47 LES TAUX D’INTÉRÊT Le taux d’intérêt est le rapport entre le revenu qu’un créancier reçoit d’un emprunteur (pour le prêt d’un capital, consenti à ce dernier pour une période donnée) et le montant de ce capital. Il mesure le prix du temps, le loyer d’un bien spécifique : la monnaie. DÉFINITION ET DÉTERMINANTS DES TAUX D’INTÉRÊT q Taux court et taux long Le taux d’intérêt varie en fonction du délai de remboursement consenti à l’emprunteur. En principe, il est d’autant plus élevé que la durée du prêt s’allonge. Il doit donc être plus coûteux d’emprunter à vingt ans qu’à un mois, car le risque pris par le créancier est plus important. Cependant, il arrive que les taux courts soient supérieurs aux taux longs, car le taux à long terme se déduit du taux à court terme anticipé. Effectivement, il est en principe indifférent à un créancier de renouveler dix fois par exemple un placement annuel de ses fonds que de les placer pendant dix ans. De la sorte, si aujourd’hui les agents anticipent que le taux court restera le même pendant dix ans, le taux long sera le même que le taux court. Mais si le créancier anticipe une baisse future du taux à court terme, le taux à long terme (qui intègre les anticipations à la baisse du taux court) pourra devenir inférieur au taux à court terme. C’est ce qui s’est produit dans les années quatre-vingt dans les pays développés. Aujourd’hui, la distinction entre les taux longs et les taux courts a moins de sens qu’auparavant dans la mesure où la multiplication des instruments financiers offre la possibilité aux acteurs de passer d’un marché à un autre. q Les déterminants des taux Les taux à court terme (moins d’un an) sont déterminés sur le marché monétaire et résultent essentiellement de la politique conduite par la Banque centrale. Ces taux représentent le prix que les banques commerciales doivent payer pour se refinancer, c’est-à-dire obtenir la monnaie manuelle (billets notamment) dont elles ont besoin. C’est en vertu des considérations internes (crainte de l’inflation) et de plus en plus externes que la Banque centrale fixe le niveau de taux « directeurs » sur le marché interbancaire. Ainsi le désir d’attirer des capitaux étrangers pour favoriser une appréciation de la monnaie nationale sur le marché des changes ou l’obligation de suivre le niveau du taux d’intérêt fixé sur les autres marchés monétaires influencent largement le niveau de ces taux. Les taux à long terme sont en revanche fonction du marché des capitaux, donc du rapport entre l’épargne et l’investissement. Si la demande de fonds prêtables excède l’offre, le taux d’intérêt à long terme va augmenter. Il en est de même lorsqu’un épargnant cherche à se prémunir de l’inflation; il exigera un prix plus élevé pour l’épargne qu’il consent à mettre à la disposition de l’emprunteur afin que le taux d’intérêt réel (résultant de l’écart entre le taux nominal et la hausse des prix) soit suffisamment élevé. 108 RÔLE ET EFFETS DES TAUX D’INTÉRÊT q Les taux replacés dans des perspectives théoriques Dans une perspective néoclassique, le taux d’intérêt est le prix résultant de la rencontre entre l’offre et la demande de fonds prêtables. Ce prix permet l’ajustement entre l’investissement et l’épargne. Celle-ci est d’autant plus élevée que le taux d’intérêt l’est aussi, car les agents économiques préfèrent consommer aujourd’hui plutôt que dans un avenir incertain. Le taux d’intérêt rémunère donc l’abstinence en même temps qu’il sélectionne les projets d’investissement les plus rentables. En effet, la demande de fonds des unités de production dépend de la productivité marginale du capital, c’est-à-dire du revenu additionnel obtenu par l’investissement. Tant que cette productivité est supérieure au taux d’intérêt, la demande de fonds s’accroît. Dans l’approche keynésienne, en revanche, le taux d’intérêt ne permet pas d’égaliser l’épargne et l’investissement, car l’épargne est la partie du revenu non consommé (c’est un résidu). Ainsi l’épargne sera-t-elle d’autant plus élevée que le revenu le sera. Le taux d’intérêt, déterminé sur le marché de la monnaie, a alors pour fonction de rémunérer les agents économiques renonçant à la liquidité (aux avoirs monétaires immédiats). q Les influences sur l’épargne, la consommation, l’investissement et le taux de change Plus le coût des emprunts est faible et plus grand est le nombre des projets d’investissement rentables. Une baisse des taux d’intérêt a par conséquent tendance à stimuler l’investissement au ÉVOLUTION DES TAUX D’INTÉRÊT À LONG TERME (EN %) détriment des placements finan16 ciers. Des taux États-Unis 14 d’intérêt faibles Royaume-Uni permettent aussi 12 Japon aux entreprises 10 d’emprunter et de Allemagne profiter de l’effet 8 France de levier, c’est-à6 dire d’une amélioration de leur 4 rentabilité écono2 mique par l’endettement. La fai 0 5 6 4 3 5 1 2 0 5 0 blesse des taux 0 0 0 0 9 0 0 0 8 9 20 20 20 20 20 20 -19 -20 -19 -19 81 86 1991 1996 d’intérêt agit aussi 19 19 Source : Alternatives Économiques, hors-série, n° 70, Les chiffres de l’économie 2007. sur la compétitivité-prix des entreprises, car elle dissuade les placements en monnaie nationale et provoque une fuite de capitaux qui en affaiblit le cours. Cependant, elle rend le crédit plus facile et alimente l’inflation. De plus, elle enchérit le coût des importations et décourage l’épargne. Or, cette dernière finance l’investissement. 109