Documents complémentaires=
Antonin Artaud=
Si on s’accorde à dire que le théâtre contemporain a introduit le corps sur la scène de théâtre, tant dans
la dramaturgie (cf. Beckett, pp. 156-157), que dans le travail de l’acteur, on peut affirmer qu’Artaud en
reste la grande référence.
ANALYSE
1. Artaud évoque les « jeux d’expression » (l. 8), « ces roulements mécaniques d’yeux, ces moues des
lèvres, ce dosage des crispation musculaires » (l. 10-12), « ces têtes mues » (l. 15). Ce qu’il remarque
c’est surtout le travail gestuel et musculaire des acteurs.
2. Artaud parle « d’enrobement spirituel » (l. 5-6). Il insiste sur le travail qui par la précision, la
qualité et la variété des gestes et mimiques s’éloigne de toute improvisation et de toute interprétation
naturaliste. Il pressent fortement qu’un tel travail est de l’ordre du rituel et qu’il est présidé par un
souci plus métaphysique que simplement esthétique. Ce théâtre rituel là, n’est plus du côté du texte
mais s’adresse à la totalité de la personne du spectateur.
3. Artaud place ce travail sur le plan physique (« gestes et mimiques », l. 21), sur le plan
psychologique (« tout cela […] répond à des nécessités psychologiques immédiates »,
l. 18-19), et spirituel (« répond en outre à une architecture spirituelle », l. 19-20). On remarque que
ces trois niveaux sont parfaitement imbriqués et renvoient l’un à l’autre. Le spectateur à partir de ce
qu’il voit concrètement, les corps des acteurs et les rythmes créés par leurs gestes, accède à un univers
invisible, de l’ordre du spirituel.
4. La photo nous renseigne sur le caractère dansé du théâtre balinais. Comme dans la danse, et à la
différence du théâtre occidental, la gestuelle n’est pas naturaliste, mais extrêmement précise et codée.
La position des pieds, des mains, des doigts, montre, même sur une image fixe, que l’acteur ne se
déplace pas, ne bouge pas ses membres naturellement. On remarque le masque qui dépersonnalise
le visage de l’acteur et lui donne une expression intense et figée. On imagine ce que ce spectacle,
rehaussé par des couleurs vives, pouvait avoir d’inédit en France en 1931, quand les images ne
circulaient pas comme elles le font aujourd’hui.
Sarah Bernhardt=
1. L’image représente une jeune femme étendue dans un cercueil posé à même le sol, morte, comme
en témoignent ses avant-bras croisés, ses yeux fermés et les fleurs répandues. Cependant rien de
véritablement morbide. C’est plutôt une sensation de paix et d’harmonie qui se dégage. L’esthétisme
de l’image joue comme un écran entre la sensation reçue et la réalité représentée. Cadrage étudié de la
photo, symétrie des lignes, richesse du meuble et du miroir en bois travaillé, disposition des fleurs,
ces divers éléments concourent à créer une impression de beauté et de calme.
2. Le regard de l’observateur de la photo est infailliblement ramené sur le cercueil. Celui-ci constitue
une grande diagonale blanche qui traverse la photo plutôt sombre dans son ensemble. Cette diagonale
est soulignée par deux lignes qui structurent le tableau : les deux plumeaux blancs à gauche, dépassant
apparemment d’un vase invisible et la gerbe d’épis blonds posée longitudinalement sur le cercueil.
Des deux côtés, la diagonale du cercueil est bordée de lignes verticales dont le haut est blanc et le bas
sombre : la bougie blanche au bout du chandelier et le buste blanc posé sur le meuble. La lumière vient
d’en bas à gauche, comme si la bougie créait autour d’elle une flaque de lumière illuminant le visage
de l’actrice, d’autant plus lumineux qu’il est auréolé de cheveux sombres et souligné d’une bouche
assez colorée pour qu’on puisse assurer que la fausse morte est maquillée. Ainsi le cadrage de la photo
et le contraste du blanc et du sombre servent une composition rigoureuse alors même que la photo
semble le produit du hasard, tronquant aléatoirement les meubles du salon.
3. Le buste de marbre, qui pourrait bien être le sien, et qui a la même blancheur que le drap et le
vêtement de Sarah Bernhardt, est symbole d’immortalité. Il porte le sens de cette image créée, mise en
scène et en quelque sorte « répétée » avant l’heure, afin de passer, dans son impeccable fixité, à la
postérité. « Sarah est morte, la voix d’or s’est tue. On l’aurait presque crue - ou voulue immortelle.»
écrivit-on à la disparition de Sarah Bernhardt. Quelque 600 000 personnes saluèrent les cinq chars
couverts de camélias blancs qui l’emportaient jusqu’au cimetière du Père-Lachaise en 1923.
4. Cette photo n’est pas une photo de Sarah Bernhardt morte, mais une photo d’elle répétant sa mort.
Ainsi l’actrice applique-t-elle une pratique spécifique de son métier, la répétition, à un événement de