
fication qui est poussée par certaines ten-
dances économiques, mais surtout par
le fait que dans d'autres régions du
monde, on modifie également le calcul
du PIE avec des effets parfois très éton-
nants (lire l'encadré «Le Nigeria double
artificiellement sonPIB»). Les Etats-Unis,
par exemple, en changeant leur méthode
l'an dernier, ont permis à leur PIE de
réaliser un bond de 3,5% en intégrant
notamment les dépenses en recherche
et développement. Soit près de 600
milliards de dollars de richesses nou-
velles apportées par un coup de baguette
magique comptable.
Pour l'Union européenne, l'apport
sera presqu'aussi important: «L'impact
moyen pondéré sur le PIE de cette évo-
lution méthodologique est une augmen-
tation de 2,4 % du PIE», a estimé la Com-
mission européelme au début de l'atmée.
Soit un gain de richesse de plus de 300
milliards d'euros. Pour la Belgique, la
Commission situe la hausse entre 2 et
3%.
«11
s'agit toujours d'une estimation
très provisoire», fait-on observer auprès
de la Banque nationale.
Cette gratlde révision méthodologique
ne concernera pas uniquement le PIB,
mais aussi la manière de calculer les
charges financières des Etats. Le minis-
tre wallon du Budget André Antoine le
sait, lui qui a eu la surprise de voir la dette
wallonne doubler en taille suite à ces
nouvelles méthodologies de calcul. Mais
au niveau de l'Etat fédéral, on sera atten-
tif à la dette sociale, c'est -à-dire aux enga-
gements qu'ont pris les Etats de payer
les pensions légales. Il est prévu que les
chiffres du PIE soient assortis «d'une
analyse plus détaillée des systèmes de
pensions», explique la Conmussion euro-
péenne. Un tableau obligatoire devra
documenter le passif de tous ces sys-
tèmes, y compris ceux des gouverne-
ments, qu'ils contribuent ou non à ces
systèmes. Il s'agit «d'améliorer la com-
parabilité entre Etats», ajoute encore
l'exécutif européen.
Ungain de2
à
3%
Ce Chatlgement comptable va donc très
opportunément nous apporter 2 à 3% de
croissance. Comment arrive-t-on à ce
miracle? En intégratlt, comme les Etats-
Unis, les dépenses en matière de R&D.
Cette modification à elle seule sera res-
ponsable de l'augmentation de 1,9% du
PIE européen. Pour notre pays aussi,
«la raison la plus importante de l'aug-
mentation est le fait que les dépenses
pour la R&D ne sont plus considérées
conTIneune consonmlation intermédiaire
mais bien comme des investissements,
confirme la BNB.Dans le calcul selon le
SEC 95,les dépenses de R&D réduisaient
la valeur ajoutée (elles étaient retirées
de la production), tandis que, selon le
Il
L'intégration
des dépenses en Ulatière
de R&D dans le calcul
du PIB européen sera
responsable d'une aug-
Ulentation de 1,9
%
du PIB.
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1.
sonPlB
Modifier le calcul du PIS pour doper
comptablement son économie et
f9rcer l'attention des investisseurs
"~\rangers n'est pas l'apanage des
, pàys développés. Voici quelques
j~urs, le Nigeria a annoncé que,
syite
à
un changement statistique,
son PIS avait bondi de 89%.
Avec un PIS atteignant désormais
509 milliards de dollars en 2013,
le pays est la principale économie
d'Afrique, dépassant même
l'Afrique du Sud (dont le PIS
culmine
à
370 milliards de dollars).
Lamodification intervenue avec
la bénédiction du FMI a consisté
à
intégrer davantage d'activités (46
secteurs, contre 33 auparavant):
désormais sont prises en compte
les richesses apportées par
les télécoms ou Nollywood
(le Hollywood local). LeGhana qui,
voici deux ans, avait procédé
à
une modification similaire, avait
enregistré un bond de croissance
de 60%. Et le Kenya, qui prépare
la même révolution, s'attend
à
un gain de 20%.
SEC 2010, il s'agit d'un investissement»,
précise l'institution.
Autre gratld Chatlgement: les dépenses
en matière d'armement, qui étaient déjà
depuis des atmées comptabilisées par les
Etats-Unis, seront vues comme un inves-
tissement également en Europe. Jus-
qu'ici, «vu leur nature potentiellement
destructive», elles étaient considérées
comme «inmlédiatement consonmlées»,
explique la Commission européenne.
Désormais, les statisticiens ont pris un
autre biais: «Le nouveau système recon-
naît de manière tout à fait réaliste leur
potentiel productif pour la sécurité exté-
rieure d'un pays sur plusieurs années»,
justifie la Commission. Gain pour le PIE
européen: 0,1%.«Il était difficile de jus-
tifier économiquement qu'un F16, qui a
une durée de vie d'une quaratltaine d'atl-
nées, est consommé immédiatement,
mais ilreste que considérer une dépense
d'armement comme un investissement
pose un problème philosophique», s'in-
terroge l'écononuste en chef de laBatlque
DegroofEtienne de Callatay.
Tout aussi interpellant est le fait de
désormais inclure dans le PIE le fruit
des activités illégales. L'économie sou-
terraine fait déjà partie de l'estimation
du PIE en Belgique. Mais désormais,
«l'estimation de l'économie illégale doit
s'ajouter au calcul du PIE et ce sera le
cas à partir de septembre 2014», explique
notre Batlque nationale. On ajoutera donc
à notre PIB «les composantes 'drogue',
'prostitution' et 'contrebatlde'», précise-
t-elle. Ces activités ne sont pas négli-
geables: pour un pays comme l'Espagne,
la contrebatlde et la prostitution seules
pourraient doper le PIE ibérique de 10
milliards d'euros, soit 1%!
«On intégrera ces activités en vertu
d'une notion assez bizarre qui est que
ces activités sont des activités non décla-
rées mais volontaires, observe Etienne
de Callatay. Cela pose quelques ques-
tions, poursuit-il. Sur la valeur sociale de
ces activités. Sur le fait que datlS la pros-
titution, on considère que les deux par-
ties, le client et la prostituée, sont libres.
Et sur le plan pratique: comment cal-
cule-t-on ces activités non déclarées?»
Sur ce dernier point, ce n'est pas encore
très précis: «Les méthodes (de calcul)
définitives doivent encore être approu-
vées parun comité scientifique», dit-on
à la BNB. ®PIERRE-HENRI THOMAS
Trends-Tendances, 17/04/2014, p. 32-33
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