Analyses Économiques
DP N° 42 Juin 2004
Équilibre épargne-investissement au niveau mondial1
Depuis la récession de 2001 aux États-Unis, le problème des «twin deficits» (déficits jumeaux) est revenu
sur le devant de la scène internationale. Le creusement du déficit de la balance courante américaine
absorbe toujours davantage l’épargne mondiale et affecte l’équilibre des marchés financiers internatio-
naux. Dans cette étude, une approche historique permet d'identifier les grandes étapes qui ont mené à
la constitution du marché financier international actuel ainsi que les transformations ayant affecté les
pôles d'alimentation et d'attraction de l'épargne mondiale.
Jusqu'à la fin des années soixante, les flux de capitaux internationaux sont essentiellement des flux
de financement public des déséquilibres des paiements internationaux.
Ensuite, ce dispositif subit la concurrence du marché privé des eurodollars, marché qui devient dans
les années soixante-dix le foyer de la finance mondiale avec le recyclage des pétrodollars (qualifié de
finance «Sud-Sud»), via les banques du «Nord».
Il faut toutefois attendre les années quatre-vingt pour que le marc financier international tel que
nous le connaissons aujourd'hui voie le jour avec le triple mouvement de décloisonnement, dérégle-
mentation et désintermédiation. Parallèlement, après la crise de la dette des PED, la finance interna-
tionale se recentre durant les années quatre-vingt sur les flux financiers «Nord-Nord»,
principalement entre les États-Unis d'une part, et l'Allemagne Fédérale et le Japon d'autre part.
Depuis les années quatre-vingt-dix, on assiste au retour des pays du Sud sur le marché international,
et plus particulièrement des banques centrales asiatiques qui sont aujourd’hui les principaux créan-
ciers de l’État Fédéral américain.
Une autre approche consiste à s'intéresser non plus aux flux financiers mais aux prix qui révèlent les
désajustements du marché de l'épargne. Il est ainsi possible de construire un taux d'intérêt mondial,
composante commune aux taux nationaux, qui reflète les déséquilibres entre épargne et investissement
à l'échelle de la planète. L'étude de variations de ce taux permet de caractériser la période récente et
soulève le paradoxe suivant : pourquoi les taux sont-ils aujourd'hui si bas alors que l'évolution de l'épar-
gne et de l'investissement aurait dû les tendre ? On propose ici quelques explications possibles : fac-
teurs structurels (gains de crédibilité des politiques monétaires et réduction du risque inflationniste,
progrès de l'ingénierie financière) ou plus conjoncturels (politiques monétaires accommodantes dans
les pays du G7, comportement des banques centrales asiatiques, désendettement des entreprises).
1. Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la Direction de la Prévision et de l’analyse économique et ne reflète pas nécessairement la posi-
tion du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
2
1. Y a-t-il un marché mondial de l’épargne?
1.1 L’émergence d’un marché de financement
mondial des années soixante aux années qua-
tre-vingt dix
Après la seconde guerre mondiale, le marché financier
international s'est constitué lors d'un processus assez
long d'intégration financière. Il a eu un précurseur
dans les années soixante et soixante-dix avec le mar-
ché des eurodollars mais il ne se reconstitue véritable-
ment qu'au cours des années quatre-vingt, renouant
en quelque sorte avec la situation qui prévalait avant
1914 sous une autre forme.
Jusqu'à la fin des années soixante, les flux de capitaux
internationaux sont essentiellement des flux de finan-
cement public des déséquilibres des paiements inter-
nationaux. En l'absence d'un marché international de
capitaux de taille significative, les possibilités de finan-
cement extérieur sont limitées et les déficits courants
ne peuvent prendre des proportions importantes, res-
tant généralement inférieurs à 1% du PIB. Ce disposi-
tif subit à partir des années soixante la concurrence du
marché privé des eurodollars2, marché qui devient
dans les années soixante-dix le foyer de la finance
mondiale (sa taille passe de 160 milliards de dollars en
1973 à 730 milliards en 1980).
L'ajustement de l'épargne et de l'investissement au
niveau mondial prend alors la forme originale du
«recyclage des pétrodollars» et la finance est qualifiée
de «Sud-Sud» : après les chocs pétroliers, les pays
exportateurs de pétrole placent leur épargne dans les
eurobanques occidentales, qui transforment ces
dépôts liquides en crédits aux pays en développement.
Entre 1974 et 1981, 40% des excédents courants des
pays de l'OPEP sont recyclés par le marché des euro-
dollars.
Il faut toutefois attendre les années quatre-vingt pour
que voie le jour le marché financier international tel
que nous le connaissons aujourd'hui. Le triple mouve-
ment de décloisonnement, déréglementation et désin-
termédiation donne naissance au marché actuel avec
les innovations financières, la suppression de la
majeure partie des contrôles de change, la déspéciali-
sation des activités des agents financiers, la titrisation
des créances bancaires… Mais c'est surtout le déve-
loppement de la finance directe qui caractérise les
années quatre-vingt : aux eurocrédits bancaires des
années soixante-dix succède un financement par émis-
sion de titres sur les marchés financiers (cf. tableau 1).
Parallèlement, après la crise de la dette des pays en
voie de développement (PVD), la finance internatio-
nale se recentre durant les années quatre-vingt sur les
flux financiers «Nord-Nord» : les États-Unis voient
leur déficit courant se creuser et se substituent aux
économies en développement comme premier pôle
débiteur sur les marchés financiers mondiaux, tandis
que l'Allemagne de l'Ouest et le Japon, qui dégagent
des excédents courant élevés, prennent la place de
l'OPEP comme pourvoyeurs de fonds (cf.
graphique 1). Durant cette décennie, les transferts de
capitaux entre pays industrialisés et pays en dévelop-
pement s'inversent même, le paiement au titre du ser-
vice de la dette étant supérieur aux entrées de capitaux
dans les PVD.
Graphique 1 : soldes courants des États-Unis,
de l’Allemagne et du Japon (% du PIB).
Au total, trois grandes évolutions de l'équilibre épar-
gne-investissement mondial des années soixante au
début des années quatre-vingt-dix caractérisent
l'émergence d'un marché financier mondial :
la finance publique laisse place à la finance privée ;
à la finance Sud-Sud succède la finance Nord-
Nord ;
la finance réglementée et intermédiée perd son rôle
central au profit de la finance directe et dérégle-
mentée.
Tableau 1 : poids des transactions internationales sur titres (en % du PIB)
Total des achats et ventes d’actions et d’obligations entre résidents et non résidents. Source : FMI : pour chaque pays, on additionne les achats de titres
par les résidents aux non-résidents et les ventes de titres par les résidents aux non-résidents, et l’on rapporte ces flux en pourcentage du PIB ; ces
données sont issues de la balance des paiements.
2. Avoirs en dollars déposés dans les banques extérieures aux États-
Unis.
-4%
-3%
-2%
-1%
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990
% du PIB
Etats-Unis Allemagne Japon
1975 1980 1985 1990
Etats-Unis 4,2 9 35 89
Japon 1,5 7,7 63 120
Allemagne 5,1 7,5 33 57
France 3,3 8,4 21 54
3
1.2 Le paradoxe de Feldstein-Horioka
L'existence d'un marché financier intégré au niveau
mondial a été mis en doute au début des années qua-
tre-vingt par une étude3 de Feldstein et Horioka. Les
deux auteurs mettent en évidence une corrélation de
90% entre le taux d'épargne brute et le taux d'investis-
sement domestique dans les pays industrialisés. Des
études relatives aux pays en développement ont égale-
ment établi des corrélations fortes (quoique moins éle-
vées)4. L'interprétation qu'ont donnée les auteurs à
cette forte corrélation est celle d'une insuffisante
mobilité internationale du capital. En l'absence de
mouvements internationaux de capitaux, l'investisse-
ment domestique serait largement contraint par l'épar-
gne nationale. Feldstein a par la suite montré que
même en l'absence de barrières à la mobilité du capital,
des épargnants averses ou neutres au risque préfèrent
investir leur épargne sur le marché national, toutes
choses égales par ailleurs.
Pourtant le débat n'est pas clos. L'interprétation que
donnent les auteurs de la corrélation en termes de
mobilité réduite des capitaux a été contestée. La cor-
rélation peut s'expliquer de manière différente, par
l'effet des politiques économiques ou par l'existence
d'un troisième facteur caché expliquant à la fois l'épar-
gne et l'investissement et qui les ferait bouger parallè-
lement dans le long terme. De nombreux mécanismes
ont été proposés pour expliquer la corrélation en pré-
sence d'une forte mobilité des capitaux. En tout état
de cause, même si le marché mondial de l'épargne
n'est pas parfait, d'importants ajustements entre capa-
cités et besoins de financement nationaux passent par
les marchés mondiaux de capitaux.
2. Les formes actuelles de l’ajustement
entre épargne et investissement
Dans les années quatre-vingt-dix, un nouveau type
d'ajustement financier voit le jour, qui marque des
continuités avec le passé (poursuite de la ponction
américaine sur l'épargne mondiale) ainsi que des rup-
tures (retour des pays du Sud sur le marché internatio-
nal).
2.1 Le creusement du déficit courant américain
Les États-Unis ont connu une sensible dégradation de
leur compte courant au début des années quatre-vingt
puis, après une période de rétablissement, un creuse-
ment encore plus marqué depuis le début 1992. Bien
plus, la tendance baissière qui s'est amorcée depuis
douze ans n’a qu’à peine été interrompue par le ralen-
tissement conjoncturel des années 2001-2002. L’ana-
lyse des causes internes de ce déficit a fait l’objet du
DP-AE numéro 38 : «États-Unis : les origines inter-
nes du déficit courant» (avril 2004). Notamment, on y
montrait que la dégradation de la situation depuis
2000 résultait en partie du creusement puis de la per-
sistence d’un déficit public élevé, largement responsa-
ble de l’insuffisance d’épargne dans un contexte de
vigueur de l’investissement, ce phénomène étant
encore aggravé par la faiblesse du taux d’épargne des
ménages. Le taux d’épargne net dans l’ensemble de
l’économie qui était de 4% en 1991 est tombé à 2,4%
en 2002, tandis que dans le même temps le taux
d’investissement net passait de 5% à 6,1%. Le déficit
courant est financé par des apports massifs de capi-
taux du reste du monde, les entrées brutes de capitaux
étrangers aux États-Unis ont été multipliées par
7 durant les années quatre-vingt-dix pour atteindre
1000 milliards de dollars en 2000.
Durant les années quatre-vingt dix, ces entrées ont
surtout été constituées d'achats de titres privés par des
agents non résidents privés, notamment européens
(l'Europe de l'Ouest a contribué pour plus de 70% aux
achats d'obligations, actions et IDE). Les investisseurs
de la zone euro se sont tournés vers des actifs risqués
(actions et IDE), alors que les investisseurs japonais
ont continué d'acheter des titres du Trésor. Le déve-
loppement du marché obligataire privé américain dans
la seconde moitié des années quatre-vingt et de ses
produits dérivés, offrant des espérances de rendement
élevés au prix d’un risque accru, explique enfin que les
institutions financières de la place de Londres se sont
davantage portées sur les obligations du secteur privé.
L'année 2000 a marqué une rupture. Depuis 2001, le
déficit courant n'est plus couvert par les entrées de
capitaux privés à long terme : les entrées de capitaux
sur des actifs risqués, qui représentaient en 2000 la
moitié des capitaux investis aux États-Unis par les
non-résidents, se sont effondrées, n'en représentant
plus que 13% en 2002. Cette chute des flux d'IDE,
d'actions et d’obligations privées s'explique du côté de
l’offre de titres par le processus de désendettement
des entreprises américaines, et du côté de la demande
par le revirement des investisseurs européens, notam-
ment après la forte augmentation des défauts sur les
obligations du secteur privé au moment de la réces-
sion. Néanmoins, le creusement du déficit budgétaire
a conduit à une reprise des émissions d’obligations du
Trésor qui ont trouvé preneur auprès des agents
publics non résidents asiatiques (le Japon a réalisé
48% et la Chine 18% des achats nets de titres du Tré-
sor entre 2001 et 2003). Le dollar en tant que monnaie
de réserve a joué ici un rôle primordial. Les banques
centrales asiatiques ont encore dans la plupart des cas
un objectif de taux de change vis-à-vis du dollar, du
moins au sens large : les fluctuations du taux de
change yen/dollar ont par exemple fortement
influencé les achats de titres en dollars par la Banque
du Japon.
3. Feldstein, M. and Horioka, C. (1980) : «Domestic Saving and Inter-
national Capital Flows», Economic Journal.
4. Pour une revue de cette littérature, voir Obstfeld (1994) : «Interna-
tional Capital Mobility in the 1990’s».
4
Graphique 2 : balance courante et entrée nette
de capitaux en % du PIB.
2.2 La Finance Nord-Sud
Parallèlement, un nouveau cycle de financement
Nord-Sud s'est ouvert. Ce cycle s'est amorcé au début
des années quatre-vingt-dix dans un contexte de
récession des pays industrialisés. L'excès de l'épargne
privée et la détente des taux d'intérêt ont encouragé la
recherche de placements mieux rémunérés dans
d'autres parties du monde, d'autant que les obstacles à
la mobilité des capitaux avaient été fortement réduits
dans les années quatre-vingt.
La croissance exceptionnelle des pays d'Extrême
Orient, et tout particulièrement de la Chine, et les ren-
dements élevés des placements à court terme en Amé-
rique Latine, où les programmes de stabilisation ont
porté les taux d'intérêt réels à des niveaux très élevés,
ont fortement contribué à une inversion spectaculaire
des transferts financiers entre le Nord et le Sud. À elles
seules, ces deux régions ont absorbé les trois quarts
des apports nets de capitaux privés aux pays en déve-
loppement de 1990 à 1996. Plus du tiers de ce flux est
concentré sur deux pays : la Chine et le Mexique.
L'une des caractéristiques du nouveau cycle financier
Nord-Sud est la place limitée prise par l'intermédiation
bancaire (en comparaison des investissements directs
et des investissements de portefeuille). Ce phéno-
mène, qui marque un changement radical avec les
années soixante-dix a été stimulé par les mesures de
libéralisation des changes et d'ouverture des marchés
financiers prises par un nombre croissant de pays
émergents.
La seconde moitié des années quatre-vingt-dix a été
caractérisée par une instabilité financière accrue dans
les pays en développement, comme en témoignent les
crises financières ayant touché les pays émergents
depuis 1995 (crise mexicaine, crise asiatique, crise
argentine…). Ces crises ont engendré d'importants
reflux des capitaux vers les pays occidentaux moins
risqués (phénomène dit de «fuite vers la qualité»).
Depuis ces crises, les économies émergentes sont
devenues pourvoyeuses nets d'épargne, le change-
ment étant particulièrement spectaculaire en Asie.
Après la crise de 1997-1998, la balance des paiements
courants de cette région a affiché une forte améliora-
tion et l'Asie participe désormais à la couverture des
besoins de financement des États-Unis (cf.
graphique 3).
3. Déséquilibre du marché de l’épargne et
évolution du taux d’intérêt mondial
Avec l'émergence d'un marché mondial de l'épargne,
les taux d'intérêt nationaux devraient converger en
terme réel vers un taux mondial, dont les évolutions
révèlent les tensions entre épargne et investissement à
l'échelle de la planète.
Graphique 3a : balance des paiements
de l’Asie du Sud-Est
source : CHELEM, en Mds de dollars.
Graphique 3b : balance des paiements
de l’Amérique Latine
source : CHELEM, en Mds de dollars.
3.1 La convergence des taux nationaux au cours
des années quatre-vingt-dix
Le taux qui équilibre le marché de l'épargne et l'inves-
tissement est le taux d'intérêt réel ex ante, c'est-à-dire
celui qui intègre les anticipations d'inflation prises en
compte par l'épargnant. Dans le graphique 4, on a
porté l'évolution pour les principaux acteurs sur les
marchés financiers internationaux des taux nominaux
à 10 ans diminués des anticipations d'inflation
approximées par l'inflation courante nationale (ce qui
tend probablement à surestimer l'inflation anticipée
dans les années soixante-dix et à sous-estimer le
niveau des taux d'intérêt réels sur cette période).
% du PIB
-6
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
capitaux privés entrants non risqués : titres du Trésor
capitaux publics entrants : titres sur le gouvernement
américain (dont titres du Trésor)
balance courante
capitaux privés entrants risqués : actions et IDE
-60
-40
-20
0
20
40
60
80
100
120
1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999
Solde transactions courantes
Solde des investis. directs
Solde des inv. de portefeuille
-100
-80
-60
-40
-20
0
20
40
60
80
100
1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999
Solde transactions courantes Solde des investis. directs
Solde des inv. de portefeuille
5
On observe des écarts parfois considérables entre les
taux longs réels nationaux, notamment au cours des
années soixante-dix pour les taux américains et japo-
nais. Ces écarts sont liés à l'existence de primes de ris-
que pays, aux primes sur l'inflation (quand la politique
monétaire est peu crédible, l'incertitude sur les tendan-
ces inflationnistes augmente et les agents exigent un
rendement nominal de l'épargne élevé) et aux anticipa-
tions de variation de change (phénomène dit de parité
des taux d'intérêt non couverte). La préférence pour
les actifs nationaux, notamment dans les pays où
l’épargne est excédentaire comme au Japon, joue aussi
un rôle important.
Ces écarts semblent se réduire avec le temps et durant
les années quatre-vingt-dix on observe une nette con-
vergence des taux (à l'exception du taux japonais).
L'écart entre le taux maximal et le taux minimal qui
était de 4 à 5 points au début des années quatre-vingt
dix est passé de 1 à 2 points en fin de décennie. Le fac-
teur principal de convergence a été le déclin des taux
italien, espagnol et suédois. La forte réduction des
écarts de taux entre les pays européens résulte princi-
palement de la convergence des taux d’inflation qui a
précédé la mise en place de l’euro puis de la disparition
du risque de change, qui a affecté ausi les pays restés
en dehors de la zone euro pour lesquels la stabilisation
du taux de change a été néanmoins renforcée (exem-
ple de la Suède).
Graphique 4 : taux longs réels nationaux
Taux des obligations à 10 ans déflatés par l’inflation. source : DMI,
DP.
3.2 Le taux mondial depuis les années soixante-
dix
À partir de ces taux nationaux, il est possible de cons-
truire un taux d'intérêt mondial, qui en est la compo-
sante commune ; deux méthodes sont utilisées : une
méthode de pondération par les PIB en parité des
pouvoir d'achat5 et une méthode d'analyse factorielle.
Les résultats de ces constructions sont portés sur le
graphique 5 ; on y retrouve largement les évolutions
qui transparaissent dans le graphique 4.
Graphique 5 : taux d’intérêt réel mondial
de long terme.
source : Datastream, DP.
Durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les
taux ont été beaucoup plus élevés qu'au cours des
années soixante et soixante-dix. On a pu y voir la mar-
que d'une tension sur le marché mondial de l'épargne,
tension qui pourrait se transformer à l'avenir en une
«pénurie d'épargne» (c'est la thèse du «capital shor-
tage»). En effet, les pays du Sud auront des besoins en
capital croissants tandis que les pays du Nord, où les
déficits publics sont importants et où les populations
vieillissent, pourraient voir leurs taux d'épargne bais-
ser.
Mais, si on observe uniquement les 20 dernières
années, les taux longs réels sont en décroissance et le
niveau actuel semble bas au regard des pics atteints au
début des années quatre-vingt. Cette baisse peut
s'expliquer à la fois par l'évolution des anticipations
d'inflation (mouvement de désinflation, crédibilité des
politiques monétaires), et par des comportements de
fuite vers la qualité après le dégonflement de la bulle
sur les marchés actions. Depuis le début des années
deux mille, les taux sont descendus en dessous du seuil
de 3% et ont rejoint leur niveau du début des années
soixante.
3.3 Déterminants du taux d’intérêt mondial
Pour expliquer ces évolutions, deux cadres explicatifs
peuvent être mobilisés : soit le taux d'intérêt réel est vu
comme le prix qui équilibre le marché des biens
(vision néoclassique) et dans ce cas son évolution
dépend des comportements d'épargne et d'investisse-
ment, soit le taux d'intérêt est fixé sur les marchés
financiers par l'équilibre entre offre et demande de
monnaie (vision keynesienne), et dans ce cas la politi-
que monétaire est un déterminant des taux longs réels.
–Barro6, dans un travail précurseur, s'inscrit dans la
première approche. Son modèle comporte deux équa-
tions, une équation de taux d'investissement et une
équation de taux d'épargne ; Barro en déduit une for-
mule du taux d'intérêt mondial, qui est estimée écono-
5. La méthode des pondérations prend en compte l’Allemagne, les
États-Unis, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne et le Japon.
-15
-10
-5
0
5
10
1960 1963 1966 1969 1972 1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 200
2
France
Etats-Unis
Italie
Japon
Royaume-Uni
Allemagne
6. «World real interest rates» Barro-Martin et «World interest rates
and investment» Barro (NBER working papers 1990 et 1991).
95
96
97
98
99
100
101
102
1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
Analyse factorielle (à gauche) Pondération (à droite)
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !