405-17-000946-082 SUZANNE LAVALLÉE

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CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE DRUMMOND
COUR SUPÉRIEURE
(CHAMBRE CIVILE)
No : 405-17-000946-082
SUZANNE LAVALLÉE ET DANIEL
JUTRAS
Partie demanderesse
c.
COMMISSION SCOLAIRE DES CHÊNES
Partie défenderesse
et
PROCUREURE GÉNÉRALE DU
QUÉBEC
Intervenante
AVIS DE COMMUNICATION DU RAPPORT DU TÉMOIN EXPERT
DAVID MASCRÉ
SELON L'ART. 402.1 C.P.C.
(PIÈCE P-26)
Destinataires : Me René Lapointe
MORENCY, SOCIÉTÉ D'AVOCATS
Procureur de la défenderesse (ou préciser)
3075, ch. des Quatre-Bourgeois #400
Québec (Québec) G1W 4X5
Fax : 418 651-5184
Votre dossier : 8009-077
Me Benoit Boucher
BERNARD, ROY (Justice-Québec)
1, rue Notre-Dame Est #8.00
Montréal (Québec) H2Y 1B6
Procureur du mis en cause
Fax : 514 873-7074
Votre dossier : CM-2008-003496
-2-
PRENEZ AVIS que lors de l’audience, la partie demanderesse désire faire entendre
monsieur DAVID MASCRÉ, Docteur en philosophie, enseignant à l’université Paris V, à
titre de témoin expert sous la cote P-26.
Copie du rapport de l’expert est jointe en annexe.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE.
Sainte-Julie, le 4 mai 2009
CÔTÉ AVOCATS INC.
Procureurs de la demanderesse
P-26
EXPERTISE DE DAVID MASCRÉ
Date_Doc
2009-05-04
Nb de pages 24
Expertise
sur le programme québécois
d’Éthique et culture religieuse (ECR)
par
David Mascré
Docteur en philosophie
Docteur en mathématiques
Professeur associé à l’HEI et à l’HEC (Paris)
Chargé de cours à l’université Paris V
04.05.2009
‐ 1 ‐ ‐ 2 ‐ Résumé et plan
Le programme « Éthique et culture religieuse » (ECR) est un programme dangereux et
partial. En effet, il :
a) impose à l’élève une vision polythéiste du phénomène religieux ;
b) est relativiste;
c) dissocie l’éthique et la morale et prétend à la neutralité lorsqu’il aborde les
questions d'éthique ;
d) interfère dans la capacité des parents à transmettre leur foi à leur enfant.
Notes méthodologiques
Dans le texte, nous avons mis en italique les citations tirées du Programme ECR, de
même que les propos de ses principaux défenseurs, notamment Georges Leroux (GL).
Nos autres citations sont simplement en retrait des marges, sans italique.
Pour référer au programme gouvernemental officiel du cours ECR, dans sa version pour le
primaire et celle pour le secondaire, nous avons utilisé les abréviations suivantes :
I Référence au programme ECR du PRIMAIRE
II Référence au programme ECR du SECONDAIRE
‐ 3 ‐ Introduction
L’enjeu de l’éducation pour les catholiques aujourd’hui
L’éducation n’est pas une question technique. L’éducation est une question fondamentale
qui par ses implications humaines, pratiques, culturelles, intellectuelles et spirituelles touche
toutes les dimensions de l’existence humaine. Intéressés plus que les autres au rayonnement de la
vérité et à l’achèvement de la création, les chrétiens ont le devoir éminent de s’investir dans les
questions d’éducation et de les prendre en charge. Il en va en effet aussi bien du développement
des sociétés dans lesquelles ils vivent que du rayonnement de la foi qui seule peut apporter le
bonheur et la béatitude.
Comme le dit justement Paul VI dans son encyclique Gravissimum educationis :
« Pour s'acquitter de la mission que lui a confiée son divin fondateur, annoncer à
tous les hommes le mystère du salut et tout restaurer dans le Christ, notre sainte
Mère l’Église doit se soucier de la vie humaine dans son intégralité, et même de la
vie terrestre en tant qu'elle est liée à la vocation céleste, aussi a-t-elle un rôle à jouer
dans le progrès et le développement de l'éducation. »
Cette tâche ne touche pas seulement les éducateurs ou les clercs chargés de
transmettre la parole. Elle touche de manière plus globale tous les catholiques. Elle constitue une
mission universelle qui, comme telle, touche les chrétiens. Un chrétien sincère ne peut se
désintéresser des questions d’éducation dès lors que celles-ci touchent à ce qu’il y a de plus
précieux au monde : la conscience en éveil d’un enfant et le déploiement progressif d’une liberté
en gestation.
‐ 4 ‐ Analyse synthétique
I. Le programme ECR impose à l’élève une vision polythéiste du phénomène religieux;
Un programme qui argue du pluralisme de fait de la société pour justifier en droit
l’introduction systématique et la sacralisation universelle du relativisme
Le programme opère, en permanence dès lors qu'il aborde la question du pluralisme
religieux, un glissement du fait au droit. Ce glissement insidieux du fait au droit apparaît ainsi
d'entrée de jeu dans le texte de Georges Leroux destiné à expliciter les motivations et le contenu
du programme ECR. Il est d'autant plus subversif dans ses effets qu'il est faussement présenté
comme une question qui resterait ouverte au débat alors qu'il recouvre en réalité une affirmation
que nul ne doit s'aviser de contester :
« Comment en effet tenir compte du pluralisme de fait qui caractérise la société,
sinon en favorisant le respect réciproque des valeurs et des croyances ? Cette
question en entraîne immédiatement une autre : comment cultiver ce respect, qui
est la vertu fondamentale de la démocratie, sans soutenir la connaissance de
l'autre, sans valoriser la différence ? Ces deux questions constituent le programme
contemporain de la laïcité scolaire et elles étaient déjà clairement posées dans le
rapport Proulx. » (GL1, p. 12)
Du constat du pluralisme, on passe ainsi à la glorification du pluralisme comme telle et
corrélativement à la sacralisation du relativisme éthique comme seule voie possible pour
respecter et maintenir ce pluralisme :
« L'école appartient à cet espace où la laïcité réclame son plein exercice, ce qui
contraint de refuser dans le système public le privilège de quelques concessions
que ce soit, mais elle accueille en son sein une jeunesse qui n'arrive pas dans ses
murs en laissant sa culture de ces croyances à la porte. Elle reçoit également une
jeunesse qui, parce qu'elle fait pour la première fois de manière aussi radicale
dans l'histoire du Québec l'expérience du pluralisme doit être éduquée à la richesse
de ce pluralisme et à ses exigences. On entrevoit ici une tâche nouvelle pour
l’éthique, puisqu'il s'agit non seulement d'aller à la rencontre du pluralisme, mais
de réfléchir sur les principes mêmes du vivre-ensemble.
L'école pourrait à cet égard concevoir sa mission comme une responsabilité dans le
processus qui fait passer chaque jeune de la constatation du pluralisme de fait à la
valorisation du pluralisme normatif : de la diversité qu'il observe, tant sur le plan
des normes que sur le plan des croyances, il est amené à déduire que la pluralité
n'est pas un obstacle à surmonter, mais une richesse à connaître et à intégrer dans
sa vision du monde. (GL, pp. 13-14)
1
GL = Georges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue, Arguments pour un programme, Fides, Montréal,
2007.
‐ 5 ‐ Ceci est absolument contraire à toute la tradition et à tout l'enseignement catholique aussi
bien qu’aux saintes Écritures elles-mêmes. Comme le rappelle en effet Jean-Paul II dans Fides et
ratio :
« Des pages de la Bible ressort une conception de l'homme comme imago
Dei, qui inclut des données précises sur son être, sa liberté et l'immortalité de son
esprit. Le monde créé n'étant pas autosuffisant, toute illusion d'une autonomie qui
ignorerait la dépendance essentielle par rapport à Dieu de toute créature, y
compris l'homme, conduirait à des situations dramatiques qui annihileraient la
recherche rationnelle de l'harmonie et du sens de l'existence humaine.2 »
Il y a incompatibilité radicale entre une conception pluraliste de la vérité révélée et a
fortiori du pluralisme religieux comme norme et la fidélité au magistère et à la tradition
catholique :
« ce qui ressort [de la lecture du texte sacré] c'est le refus de toute forme de
relativisme, de matérialisme ou de panthéisme.
La conviction fondamentale de cette philosophie contenue dans la Bible est que la
vie humaine et le monde ont un sens et sont orientées vers leur accomplissement
qui se réalise en Jésus-Christ. »3
Une apologie du pluralisme qui cache en réalité le projet d’ériger la
laïcité au rang de divinité et de faire de la religion de la démocratie l’Être
suprême de la pensée, l’alpha et l’oméga du discours, l’horizon ultime et
indépassable de l’humanité
« La réponse que veut donner le Québec à ces nouveaux défis de la laïcité et du
pluralisme prend la forme d'un vaste chantier, et presque une utopie : la
connaissance de la différence, le dialogue de tous avec tous. Derrière ce mot usé et
ici difficile à réamorcer se tient un idéal démocratique qui demande à être nourri
d'une signification nouvelle. Dans l’école à venir, et elle nous arrive d'un avenir
que nous chargeons d'une mission d'authenticité et d'approfondissement de notre
identité, nous voulons mettre à la place des anciennes orthodoxies et des anciens
pouvoirs un nouvel exercice de la pensée et de la parole, et nous pensons que cet
idéal du dialogue démocratique est la réponse la mieux ajustée aux défis du
pluralisme émergeant. Cet idéal est d'abord un espoir, car qui ne se prend à rêver
d'une école où serait désamorcée, pour ainsi dire ab initio, le potentiel des conflits
dont le seul motif est l'existence d'une différence ? Personne ne peut prévoir
comment la société du Québec évoluera sur le plan des croyances, des pratiques,
du métissage des identités et des cultures, mais notre devoir est de prévoir un cadre
dans lequel cette évolution sera harmonieuse. Ce cadre doit intégrer la
connaissance de l'autre dans toutes les composantes de sa culture, et au premier
rang de ses valeurs et de ses croyances, qu'elles soient ou non religieuses. Il doit
2
Jean-Paul II, Fides et ratio, art. 80
3
Jean-Paul II, Fides et ratio, art. 80.
‐ 6 ‐ aussi stimuler la réflexion sur les principes et les normes de l'action, dont l'objet est
celui-là même de l'éthique. En acceptant ce défi, l'école accepte du même coup de
s'inscrire dans l'évolution complexe de la sécularisation vers une pleine laïcité. »
(GL, pp. 16-17)
Les auteurs du programme ECR ne cachent du reste même pas leur désir de vouloir
remplacer les anciennes religions par cette religion nouvelle de la démocratie. Ils la clament
même haut et fort. Comme ils le confessent eux-mêmes :
« Le nouveau programme entend ne pas laisser vide de la place du religieux et du
symbolique, mais l'occuper autrement. » (GL, p. 19).
« Désireux d'assumer une responsabilité de formation normative l'État québécois a
décidé de combler l'espace laissé vacant par la déconfessionnalisation non pas par
un projet, mais par deux projets concomitants. » (GL, p. 27)
« Inscrit comme une réponse actuelle aux défis du pluralisme et s'insérant dans la
suite du processus de déconfessionnalisation, ce programme [le programme ECR]
veut assumer la responsabilité d'une formation unifiée et universelle, mise au
service de la démocratie. » (GL, p. 67)
Pour sa part, le catéchisme de l’Église catholique, dans sa version promulguée par JeanPaul II en 1992, énonce, en ses paragraphes 2108 et 2109, que :
2108 Le droit à la liberté religieuse n’est ni la permission morale d’adhérer à
l’erreur4, ni un droit supposé à l’erreur5, mais un droit naturel de la personne
humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure, dans
de justes limites, en matière religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit
naturel doit être reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle manière qu’il
constitue un droit civil (cf. DH 2).
2109 Le droit à la liberté religieuse ne peut être de soi ni illimité6, ni limité
seulement par un "ordre public" conçu de manière positiviste ou naturaliste7. Les
"justes limites" qui lui sont inhérentes doivent être déterminées pour chaque
situation sociale par la prudence politique, selon les exigences du bien commun, et
ratifiées par l’autorité civile selon des "règles juridiques conformes à l’ordre moral
objectif " (DH 7).
4
cf. Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum "
5
cf. Pie XII, discours 6 décembre 1953
6
cf. Pie VI, bref " Quod aliquantum "
7
cf. Pie IX, enc. " Quanta cura "
‐ 7 ‐ Un programme qui, pour aboutir à l’édification de cette nouvelle
religion de la démocratie, encourage et promeut, sous couvert de pluralisme,
le polythéisme des valeurs et à terme les cultes polythéistes
Il s’agit pour les promoteurs du programme ECR de :
« Faire prendre conscience aux élèves des nombreuses façons de se représenter
et d’interpréter le divin ainsi que les êtres mythiques et surnaturels. » (II p. 530)
« Faire prendre conscience aux élèves qu’il existe, selon les cultures et les
traditions religieuses, de nombreuses façons de se représenter le divin ainsi que
les êtres mythiques et surnaturels. » (II p. 541)
« Faire prendre conscience aux élèves qu’il existe, selon les cultures et les
traditions religieuses, de nombreuses façons de se représenter le divin ainsi que
les êtres mythiques et surnaturels. » (II p. 561)
Ce choix se traduit dans la diffusion, la valorisation et la mise en avant de systèmes de
croyances non seulement totalement farfelus et délirants, mais souvent également profondément
dangereux et destructeurs. Sous couvert de tolérance et de respect de l’autre, ce sont des cultes
souvent antihumains, destructeurs des principes mêmes de la civilisation et de l’humanité, tels
qu’ils ont été mis en avant et explicités par la révélation chrétienne, mais aussi plus simplement
découverts et mis en évidence par la simple raison des païens de l’Antiquité (grecs et romains au
premier chef) qui sont ainsi promus et encouragés.
Successivement ce sont les cultes païens et antihumains de la Terre-mère, de la Wicca qui
nous sont présentés comme autant d’options possibles et de choix légitimes :
« La femme représente la Terre-Mère et incarne la fécondité. Elle veille à la
croissance et à la socialisation des enfants. Toutes les activités des femmes feront
d’elles des Gardiennes de la vie.8 »
La sorcellerie est présentée et promue comme un système de croyances anodin et une
pratique rituelle comme les autres.
« Les sorcières sont des femmes comme les autres dans leur vie quotidienne. »
« Les sorcières actuelles se rattachent souvent à toutes celles qui ont été brûlées
sous l’Inquisition. »9
8
Voir page 204 de Vivre ensemble 1, cahier de savoirs et d’activités, 1re secondaire (également repris à la même
annexe dans cahier de 2e secondaire), par Jacques Tessier, ERPI, Montréal, 2008.
9
Voir p. 103, du cahier-manuel d’ECR, Dialogue II, éditions de la Pensée, Montréal, 2008.
‐ 8 ‐ L’animisme, le culte des forces de la nature (paganisme) et l’invocation des esprits sont
présentés comme des croyances parmi d’autres tout aussi saines et légitimes que le monothéisme
et les religions révélées.10
Le pluralisme est ici attesté comme un fait incontestable et indépassable.
Un programme qui argue de l’existence d’une pluralité de religions
pour vider les religions de leur contenu objectif
Le constat de ce prétendu pluralisme (il existe en réalité beaucoup moins de systèmes de
pensée qu’on ne veut bien le prétendre11 et l’ensemble des systèmes de représentations du monde
véritablement cohérents est en réalité très limité12) débouche très rapidement sur une
désobjectivation du contenu de ces systèmes de pensée. Ceux-ci ne sont jamais regardés du point
de vue scientifique, mais toujours du point de vue émotionnel et subjectif. Il s’agit de montrer
que les énoncés véhiculés par les religions, et dans le cas du catholicisme, le contenu de la foi ne
renvoient qu’à une dimension symbolique, sans contenu objectif ni vérité historique.
Subrepticement, mais sûrement, on passe ainsi de la pluralisation des religions à leur
subjectivation et à leur mythologisation. Il s’agit de montrer que les enseignements véhiculés par
les religions ne sont rien d’autre que des mythes ou des symboles, sans assise réelle ni fondement
objectif :
« La réflexion critique sur des questions éthiques fait appel à des ressources qui
peuvent être variées. Ainsi, des personnes donnent un sens à leurs décisions et à
leurs actions à partir de systèmes de croyances ou de représentations du monde et
de l’être humain qu’elles considèrent importantes. Le programme prend en compte
ces représentations, tant religieuses que séculières. » (II p. 499)
« Pour approfondir leur compréhension des expressions du religieux, ils
s’intéressent davantage aux dimensions symbolique et expérientielle du religieux de
même qu’à l’étude des temps marquants du développement des traditions
religieuses. » (II p. 502)
« Il faut prendre appui sur diverses expressions du religieux, tels des symboles, des
écrits ou des objets propres à une religion, pour amener les élèves à comprendre la
diversité des représentations du divin ainsi que des êtres mythiques et surnaturels
présents dans la société et les religions dont elles sont issues. » (II, p. 541)
La réduction du contenu de l’enseignement religieux au rang de symbole débouche
bientôt ainsi sur une délégitimation de la religion comme instance capable de produire la vérité.
10
Voir p. 103, du cahier-manuel d’ECR, Dialogue II, éditions de la Pensée, Montréal, 2008.
11
Cf. Claude Tresmontant, Les métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert, 1985, Les premiers éléments
de théologie, François-Xavier de Guibert, 1987.
12
Ce qu’exprimait à sa manière Jean Guitton lorsqu’il disait : « les hérésies, c’est comme la pornographie, c’est
toujours les mêmes positions. ».
‐ 9 ‐ Un programme qui invite l’enfant à bâtir lui-même sa propre
religion, désacralisant ainsi les religions instituées et délégitimant les
traditions religieuses plurimillénaires comme constituant autant de
constructions arbitraires et sans fondement
La délégitimation est portée à son paroxysme dans certains des exercices proposés aux
enfants, notamment celui-ci où l’on demande aux enfants de construire leur propre religion :
« Tu dois13
inventer un fondateur et un mythe fondateur
inventer un Dieu ou des dieux
inventer un code moral
inventer un livre sacré
inventer quelques rituels
inventer quelques objets de culte14 ».
Si tout enfant peut s’introniser Jésus, Mahomet ou Bouddha, c’est réciproquement, que
Jésus, Mahomet ou Bouddha ne valent pas plus que le premier venu et ne méritent donc pas
qu’on leur prête attention.
Cette délégitimation des religions est d’autant plus insidieuse qu’elle s’accomplit de
manière indirecte et non frontale. Il ne s’agit pas de contester leur ancienneté ou leur primauté
historique, mais de les considérer comme autant d’objets curieux, un peu comme le ferait un
entomologiste examinant un papillon.
Un programme qui sous couvert de conservation du pluralisme et de
préservation du dialogue accorde à l’État des droits indus et entièrement
usurpés
Dès lors, c’est l’État, en la personne des responsables pédagogiques du programme ECR,
qui est en droit de se faire l’interprète autorisé et le comparateur attitré des différents grands
systèmes religieux en même temps – implicitement – que de la justesse – entendue ici comme
conformité aux dogmes de la religion de la démocratie – des énoncés véhiculés par les différents
systèmes de pensée abordés.
« Dans cette décision (celle de mettre en œuvre le programme ECR), l'État n'agit
certes pas seul, il a pris acte des travaux menés durant trois décennies par
plusieurs commissions, il peut tabler sur la réflexion de toute la société. Mais en
même temps, il devient le seul acteur de cette décision : les églises les mandataires
d'autres confessions ne sont plus des partenaires avec lesquels il établit un pacte
13
On notera ici au passage le caractère impératif de l’injonction. Nous sommes dans l’ordre du commandement. Nos
pédagogues si partisans du dialogue et du respect de l’autre n’ont pas dédaigné ici de se mettre dans la peau du dieu
tout puissant et n’ont pas craint, prenant la posture du Dieu législateur de Moïse, de proposer ainsi un nouveau
décalogue. Rien moins !
14
Voir situation d’évaluation 2 « Youpi, ma religion à moi ! », cahier d’activités LIDEC, Partons à l’aventure, 1re
année du secondaire, Montréal, 2008 (pp. 88 et seq.) Cf. « Les chances de réussite de ma religion (Youpi) à moi ».
‐ 10 ‐ éducatif pour servir leurs fins propres, mais des interlocuteurs citoyens comme tous
les autres. » (GL, p. 20)
En procédant ainsi, le programme inverse l’ordre promu et encouragé par l’Église. Il
confie la responsabilité de la formation à l’éthique et à la culture religieuse à des autorités
profanes à l’inverse de ce qui devrait être et de ce qui s’est toujours fait dans les nations civilisées
et respectueuses du droit. Comme le rappelle en effet Paul VI dans Gravissimum educationis :
« aux parents, l’Église rappelle le grave devoir qui leur incombe de tout prévoir en
l'exigeant au besoin, pour que leurs enfants puissent bénéficier de ces secours et
développer leur formation chrétienne au rythme de leur formation profane. Aussi,
l’Église félicite-t-elle les autorités et les sociétés civiles qui, compte tenu du
caractère pluraliste de la société moderne, soucieuses de la juste liberté religieuse,
aident les familles pour qu'elles puissent assurer à leurs enfants, dans toutes les
écoles, une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux15. »
En procédant ainsi, le programme ECR trahit en réalité sa conception totalitaire de l’État.
Dans la conception des promoteurs du programme ECR, il apparaît en effet clairement que l’État
est en droit de se mêler de toutes choses y compris des affaires religieuses et spirituelles16.
Ceci est contraire aux principes de la foi catholique. Comme le souligne en effet Pie IX, il
est faux de penser que
« XXXIX. L'État, comme étant l'origine et la source de tous les droits, jouit d'un
droit qui n'est circonscrit par aucune limite.17 »
Un programme qui récuse frontalement le dogme de l’unicité du salut en
Jésus-Christ affirmé par toute la tradition et repris par tous les conciles, du
concile de Jérusalem au concile de Vatican II inclus.
En 1997, la Commission internationale de Théologie, publiait un document majeur
intitulé « Le Christianisme et les Religions » (1997), dans lequel elle déclarait : « La théologie
des religions ne présente pas encore un statut épistémologique bien défini »18. Cette déclaration
demeure plus que jamais valable. En tout cas, sa finalité est l’interprétation des religions à la
lumière de la Parole de Dieu, et dans la perspective du mystère salvifique du Christ et de l’Église.
Parmi les différents modèles proposés - trois en substance : exclusiviste, inclusiviste et
pluraliste - ce que l’on appelle le modèle inclusiviste est théologiquement plausible, car il a été
suggéré par les textes du Concile Vatican II19. Ce modèle propose un horizon christocentrique et
15
Cf. Pie XII, allocution à l'Association des maîtres catholiques de Bavière, 31 déc. 1956: Discorsi et radiomessaggi
XVIII, p. 745 s.
16
Cf. Georges Leroux, p. 24. « La déconfessionnalisation n'est plus désormais seulement un processus négatif, ou de
rupture avec le long passé confessionnel du Québec, elle fait entrer dans la sphère civile tout l'enjeu de la formation
de la transmission normative et symbolique dans une société qui l’avait toujours prise en charge autrement. »
17
Pie IX, Quanta cura, art. 39.
18
«La Civiltà Cattolica», 148 (1997), I, p. 4.
19
Cf. Lumen Gentium, n. 16-17; Ad Gentes, n. 3, 7, 8, 11, 15; Nostra Aetate, n. 2; Gaudium et Spes, n. 22.
‐ 11 ‐ trinitaire, avec Jésus, médiateur du salut pour l’humanité entière (cf. Actes, 4, 12 ; 1 Timothée 2,
4-6). Cette interprétation est toutefois contestée par le modèle pluraliste qui, considérant l’unicité
chrétienne comme un mythe, propose une théologie pluraliste des religions, et nie l’universalité
salvifique de la rédemption chrétienne. Ce modèle se fonde substantiellement sur deux
présupposés idéologiques : l’acceptation du « relativisme absolu », comme unique possibilité
pour exprimer la vérité tout entière, et l’admission du « pluralisme religieux » comme unique
moyen pour décrire le mystère ineffable de Dieu.
En continuité avec le Concile œcuménique Vatican II et avec l’encyclique « Redemptoris
Missio » de Jean Paul II, la Déclaration « Dominus Jesus » de la Congrégation pour la Doctrine
de la foi, publiée pendant le Grand Jubilé de l’An 2000, a été une réponse de poids du Magistère
de l’Église à la théologie chrétienne du pluralisme religieux qui, en faisant propre la pensée peu
consistante de la postmodernité, mettait en péril les vérités centrales de foi du Christianisme.
Dans la pratique et dans l’approfondissement théorique du dialogue, « La pérennité de
l'annonce missionnaire de l'Église est aujourd'hui mise en péril par des théories relativistes, qui
entendent justifier le pluralisme religieux, non seulement de facto, mais aussi de jure (ou en tant
que principe)20. Et c’est à ces théories que s’adresse en premier lieu la « Déclaration » pour en
contester les prémisses et pour en rejeter les conclusions.
On indique ainsi les présupposés de nature philosophique et théologique qui sont sousjacents à ces attitudes pluralistes : conviction du caractère insaisissable de la vérité divine, pas
même par la révélation chrétienne ; attitude relativiste, pour laquelle ce qui est vrai pour certains
ne le serait pour d’autres ; opposition entre mentalité logique occidentale et mentalité symbolique
orientale ; considération de la raison comme source unique de connaissance, et donc, difficulté à
accueillir la présence d’événements définitifs et eschatologiques dans l’histoire ; la privation de
sa dimension métaphysique de l'Incarnation : éclectisme théologique ; interprétation de la Sainte
Écriture en dehors de la Tradition et du Magistère de l’Église21.
Précisons ici que la Déclaration fut expressément approuvée par le Souverain Pontife, par
une formule spéciale d’autorité :
« Sa Sainteté le pape Jean-Paul II, au cours de l'audience accordée le 16 juin 2000
au soussigné cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avec
science certaine et son autorité apostolique [certa scientia et apostolica Sua
auctoritate] a approuvé la présente Déclaration, décidée en session plénière, l'a
confirmée et en a ordonné la publication »22.
Le Document a donc la valeur universelle d’un document du Magistère. Il ne s’agit pas
d’une simple note d’orientation. Il propose à nouveau les vérités de foi divine et catholiques, et
les vérités doctrinales qu’il faut maintenir avec fermeté.
20
Cf. Jean-Paul II, Dominus Jesus, 4.
21
Cf. Jean-Paul II, Dominus Jesus, 4.
22
Jean-Paul II, Dominus Jesus, 23.
‐ 12 ‐ Un programme qui interdit aux chrétiens le droit de combattre les
idoles.
«Le rôle des intervenants scolaires c'est d'apprendre à cet enfant de composer avec
des enfants qui ont d’autres croyances religieuses et dire qu’elle est tout aussi
légitime que la leur ou, des enfants qui n’ont pas de croyances religieuses et que
cette position-là est tout aussi légitime que la leur. »23
Cette légitimation de toutes les croyances, si folles et infondées fussent-elles n’est rien
moins qu’une interdiction pure et simple de combattre les idoles, principe pourtant fondateur de
toute la révélation hébraïque et chrétienne.24 Celui-ci est pourtant d’autant plus nécessaire qu’il
engage la foi et par voie de conséquence le salut de chrétiens. Le concile Vatican II comme les
conciles qui l’ont précédé ont toujours insisté sur la nécessité de refuser toute dichotomie entre la
foi professée et la vie quotidienne. Le grave danger pour le fidèle chrétien est cette « dissension »
(discidium illud inter fidem quam profitentur et vitam quotidianam multorum), qui met en danger
son salut. D’où l’avertissement qui suit vis-à-vis de ce « chrétien qui néglige ses engagements
temporels, néglige ses devoirs envers le prochain, et aussi envers Dieu lui-même, et met en
danger son propre salut éternel ».25
Une réduction systématique du contenu de la foi à un ensemble de symboles
sans fondement objectif ni assise rationnelle
Pour être certain que les enfants n’auront pas la velléité d’adhérer avec toute leur
intelligence et tout leur être à cette vérité supérieure qu’est la vérité librement révélée par Dieu, il
faut impérativement leur faire comprendre que tous les énoncés contenus dans les dogmes de la
foi sont des mythes. Il faut leur faire entendre que ces énoncés sont des sornettes ou des contes de
fées. Il faut donc leur faire comprendre que les réalités décrites dans la révélation biblique ne sont
en définitive que des symboles sans consistance aucune. Cette tentative de réduire le contenu des
enseignements de la Bible au rang de simples symboles, sans fondement historique ou rationnel
aucun, apparaît avec force en plusieurs passages du texte. Notamment dans cette injonction faite
aux enseignants de préférentiellement mettre l’accent sur l’aspect symbolique et en définitive
mythique des enseignements proposés par les religions.
Pour approfondir leur compréhension des expressions du religieux, les élèves sont ainsi
invités à s’intéresser essentiellement pour ne pas dire exclusivement « aux dimensions
symbolique et expérientielle du religieux » (II p. 502). En aucun cas à la dimension factuelle,
historiquement établie et objectivement fondée de la révélation.
23
Mme Rachida Azdouz, vice-doyenne Université de Montréal, responsable de la formation pour ce cours auprès des
futurs formateurs, 2 septembre 2007, interrogée par la SRC pour l’émission Second Regard, (<http://ms.radiocanada.ca/2007/medianet/CBFT/SecondRegard200709021330_2.wmv?MSWMExt=.asf>) à partir de 8 minutes 17 secondes
dans le reportage.
24
Voir notamment le livre de l’Exode: « Vous prendrez garde à tout ce que je vous ai dit et vous ne ferez pas
mention du nom d’autres dieux : qu’on ne l’entende pas sortir de ta bouche » (Ex 23, 13)
25
Gaudium et Spes, n° 43.
‐ 13 ‐ II. Sous couvert de dialogue et de tolérance, le programme ECR impose en réalité
une idéologie relativiste
Un programme officiellement placé sous le double horizon régulateur de la
reconnaissance de l’autre et de la poursuite du bien commun
Le programme d’éthique et de culture religieuse est un programme qui prétend aborder la
question des religions sous un double angle simultanément culturel et éthique :
« Le système de formation commune en éthique et en culture religieuse se
décompose en deux volets bien distincts. Un volet culturel et un volet éthique.
Tout en conservant leur spécificité, ces deux volets accordent une place commune
à l’homme et partagent les mêmes finalités : la reconnaissance de l'autre et la
poursuite du bien commun. » (I. p. 276)
« La reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun constituent les
deux grandes finalités de ce programme. Elles sont interdépendantes et
communes à l’éthique et à la culture religieuse. » (I. p. 280)
Cette prise en charge de la question religieuse sous le double angle de la culture et de
l’éthique appelle, nous semble-t-il, un certain nombre de remarques.
Objection 1 : la mise en avant de ces deux objectifs « reconnaissance de l’autre » et
« poursuite du bien commun » apparaît d’une pauvreté affligeante en regard des valeurs
fondatrices d’une civilisation digne de ce nom. Elles sont notamment très en deçà des notions
d’honneur, de loyauté, de justice, de sacrifice qui présidaient au fonctionnement des sociétés
traditionnelles. Elles sont surtout à mille lieues des vertus cardinales (prudence, tempérance,
force, courage) et théologales (foi, espérance et charité) fondatrices de l’ordre chrétien (tel qu’il
fonctionnait par exemple dans l’orbs christiana médiévale ou dans l’ordre social chrétien profane
de l’âge classique26) successivement pressenties et anticipées d’abord par la sagesse antique et
païenne puis définitivement assumées et accomplies par la sagesse chrétienne.
Objection 2 : Les valeurs proposées par le cours ECR sont très largement insuffisantes
pour bâtir un ordre social et civilisationnel digne d’une société chrétienne véritable. Elles ne
suffisent pas même à garantir la justice, la sécurité publique, l’assistance aux malades et aux
affligés et la protection des plus faibles, réquisits civilisationnels fondamentaux que même les
sociétés païennes primitives ont pourtant su en leur temps assurer et mettre en œuvre.
Objection 3 : le programme propose un objectif qui est fondamentalement en deçà de ce
que l’on est en droit d’attendre d’un véritable programme d’éducation. Il semble avoir été conçu
par des hommes vivant dans une société de confort et d’opulence privée de tout élan spirituel et
dans laquelle les préoccupations spirituelles aussi bien que matérielles (à commencer par la
satisfaction des besoins humains les plus élémentaires) auraient été définitivement évacuées.
26
Cf. Cardinal Journet, l’Église du Verbe incarné, éditions Saint-Augustin, 1998-2005, notamment la première
partie.
‐ 14 ‐ Objection 4 : les valeurs que le programme d’éthique et de culture religieuse prétend ainsi
mettre en avant ne sont à aucun moment définies de manière rigoureuse (c.-à-d. exhaustive et non
redondante).
Un programme qui entretient volontairement le flou artistique sur
des concepts aussi fondateurs que celui d’homme et de société pour mieux
pouvoir instrumentaliser ces notions dans un sens relativiste et utilitariste
Il en va ainsi de la notion de « reconnaissance de l’autre ». Tarte à la crème de l'idéologie
moderniste, la « reconnaissance de l'autre » n’est rien d'autre qu'une expression ronflante et
pompeuse pour désigner le refus de la violence et la nécessité du dialogue, exigences
fondamentales d'un vivre ensemble d'autant plus difficile à atteindre que tous les liens
traditionnels susceptibles de rattacher l'homme à une histoire, à une généalogie ou à un terroir ont
été délibérément détruits. Mot creux par excellence, l’évocation de la « reconnaissance de
l’autre » relève de ces démarches incantatoires dont usent et abusent les sociétés occidentales
postmodernes lorsqu’elles veulent masquer la perversité de leurs desseins ou leur impuissance à
peser sur les événements et à changer le cours des choses. Mot leurre par excellence, la
« reconnaissance de l’autre » n’est pourtant pas pour autant un mot sans valeur performative : il
retentit comme un mot réflexe destiné à sonner le tocsin de la mobilisation contre tous ceux qui
s’insurgent contre la prétention mondialiste à vouloir ériger le cosmopolitisme en fin ultime de
l’humanité en même que comme ces mots magiques destinés à conjurer le risque de guerre civile
que nos sociétés déliquescentes préparent par ailleurs avec minutie.
Il en va de même pour la notion de « bien commun » ici mise en avant. Concession
apparente aux chrétiens (et particulièrement aux chrétiens progressistes), elle est immédiatement
subvertie en son contraire exact : la promotion systématique des égoïsmes particuliers et la
négation systématique de tout bien commun transcendant.
« La poursuite du bien commun, qui se situe au-delà de la satisfaction d’intérêts
purement personnels, vise non seulement le mieux-être de la collectivité, mais aussi
celui de chaque individu. Elle renvoie à trois actions principales : la recherche de
valeurs communes avec les autres ; la valorisation de projets qui favorisent le
vivre-ensemble; et la promotion des principes et des idéaux démocratiques de la
société québécoise. Ainsi, la poursuite du bien commun suppose que des personnes
d’horizons divers s’entendent, de façon responsable, pour relever des défis
inhérents à la vie en société. » (I. p. 280) (II. p. 500)
Cette définition du bien commun n’a plus rien à voir avec celle promue de tout temps par
l’Église. Au lieu de référer à un ordre objectif dont Dieu constitue le sommet, elle constitue un
simple appel à vivre ensemble sans horizon autre que le respect des schémas mentaux subjectifs
dominants. De ce point de vue, elle constitue un authentique appel à renoncer à l’exigence
sacrificielle engagée par l’entrée dans l’économie du salut (« celui qui m’aime, qu’il prenne sa
croix et qu’il me suive ») pour sacrifier au contraire au conformisme intellectuel et moral le plus
abouti. Dans l’esprit des concepteurs du programme d’éthique et de culture religieuse, le bien
commun est atteint quand l’homme, ayant abdiqué toute personnalité et toute liberté, renoncé à
tout charisme prophétique et à tout engagement sacral, se complaît dans le destin de mouton de
‐ 15 ‐ Panurge sans volonté ni désir autre que celui d’imiter les croyances et les comportements de ses
voisins et de ses contemporains.
‐ 16 ‐ III. Le programme ECR dissocie l'éthique et la morale et prétend faussement atteindre à la
neutralité lorsqu'il aborde les questions de religion alors qu’il développe au contraire une
optique fondamentalement orientée de la religion;
Une surmédiatisation systématique de l’éthique d’autant plus manifeste
qu’elle est destinée à masquer la disparition effective de toute morale
Le programme d’éthique et de culture religieuse entretient de manière habile et néanmoins
extrêmement sournoise une confusion systématique entre ce qui relève de la vérité objective et ce
qui relève de l’appréciation subjective.
Semblable attitude n’est pas le fuit du hasard. Dans cette époque où certains mettent le
bonheur dans la permissivité, il apparaît qu’une certaine perversion du langage est indispensable
au changement des valeurs qui donneraient à la permissivité ses lettres de noblesse. L’exemple le
plus manifeste de ce travail de perversion du langage se situe dans la substitution systématique du
terme éthique au terme de morale :
« Le nouveau programme introduit dans la formation des jeunes du Québec deux
vecteurs jusqu'à présent moins actifs et maintenant investis d'une réelle priorité :
d'abord la formation à la réflexion éthique, qui vient relayer en l’approfondissant
l'enseignement moral et, d'autre part, l'éducation à la culture religieuse hors de
tout cadre confessionnel. » (GL, pp. 18-19)
Le fait que le document ne parle jamais de morale, mais toujours d’éthique est
caractéristique de cette manière moderne de faire qui consiste à bannir un mot compris de tous
pour le remplacer par un autre, plus moderne ou plus technique en apparence, mais
volontairement non défini et dont le flou même permet de faire passer en contrebande n’importe
quelle marchandise. La substitution systématique du terme d’éthique au terme de morale en est
l’une des illustrations les plus éclatantes27.
En marge des développements de la technologie, on observe actuellement une curieuse
évolution du sens que l'on donne aux mots. Quel novateur assez hardi s'aviserait de parler de
morale de l’éducation ? On dit de nos jours éthique. Et bien que des deux termes, l'un latin, l'autre
grec, aient même valeur sémantique, ils ne recouvrent plus la même marchandise.
Celui qui parle de morale entend que les mœurs devraient se conformer à des lois
supérieures, alors que celui qui parle d'éthique sous-entend que les lois devraient se conformer
aux mœurs.
Une conception de l’éthique radicalement constructiviste et relativiste, porte
ouverte à toutes les dérives possibles et à toutes les justifications possibles
Cette substitution de l’éthique à la morale est d’autant plus redoutable qu’elle s’accomplit
dans un horizon de pensée marqué par la mise en avant explicite d’une idéologie
27
Cf. Georges Leroux, op. cit., p. 28.
‐ 17 ‐ fondamentalement constructiviste et relativiste. La première étape de cette promotion du
relativisme s’accomplit dans la conception même du terme éthique, lequel par la définition
volontairement floue qui en est donnée, ouvre la voie à toutes les dérives
« L’éthique consiste en une réflexion critique sur la signification des conduites
ainsi que sur les valeurs et les normes que se donnent les membres d’une société ou
d’un groupe pour guider et réguler leurs actions. Cette réflexion éthique, qui
permet le développement du sens moral de la personne, est indispensable pour faire
des choix judicieux. Tout en exprimant l’autonomie de l’individu et sa capacité
d’exercer un jugement critique, ces choix sont susceptibles de contribuer à la
coexistence pacifique. » (I. p. 279) (II. p. 499)
D’emblée, l’éthique est présentée sans autre forme de procès comme le fruit d’un choix
arbitraire posé en principe par les hommes sans qu’aucune justification objective externe (nature,
histoire, révélation) ne puisse venir justifier un tel choix. Dans la conception constructiviste et
relativiste qui est celle des auteurs du programme d’éthique et de culture religieuse , l’éthique
n’est donc rien d’autre qu’une réflexion critique (l’héritage positiviste et kantien est ici
clairement palpable) sur un ensemble de représentations et de normes que les hommes se donnent
à eux-mêmes. En aucun cas une vérité consistante inscrite dans l’ordre des choses et déchiffrable
rationnellement par l’intelligence humaine.
Une rupture épistémologique sans précédent
Dans l'analyse article par article qui suit, la critique est finalement anecdotique. Ce qu'il
importe de voir c'est que toute l'économie du projet se résume à ceci : « Si Dieu n'existe pas tout
est permis », il suffit d'inventer une éthique étatique pour remplacer la morale.
Ceci se mesure avec une netteté toute particulière dans le cas du programme d’éthique et
de culture religieuse. Par rapport aux programmes antérieurs, ce programme prétend introduire
une double rupture :
« D’un programme d’enseignement moral qui ne comportait pas de référence
religieuse, mais où l’on développait déjà la pratique du dialogue moral et la
réflexion éthique, on passe à un programme d’éthique qui tient compte
d’éléments de la culture religieuse. Le choix de parler d’« éthique » plutôt que de
« morale » souligne la priorité que l’on accorde à l’examen par les élèves des
valeurs et des normes qui sous-tendent, dans diverses situations, les conduites
humaines. Tout en cherchant à former des individus autonomes, capables
d’exercer leur jugement critique, cette formation a aussi pour objectif de
contribuer au dialogue et au vivre ensemble dans une société pluraliste. » (I. p.
277)
Ensuite, d’un enseignement confessionnel réservé aux catholiques et aux
protestants, mais qui s’ouvrait déjà sur la diversité culturelle et religieuse, on
passe à une formation commune pour tous en culture religieuse. Cette formation
vise une compréhension éclairée des multiples expressions du religieux présentes
dans la culture québécoise et dans le monde. Elle est dite « culturelle » parce
‐ 18 ‐ qu’elle est axée sur la capacité de saisir le champ religieux dans ses diverses
expressions dans le temps et l’espace. Elle permet la compréhension des signes
dans lesquels s’exprime l’expérience religieuse des individus et des groupes qui
contribuent à façonner la société. De plus, elle ne propose pas à l’élève un
univers particulier de croyances et de repères moraux. » (I p. 277) (II p. 497)
Ce double renversement constitue à l’évidence une authentique rupture épistémique en
même temps qu’une authentique rupture historique. Cette rupture se fera ressentir avec d’autant
plus de force dans les faits que ses objectifs réels auront été annoncés avec plus de discrétion
dans ses intentions. Pour autant, il n’est pas certain que les auteurs du programme d’éthique et de
culture religieuse aient vraiment sérieusement réfléchi à l’ensemble des conséquences induites
par une telle rupture.
Pour ne prendre qu’un exemple, le passage d’un enseignement confessionnel réservé aux
catholiques et aux protestants à une formation commune pour tous en culture religieuse n'a rien
d’évident. Il n’ira pas sans poser de graves problèmes à la société québécoise. Il n’est pas du tout
certain qu’il constitue un progrès en lui-même.
Il en va des héritages religieux comme des héritages linguistiques. Si critiquables qu’ils
puissent être, ils n’en constituent pas moins une ossature de base indispensable à la construction
intellectuelle de l’enfant. Demander aux enfants d'entrer dans une démarche d'analyse comparée
des religions avant même d'avoir acquis les rudiments nécessaires à la compréhension de leur
propre univers religieux, c'est véritablement inverser l'ordre naturel des choses. C'est marcher sur
la tête.
Pour pouvoir apprendre une langue étrangère, il faut d'abord disposer d'une langue
maternelle. De même, pour pouvoir entrer en dialogue avec d'autres cultures religieuses ou
d'autres systèmes de représentation symbolique, il faut d'abord pouvoir maîtriser son propre
système religieux. Il faut pouvoir en comprendre les rites et les gestes. Il faut pouvoir en saisir les
énoncés.
‐ 19 ‐ IV. Le programme ECR interfère dans la capacité des parents à transmettre leur foi à leur
enfant.
Un programme marqué par une forme évidente d’irresponsabilité
politique et morale
On peut légitimement se demander si les concepteurs du programme ECR ont perçu le
risque qu'ils prenaient en introduisant ainsi dès l'école primaire les enfants à un enseignement
déconfessionnalisé des religions. Un tel enseignement ne pourra qu’être propice à la déformation
et à la caricature. Il deviendra bien vite auprès des enfants objet de risée ou de dégoût. Dans tous
les cas, il produira des fruits néfastes. Loin de conduire à l’effort de consolidation des sociétés, il
risque de saper le ciment religieux qui leur permet de tenir et par là même de précipiter leur
délitement interne. In fine, il risque de conduire au développement des aspects les plus
pathogènes de l'expérience mystique et de la croyance religieuse. On ne touche pas les choses
sacrées comme l'évocation de l'origine ou des fins dernières de l'homme sans susciter des
réactions psychologiques et mentales qui, parce qu’elles touchent au fond structurel profond de
l’être humain, peuvent parfois être extrêmement brutales et extrêmement violentes. Jules Ferry
lui-même, malgré ses attaches maçonniques, le savait, lui qui enjoignait aux instituteurs de l'école
de la Troisième République « de ne jamais toucher à cette chose sacrée qu’est la conscience d’un
enfant ».
Les concepteurs du programme d’éthique et de culture religieuse n'ont visiblement eu cure
de ce conseil de prudence pourtant élémentaire puisé à l'enseignement des meilleurs maîtres. On
n'apprend pas aux enfants à manier impunément de la dynamite sans leur donner au préalable les
moyens intellectuels, techniques et humains indispensables à la sécurisation de l’expérience. Le
maître prudent est alors celui qui, ne se contentant pas de leur donner de la nitroglycérine et de
les laisser jouer avec, leur donne également les éléments de connaissance qui leur permettront
d'isoler la charge, de contrôler la substance, de stabiliser la réaction et d'éviter in fine que le
produit ne leur explose à la figure.
Agir ainsi ne relève de rien d'autre que de la prudence élémentaire.
Un texte qui interfère directement avec l’autorité parentale et le
pouvoir d’éducation (notamment vestimentaire et alimentaire).
Les concepteurs du programme ECR font par ailleurs preuve d'une étonnante absence et
d'un étonnant silence dès lors qu'il s'agit de mettre en œuvre concrètement les mesures
nécessaires au règlement effectif des dissensus ou des conflits susceptibles de survenir au sein de
la classe dès lors que l’on parle de sujets aussi enflammés que ceux ici évoqués. Le moins que
l’on puisse dire, c’est que pour une œuvre pédagogique, ont fait mieux.
Que faire en cas d’opposition manifeste entre les valeurs affichées par un élève et les
valeurs promues par l’État québécois ? Sur toutes ces questions, le document est étonnamment
discret. Le texte engage l'enseignant à adopter une attitude critique et à trouver la bonne distance.
Mais précisément qu'elle peut-être cette distance ? Comment la fixer ? Comment l’assigner ? Qui
‐ 20 ‐ nous dira comment nous positionner pour regarder le tableau ? Où trouver le point fixe
permettant de disposer de la bonne distance critique ? Sur toutes ces questions, le texte se montre
étonnamment lacunaire. Aucune indication précise n’est donnée. Le texte se contente d’énoncer
de manière très vague et sentencieuse que l’enseignant :
« doit savoir repérer des tensions, des valeurs et des normes qui s’y rattachent et
faire preuve de rigueur lorsqu’il les traite en classe. Il doit également aborder les
expressions du religieux avec tact afin d’assurer le respect de la liberté de
conscience et de religion de chacun. Dans ce contexte, il lui faut comprendre
l’importance de conserver une distance critique à l’égard de sa propre vision du
monde, notamment de ses convictions, de ses valeurs et de ses croyances. » (II p.
510)
Que fait-on si un juif refuse de contester l'utilité de la cacheroute ? Si un catholique refuse
de mettre en question l'infaillibilité pontificale ? Si un musulman refuse de contester le caractère
intégralement inspiré du Coran ? Les renvoie-t-on vers le proviseur ? Les punit-on ? Les excluton de l’école ?
Se poser de semblables questions n’est pas se livrer à un vain exercice. Toutes ces
situations ne manqueront pas de subvenir dès lors qu'il s'agira d'aborder frontalement la question
des contenus doctrinaux et de régler concrètement les problèmes liés à la pratique des rites. On
n'en est que plus surpris de voir les auteurs du programme d’éthique et de culture religieuse
n'aborder à aucun moment ces questions et éluder systématiquement toute référence à des cas
concrets – pourtant aisément identifiables – qui pourraient se présenter dans les situations
courantes de discussion de classe.
Une démarche qui sapera à la base l’autorité des parents, en mettant
notamment en avant le caractère relatif des rapports d’autorité et le caractère
superfétatoire du devoir d’obéissance
Parmi les valeurs qui seront inévitablement amenées à être mises en question se trouve la
question de l’autorité. Derrière elle se joue la question fondamentale des rapports de dépendance
et de respect qui s’instaurent entre les individus au sein de la famille. En remettant en cause
l’autorité, le programme ECR risque de saper à la base le principe de l’obéissance et par suite de
ruiner la cohésion de la famille et l’ordre que, spontanément cherchent à constituer les parents au
sein de la famille pour transmettre à leurs enfants ce qu’ils jugent être le meilleur pour eux. Ceci
a été bien vu par la présidente de l’Association des parents catholiques du Québec, Mme Jean
Morse-Chevrier :
« Mettre l’enfant à partir de 10 et 11 ans dans une situation d’avoir à débattre en
classe d’un sujet controversé d’ordre moral et religieux risque de miner sa
confiance dans les enseignements reçus jusque-là de par ses parents et chefs
religieux et donc d’interférer avec l’éducation donnée dans la famille.
Prenons l’exemple de l’autonomie à l’adolescence (Éthique, 3e cycle du primaire),
sujet suggéré au 3e cycle du primaire. Pour le parent et l’enfant catholique, il est
clair que les enfants et adolescents doivent obéissance à leurs parents, mais à Dieu
‐ 21 ‐ d’abord, de par les dix commandements. Cela ne contredit pas l’idée que
l’adolescent, en grandissant en maturité, doive prendre de plus en plus la
responsabilité de ses actes. Mais, débattre de cette question consiste à mettre en
doute l’idée d’obéissance et donc, encore une fois, de miner les repères de l’enfant
et les enseignements de sa foi. L’enfant qui ne pourra pas expliquer pourquoi
(comme le demandent les attentes de fin du 3e cycle) il obéit à ses parents se sentira
dévalorisé et incompétent et risque de perdre confiance en lui-même, en ses parents
et en sa religion. C’est de l’interférence dans l’éducation morale et religieuse que
les parents donnent à leurs enfants. »28
Une démarche qui, sous couvert de laisser-faire et de libre discussion,
se révèle en réalité hautement intrusive et excessivement directive
L’élève n’est pas seulement appelé à donner son avis ; il doit aussi porter un jugement
normatif sur les croyances des autres.
« Il nomme des comportements ou des attitudes qui contribuent ou nuisent à la vie
de groupe. Il reconnaît ses besoins et nomme ses responsabilités à l’égard des
autres. Il considère certaines options ou actions possibles et en reconnaît des effets
sur lui et sur les autres. Il privilégie des actions favorisant la vie de groupe en
fonction du vivre-ensemble. Il fait des liens avec d’autres situations similaires. Il
fait un retour sur ses apprentissages et sur sa démarche. »
(I. p. 297)
Comme dans les régimes totalitaires (communistes ou nationaux-socialistes), l’enfant est
donc sollicité pour porter un jugement normatif sur les autres. Progressivement, mais sûrement, il
est appelé à dénoncer pour le bien de la cause tous ceux qui, parmi ses proches (petits camarades,
frères et sœurs ou parents) pourraient développer des croyances ou des pratiques religieuses non
conformes au système de valeurs promu par les tenants de la religion de la démocratie. Il est
sommé de mettre en avant ce qui dans la croyance de ces proches – et, ce qui est plus risible et
plus conditionnant encore – est nuisible de son petit point de vue d’enfant de huit ans à la vie de
groupe. Progressivement c’est à une véritable épuration mentale, d’autant plus traumatisante pour
les enfants qu’ils en auront été les acteurs inconscients, que l’on assistera ainsi, chacun
s’attachant à dénoncer chez l’autre ce qui lui paraîtrait gênant ou non conforme au religieusement
correct dominant.
Non content de sommer l’enfant de dénoncer ses camarades en repérant ce qui dans leurs
croyances pourrait être contraire au respect de l’autre ou à la facilitation de la vie en commun, le
texte lui demande en outre de porter un jugement normatif sur le fonds même de ses croyances en
dénonçant ce qui en elle relève du stéréotype ou du préjugé. L’enfant est ainsi requis de :
« cerner des causes et des effets des préjugés et des stéréotypes présents dans la
situation. » (I p. 298)
28
Commentaire sur le programme ECR – volet dialogue – du point de vue de parents catholiques, p. 6.
‐ 22 ‐ Ce n’est plus l’enseignant lui-même, c’est désormais l’enfant qui est sommé d’assumer la
fonction de grand inquisiteur et de condamner au supplice de la roue ou de la question le
camarade qui aurait l’audace ou l’outrecuidance de continuer à professer des croyances
incompatibles avec les valeurs du temps présent.
Ceci apparaît également dans l’injonction faite aux enfants de :
« Être attentif à ses manifestations non verbales de communication et à celles
des autres. »
« Se soucier de l’autre et prendre en considération ses sentiments, ses
perceptions ou ses idées. » (I p. 283)
L’enfant est désormais enjoint non seulement de critiquer les idées des autres, mais aussi
de sonder leurs arrière-pensées. Ordre lui est donné de prêter attention aux manifestations non
verbales de communication de ses petits camarades. Un silence désapprobateur, un regard fuyant,
une attitude de mutisme seront dès lors traqués comme autant de signes d’adhésion faible ou pire
de désapprobation potentielle, et jugés comme tels. L’enfant dissident n’aura même plus la
possibilité ou le droit de se réfugier dans l’intimité de son for intérieur ou de s’évader dans
l’imagination du merveilleux puisque les signes mêmes de repli sur l’intériorité ou un monde
extérieur au monde politiquement correct seront examinés, suivis, interprétés et traqués comme
tel.
Un programme qui prive en définitive les parents de leur droit légitime à
exercer le droit à l’éducation, a fortiori lorsque les thèmes véhiculés par
celles-ci sont de nature morale et religieuse
Clairement, le programme ECR constitue un empiètement direct sur le droit des parents à
éduquer leurs enfants.
Or, comme l’exprime admirablement Paul VI dans Gravissimum educationis :
« Les parents, ayant donné la vie à leurs enfants, ont la très grave obligation de les
élever, et à ce titre ils doivent être reconnus comme leurs premiers et principaux
éducateurs29. Telle est l'importance de cette fonction d'éducateurs que, lorsqu'elle
vient à faire défaut, elle peut difficilement être suppléée. Le rôle des parents est, en
effet, de créer une atmosphère familiale, animée par l'amour et la piété envers Dieu
et les hommes, qui favorise l'éducation intégrale, personnelle et sociale de leurs
enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales dont aucune
société ne peut se passer. »
En prétendant prendre en charge, l’une des dimensions les plus fondamentales de l’existence –
celle de la détermination des fins et des règles éthiques qui détermineront les comportements
adoptés – l’État québécois prive les parents de ce qui constitue leur droit naturel à l’éducation.
29
Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 59 s.; encycl. Mit brennender Sorge, 14 mars 1937, AAS
XXIX (1937), p. 164 s.;Pie XII, allocution au premier congrès national de l'Association italienne des maîtres
catholiques (A.I.M.C.), 8 sept. 1946: Discorsi e radiomessaggi VIII, p. 218.
‐ 23 ‐ Les concepteurs du programme ECR ne se contentent pas de vouloir prendre charge la dimension
éthique et culturelle des savoirs et des traditions religieuses, mais ils entendent encourager les
adeptes des religions eux-mêmes - à commencer au premier chef par les chrétiens qui sont ainsi
implicitement invités à se rebeller contre leur hiérarchie apostolique - à réviser et à repenser euxmêmes le contenu et la transmission des enseignements de la foi. Comme le souligne lui-même
Georges Leroux :
« cet espace n'est pas destiné pour autant à devenir un espace vide, un espace dont
la neutralité exige une indifférence complète à tout ce qui est moral, spirituel et
religieux. Le versant positif de ce mouvement doit désormais nous solliciter
davantage que les effets de rupture dans les communautés croyantes, qui sont
appelées de leur côté à un défi de reconstruction de la transmission confessionnelle
au sein de leurs propres institutions. » (GL, p. 25)
À terme c'est donc un changement de foi qui est visée par le programme ECR. Il faut
substituer à la religion catholique, c’est-à-dire à la religion révélée en Jésus-Christ dans et par
l’Église, la religion nouvelle de la démocratie. Ceci explique pour une large part les raisons pour
lesquelles le programme ECR entend se présenter comme un mouvement d’encouragement et
d’accompagnement du processus de sécularisation.
« À partir de septembre 2008, les cours optionnels d’enseignement moral et
d’enseignement moral et religieux catholique ou protestant offerts dans les écoles
du Québec sont remplacés par une formation commune en éthique et en culture
religieuse, obligatoire pour tous les élèves des réseaux public et privé. Tout en
conservant leur spécificité, les deux volets de la formation accordent une place
commune au dialogue et partagent les mêmes finalités : la reconnaissance de
l’autre et la poursuite du bien commun. » (II, p. 496)
Cette évolution célébrée ici avec emphase – et présentée de manière louangeuse comme
un progrès majeur de l’histoire canadienne – est contraire à toute la tradition de l’Église.
Terminons en citant la seule encyclique jamais écrite spécifiquement pour le Canada,
« Affari Vos » 30 par Léon XIII en 1893, sur la question des écoles du Manitoba, dont l’actualité
ne peut manquer d’interpeller la conscience d’un catholique québécois confronté au cours ECR :
« L'acte d'union à la Confédération avait assuré aux enfants catholiques le droit
d'être élevés dans des écoles publiques selon les prescriptions de leur conscience :
or, ce droit, le parlement du Manitoba l'a aboli par une loi contraire. C'est une loi
nuisible. Car il ne saurait être permis à nos enfants d'aller demander le bienfait de
l'instruction à des écoles qui ignorent la religion catholique ou qui la combattent
positivement, à des écoles où sa doctrine est méprisée, et ses principes
fondamentaux répudiés. (…) Pareillement, il faut fuir à tout prix, comme très
30
http://www.vatican.va/holy_father/leo_xiii/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_08121897_affari-vos_en.html
Traduction française: http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebechistory/docs/manitoba/1897-6.htm
Voir aussi Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Affari_Vos
funestes, les écoles où toutes les croyances sont accueillies indifféremment et
traitées de pair, comme si, pour ce qui regarde Dieu et les choses divines, il
importait peu d'avoir ou non de saines doctrines, d'adopter la vérité ou l'erreur. »
‐ 24 ‐ No. 405-17-000946-082
COUR SUPÉRIEURE
(CHAMBRE CIVILE)
DISTRICT DE DRUMMOND
SUZANNE LAVALLÉE ET DANIEL JUTRAS
Partie demanderesse
c.
COMMISSION SCOLAIRE DES CHÊNES
Partie défenderesse
et
PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC
Intervenante
AVIS DE COMMUNICATION DU RAPPORT
DU TÉMOIN EXPERT
DAVID MASCRÉ
SELON L'ART. 402.1 C.p.c.
(Pièce P-26)
Me Jean-Yves Côté
CÔTÉ AVOCATS INC.
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Sainte-Julie (Qc) J3E 1C9
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2009-Mai-4
2:55PM
Trav. Date
4056
2009/ 5/4
Heure
Type
Identi fi cati on
Durée
Pages
Résultat
2:41:42PM
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5148737074
14:11
29
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Expéditeur
Sainte-Julie, le 4 mai 2009
Té|. (450)649.0117
461, avenue de Dieppe
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Avdcats
Destinataire
S
S
Sainte-Julie (Qc)J3E1C9
Cote
<
I
03
MW136 167 036CA
ATTENTION
418 651-9900
Me René Lapointe
Method of Payment/Mode de paiement: Acœunt / Porter au compte
MORENCY, SOCIÉTÉ D'AVOCATS
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3075, ch. des Quatre-Bourgeois #400
Québec (Québec) G1W4X5
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Expéditeur
Sainte-Julie, le 4 mai 2009
Tél.: (450) 649-0117
461, avenue de Dieppe
Sainte-Julie (Qc)J3E1C9
CÔTÉ AVDCATS inc.
To
fi
ï
I
MW136 167 040CA
Destinataire
ATTENTION
Me Benoit Boucher
PROC.GENERAL DU QUÉBEC
S
Method of Payment/Mode de paiement: Acœunt/ Porter au compte
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1, rue Notre-Dame Est #8.00
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Montréal (Québec) H2Y1B6
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