Ethique et fin de vie Dr Samia Hurst –Prof. Alex Mauron Institut d’éthique biomédicale, Faculté de médecine, UNIGE Ce que vous demande la famille de Christine De ne pas la soigner? De la laisser mourir? De la tuer? De ne pas permettre qu’elle souffre encore? De ne pas permettre qu’elle reste une charge pour eux? On le voit, le genre de motivations que l’on a lors de ce genre de décision peut changer les choses. Le genre de chose que l’on décide de faire aussi… Situations en fin de vie : terminologie. 1. 2. 3. 4. Euthanasie active directe Euthanasie active indirecte Retrait ou abstention thérapeutique (= euthanasie passive) Assistance au suicide 1. Euthanasie active directe Intervention visant à provoquer la mort d’un patient pour lui épargner des souffrances. On utilise souvent le terme d’euthanasie volontaire pour désigner l’euthanasie active directe sur demande explicite du patient. La plupart des législations considères cela comme un meurtre. Parfois, comme en Suisse, on considère que c’est un meurtre moins grave, mais un meurtre tout de même. 2. Euthanasie active indirecte Intervention visant à soulager les souffrances du patient en ayant comme effet secondaire de hâter la mort. La différence d’avec l’euthanasie active directe tient essentiellement à l’intention de celui qui agit : mettre fin à la vie (euthanasie active directe), ou soulager des souffrances avec comme effet possible ou prévisible d’abréger la vie (euthanasie active indirecte). 3. Retrait ou abstention thérapeutique (= euthanasie passive) Abstention ou cessation d’un traitement vital lorsque celui-ci est refusé par le patient ou qu’il n’est plus dans l’intérêt du patient, ou encore qu’il correspond pour le patient à un fardeau disproportionné par rapport au but visé. Arrêt de traitement non désiré Un traitement médical est une intrusion dans le corps humain. Pour être admissible, cette intrusion doit être autorisée si le patient est capable de discernement. Il est donc généralement reconnu que tout traitement, même vital, peut être refusé par une personne capable de discernement On reconnaît aussi que refuser une traitement vital peut être une façon de choisir une mort moins médicalisée et que ce choix peut être légitime. 4. Assistance au suicide Assistance consistant à fournir à une personne le moyen pour celle-ci de mettre fin à ses jours. Pour qu’il s’agisse vraiment d’une assistance au suicide, il faut que la personne décide librement de mourir et qu’elle accomplisse elle-même le geste suicidaire : sinon, on se trouve dans une situation d’euthanasie. Le droit suisse pénalise uniquement l’assistance au suicide fournie sur la base d’un motif égoïste (art. 115 CPS). C’est plutôt rare. La plupart des législations interdisent l’assistance au suicide. Les Pays-Bas L’euthanasie a été d’abord décriminalisée, puis légalisée en Hollande Précautions: Le patient doit prendre l’initiative de la demande. Il doit être capable de discernement, informé des alternatives et son souhait de mourir doit être persistant. La souffrance doit être vécue comme constante, insupportable et sans espoir. Elle doit être insoutenable. Le médecin doit consulter au moins un confrère, qui doit avoir une expérience des demandes d’euthanasie Le patient doit signer une demande, et le médecin doit faire un rapport à l’administration. La mort assistée en Europe Belgique Italie Hollande Suisse Euthanasie 0.3% 0.04% 2.59% 0.27% Suicide médicalement assisté 0.01% 0% 0.26% 0.21% Van der Heide et al, Lancet 2003 Qu’est-ce qui peut changer le statut moral de la mort choisie? Le type d’acte commis Qui agit Les intentions de l’agent Les circonstances Qui décide L’acte Tuer et permettre de mourir sont généralement considérés comme moralement différents. On l’a vu, on distingue L’euthanasie passive: retrait de traitement qui maintient le patient en vie L’euthanasie active: introduction d’une intervention qui vise à donner la mort Il est parfois difficile en pratique de les distinguer clairement. Appuyer sur le bouton qui éteint le respirateur, c’est actif ou passif? C’est passif, mais pas évident en pratique Chez Christine, ce qu’on vous demande c’est clairement passif Qui agit Le suicide assisté est distingué de l’euthanasie par l’identité de la personne qui agit. Le patient dans le premier cas, quelqu’un d’autre dans le second. En Suisse, c’est une distinction légale importante. L’intention Hâter la mort est considéré comme acceptable si c’est un effet secondaire inévitable et indésiré du traitement de la souffrance physique. Le point crucial est que l’intention ne soit pas de tuer. Les circonstances La personne qui choisi de mourir fait-elle un choix libre et éclairé? Une personne souffrant de délire pourrait vouloir mourir plutôt que de faire face à un danger illusoire... La mort est-elle choisie en dernier recours? Ou y a-t-il des circonstances accessibles qui feraient changer d’avis...? Qui décide L’auto-détermination est considérée comme importante. Il y a donc une différence fondamentale entre la mort assistée choisie par la victime et celle qui ne l’est pas.. On distingue parfois L’euthanasie volontaire: le patient décide. L’euthanasie non volontaire: le patient est silencieux, d’autres décident. L’euthanasie involontaire: le patient veut vivre, d’autres décident de le tuer. Dans le cas de Christine, ce n’est pas elle qui choisi! Mourir, est-ce automatiquement un choix non valable? Le désir de mourir est souvent perçu comme un symptôme de maladie psychiatrique. Souvent, c’est exact! C’est toujours important de savoir si le désir de mourir est dû à des facteurs qui peuvent être éliminés! La maladie psychiatrique peut souvent être traitée. Laisser mourir par négligence un malade dépressif plutôt que de soigner sa souffrance est une faute grave. Mourir, est-ce automatiquement un choix non valable? Par contre, il n’est pas du tout clair que le désir de mourir soit toujours un symptôme de maladie. On peut être capable de discernement Alors que l’on veut mourir En présence d’une pathologie psychiatrique. De plus, lorsque l’on souffre et qu’il n’y a pas d’espoir d’amélioration, le lien entre une maladie et le désir de mourir peut être légitime. La tradition hippocratique Jamais je ne remettrai du poison, même si on me le demande, et je ne conseillerai pas d'y recourir. Hippocrate de Cos, env. 460-377BCE Par contre, le corpus hippocratique conseille aussi de ne pas traiter les malades qui sont déjà vaincus par leur maladie. Donc, Christine… La famille de Christine vous demande une abstention thérapeutique C’est un acte qui est généralement considéré comme admissible, pour autant que Un patient capable de discernement le demande luimême ET/OU Le traitement soit considéré comme disproportionné, comme imposant une charge trop importante au patient au regard du bénéfice attendu pour lui. Alors?