Interventions Génétiques de Remodelage de la Composition Cellulaire
et Moléculaire des Plaques d’Athérosclérose
et Stratégies Thérapeutiques Contre l’Hypercholestérolémie Familiale
– Recherches Expérimentales -
(Dr Aksam Jamil Merched, Baylor College of Medicine Houston, USA, 1998-2004)
Pendant les années d’études doctorales, j’ai mené des recherches au niveau du
métabolisme lipidique axées sur le déterminisme génétique et les marqueurs
biochimiques de risques des maladies cardio et cérébrovasculaires, notamment la maladie
d’Alzheimer. Ils s’agissaient d’études polymorphiques, génétiques et biochimiques sur
des sujets humains sains ainsi que des patients atteints de cette maladie.
J’ai initié mes études postdoctorales guidé par un choix stratégique afin de complémenter
ma carrière et mes connaissances acquises pendant ces recherches doctorales.
Mes objectifs étaient de passer d’un stade de recherche sur l’association de facteurs de
risques avec une maladie donnée à un stade me permettant de déceler et de découvrir le
mécanisme derrière cette association. Ma stratégie était également de complémenter mes
connaissances d’études polymorphiques humaines (diversité génétique naturelle) par une
approche plus flexible mais interventionniste de manipulations génétiques (diversité
sélectionnée et forcée) chez les animaux de laboratoire comme modèles des maladies
humaines.
Durant mes travaux postdoctoraux j’ai étudié le processus physiopathologique de
l’athérosclérose ou durcissement des artères dans des modèles de souris modifiées
génétiquement (transgéniques et « knockouts »). Les stades tardifs de l’athérosclérose
sont à l’origine des accidents cardio- et cérébrovasculaires qui causent annuellement la
mort de dizaines de millions de personnes à travers le monde.
Dans l’étiologie de l’athérosclérose émergent deux aspects fonctionnels majeurs :
1- Une interaction entre le système immunitaire (les globules bancs du sang) avec la paroi
artérielle : cet aspect s’initie par un phénomène d’adhésion cellulaire et comporte
diverses conséquences physiopathologiques allant de la simple réparation d’une lésion
cellulaire au dérapage et à des effets cytotoxiques impliqués dans la formation des lésions
athérosclérotiques. Le taux de ces cellules inflammatoires est régulé par les divers
processus de prolifération cellulaire, mort cellulaire ou apoptose suivie par une
élimination par des cellules spécialisées.
2- Une interaction entre les composants lipidiques du sang et la paroi artérielle et/ou les
cellules de d’inflammation (circulantes ou infiltrantes): une lipidémie anormale pourrait
aboutir à des modifications des composants lipidiques et devenir le noyau des lésions
athéromateuses qui sont une source d’instabilité et de complication de l’athérosclérose.
Mes travaux post doctoraux ont visé à étudier ces deux aspects en posant essentiellement
deux questions et en adoptant deux approches bien précises qui se résument de la façon
suivante (schématisé plus bas) :
Athérosclérose
Hypercholestérolémie
Familiale
Prolifération cellulaire
Mort cellulaire ou apoptose
Métabolisme
lipidique
Récepteurs aux:
-LDL
-VLDL
Apolipoprotéine AI
p53 anti-proliferation
p21 anti-apoptose
Thérapie génique efficace
Remédie la dyslipidémie
Protège contre l’athérosclérose
p53 protectrice
p21 délétère
Stabilité des lésions
affectée
Marqueurs
étudiés Thématiques
abordées Résultats obtenues
et importance
Compréhensions
Physiopathologiques et
Stratégies Thérapeutiques
QUESTION I
Comment le phénotype des cellules de l’inflammation, notamment les macrophages,
est-il affecté par la suppression des gènes comme p53 et p21, qui sont impliqués dans la
prolifération cellulaire et l’apoptose et quelles sont les conséquences sur l’étiologie de
l’athérosclérose ?
Approches : Nous avons abordé cette question en choisissant deux modèles de souris
l’un est déficient en p53 et l’autre en p21. Les approches expérimentales étaient:
1) Le croisement de ces souris avec les souris déficientes en
apoplipoproteine E (apoE) qui constitue le modèle courant
d’athérosclérose afin d’obtenir une déficiente globale respective en
chacun de ces marqueurs.
2) L’utilisation de la transplantation de la moëlle osseuse comme stratégie
afin de modifier l’expression de ces 2 marqueurs au niveau des
macrophages. La moelle (source de cellules souches leucocytaires) a
été prélevée chez les souris déficientes en p53 ou p21 et transplantée
chez les souris déficientes en récepteurs aux LDL qui sont un autre
modèle courant d’athérosclérose. Après transplantation, le système
leucocytaire (incluant les macrophages) devient déficient en
l’expression de p53 ou p21, respectivement.
Résultats :
Nous avons montré que p53, le gène connu comme étant gardien du génome et
suppresseur de tumeur, est également protecteur contre la progression de l’athérosclérose.
Dans les conditions physiologiques, p53 est activée dans les conditions de stress qui
menacent l’intégrité du génome. Cette activation conduit à l’arrêt de la prolifération
cellulaire permettant à la cellule de vérifier l’intégrité de son ADN afin d’éviter une
réplication d’un génome muté. L’activation de p53 permet éventuellement de declencher
la mort cellulaire notamment dans le cas de dommages importants au niveau du matériel
héréditaire.
Dans notre modèle, nous avons transplanté les souris déficientes en LDLR par la moelle
osseuse prélevée chez deux types de souris p53+/+ et p53-/-. Les résultats montrent que
l’inactivation du p53 conduit à une accélération de l’athérosclérose. La prolifération
cellulaire au niveau des lésions athéromateuses se trouve accélérer chez les souris
déficientes en p53. Ces mêmes lésions se trouvent fragilisées à cause leur composition
pauvre en collagène qui est le composant majeur de la matrice extracellulaire. Elles sont
également de nature nécrotique et instable.
Ces résultats montrent un rôle protecteur important de p53 au niveau de l’athérogénèse. Il
permet de garder la prolifération cellulaire, notamment des macrophages, sous control
afin d’éviter une accélération du processus pathologique. p53 est également impliquée
dans la stabilisation des lésions, permettant d’éviter les phénomènes de complication de
l’athérosclérose.
L’étude du p21 a abouti à des résultats surprenants. La protéine p21 qui est une cible de
p53 est considérée comme la médiatrice des fonctions protectrices de la protéine p53. Il
est vrai que p21 est activée par p53 conduisant à l’arrêt de la réplication cellulaire.
Néanmoins, elle permet de contrôler et d’inhiber le phénomène de l’apoptose induite par
la p53. En revanche, p21 n’est pas sous control exclusif de p53 et sa régulation se trouve
assurée par d’autres facteurs indépendants de p53.
Nous avons montré que p21, à l’opposé de p53, assure des fonctions pro athérogéniques.
Son inactivation globale ou ciblée chez les souris apoE-/- conduit à une protection
important contre la progression de l’athérosclérose. En l’absence de p21 le taux
d’apoptose se trouve augmenté. La mort des cellules de l’inflammation permet de limiter
les réactions excessives cytotoxiques dues à une présence prolongée au niveau de la paroi
artérielle.
QUESTION II
Quelle est la meilleure stratégie visant à corriger les anomalies des lipides et leur
métabolisme dans le contexte génétique de l’hypercholestérolémie familiale ?
Approches : Pour répondre à cette question, nous avons adopté la technologie de la
thérapie génique chez les souris déficientes en récepteurs aux LDL qui sont le modèle
animal de l’hypercholestérolémie familiale. Afin de remédier à l’anomalie due à
l’absence de ce récepteur qui se manifeste, le cas échéant, par des taux élevés de
lipoprotéines athérogéniques, les LDL et VLDL, nous avons essayé plusieurs stratégies
thérapeutiques :
1) L’utilisation de vecteurs viraux portant le gène du récepteur aux VLDL que l’on a
considéré comme un récepteur alternatif dont la surexpression au niveau
hépatique pourrait corriger les excès métaboliques provenant de l’absence de
récepteurs aux LDL.
2) La transfection du gène du récepteur aux LDL lui-même. Cette approche n’avait
pas été considérée comme plausible auparavant. Etant donné que ce récepteur
n’est pas présent chez les souris transfectées, son utilisation pourrait générer une
réponse immunitaire neutralisant l’exogène et rendant l’approche inefficace.
3) L’induction d’une surexpression de l’apolipoproteine AI (composant majeure des
HDLs) afin de favoriser la création de la classe protectrice de lipoprotéine, les
HDLs.
Résultats :
Le récepteur des lipoprotéines VLDLs n’est pas exprimé dans le foie mais se trouve dans
d’autres tissus de l’organisme. Dans le modèle de l’hypercholestérolémie familiale, le
récepteur des LDLs qui est habituellement présent majoritairement au niveau hépatique,
est absent ou défectueux. Les conséquences au niveau du métabolisme lipidique se
caractérisent par une augmentation des taux plasmatiques des LDLs (ainsi que les VLDLs
qui sont métaboliquement associées aux taux des LDLs) faute d’un catabolisme
fonctionnel par l’intermédiaire du récepteur aux LDLs hépatiques.
Pourquoi avons-nous choisi le récepteur aux VLDL comme première approche
thérapeutique ?
a- Structurellement, le récepteur aux VLDLs et le récepteur aux LDLs sont proches.
b- Fonctionnellement, ce récepteur est capable de reconnaître et de métaboliser les LDLs,
et donc de corriger les anomalies lipidiques en question.
c- Immunologiquement, ce récepteur est présent dans l’organisme des souris à traiter. La
stratégie visant à délocaliser son expression vers le foie ne devrait pas alerter le système
immunitaire étant donné qu’il est considéré comme une protéine naturelle de l’organisme.
Effectivement, nos résultats montrent une grande efficacité de ce récepteur à corriger les
taux élevés de lipoprotéines athérogènes et à prévenir de façon extraordinaire
l’athérogenèse.
L’efficacité thérapeutique s’est manifestée tout au long de la période du traitement qui a
duré six mois. Le choix de ce récepteur constitue une très bonne alternative thérapeutique
à l’absence du récepteur des LDLs et qui mérite d’être testée dans de futurs essais
précliniques.
Dans une deuxième stratégie thérapeutique, nous avons voulu corriger l’anomalie au
niveau du gène du récepteur aux LDLs, par l’apport d’une version corrigée du gène lui-
même malgré les suspicions évoquées précédemment d’un rejet possible par le système
immunitaire. Nous avons donc introduit par thérapie génique un gène du récepteur aux
LDLs (de singe) chez les souris déficientes en ces récepteurs et comparé les résultats par
rapport à la stratégie précédente qui utilisait le gène de récepteurs aux VLDLs. Nous
avons voulu tester deux doses différentes de vecteurs viraux (et donc deux doses du gène
en question). Les résultats montrent une plus grande efficacité du récepteur aux LDLs à
corriger les anomalies lipidiques par rapport au récepteur aux VLDLs. Toutefois, le
système immunitaire réagit par la production d’anticorps anti-récepteur chez 20% des
souris (2 sur 10 souris) dans le cas de l’utilisation de fortes doses. Aucune réaction n’a
été décelée chez le groupe traité par de faibles doses (14 souris). Ensuite, nous avons
réalisé des études d’efficacité à long terme et montré que l’utilisation du récepteur aux
LDLs reste efficace dans le traitement de l’hypercholestérolémie et l’athérosclérose
pendant toute la vie des souris traitées, le cas échéant durant 2 ans.
Dans la troisième stratégie thérapeutique, nous avons visé à améliorer la balance entre les
lipoprotéines pro-athérogéniques (LDL, VLDLs) et les lipoprotéines anti-athérogéniques
en favorisant la dernière catégorie. Les HDLs sont des lipoprotéines protectrices grâce à
leur fonction de transport reverse du cholestérol du tissu périphérique (comme la paroi
artérielle) vers le foie. Elles possèdent également des propriétés anti-oxydantes et anti-
inflammatoires protectrices. Structurellement, l’apolipoproteine AI est le composant
protéique majeur des HDLs. Notre approche de thérapie génique introduisait de multiples
copies du gène humain de l’apoAI chez les souris déficientes en récepteurs aux LDLs.
Suivant cette stratégie, nous avons obtenu chez les souris traitées des HDLs de meilleures
qualités protectrices et anti-inflammatoires. Le taux de progression de l’athérosclérose a
été diminué de plus que 50% par rapport aux souris traitées par une solution saline. De
plus, les lésions dans le groupe traité se sont caractérisées par un phénotype stable.
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