PERSPECTIVES AGRICOLES - N°366 - AVRIL 2010
DOSSIER
PHOMA DU COLZA
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Les résidus de récolte
des années précé-
dentes, présents en
surface dans les par-
celles du voisinage,
constituent une source d’inocu-
lum. La maturation des périthèces
s’e ectue sur ces résidus. Lorsque
les conditions de milieu sont favo-
rables, les ascospores sont émises,
puis dispersées
par le vent et
contaminent les
nouveaux cou-
verts de colza.
Plusieurs au-
teurs s’accor-
dent à dire que
les résidus de la
campagne pré-
cédente consti-
tuent la source
principale des contaminations,
avec une contribution minoritaire
des résidus de l’année n-2. Au-
delà, on considère que les résidus
ont été soit enfouis, soit su sam-
ment dégradés pour que leur rôle
devienne négligeable.
Le rôle clef du travail du sol
Lenfouissement des résidus par le
travail du sol a donc des e ets di-
rects sur la quantité de spores pou-
vant être disper-
sées. Néanmoins,
tous les outils n’ont
pas les mêmes ef-
fets (figure 1). La
conséquence pra-
tique est claire-
ment de procéder
à un enfouissement
suffisant des rési-
dus de récolte des
parcelles voisines
avant l’émergence des nouveaux se-
mis. Il y a donc là un élément qui ne
se raisonne pas seulement à la par-
celle mais qui intègre un ensemble
de parcelles, les ascospores se dis-
séminant à plusieurs dizaines, voire
plusieurs centaines de mètres.
Ce type de mesure, limitant la
quantité d’inoculum, peut être
extrêmement e cace. Un parfait
contre exemple est donné par les
systèmes de culture de l’ouest aus-
tralien dans lesquels le colza re-
vient tous les 2 ans sur de grandes
parcelles conduites en semis di-
rect et où les résidus de culture
sont laissés en surface. Ceci se tra-
duit par des niveaux d’a aque de
phoma particulièrement spectacu-
laires, rarement vus en Europe.
Gérer le développement
du couvert
Un couvert végétal peut être plus
ou moins réceptif aux ascospores.
À nombre d’ascospores équiva-
lent, un couvert à un stade pré-
coce (avant 6 feuilles) présentera
davantage de symptômes foliaires
qu’un couvert plus âgé, voire en-
durci par le froid.
Des températures moyennes in-
férieures à 15 °C et une humi-
dité su sante consécutive à une
pluie sont nécessaires à l’émission
des ascospores. Loccurrence de
ce type de conditions est en fré-
quence plus probable au fur et à
mesure que l’automne avance. En
conséquence, un semis su sam-
ment précoce doit pouvoir réduire
les risques de rencontre entre des
ascospores et un couvert sensible.
Indépendamment du dévelop-
pement, la croissance du couvert
est également importante. Plus
les feuilles seront développées,
plus les surfaces potentielles d’in-
fection par les ascospores seront
grandes. Ce e question est en par-
Stratégies de contrôle
3
L’agronomie en renfort de la génétique
Le phoma est aujourd’hui principalement contrôlé par le recours à des variétés résis-
tantes. Néanmoins, di érents leviers agronomiques peuvent également être mis en
œuvre pour limiter le développement de la maladie et contribuer à la durabilité des
résistances génétiques.
Des feuilles trop
développées
à l’automne
augmentent les
surfaces pouvant
être potentiellement
infectées par les
ascospores.
La gestion du phoma
doit être raisonnée à
l’échelle de groupes
de parcelles et pas
seulement au niveau
d’une parcelle, une
année donnée.
© N. Cornec
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La gestion du
phoma du colza
s’inscrit à l’échelle
d’un groupe de
parcelles. Enfouir
les résidus des
parcelles voisines
avant la levée
du colza limite
considérablement
les risques.
ticulier sensible pour les situations
à forte disponibilité en azote dans
lesquelles, dès qu’il y aura humi-
dité et températures favorables à
la croissance, les surfaces foliaires
augmenteront. La gestion de la
date de semis pourra alors deve-
nir plus délicate puisqu’il faudra
trouver des compromis entre les
risques liés au stade, ceux liés
à la surface foliaire déployée et
éventuellement d’autres aspects
comme les stratégies d’implan-
tation et de compétition avec les
adventices.
Le tableau 1 illustre des cas ex-
trêmes de variabilité de résultats
obtenus pour une même variété
(Pollen) en jouant sur les dates de
semis et la disponibilité en azote.
On peut obtenir une plage com-
plète de sensibilité au phoma, de
la meilleure note G2 (1,5) à la plus
mauvaise qui soit (8), malgré la
réputation « peu sensible au pho-
ma » de Pollen. Ces cas extrêmes
illustrent la large gamme d’ajus-
tements qu’o re le levier agrono-
mique pour le contrôle du phoma.
Le semis précoce permet de limiter
l’incidence (% de plantes avec ma-
cules) et la disponibilité en azote
se traduit par des croissances et
des niveaux d’index G2 très di é-
rents.
Éviter les semis denses
La densité de peuplement peut
également induire des e ets. Un
couvert trop dense, en particu-
lier en situation favorable à la
croissance, va produire des bio-
masses importantes et un risque
de compétition entre plantes pour
la lumière. Cela peut se traduire
par des élongations avant hiver
et la chute des feuilles les plus
âgées. Les portes d’entrée pour les
pycniospores issues des macules
foliaires sont alors plus nom-
breuses. Ce cycle secondaire va
provoquer une surinfection de la
plante.
La nuisibilité de la nécrose au col-
let s’exprime en n de cycle par
une rupture des vaisseaux libero-
ligneux. Plus le diamètre au collet
sera important, plus ce e rupture
d’alimentation sera tardive. Il y a
donc intérêt à générer des pivots
larges issus d’un peuplement à
faible densité, plutôt que des col-
lets ns issus d’une compétition
entre plantes pour les ressources.
La modélisation en appui
de l’expérimentation
La gestion du phoma doit s’ins-
crire dans le temps et dans l’es-
pace. Dans le temps, car la maî-
trise quantitative des populations
de phoma et la durabilité des ré-
sistances génétiques amènent à
considérer des pas de temps plus
larges que la seule année culturale.
Dans l’espace, car le contrôle des
pathogènes est forcément en in-
teraction avec di érents éléments
du milieu, variables d’un lieu à
l’autre.
En conséquence, il est difficile
de dé nir des stratégies agrono-
miques de contrôle du phoma
via la seule expérimentation.
Aujourd’hui, avec les moyens ou-
verts par les progrès de l’informa-
tique, les agronomes investissent
dans des outils de modélisation
susceptibles d’aider à parcourir
et tester des scénarios de gestion
di cilement ou non accessibles à
l’expérimentation.
Entre le cover-crop, le chisel, la
charrue et la houe rotative, cette
dernière est l’outil qui enfouit le
moins de résidus.
Cover-crop Chisel Semis seul LabourHoue
rotative
100
80
60
40
20
0
% de résidus à la surface du sol
Figure 1 : Qualité d’enfouissement des résidus,
initialement en surface, offerte par différents outils.
Source : Schneider et al, 2006
© N. Cornec
Une date de semis
précoce limite le
risque lié au stade
précoce sensible, mais
renforce celui lié à des
surfaces foliaires trop
développées.
Les ascospores contaminent plus
facilement des plantes jeunes à des
stades antérieurs à 6 feuilles.
© J. Palleau, CETIOM
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Le modèle SIPPOM aide
à la dé nition de stratégies
Ce type de travail a débuté pour
le phoma du colza sous la coor-
dination de l’UMR d’Agronomie
de Grignon. Une première étape
a été franchie avec la construction
d’une première version du modèle
SIPPOM. Elle a permis de montrer
qu’il est possible, avec ce type
d’outil, de classer correctement,
conformément aux dires d’experts,
di érents scénarios de gestion. On
a également pu montrer des ef-
fets de taille du parcellaire sur les
concentrations d’ascospores arri-
vant sur les feuilles et les notes G2
(index de gravité) engendrées. Ce
modèle a montré également lors
d’un test avec des données réelles
d’un site pilote du CETIOM, une
bonne aptitude à prévoir les pé-
riodes d’émissions des ascospores.
Nous avons également pu simuler
rétrospectivement le contourne-
ment de la résistance Rlm1 à partir
des données climatiques et épidé-
miologiques des années 90.
Néanmoins, le modèle n’intègre
pas l’ensemble des connaissances
disponibles et il a montré quelques
faiblesses, en particulier sur l’apti-
tude à prévoir le niveau de note
G2. Son amélioration est en cours.
Cet outil devrait perme re d’op-
timiser les moyens de lu e contre
le phoma aussi bien génétiques
qu’agronomiques.
Xavier Pinochet
CETIOM
Les résultats
présentés
dans cet article
sont issus de
travaux menés
en collaboration
entre le Cetiom
et l’Unité Mixte
de Recherche
Agronomie
de l’INRA de
Grignon.
Tableau 1 : Effets de la date de semis et de la disponibilité en azote sur la sensibilité au phoma de la variété
Pollen.
Années Disponibilité
en azote Semis % plante avec
macules à
6 feuilles
% plante avec
macules à
10 feuilles
Indice nutrition
azoté fin
novembre
Indice foliaire
fin novembre Note G2
en fin de
cycle
2000-01 N fort 31 juillet 40 % 63 % 1,5 3 2,5
31 août 83 % 93 % 1,5 3,5 5,5
N faible 31 juillet 17 % 7 % 0,6 0,7 1,5
31 août 80 % 43 % 0,6 1,0 2,5
2001-02 N fort 3 août 0 % 51 % 1,5 2 5
4 septembre 82 % 80 % 1,5 3,4 8
N faible 3 août 0 % 6 % 0,7 0,7 2
4 septembre 82 % 92 % 0,7 1,9 4,5
Deux années d’essais avec contaminations d’ascospores importantes et précoces — INRA de Grignon
Indice nutrition azoté : indice élevé = statut azoté fort — Indice foliaire : indice élevé = surface foliaire importante — Note G2 : note élevée
= nombre de symptômes important
Pour une variété, succès commercial de la fin des années 90, réputée peu sensible au phoma, les résultats obtenus
en jouant sur la date de semis et la disponibilité en azote vont du meilleur (note G2 de 1,5) au pire (note 8).
Un premier
modèle simule
les émissions
d’ascospores
et classe
différentes
stratégies de
gestion du
phoma.
© CETIOM
Les densités de peuplement trop élevées mettent les plantes en compétition pour leurs ressources et notamment pour
la lumière. L’élongation de la tige renforce les risques d’attaque du phoma.
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