The Little Matchgirl, photos R. Haughton zabéthains pour entraîner Denis Lavant dans les délires de William Burroughs. L. Laffargue, ph. P. Bun Pirandello, ph. M. Lajournade Pour ce spectacle, entièrement musical, Dan Jemmett s’est adjoint les Tiger Lillies. Soit, un percussionniste (Adrian Huge) un contrebassiste ne dédaignant pas la scie musicale (Adrian Stout), plus le chanteur, également accordéoniste : Martyn Jacques, fondateur du groupe. Il est l’homme à la voix d’enfant en détresse, à la fois dure et plaintive, comme revendiquant un bonheur hors de portée. Il fallait bien qu’un jour Dan Jemmett et lui, tous deux nourris aux contes cauchemardesques, tous deux enfants des Polichinelles grimaçants, créent ensemble un spectacle, forcément décalé de toute réalité, plongeant au cœur des fantasmes les plus dérangeants. Ni freudien pourtant, ni surtout ésotérique mais au contraire parfaitement concret, leur spectacle se rattache à l’humanité brutale des théâtres de poupées, là où les frontières du normal volent en éclats de rire, de rage, et/ou de sanglots, où la plus grande innocence se superpose à la plus profonde cruauté. Il y a là une sombre lucidité, une formidable aisance dans le désespoir tranquille, un humour virulent, une tendre poésie. Comment le définir, ce spectacle? Il est anglais. Martyn Jacques En 1989, Martyn Jacques achète un accordéon et réunit son groupe, les Tiger Lillies, ainsi nommés en souvenir d’une prostituée nommée Lillie, donc, et qui aimait les vêtements bigarrés. Jusqu’à cette date, il dit avoir détesté le travail, et mené une existence outrageusement désordonnée, complètement déphasée. Elle lui a en tout cas inspiré les personnages de ses chansons : drogués, voleurs, putains, et autres marginaux. Classé “neo punk”, il se distingue de toutes les tendances connues par la fureur déchirée de sa voix : entre contre-ténor et adolescent rageur. Par une inspiration morbide traversée de rires ravageurs. Il compose des spectacles avec des artistes de cirque, et voyage partout dans le monde. De l’enfance, il garde et met en musique les perversités, les rêves : être “un conquistador en technicolor”… Qui mieux que lui pouvait chanter La Petite Fille aux allumettes ? THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 8 AU 27 JANVIER Les Géants de la montagne LUIGI PIRANDELLO CRÉATION LAURENT LAFFARGUE mise en scène Laurent Laffargue assistante à la mise en scène Sonia Millot scénographie Philippe Casaban, Éric Charbeau lumières Patrice Trottier costumes Nathalie Prats musique Nano son Yvon Tutein maquillage, coiffures, masques Muriel Leriche, Emmanuelle Ragogna accessoires Marc Valladon avec Philippe Bérodot, Sébastien Laurier, Océane Mozas, Hervé Pierre, Stéphane Szestak… (distribution en cours) 12 Dan Jemmett Né en 1967 à Londres, Dan Jemmett étudie la littérature et le théâtre à l’université avant de suivre l’exemple de son père, marionnettiste. Il invente un Punch (notre Polichinelle) qui lui ouvre la porte du Norwich Puppet Theatre. Il est également comédien, joue Heiner Müller, Brecht, Marlowe, Shakespeare bien entendu. En France, il apparaît avec un Ubu à trois personnes et un fauteuil rouge. En 2002, au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, il monte Shake, version très personnelle de La Nuit des rois (Prix de la critique), puis à Lausanne et à Chaillot Presque Hamlet. En 2003, toujours aux Abbesses, Dog Face d’après The Changeling de Middleton et Rowley, l’année suivante encore dans la même veine Femme gare aux femmes. En 2005, il délaisse les éli- Écrivant Les Géants de la montagne, Pirandello se sent porté par une force magnifique, et par l’angoisse de tout auteur face à quelque chose qui, peut-être, va le dépasser. D’ailleurs, il laisse le manuscrit de côté. Près de mourir, il ne l’a toujours pas terminé et dicte à son fils quelque suite possible. Mais cette histoire d’une troupe de comédiens ambulants, débarquant chez Cotrone, personnage parfaitement pirandellien, tout à la fois imposteur, manipulateur et magicien, qui a touché de près le pouvoir et règne sur une bande de clochards, cette histoire n’a pas de fin… Les comédiens ne trouveront pas de public pour jouer comme ils l’espéraient, en leur ultime représentation, La Fable de l’enfant échangé – en fait, texte de Pirandello censuré par le régime fasciste. Pirandello Né en 1867 à Agrigente, en Sicile, il voit ses pièces jouées pour la première fois en 1910. Écrites en dialecte, elles sont traduites en italien. Viennent les succès, Chacun sa vérité (1917), Six Personnages en quête d’auteur (1921), Henri V (1922), Ce soir on improvise (1930), Se trouver (1932). Le “pirandellisme” est né, regard sur les faux-semblants, façon de mettre en jeu la magie et sa vérité du théâtre, le concret et l’irrationnel – pour ne pas dire la folie de la vie. C’est en 1928 qu’il commence Les Géants de la montagne, pièce toujours inachevée à sa mort en 1936. Entre-temps, il aura écrit non seulement pour la scène, mais aussi sept romans et plus de trois cents nouvelles. Il aura en 1934 reçu le Prix Nobel de littérature. À cette époque, il vit difficilement dans l’Italie mussolinienne, où l’on aurait préféré voir couronner Gabriele d’Annunzio. Laurent Laffargue En 2002, Laurent Laffargue apparaît au Théâtre de la Ville-les Abbesses avec une histoire noire et fantasmatique, Terminus de Daniel Keene, auteur qu’il retrouve en 2005 avec Paradise. Ses débuts datent de 1992, année où il fonde sa compagnie, le Soleil bleu. Il monte Molière, Feydeau, Marivaux et avec L’Épreuve reçoit le prix des régions et du public au Festival Turbulences de Strasbourg. En résidence de 1994 à 1998 au CDN de Bordeaux-Aquitaine, il se tourne vers Harold Pinter et Edward Bond, dont il met en scène Sauvés. C’est ensuite Homme pour homme de Brecht. En 1999, sous le titre Nos nuits auront raison de nos jours, il inclut Le Songe d’une nuit d’été et Othello. Après Beaucoup de bruit pour rien, (Théâtre de la Ville, mars 2004), il affronte aujourd’hui Pirandello et sa pièce légendaire Les Géants de la montagne. L’Oratorio d’Aurélia, ph. R. Haughton Et les Géants ? On ne sait pas. Ils incarnent le danger. Ils vivent hors de portée, construisant des mondes démesurés, effrayants, où le théâtre n’a ni sa place ni ses spectateurs. « Quel pire cauchemar pour des acteurs, que de ne plus pouvoir rencontrer de spectateurs ? » demande Laurent Laffargue : « C’est l’idée forte de la pièce, et l’actualité de sa violence. Elle laisse prévoir un monde entièrement voué à l’économie, à la science, aux technologies, au “produire”. Un monde où l’art est devenu inutile. Alors se pose la question : l’homme est-il réellement fait pour l’art ? « Pirandello ne se borne pas à dénoncer le régime fasciste dans son pays où il est devenu indésirable. Sa réflexion creuse beaucoup plus profondément. Son texte est d’une grande précision, il contient à peu près autant de didascalies que de répliques. Il imaginait, je crois, quelque chose de gigantesque et en même temps misérable. Une misère intérieure qui n’a pas besoin de montrer ses haillons. « C’est ce dont notre monde est aujourd’hui menacé, sa réalité de demain peut-être. Mais je ne veux pas faire de l’anticipation, je ne vais pas du côté de Blade Runner, cela n’aurait aucun intérêt, je ne suis pas Ridley Scott. Pour moi, l’histoire se passe dans un paysage urbain. Un désert goudronneux au sol fendillé, à la sortie d’une mégapole dont sont bannis les artistes, comme de nos jours on chasse les SDF des centres-villes. » Une espèce d’égout, de dépotoir investi par Cotrone avec ses propres exclus. Des gens “à part”, comme dans le film de Tod Brown, Freaks. Des comédiens eux aussi, des personnages de théâtre, frères des Six Personnages en quête d’auteur. « Il ne s’agit pas cependant, d’ajouter un chapitre au “pirandellisme”, celui du théâtre dans le théâtre, des chocs entre réel et illusion. Les acteurs doivent prendre leurs rôles à bras-lecorps, jouer avec leurs tripes, s’empoigner sur les enjeux de leur métier… Je voudrais mettre en scène le malaise dans lequel nous pataugeons, le rétrécissement imposé des ambitions artistiques. Le dire ainsi dans une ville, Paris, où les salles se comptent par centaines, peut paraître incongru. Mais cette pléthore est tout juste un signe de désarroi. Un parmi tant d’autres. » Laurent Laffargue ne se complaît pas dans le pessimisme. La preuve : sa volonté d’aller jusqu’au bout de ce chef-d’œuvre sans s’en dissimuler les pièges. Ayant quatorze ans de mises en scène derrière lui avec sa compagnie du Soleil Bleu, il estime avoir acquis une maturité suffisante pour en affronter et les difficultés et la légende. « Le défi est rude, mais ce n’est pas le premier. Il y a le souvenir de Giorgio Strehler, et le rideau de fer tombant sur la charrette des comédiens. Il y a les deux versions de Georges Lavaudant… Je sais que l’on va m’attendre au tournant. C’est ce que j’espère ! » LES ABBESSES • TARIF A DU 22 FÉVRIER AU 3 MARS L’Oratorio d’Aurélia VICTORIA THIERRÉE CHAPLIN CIRQUE THÉÂTRE mise en scène, son Victoria Thierrée Chaplin chorégraphie Victoria Thierrée Chaplin, Jaime Martinez, Armando Santin lumières Philippe Lacombe costumes Victoria Thierrée Chaplin, Jacques Perdiguez, Véronique Grand, Monika Schwarzl comédienne Aurélia Thierrée danse Aidan Treays 13 Pirandello Né en 1867 à Agrigente, en Sicile, il voit ses pièces jouées pour la première fois en 1910. Écrites en dialecte, elles sont traduites en italien. Viennent les succès, Chacun sa vérité (1917), Six Personnages en quête d’auteur (1921), Henri V (1922), Ce soir on improvise (1930), Se trouver (1932). Le “pirandellisme” est né, regard sur les faux-semblants, façon de mettre en jeu la magie et sa vérité du théâtre, le concret et l’irrationnel – pour ne pas dire la folie de la vie. C’est en 1928 qu’il commence Les Géants de la montagne, pièce toujours inachevée à sa mort en 1936. Entre-temps, il aura écrit non seulement pour la scène, mais aussi sept romans et plus de trois cents nouvelles. Il aura en 1934 reçu le Prix Nobel de littérature. À cette époque, il vit difficilement dans l’Italie mussolinienne, où l’on aurait préféré voir couronner Gabriele d’Annunzio. Laurent Laffargue En 2002, Laurent Laffargue apparaît au Théâtre de la Ville-les Abbesses avec une histoire noire et fantasmatique, Terminus de Daniel Keene, auteur qu’il retrouve en 2005 avec Paradise. Ses débuts datent de 1992, année où il fonde sa compagnie, le Soleil bleu. Il monte Molière, Feydeau, Marivaux et avec L’Épreuve reçoit le prix des régions et du public au Festival Turbulences de Strasbourg. En résidence de 1994 à 1998 au CDN de Bordeaux-Aquitaine, il se tourne vers Harold Pinter et Edward Bond, dont il met en scène Sauvés. C’est ensuite Homme pour homme de Brecht. En 1999, sous le titre Nos nuits auront raison de nos jours, il inclut Le Songe d’une nuit d’été et Othello. Après Beaucoup de bruit pour rien, (Théâtre de la Ville, mars 2004), il affronte aujourd’hui Pirandello et sa pièce légendaire Les Géants de la montagne. L’Oratorio d’Aurélia, ph. R. Haughton Et les Géants ? On ne sait pas. Ils incarnent le danger. Ils vivent hors de portée, construisant des mondes démesurés, effrayants, où le théâtre n’a ni sa place ni ses spectateurs. « Quel pire cauchemar pour des acteurs, que de ne plus pouvoir rencontrer de spectateurs ? » demande Laurent Laffargue : « C’est l’idée forte de la pièce, et l’actualité de sa violence. Elle laisse prévoir un monde entièrement voué à l’économie, à la science, aux technologies, au “produire”. Un monde où l’art est devenu inutile. Alors se pose la question : l’homme est-il réellement fait pour l’art ? « Pirandello ne se borne pas à dénoncer le régime fasciste dans son pays où il est devenu indésirable. Sa réflexion creuse beaucoup plus profondément. Son texte est d’une grande précision, il contient à peu près autant de didascalies que de répliques. Il imaginait, je crois, quelque chose de gigantesque et en même temps misérable. Une misère intérieure qui n’a pas besoin de montrer ses haillons. « C’est ce dont notre monde est aujourd’hui menacé, sa réalité de demain peut-être. Mais je ne veux pas faire de l’anticipation, je ne vais pas du côté de Blade Runner, cela n’aurait aucun intérêt, je ne suis pas Ridley Scott. Pour moi, l’histoire se passe dans un paysage urbain. Un désert goudronneux au sol fendillé, à la sortie d’une mégapole dont sont bannis les artistes, comme de nos jours on chasse les SDF des centres-villes. » Une espèce d’égout, de dépotoir investi par Cotrone avec ses propres exclus. Des gens “à part”, comme dans le film de Tod Brown, Freaks. Des comédiens eux aussi, des personnages de théâtre, frères des Six Personnages en quête d’auteur. « Il ne s’agit pas cependant, d’ajouter un chapitre au “pirandellisme”, celui du théâtre dans le théâtre, des chocs entre réel et illusion. Les acteurs doivent prendre leurs rôles à bras-lecorps, jouer avec leurs tripes, s’empoigner sur les enjeux de leur métier… Je voudrais mettre en scène le malaise dans lequel nous pataugeons, le rétrécissement imposé des ambitions artistiques. Le dire ainsi dans une ville, Paris, où les salles se comptent par centaines, peut paraître incongru. Mais cette pléthore est tout juste un signe de désarroi. Un parmi tant d’autres. » Laurent Laffargue ne se complaît pas dans le pessimisme. La preuve : sa volonté d’aller jusqu’au bout de ce chef-d’œuvre sans s’en dissimuler les pièges. Ayant quatorze ans de mises en scène derrière lui avec sa compagnie du Soleil Bleu, il estime avoir acquis une maturité suffisante pour en affronter et les difficultés et la légende. « Le défi est rude, mais ce n’est pas le premier. Il y a le souvenir de Giorgio Strehler, et le rideau de fer tombant sur la charrette des comédiens. Il y a les deux versions de Georges Lavaudant… Je sais que l’on va m’attendre au tournant. C’est ce que j’espère ! » LES ABBESSES • TARIF A DU 22 FÉVRIER AU 3 MARS L’Oratorio d’Aurélia VICTORIA THIERRÉE CHAPLIN CIRQUE THÉÂTRE mise en scène, son Victoria Thierrée Chaplin chorégraphie Victoria Thierrée Chaplin, Jaime Martinez, Armando Santin lumières Philippe Lacombe costumes Victoria Thierrée Chaplin, Jacques Perdiguez, Véronique Grand, Monika Schwarzl comédienne Aurélia Thierrée danse Aidan Treays 13