Niveaux de la négociation
Chez le patient, quatre niveaux de contrôle et de responsabilité peuvent être distingués: la passivité, la dépendance, la
coopération et l'autonomie. Chez le médecin, les quatre niveaux complémentaires sont le contrôle, l'expertise, le
partenariat et la facilitation de l'autonomie. En les mettant par paires, on obtient un continuum de quatre niveaux de
négociation allant d'un pôle centré sur le médecin à un autre centré sur le patient : passivité-contrôle, dépendance-
expertise, coopération- partenariat et autonomie-facilitation (figure 1).
Cette conception des niveaux de négociation s'inspire des travaux de Botelho (1992) qui en distingue quatre dans le cadre
de la relation patient/médecin : l'autocratie, le parentalisme, le partenariat égalitaire et l’autonomie, et de ceux de Szasz et
Hollender qui, en 1956, en ont identifié trois : activité-passivité, guide- coopération et participation mutuelle.
Chaque niveau de négociation est approprié à certaines situations cliniques. Plus le patient est confiné, pour quelque
raison que ce soit à un rôle passif, plus le médecin assume le contrôle dans la relation. Plus le patient est en mesure
d'endosser une part importante du contrôle et de la responsabilité, plus le médecin peut alors envisager un partenariat
égalitaire, ou même un rôle de consultant ou de facilitateur. La quatre niveaux de la négociation patient/médecin forment
un continuum allant d’un pôle centré sur le médecin à un autre centré sur le patient : passivité- contrôle, dépendance-
expertise, coopération- partenariat et autonomie- facilitation.
Le niveau passivité-contrôle est le premier niveau de la négociation. La relation est presque complètement centrée sur le
médecin. Le patient joue un rôle passif et laisse le contrôle au médecin qui assure unilatéralement les soins de santé du
patient. Ce modèle est principalement applicable dans les situations critiques d'urgence où la vie du patient est en danger
(p. ex. prise en charge d'un patient souffrant d'un oedème aigu du poumon).
Le niveau dépendance-expertise, correspond au mode de fonctionnement traditionnel de la relation patient/médecin
centrée sur la maladie. Le patient fournit l'information nécessaire au médecin et adopte une position de dépendance. Il
laisse une partie de son contrôle et de sa responsabilité au médecin qui, possédant l'expertise, domine la relation a la
manière d'un parent et prend les décisions auxquelles le patient se conforme, c'est le niveau de négociation le plus
fréquent dans la relation patient/médecin. Dans les contextes de soins aigus (p. ex. prescription d'antibiotiques pour une
pneumonie ou de benzodiazépines pour une anxiété), le caractère Ponctuel et spécifique de la demande pousse le
médecin à mettre l'accent sur l'investigation objective et à contrôler le traitement de la maladie. Plusieurs patients
Préfèrent ce niveau de relation affirmant qu'ils font confiance au médecin, et veulent qu'il agisse ainsi (Botelho, 1992).
Le niveau coopération-partenariat caractérisé par un plus grand partage du contrôle et de la responsabilité entre le patient
et le médecin et ce dans un contexte relationnel égalitaire Ce niveau nécessite chez le médecin une perspective globale
des soins de santé. Le patient et le médecin se considèrent comme des partenaires responsables qui communiquent sur
une base égalitaire lors des prises de décision (Quill, 1983). Ce niveau relationnel est privilégié dans les soins à long
terme où le médecin établit une relation thérapeutique significative favorisant chez le patient une plus grande prise en
charge. Ce niveau s'applique souvent aux services globaux et continus offerts en médecine de famille (p. ex. suivi d'un
diabétique qui s'autocontrôle).
Au niveau autonomie-facilitation la relation est essentiellement contrée sur le patient qui assume un rôle actif et dominant
alors que le médecin se limite à celui de facilitateur. Le patient est ici apte et intéressé à garder la plus grande part du
contrôle et de la responsabilité dans les décisions touchant ses soins de santé. Le médecin remplit alors un rôle plus
discret de consultant et d'informateur, prêt à répondre aux questions et aux inquiétudes du patient. Il soutient ce damier
dans ses démarches pour promouvoir sa santé globale. Ce niveau se retrouve principalement dans les suivis à moyen et
à long terme de patients capables de prendre en charge leur situation et au besoin, de demander de l'aide (p. ex.
discussion avec un hypertendu léger au sujet de son style de vie).
Dynamique des niveaux de contrôle
Quoique le niveau de contrôle et de responsabilité de chaque patient: soit fluctuant nous considérons que chacun
manifeste, selon son état habituel de santé et ses ressources, un niveau de contrôle typique qu'il aura tendance à
adopter dans la plupart des situations. Par exemple, Chantal, 35 ans, qui nie avoir un côlon irritable et qui consulte
régulièrement son médecin pour le renouvellement de son ordonnance de médicaments, affiche un niveau typique de
dépendance.
Le niveau de contrôle typique d'un individu peut être semblable (ou différent) à son niveau optimal qui correspond au
niveau le plus élevé qu'il peut atteindre dans les meilleures conditions. Par exemple, Chantal pourrait accéder au niveau
de coopération si, au lieu de se limiter à un traitement symptomatique, elle reconnaissait que sa relation avec son conjoint
est problématique et décidait d'y travailler. Par contre, dans certaines situations, le patient peut être dépassé par sa
maladie en raison de sa souffrance et afficher un niveau de contrôle différent de son niveau typique. Par exemple, Chantal
apprend que son conjoint la quitte et accuse une exacerbation de ses symptômes de côlon irritable. En pleurs dans le
cabinet du médecin, elle le supplie de l'aider (niveau de passivité). Son médecin pourrait la retirer de son travail et lui
ordonner un repos complet temporaire. La tâche du médecin est d'adopter dans un premier temps, un niveau de contrôle
complémentaire de celui du patient et de faire évoluer le niveau de négociation en fonction de la situation, tout en
favorisant un niveau optimal d'autonomie chez le patient.
Les niveaux de contrôle et de responsabilité du patient et du médecin doivent être complémentaires et appropriés à la
situation du patient pour que la relation soit non seulement fonctionnelle mais aussi qu'elle incite aux changements
thérapeutiques. Si le patient peut assumer une plus grande prise en charge que celle exigée par le médecin, la relation
pourra être fonctionnelle, mais elle n'encouragera pas le patient à évoluer.
Le patient et le médecin sont fréquemment en désaccord sur le niveau de négociation le plus approprié au moment
présent. Ainsi, pour diverses raisons, un patient peut vouloir être passif et donner le contrôle complet au médecin alors
que celui-ci estime devoir prendre un rôle de partenaire ou de facilitateur de l'autonomie. Le médecin pourra alors, grâce à
son habileté et au pouvoir que lui attribue le patient privilégier un niveau de contrôle et donc de négociation plus approprié
à la situation. Deux cas cliniques illustrent la résolution de ce type de dilemme en se référant à l'approche négociée (voir
plus foin).