Décision médicale – de la théorie à la pratique Berne, 14 novembre 2002
Incertitude et décision
Prof. Gerd Gigerenzer
Institut Max-Planck de Recherche de Formation, Berlin
La plupart des médecins évalués par mon équipe de recherche, des médecins stagiaires
jusqu'au médecins-chef, ont une formation insuffisante quant au maniement de l'information
statistique. Cela devient évident par la diversité inquiétante de leurs jugements pris sur la base
d'une même information statistique.
Un patient présentant un résultat positif lors d'un screening du cancer de l'intestin au moyen
du test "Hämokkult" a demandé à son médecin "Quelle est la probabilité que je souffre
vraiment d'un cancer de l'intestin?" L'évaluation des médecins ayant une expérience
professionnelle moyenne de 14 ans variait entre 1% et 99%.
Une patiente avait pris part au dépistage précoce du cancer du sein au moyen de la
mammographie. Son mammogramme était positif et elle voulait connaître la probabilité d’être
vraiment atteinte d’un cancer du sein. Les réponses des médecins variaient entre 1% et 90%.
Lors d'un examen de contrôle, le sang d'un jeune homme sans comportement à risque a
présenté un résultat séropositif tant dans le test "Elisa" que dans le test "Western Blot". La
plupart des conseillers SIDA professionnels auprès des Services d'Hygiène Publique
Allemands ont déclaré au client être avec certitude absolue contaminé par le virus. Parmi les
autres conseillers sachant qu'il y a des résultats faussement positifs et faussement négatifs, la
plupart pensait que le client devait être contaminé à une probabilité de 99,9% ou plus.
L'évaluation la meilleure de cette probabilité est par contre d'environ 1 sur 2.
Dans ma conférence j'explique comment la formation et la formation post-universitaire des
médecins peuvent être modifiées pour remédier à cet aveuglement numérique.
La solution n'est pas de faire participer les médecins à des cours de statistique (un grand
nombre d'entre eux ont choisi la médecine pour éviter les mathématiques). La solution se
trouve plutôt dans nos connaissances du fonctionnement du cerveau humain. La
compréhension de l'information statistique dépend à un haut degré de la forme sous laquelle
celle-ci est communiquée. Les formes utilisées actuellement le plus dans les manuels
médicaux, les brochures et les médias sont celles provoquant régulièrement la confusion
mentale. Probabilités conditionnelles (telles que sensitivité et taux faussement positifs),
probabilités de cas individuels et réductions de risque relatives en font partie.
Je vais montrer les formes sous lesquelles le cerveau humain peut rapidement comprendre
l'information statistique; il s'agit des formes auxquelles le cerveau a été adapté durant son
histoire évolutive. Un changement de la forme peut résoudre l'aveuglement numérique de
patients, d'étudiants en médecine et de médecins en une fraction de seconde.
En tant que conséquence institutionelle je demande des directives correspondantes en vue de
la représentation adéquate d'informations au sujet de risques et incertitudes dans les brochures
d'information, les revues médicales et dans la communication entre médecin et patient. Les
médecins aussi bien que les patients ont le droit de recevoir des informations sous une forme
menant à une compréhension nette au lieu d'une confusion collective.
Bibliographie:
Gigerenzer, G. (2002). Das Einmaleins der Skepsis: Über den richtigen Umgang mit Zahlen und Risiken, Berlin
Verlag, 2002.
Hoffrage, U., Lindsey, S., Hertwig, R., & Gigerenzer, G. (2000). Communicating statistical information.
Science, 290, 2261-2262.
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