TD-ED DCEM 1 Bactériologie R. Ruimy Propriété de la Faculté de Médecine Université Paris 7-Denis Diderot Un homme âgé de 40 ans, Malien vivant en Foyer, en France depuis 6 mois, • consulte pour fièvre intermittente, toux et dyspnée, altération de l’état général, amaigrissement de 5 kg depuis 1 mois • Radio de thorax = présence d’une opacité dans l’apex gauche mal systématisée Quel diagnostic évoquez-vous ? 1) Quelle est la bactérie responsable ? 2) Comment le patient s’est infecté ? Vous décidez de l’hospitaliser, quelles mesures prenez-vous? 3) Quelle est la physiopathologie de la maladie et le pouvoir pathogène de la bactérie? 4) Quel(s) examen(s) demandez-vous pour étayer votre diagnostic étiologique? 5) Quelles vont être les étapes du diagnostic bactériologique ? 6) Quels résultats attendez-vous pour confirmer votre diagnostic? 7) Quels antibiotiques vont être testés? 8) Quels examens de laboratoires demandez-vous pour le suivi? 1) Quel diagnostic évoquez-vous ? Votre suspicion de tuberculose est forte devant : - patient récemment arrivé en France et venant d’un pays à forte endémie - vivant dans des conditions socio-économiques difficiles - symptomatologie respiratoire la fièvre prolongée intermittente depuis 1 mois - recherche des sueurs nocturnes assez typiques - amaigrissement - résultat de la Radio de thorax Caractéristiques des malades tuberculeux bactériologiquement prouvés en France en 2002 (n=1528) • • • • • • • • 65% : hommes 54% : nés à l’étranger 57% : entre 25 et 59 ans 10% : séropositifs pour le VIH 71% : tuberculose pulmonaire isolée 21% : tuberculose extra-pulmonaire isolée 8% : tuberculose mixte 40% : examen microscopique positif Résultat enquête nationale groupe AZAY 2) Quel est la bactérie responsable de la tuberculose ? Mycobacterium tuberculosis sensu stricto (Bacille de Koch : découvreur) (BK) pathogène spécifique de l’homme le plus fréquent, Mycobacterium africanum variant de M. tuberculosis que l’on peut isoler de patient africain Mycobacterium bovis pathogène des bovidés ⇒ tuberculose bovine, L’homme peut s’infecter par absorption de lait cru ou au contact des animaux, bien contrôlé dans nos régions, c’est à partir d’une souche de bovis repiquée pendant 13 ans = souche atténuée, appelée BCG (Bacille de Calmette et Guérin) Regroupées sous le terme de mycobactéries du complexe tuberculosis, Famille des Mycobacteriaceae. 3) Comment le patient s’est infecté ? Vous décidez de l’hospitaliser quelles mesures prenez-vous ? Transmission de la tuberculose est inter-humaine. goutelettes Lésion de tuberculose pulmonaire . . . .. .. . . .. ... .. . .. . . .. .. . . . .. . .. . . . ..... ... Sujet tuberculeux Sujet contact - Isolement respiratoire du patient -Chambre seule, porte fermée, pression négative - Port de masque obligatoire pour toute personne entrant dans la chambre 4) Quelle est la physiopathologie de la maladie et le pouvoir pathogène de la bactérie? Multiplication dans macrophages Lyse cellulaire -> nécrose caséeuse Virulence = Capacité de résister à la phagocytose et se multiplier dans les macrophages Ils peuvent gagner les ganglions lymphatiques qui drainent le territoire infecté Quelques semaines plus tard, réaction granulomateuse importante au foyer infectieux cellules épithéliodes giganto-cellulaire + nécrose caséeuse blanchâtre (caséum) 2 possibilités : soit guérit spontanément , soit s’étend avec nécrose tissulaire et formation d’une caverne = riche en bacilles +++ Très contagieux Parfois, il peut avoir dissémination par les vaisseaux lymphatiques ou sanguins = dissémination vers d’autres organes : reins, méninges, os (mal de Pott), ganglions… Pouvoir pathogène Tuberculose infection et tuberculose-maladie Sujet Contact d’un tuberculeux 95% Infection latente Contamination aérienne Infection (virage IDR) 5% (dans les 2 ans) 5% (réactivation) Maladie = 10% Décès en l’absence de traitement 5) Quel(s) examen(s) demandez-vous pour étayer votre diagnostic étiologique? - 3 Crachats à la recherche de Bacilles Acido-Alcoolo Résistants Pourquoi 3 ? Emission discontinue des bacilles 1 prélèvement 3 jours consécutifs (si le 1er est positif, le 3ème n’est pas utile) Conditions des prélèvements: Bien expliquer au patient qu’il faut recueillir des expectorations et pas de la salive - le matin à jeun, après rinçage de la bouche - qualité : après effort de toux +++ si ne crache pas faire appel à un kinésithérapeute - quantité : au moins 5 ml Attention un examen mal prélevé = un diagnostic faussement négatif Si ces examens sont négatifs et que la suspicion est forte ou surtout si le patient ne crache pas (ex: femme) - Demander 3 Tubages gastriques à la recherche de Bacille Acido-Alcoolo Résistant (« BK Tubages ») : récupérer les sécrétions bronchiques dégluties pendant la nuit (le BK résiste au pH gastrique) Conditions de prélèvements : - le matin, à jeun, le plus tôt possible dès le réveil - bien suivre la procédure pour assurer un recueil du liquide gastrique - un tubage 3 jours de suite Si les deux premiers sont positifs (le 3ème n’est pas utile) Dans le cas d’une forte suspicion clinique de tuberculose et seulement si les 3 examens précédents sont négatifs - Un prélèvement respiratoire sous fibroscopie : - permet un prélèvement dirigé - le plus souvent lavage broncho alvéolaire et/ou aspiration bronchique pour recherche de BAAR - biopsies pour diagnostic anatomopathologique - provoque dans les heures qui suivent la fibroscopie une irritation et l’émission d’expectorations à recueillir Pour les tuberculoses Extra- pulmonaires Recherche peut être effectuée selon localisation dans : - Liquides de ponction (LCR, liquide pleural, articulaire) - Biopsies : ganglion, osseuses, cutanés, - Moelle osseuse, Sang (immunodéprimé) - Urines (3 BK urines) 6) les étapes du diagnostic bactériologiques ? Les prélèvements respiratoires sont contaminés par une flore commensale : - éliminer la flore commensale pour permettre la pousse des mycobactéries qui est lente - mycobactéries + résistants aux agents chimiques que les bactéries de la flore (cf. commentaire schéma ci-dessous) - Principe : Fluidifier (mécaniques + N-acétyl cystéine), Décontaminer (soude), Centrifuger - Délai de traitement 60 min Paroi Riche en acides mycoliques : Résiste aux agents chimiques, Non colorée par le GRAM Examen Microscopique des frottis Examen au microscope à fluorescence : - coloration à l’auramine qui reste fixée sur les bacilles après traitement à l’acide-alcool - bacilles brillants sur fond noir à l’objectif X25 - la lame peut être examinée en totalité, délai de lecture rapide Examen plus sensible et un peu moins spécifique que le Ziehl-Neelsen Examen au microscope après Ziehl-Neelsen : - La fuschine colore en rouge les « mycobactéries » et persiste après traitement à l ’acide-alcool + contre coloration au bleu de méthylène - rouge sur fond bleu au microscope à l’objectif X100 à immersion - délai de lecture + long : au moins 10 à 15 min par lame BAAR = pas seulement mycobactéries et pas seulement du M. du complexe tuberculosis mais aussi Nocardia, Rhodococcus, Actinomycetes Présence de Bacilles Acido-Alcoolo Résistants dans une expectoration Coloration de Ziehl-Neelsen Microscope optique X100 Présence de Bacilles Acido-Alcoolo Résistants dans une expectoration Coloration à l’auramine Microscope à fluorescence objectif X25 Stratégie d’examen microscopique des frottis Examen en fluorescence des prélèvements respiratoires - : absence d’éléments suspects + : présence d ’éléments suspects Examen microscope après Ziehl En général Nombre de BAAR pour 100 champs Nombre de BAAR par Champ OMS < 1 / 100 champs 1 - 9 / 100 champs 10 - 99 / 100 champs 1 - 9 / champs 10 - 99 / champ > 100 / champ Résultat négatif 1 + suspect à confirmer 2+ 3+ 4+ 5+ Mise en culture des prélèvements - Milieux solides : Milieu de Löwenstein-Jensen et Milieu de Coletsos Mycobactéries poussent lentement en 3 semaines à 1 mois dépend de la richesse en BAAR de l’examen direct Peut aller jusqu’à 2 à 3 mois pour M. africanum Surveillance de la culture est non automatisée - Milieux liquides : • MGIT (Mycobacterial Growth Indicator Tube) par exemple • pousse en 10 à 12 Jours en moyenne Surveillance de la culture est continue et automatisée 7) Quels résultats attendez-vous pour confirmer votre diagnostic ? Culture positive - Milieu solide + en 3 sem à 1 mois - Milieu liquide + en 10 à 12 aspect rugueux des colonies : jours en moyenne sèches, eugoniques présence de BAAR : forme vérifier qu’il s’agit de BAAR des cordes assez typique de j suspicion de Mycobactérie du complexe tuberculosis confirmer par 1) Identification moléculaire : a) soit par hybridation directe b) soit hybridation après amplification +++ 2) Identification phénotypique cf poly, Résultat = Mycobactérie du complexe tuberculosis + permet de détecter la majorité des mutations qui confère la résistance à la rifampicine (95%) et récemment à l’isoniazide (70%) Culture de M. du complexe tuberculosis sur milieu solide : Löwenstein-Jensen Aspect des colonies de M. du complexe tuberculosis sur tube de Löwenstein-Jensen Place du Diagnostic direct de M. du complexe tuberculosis par PCR sur prélèvement - Faible sensibilité pour prélèvements Microscopique négatif - présence de faux positifs - présence d’inhibiteurs de PCR Intérêt très limité et peu rentable de la PCR sur prélèvement quand ED + chez patient HIV + Pour différencier M. du complexe avium intracellulare de M. du complexe tuberculosis 8) Quels vont être les antibiotiques testés ? Technique ? Étude de la sensibilité aux ATB antituberculeux ? Antibiotiques différents des antibactériens classiques Une caverne contient environ 108 bacilles et environ 102 à 103 germes sont d’emblée résistants à un antibiotique ⇒ il existe des mutants R naturels au sein de la population ⇒ l’antibiotique ne tuera pas toute la population, il faut donc au moins 2, 3 voire 4 ATB pour tuer tous les bacilles et éviter l’apparition de résistance secondaire ⇒ Un atb sera considéré comme efficace lorsqu ’il laisse le plus faibles taux de mutants préexistants d’emblée. Réalisation d’un antibiogramme - milieu solide résultat obtenu qu’après 3s à 1 mois : tester la sensibilité aux 5 antituberculeux majeurs dont seulement 4 (*) sont classiquement utilisés en thérapeutique : - isoniazide (*) - rifampicine (*) - éthambutol (*) - pyrazinamide (*) - streptomycine - milieu liquide plus rapide - le test des antituberculeux de 2ème intention est réalisé dans des laboratoires de référence ATB par Méthode des proportions But : détecter le taux de mutants résistants à chaque antibiotique Au sein de la souche étudiée. En pratique, un tube sans ATB (témoin) et un tube avec ATB sont inoculés avec différentes suspensions de la souche. La lecture au bout de 21 jours consiste à dénombrer le nombre de colonies sur les géloses avec ATB (N) et sans ATB (NT) et calculer le % de résistants P = N/NTx100. Ce % est comparé à un % ou proportion critique, diffèrent pour chaque ATB Si le % de résistant de la souche à l’ATB testé ≥ au % critique de l’ATB = souche résistante Si le % de résistant de la souche à l’ATB testé < au % critique de l’ATB = souche sensible ‘proportion critique : déterminé empiriquement en fonction d’expérience clinique. Antibiogramme : Méthode des proportions Exemple d’une souche Sensible Inoculum à 10-2 INH INH INH RIF EMB STR 0.1µg /ml 0.2µg /ml 1µg/ ml 40µg/ ml 2µg/ ml 4µg/ ml T sans T sans ATB ATB T Pza sans ATB PZA 200µ g/ml Antibiogramme : Méthode des proportions Souche de la patiente Y.. Inoculum à 10-2 INH INH INH RIF STR EMB 0.1µg /ml 0.2µg /ml 1µg/ ml 40µg/ ml 4µg/ ml 2µg/ ml T sans T sans ATB ATB T Pza sans ATB PZA 200µ g/ml Antibiogramme : Méthode des proportions Souche de la patiente Y.. Inoculum à 10-4 INH INH INH RIF EMB STR 0.1µg /ml 0.2µg /ml 1µg/ ml 40µg/ ml 2µg/ ml 4µg/ ml T sans T sans ATB ATB T Pza sans ATB PZA 200µ g/ml 9) Quels examens de laboratoire demandezvous pour le suivi? Pour les patients bacillifères - demander 3 BK crachats 3 semaines après la mise sous traitement antituberculeux - si les 3 sont négatifs le patient est considéré comme non contagieux et peut retourner au domicile.