsable d'activer la production de cette protéine. Le meilleur moyen de procéder consiste à rechercher des indicateurs ou des anomalies génétiques communs dans les familles affichant une prévalence élevée de MII. Pour ce faire, on compare la carte génétique des membres de la famille atteints d'une MII avec celle de ceux qui ne sont pas atteints. Les séquences, ou marqueurs, génétiques qui se répètent chez les personnes atteintes mais que l'on n'observe pas chez les membres de la famille non atteints représentent des sites potentiels de gènes des MII. Cette méthode se nomme relation génétique et fait appel à la technique du clonage de position. Elle se divise en quatre étapes : • le prélèvement sanguin dans les familles, • la cartographie des sites potentiels des MII, • la cartographie des gènes potentiels des MII, • la confirmation des gènes des MII après une comparaison entre les cartes génétiques des MII et celles sans MII. Ces études exigent d'énormes échantillonnages de familles présentant des cas multiples de MII. Plusieurs études préliminaires au moyen de cette technique laissent supposer la présence de sites potentiels sur certains chromosomes. Cependant, il faudra confirmer ces résultats avant de tirer des conclusions. On peut préférer des «gènes candidats», des anomalies sur les gènes qui contrôlent la perméabilité intestinale, la fonction immunitaire ou d'autres mécanismes susceptibles de participer à l'apparition ou au maintien des MII. Cette méthode dépend des connaissances actuelles sur le développement des MII et exige beaucoup de tâtonnements inefficaces. Une fois les gènes identifiés parmi les gènes candidats, on peut parfois mettre au point des essais diagnostiques et des traitements précoces pour prévenir ou retarder l'apparition de la maladie. De nouveaux agents pharmaceutiques pourraient être élaborés selon les protéines pour lesquelles les gènes des MII sont encodés. Grâce à l'établissement de la cartographie du génome humain, nous délimitons le champ de recherche sur les gènes des MII et attendons impatiemment cette étape importante de la recherche sur la cause et le traitement curatif des MII. Le deuxième conférencier, le docteur Derek McKay de l'université McMaster, s'est intéressé au rôle potentiel des Microbes sur les MII. On spécule beaucoup sur le fait qu'un microbe encore non identifié serait l'élément déclencheur de l'apparition des MII chez les personnes susceptibles d'un point de vue génétique. On étudie le rôle des microbes sur les MII depuis plus de 30 ans. À l'échelle microscopique, les MII ressemblent à plusieurs maladies animales attribuables aux microbes, dont la paratuberculose des bovins. Récemment, plusieurs espèces d'élevages spéciaux de rats et de souris (SCID, IL-4, IL-10 inactivé) ont développé une colite spontanée. On avance que les microbes participent à l'évolution de la colite parce que ces animaux ne développent pas cette maladie dans un milieu dénué de germes (microbes). Les animaux à l'IL10 inactivé peuvent éviter de développer la forme grave de la maladie s'ils reçoivent un certain type de bactérie (le lactobacille). Ainsi, l'équilibre des microbes dans le tube digestif, et non une infection à un microbe précis, jouerait un rôle dans les MII. Cette découverte, couplée au fait que le tube digestif (surtout le gros intestin) est peuplé de centaines de souches de bactéries, indique combien il sera difficile d'examiner le rôle des microbes sur les MII. Chez les humains, tous les efforts à grande échelle visant à identifier un agent microbien responsable ont échoué. Ce processus est difficile parce que les chercheurs doivent établir si les modifications aux agents microbiens représentent une cause ou un effet des MII. Cependant, la découverte récente selon laquelle le microbe H. pylori est responsable des ulcères gastriques a incité les chercheurs à poursuivre leurs recherches dans cette voie. Il est démontré que les microbes peuvent modifier directement à la fois la physiologie et le système immunitaire du tube digestif. Les infections à l'E. coli peuvent imiter la plupart des symptômes des MII chez les humains. D'autres bactéries fabriquent des produits (les lipopolysaccharides, les toxines, les glycopeptides, les superantigènes) qui activent le système immunitaire, lequel influence directement la fonction gastro-intestinale. Le lien entre les microbes et les MII est également soutenu par des études qui démontrent la réaction défavorable de certaines personnes atteintes d'une MII aux antibiotiques (antimicrobiens). L'examen de nouvelles techniques biologiques et de nouveaux marqueurs biologiques nous éclairera quelque peu quant au rôle de microbes précis ou de leur déséquilibre sur la cause, le maintien ou l'exacerbation des MII. Le troisième conférencier, le docteur John Wallace de l'université de Calgary, a présenté Les médiateurs et les inhibiteurs de l'inflammation muqueuse. Ceux-ci ne procureront probablement pas un traitement curatif aux MII, mais ils se révèlent très prometteurs comme nouveaux traitements, surtout chez les personnes atteintes d'une MII avancée et complexe. Il convient de se rappeler que même si on trouve un traitement curatif, celui-ci ne réussira peut-être qu'à prévenir les nouveaux cas ou à guérir les nouveaux diagnostiqués. L'inflammation muqueuse des MII se caractérise par des cellules du système immunitaire qui attaquent et détruisent des cellules du tube digestif. Ce phénomène laisse supposer qu'il existe un problème entre les voies de communication de l'intestin et celles du système immunitaire. Ainsi, les médiateurs de l'inflammation muqueuse peuvent être ciblés vers la cellule inflammatoire ou les cellules du tube digestif. Chez les modèles animaux de MII, des cellules immunitaires du nom de neutrophiles sont essentielles au processus inflammatoire. Ces cellules doivent migrer du sang aux tissus du tube digestif pour susciter l'inflammation. Les neutrophiles doivent ralentir (rouler) et adhérer à l'intérieur d'un vaisseau sanguin, puis se frayer un passage entre les cellules (migration) pour parvenir au tissu épithélial du tube digestif. Des animaux qui ont développé une colite spontanée traitée par des molécules qui empêchent les neutrophiles d'adhérer à l'intérieur des vaisseaux sanguins peuvent éviter l'inflammation intestinale. Les «nactines» sont un exemple de ces molécules antiadhésives. Cependant, bien qu'elles soient efficaces lorsque l'on traite l'animal avant l'apparition de la colite, les nactines semblent inefficaces en présence d'une inflammation. Selon toute probabilité, ce traitement ne sera donc pas efficace pour soigner les MII puisqu'il est impossible de prédire qui souffrira d'une MII. Si on parvient à identifier les marqueurs génétiques des MII, ce type de traitement (un prétraitement) pourrait toutefois se révéler utile. On étudie aussi un autre usage possible des inhibiteurs de l'inflammation muqueuse sur des modèles animaux. Des rats qui reçoivent un lavement de TNBS, un produit chimique, développent une inflammation intestinale. Cette inflammation peut récidiver une fois l'intestin guéri. Si les inhibiteurs d'une molécule, le monoxyde d'azote, sont administrés aux rats ayant reçu du TNBS, il est possible de prévenir la récidive de l'inflammation. Le monoxyde d'azote influence la fonction des neutrophiles, lesquels sont aussi importants dans les cas de MII chez les humains. Il est difficile d'expliquer le mécanisme anti-inflammatoire du monoxyde d'azote, car celui-ci se trouve partout dans l'organisme et devient proinflammatoire dans certaines conditions. Les éléments qui bloquent l'inflammation dans les cellules immunitaires ou gastrointestinales sont les médiateurs de l'inflammation muqueuse, tandis que ceux qui bloquent l'inflammation en altérant des médiateurs comme le monoxyde d'azote sont les inhibiteurs de l'inflammation muqueuse. Les recherches dans ce domaine produiront de meilleurs traitements contre les MII, mieux ciblés, dans un avenir rapproché. Idéalement, ces traitements cibleront des cellules ou des molécules précises et produiront moins d'effets secondaires négatifs. Quelques-uns de ces traitements ont été présentés par le dernier conférencier, le docteur Bruce Yacyshyn de l'université de l'Alberta, qui s'est penché sur les Nouveaux traitements contre les MII, soit les anticorps monoclonaux, les cytokines, la thérapie antisens et les biomédicaments. Tout comme les médiateurs et les inhibiteurs de l'inflammation muqueuse, ces nouveaux médicaments ne seront probablement pas des traitements curatifs. Cependant, puisqu'ils ciblent des substances très précises, ils donneront peut-être des indices sur le développement des MII. Tous les nouveaux médicaments sont testés sur des modèles animaux puis évalués chez l'humain afin d'en déterminer l'efficacité et la toxicité. L'absence de modèles animaux convenables et d'une base de données de patients atteints d'une MII a retardé l'évolution de certains nouveaux traitements. Des cellules immunitaires du nom de lymphocytes T (cellules cd4) sont activées de manière anormale chez les personnes atteintes d'une MII. Un anticorps précis (l'anti-cd4) permet de se débarrasser des lymphocytes T. Dans le cadre d'une étude récente, un traitement anti-cd4 a réussi à éliminer les lymphocytes T excédentaires chez un petit groupe de patients, mais des effets secondaires (une suppression générale du système immunitaire) ont été observés chez bon nombre d'entre eux. Cette suppression générale du système immunitaire reflète sans aucun doute la non-spécificité relative de l'anti-cd4. On observerait moins d'effets secondaires si on utilisait des anticorps plus spécifiques ciblés vers des molécules précises plutôt que vers un grand nombre de cellules. L'anticorps antiFNT a représente un exemple plus précis de ce type d'anticorps. Le FNT a pourrait jouer un rôle de premier plan dans les MII car il peut influencer la perméabilité intestinale (cause de la diarrhée) et se trouve en concentrations élevées dans les selles des patients en récidive. L'anticorps antiFNT a se nomme cA2 (voir Dernières nouvelles en page 13). On a démontré que le cA2 réduit les symptômes de MII chez 61 pour cent des personnes atteintes d'une maladie de Crohn comparativement à seulement 17 pour cent de celles qui reçoivent un placebo. Les 39 pour cent des patients qui n'ont pas réagi au cA2 dès le départ n'ont pas réagi davantage à un deuxième traitement. Ces études laissent supposer qu'il existe deux souspopulations de personnes atteintes d'une MII, dont l'une chez laquelle le FNT occupe une place plus importante et plus causative dans la maladie. Ces traitements semblaient causer peu d'effets secondaires, mais il faudra approfondir les recherches et procéder à un suivi prolongé pour évaluer les effets secondaires réels. La molécule interleukine-10 (IL-10) est libérée par les cellules immunitaires pour ralentir ou inhiber le processus inflammatoire. Les souris sans IL-10 développent une colite spontanée (dans un milieu sans germe). Le traitement à l'IL-10 des patients atteints d'une MII réussit à atténuer les symptômes chez près de 80 des sujets testés. Cependant, la plupart des patients font une rechute une fois le traitement interrompu. L'IL-10 demeure dans l'organisme pendant une très courte période, mais peut influencer l'activité des lymphocytes T pendant une longue période. Ces études se poursuivent. D'autres traitements contre les MII commencent aussi à être évalués, soit : • les thérapies antisens qui agissent à l'échelle moléculaire pour prévenir la production de protéines spécifiques qui, à leur tour, peuvent affecter les propriétés adhésives des cellules immunitaires; • des glucocorticoïdes (stéroïdes) synthétiques, qui ciblent une transcription génétique précise et ont moins d'effets secondaires que les stéroïdes traditionnels; des médicaments qui touchent les Nfkb, un important régulateur moléculaire du système immunitaire; • • des médicaments comme l'héparine, qui touchent les mécanismes de coagulation de l'organisme; • des anticorps «bactériophages», qui ciblent des organes précis (le tube digestif dans le cas des MII). Le nombre remarquable de nouveaux traitements potentiellement utiles a permis de terminer le symposium sur une bonne note. Par ailleurs, à la fin du symposium, on a tenu un sondage officieux afin de savoir lequel des quatre sujets présentés était le plus important dans la recherche d'un traitement curatif. Toutes les personnes présentes se sont entendues pour déclarer que la recherche dans ces quatre domaines revêt la même importance et que le fait de concentrer les efforts de recherche sur un seul secteur ne constituerait pas une approche utile. D'après le consensus, ce n'est qu'en finançant de nombreux projets de recherche dans le plus de secteurs possible des MII que l'on trouvera un traitement curatif. Dans l'ensemble, la séance a très bien démontré que le Canada et les chercheurs canadiens sont à la fine pointe de la recherche sur les MII de par le monde. La participation de monsieur McHugh à la semaine canadienne sur les maladies digestives a été commanditée par la FCMII et Axcan Pharma.