QSJ.chapitre 8

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Philippe Van Parijs
La pensée de John Rawls
face au défi libertarien∗
Chapitre 8 de Ph. Van Parijs, Qu’est-ce qu’une société juste? Introduction à
la pratique de la philosophie politique, Paris: Seuil, 1991, pp. 190-219.
Texte modifié d'une communication au Colloque "La théorie de la justice de John Rawls"
organisé à Paris en mars 1987 par l'Association française de philosophie du droit et le Centre
de Recherche en Epistémologie Appliquée.
Une version antérieure en a été publiée sous le titre "Liberté formelle et liberté réelle. La
critique de Rawls par les libertariens", dans la Revue Philosophique de Louvain (Louvain-laNeuve) 86, février 1988, et, sous une forme écourtée, dans Individu et justice sociale (C. Audard,
J.P. Dupuy & R. Sève eds.), Paris: Le Seuil ("Points"), 1988.
8.1. Liberté et propriété: Nozick contre Rawls
La liberté - la liberté de chacun de mener sa vie comme il l'entend - est la
seule valeur qui importe, ou du moins la seule qui importe lorsqu'il s'agit de
définir la structure de base de la société: tel est le noyau de la position
libertarienne.1 Souvent exprimé sous la forme négative d'un principe de nonagression ou de non-interférence, ce noyau fait nécessairement appel à une
notion de propriété. Sauf harmonie préétablie, en effet, une société dont les
membres seraient libres de faire tout ce qu'ils veulent est un non-sens. Ma
liberté de manipuler cette pipe se heurte à votre liberté de la fumer; ma liberté
d'épouser, mettons, Catherine Deneuve se heurte à sa liberté de me préférer qui sait? - Jean-Paul Belmondo. Pour rendre cohérente l'idée d'une société
libre - d'une société d'hommes et de femmes libres -, il est impératif de rendre
les libertés compatibles en définissant des territoires au sein desquels chaque
∗
Je remercie vivement Nick Booth, Alain Boyer, Ronald Dworkin, Claude Gamel, Serge
Kolm, et tout particulièrement John Rawls, pour d'utiles et stimulantes remarques.
1 En voici deux formulations typiques: "L'idée centrale du libertarisme est qu'il faut permettre
aux gens de mener leur vie comme ils le souhaitent." (Friedman 1973: xiii); et "La foi
libertarienne repose sur un axiome central: qu'aucun homme ou groupe d'hommes ne peut
agresser la personne ou la propriété d'autrui." (Rothbard 1973: 23).
1
liberté particulière peut s'exercer souverainement. C'est ce que réalise le
système des droits de propriété: droit de propriété de chacun sur son propre
corps, et droits de propriété sur des objets extérieurs acquis (ou créés à partir
d'objets acquis) en vertu de leur transfert volontaire de la part de la personne
qui en était antérieurement propriétaire.
Pareille conception est parfaitement cohérente. Mais elle est incomplète sur
un point crucial. Il existe en effet - ou à tout le moins il a existé - des objets qui
ne sont la propriété d'aucun être humain: ce sont les ressources naturelles.
Tous les objets existants sont même faits, en dernier ressort, d'objets de ce
type. Une formulation adéquate de la position libertarienne exige dès lors que
l'on dise comment il est possible de devenir le propriétaire d'un objet qui
n'était auparavant la propriété de personne. C'est le problème notoire de
l'appropriation originelle, auquel les libertariens ont apporté des réponses
divergentes. Certains, comme Murray Rothbard et Israel Kirzner, adoptent
simplement le principe First come, first served. L'appropriation d'une
ressource naturelle est assimilée à une création ex nihilo, et quiconque a le
premier l'idée et la possibilité de s'approprier un objet naturel quelconque
(qu'il s'agisse de la lune, d'une gazelle ou d'une molécule d'oxygène) en
devient aussitôt, et sans condition aucune, le légitime propriétaire. D'autres,
comme Robert Nozick ou Baruch Brody, se rallient au principe précédent,
mais en s'inspirant de Locke et de Fourier pour l'assortir de ce qu'il est
convenu d'appeler une clause lockéenne: l'appropriation originelle n'est
légitime que si ceux qui n'en profitent pas (directement ou indirectement)
perçoivent une compensation leur assurant le niveau de bien-être dont ils
auraient joui en l'absence d'appropriation (Nozick), voire même une
participation équitable aux gains découlant de chaque appropriation (Brody).
Enfin, Hillel Steiner et les "libertariens de gauche" réactivent la tradition de
Thomas Paine et Henry George en affirmant le droit de chacun à une part
égale des ressources naturelles et donc, lorsque celles-ci font l'objet
d'appropriations privées, le droit de chacun à une part égale de la
contribution au produit national (ou mondial) du facteur ressources naturelles
- la distribution de ce qui est attribuable au travail et au capital restant par
ailleurs intégralement régie par le jeu des transactions volontaires.2
2
Pour une présentation critique de ces diverses solutions libertariennes au problème de
l'appropriation originelle, voir les sections 6.4 et 6.5 ci-dessus.
2
Quelle que soit la réponse qu'ils apportent à cette question de
l'appropriation des ressources naturelles, le principe central auquel les
libertariens adhèrent les conduit inéluctablement aux implications politiques
suivantes. Ils considèrent comme une répression inadmissible toute forme de
législation sur les relations sexuelles entre adultes consentants, sur la
pornographie, sur les associations politiques non criminelles, de même que
toute restriction à l'immigration. Ils voient dans le service militaire ou civil
une variété contemporaine de l'esclavage. Ils assimilent à un vol - d'autant
plus grave qu'il est perpétré par l'Etat - toute forme d'intervention publique
ou de taxation motivée par des objectifs d'efficience ou d'équité. Et ils
considèrent de ce fait que le seul régime socio-économique admissible
aujourd'hui est l'anarcho-capitalisme - un régime de marché pur où toute
institution publique est abolie - ou du moins le capitalisme radical - qui diffère
du précédent en ceci qu'il est doté d'un Etat minimal chargé, par ses tribunaux
et ses prisons, sa police et son armée, et éventuellement quelques transferts
correcteurs, de protéger les droits de propriété des individus et de rectifier, le
cas échéant, les violations qui auraient eu lieu. Pas question donc pour l'Etat
d'intervenir pour assurer l'égalité des chances ni pour améliorer le sort des
plus défavorisés.
Cette dernière remarque suffit à indiquer combien est grande la
distance, au niveau des implications politiques, entre la position libertarienne
et celle de John Rawls. Pour localiser schématiquement la source de cette
différence, on pourrait dire que les libertariens gonflent le domaine auquel
s'applique le premier principe de Rawls (attribuant à chacun des libertés
fondamentales maximales) au point de ne laisser subsister aucun espace libre
auquel puisse s'appliquer son second principe (exigeant la juste égalité des
chances et l'optimisation du sort des plus défavorisés) ou tout autre principe
de justice distributive. Si les libertariens adhèrent aux libertés fondamentales
affirmées par le premier principe - qui ne font pour la plupart qu'énoncer
divers aspects de la propriété de chacun par soi-même -, ils déplorent en
revanche que le droit de détenir de la propriété personnelle - figurant lui aussi
parmi les libertés fondamentales qu'énumère le premier principe - n'ait pas
reçu la formulation à la fois précise et générale qu'il trouve dans leurs propres
théories. A leurs yeux, il y a une tension, voire une incohérence, entre le souci
de la liberté individuelle exprimé dans la priorité absolue que Rawls attribue
au premier de ses principes et l'oppression de l'individu par la collectivité
indissociablement liée à l'application du second.
3
Pour préciser cette critique et examiner ce que Rawls peut y répondre,
je partirai de l'écrit qui l'a articulée de la manière la plus pénétrante, la plus
élégante et la plus influente, Anarchie, Etat et Utopie de Robert Nozick, dont
la deuxième partie consiste pour l'essentiel en une critique de la théorie de la
justice de Rawls. Je me concentrerai ici sur les deux points centraux de cette
critique, ceux dont la validité impliquerait effectivement l'incohérence de la
position de Rawls, ceux aussi dont la réfutation convaincante est susceptible
de porter à la position libertarienne un coup mortel.3
8.2. L'objection "Wilt Chamberlain"
La première de ces deux critiques ne concerne pas spécifiquement la
théorie de Rawls, mais bien l'ensemble des théories de la justice qui, au
contraire des théories libertariennes, ne font pas de la justice une pure affaire
de non-violation de droits, et donc de "pedigree", d'histoire, ou encore
d'entitlement. Ces théories, que j'appellerai, pour faire bref, traditionnelles,
peuvent être de type configurationnel (patterned) - par exemple "A chacun
selon ses mérites", "A chacun selon ses besoins" ou "A chacun la même chose"
- ou de type final (end state) - par exemple l'utilitarisme ou le principe de
différence de Rawls. Mais elles tombent toutes sous le coup de la critique que
Nozick formule sur la base du célèbre exemple du joueur de basket Wilt
Chamberlain.4 Voici, très brièvement, de quoi il s'agit.
Partons d'une situation supposée conforme au principe de justice
adopté, par exemple le principe de différence. Tous les individus y sont donc
les légitimes propriétaires de ce qu'ils possèdent. Par suite, ils peuvent,
semble-t-il, faire de ce qu'ils possèdent l'usage qu'ils souhaitent, pourvu bien
sûr qu'ils n'enfreignent pas les droits d'autrui. Ils peuvent par exemple en
consacrer une petite partie au billet qui leur permettra, de semaine en
semaine, de voir jouer l'époustouflant Wilt Chamberlain. Celui-ci, cela va sans
dire, perçoit une part non négligeable de la recette qu'apporte à son club la
foule qu'il attire. Quel que soit le principe traditionnel de justice au nom
3
Pour un inventaire et une discussion moins sélectifs des objections que Nozick adresse à
Rawls, voir notamment, en anglais, van der Veen (1978), Phillips (1979: chap.3), Goldman
(1980) et Sandel (1982: chap.2); en néerlandais, Lehning (1986: chap.17); en français, Livet
(1984).
4 Déjà évoqué à deux reprises dans ce recueil (sections 1.3 et 6.3).
4
duquel on a convenu de décréter juste la distribution initiale, on conçoit
aisément que, sauf hasard extraordinaire, ce principe se trouvera rapidement
violé en conséquence directe de ce que les individus choisissent de faire avec
ce que ce même principe leur a attribué. Nozick (1974: 163/204) conclut5:
"Aucun principe de justice final ou configurationnel ne peut être réalisé de
manière continue sans interférence continue avec la vie des personnes", c'està-dire sans une intervention incessante de la collectivité pour limiter ce que
les individus peuvent faire ou corriger les effets de ce qu'ils font.6 Pour une
théorie, comme celle de Rawls, qui prétend donner à un principe de liberté
une primauté absolue, pareille implication ne peut manquer d'être
embarrassante.
Rawls, cependant, nie que sa théorie ait pareille conséquence. Dans un
texte où la référence à cette objection est transparente même si Nozick n'y est
pas nommément cité, il rétorque:
"Il n'y a pas d'interférence non annoncée ou imprévisible avec les
anticipations et les acquisitions des citoyens. Les titres (entitlements)
sont mérités et honorés [dans une société régie par les principes de la
justice] conformément à ce que décrète le système public de règles. Taxes
et restrictions sont toutes prévisibles en principe, et les avoirs sont acquis
sous la condition connue que certains transferts et redistributions seront
effectués. L'objection selon laquelle le principe de différence ordonne des
corrections continuelles de distributions particulières et une interférence
capricieuse avec les transactions privées repose sur un malentendu."
(Rawls 1978: 65)
Plus récemment, Rawls précise encore:
"Dans le cadre de justice constitué par la structure de base, les individus
et les associations peuvent faire ce qu'ils veulent dans les limites fixées
par les règles. Notez que des distributions particulières ne peuvent pas
5
Comme dans le chapitre 6, les références au texte de Nozick renvoient respectivement aux
éditions anglaise et française.
6 Cette objection généralise la vieille critique adressée par Hume (1751: 194) à l'égalitarisme:
"Rendez les possessions aussi égales que vous le voudrez, la diversité des degrés de talent, de
soin et d'activité qui caractérisent les hommes vont rompre immédiatement cette égalité. [...]
L'inquisition la plus rigoureuse est également requise pour surveiller toute inégalité dès
qu'elle apparaît; et la juridiction la plus sévère est nécessaire pour la châtier et pour
l'éliminer." Elle a été abondamment relayée dans la littérature dite "néo-libérale". Parmi
beaucoup d'autres, voir par exemple Buchanan & Lomasky (1985: 30-31): "La garantie d'un
ordre permanent de stricte égalité économique requiert une interférence continuelle de la part
d'institutions collectives. Les gens ne seront pas autorisés à entreprendre des activités qui
conduisent à des différences d'accès aux biens économiques."
5
être jugées du tout en dehors des titres que les individus méritent par
leurs efforts au sein du système de coopération dont ces distributions
résultent." (Rawls 1990: section 13.2)
Pareille réponse est en fait déjà contenue dans l'idée de "justice
procédurale pure" présentée dans la Théorie de la justice.7 Dans la perspective
de Rawls comme dans celle de Nozick, on peut dire qu'est juste toute
répartition des biens primaires résultant de transactions volontaires effectuées
par les individus dans les limites de leurs droits. C'est là ce qui fait de l'une et
de l'autre des théories de la justice purement procédurales, ou encore des
entitlement theories au sens où l'on ne peut juger de la justice d'une
répartition qu'en fonction de son "pedigree". Dans l'exemple de Wilt
Chamberlain, Rawls ne dit pas moins que Nozick que la collectivité n'a pas à
interférer avec les transferts libres de droits de propriété de l'individu qui en
jouit à d'autres individus. Il ne dit pas moins que Nozick que toute
répartition, quelle qu'elle soit, est juste, pour autant que sa genèse ait été
conforme au respect des droits spécifiés par la structure de base de la société.
Entre justice distributive et liberté, le conflit fondamental allégué par Nozick
n'existe donc pas.8
Où se situe alors la différence entre les deux théories - et, plus
généralement, entre théories traditionnelles et purement historiques - que
l'objection "Wilt Chamberlain" visait à exploiter? Cette différence transparaît
par exemple lorsque Rawls (1987: 26-27) souligne qu'à strictement parler sa
conception de la justice constitue une conception procédurale pure ajustée,
des ajustements de la structure de base étant nécessaires pour préserver
l'égalité des chances ainsi que "pour accroître la probabilité que les inégalités
économiques et sociales contribuent efficacement [...] à profiter aux membres
7
Voir Rawls (1971: section 14). Il est important de distinguer les deux sens logiquement
indépendants dans lesquels la théorie de Rawls est "purement procédurale": (1) Est défini
comme un principe de justice tout principe sur lequel s'accorderaient des personnes placées
dans la position originelle; (2) Est définie comme juste toute répartition de biens primaires
engendrée dans le cadre d'une structure de base conforme aux principes de justice adoptés.
Seul ce second sens - qui coïncide, comme on le verra, avec le sens le plus faible auquel on
peut parler d'entitlement theory - est pertinent dans le contexte présent.
8 Ceci n'exclut pas qu'à un niveau moins fondamental il puisse exister un conflit entre la
liberté et certaines conceptions de la justice distributive lorsque l'on impose une contrainte
d'efficience. Il se peut par exemple qu'une société égalitaire ne puisse atteindre un niveau
minimal de production que moyennant le recours au travail forcé. Mais d'abord il s'agirait
alors d'un conflit beaucoup plus contingent que celui allégué par Nozick. En outre, c'est
précisément pour tenir compte de ce conflit potentiel que la conception de la justice
distributive exprimée par le principe de différence diverge de l'égalitarisme.
6
les moins avantagés de la société". Ces ajustements, certes, "n'impliquent pas
davantage d'interférence continue et régulière avec les plans et actions des
individus que les formes familières de taxation", et ils restent dès lors
compatibles avec l'idée, commune à Rawls et à Nozick, que la justice d'une
répartition est pure affaire de "pedigree".
Mais ils n'en trahissent pas moins une différence fondamentale entre
les deux théories. Si des ajustements sont nécessaires, c'est que le choix de la
structure de base obéit chez Rawls à une logique conséquentialiste.9 Le
contenu même de ses principes de justice implique en effet qu'une structure
de base ne sera juste que si elle conduit à des conséquences d'un certain type
quant à la répartition des chances et des avantages socio-économiques. Pour
Nozick et les libertariens, en revanche, la structure des droits de propriété
juste est ce qu'elle est pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les
conséquences qui en découlent quant à la répartition de ces biens sociaux
premiers. Leurs théories constituent des théories purement historiques, des
entitlement theories en un sens où la théorie de Rawls n'en est pas une.10
Le problème, dès lors, se trouve déplacé au niveau du choix de la
structure de base. Ce que Nozick doit faire, c'est justifier la structure
particulière des droits de propriété que sa théorie propose. Pour atteindre cet
objectif, il serait bien sûr mal inspiré de recourir à la méthodologie de la
position originelle. Car dans la position originelle, dit Nozick, les dés sont
9
A strictement parler, cette logique n'est que partiellement conséquentialiste dans la
"conception spéciale" de la justice (dans les limites de laquelle la majeure partie du livre de
Rawls se meut), le respect des libertés fondamentales maximales y étant exigé quelles que
soient les conséquences qui en découlent. Mais elle est intégralement conséquentialiste dans
la "conception générale" de la justice, qui diffère de la première par la levée de l'ordre
lexicographique entre les principes. Voir Rawls (1971: section 11).
10 Pour une discussion plus approfondie de ce point crucial, voir van der Veen & Van Parijs
(1985: section 1). A noter que la question de savoir si le système des droits de propriété est
justifié de manière conséquentialiste (comme chez Rawls) ou non (comme chez les
libertariens) est distincte de la question de savoir si ces droits sont compatibles avec une
taxation légitime (comme chez Rawls et certains libertariens dont Nozick) ou s'ils sont au
contraire absolus (comme chez les libertariens qui n'assortissent l'appropriation originelle
d'aucune condition). Si par l'exemple de Wilt Chamberlain, Nozick veut suggérer que la
liberté exige l'existence de droits de propriété absolus en ce sens (c'est ainsi que l'interprètent
Nagel 1975:201-202 et Cohen 1977:13, par exemple), alors il est particulièrement mal pris,
puisque sa propre théorie, en raison de la clause lockéenne qui y figure, ne confère pas aux
droits de propriété pareille absoluité. (Voir les sections 6.3 et 6.4 ci-dessus pour une
discussion de ce point.) Pour être purement historique (au sens faible), cependant, et donc
pour considérer comme juste tout résultat de transferts volontaires de droits de propriété
légitimement détenus, une théorie de la justice n'a nul besoin de droits de propriété absolus.
7
pipés.11 Tel que le problème y est posé, le choix est restreint à des principes
conséquentialistes. Et il ne peut dès lors s'agir que de choisir une structure de
base en fonction des conséquences qu'elle a, en tenant précisément pour
acquis qu'il n'existe aucun titre, aucun "entitlement" préalable à la position
originelle et contraignant, voire annulant, de ce fait la marge de manoeuvre
dont disposent les contractants pour répartir au mieux de leurs intérêts
(anonymisés par le voile d'ignorance) les biens sur lesquels porte la théorie de
la justice. Pour les libertariens, en revanche, il existe de tels titres, qui
traduisent l'inviolabilité des personnes et entretiennent par conséquent une
relation intime avec la valeur, pour eux centrale, de liberté. Ce sont ces titres
que Nozick reproche à Rawls de bafouer en ouvrant un large espace à
l'application de son second principe, et en particulier du principe de
différence.
8.3. L'objection des talents
Ceci nous conduit directement à la seconde critique centrale que
Nozick adresse à Rawls. Dans la Théorie de la justice, celui-ci résume sa
présentation du deuxième principe par cette phrase qui a choqué Nozick:
"Le principe de différence représente, en réalité, un accord pour
considérer la répartition des talents naturels comme une dotation
commune et pour partager les bénéfices de cette répartition, quelque
forme qu'elle prenne." (Rawls 1971: 101/132)12
Cette conception semble se justifier, aux yeux de Rawls, par le fait que les
talents innés ne sont pas mérités par ceux qui en sont dotés et qu'ils
constituent de ce fait un facteur d'inégalité moralement arbitraire:
11
Voir Nozick (1974: 226-7/279-80). Dans la même veine, Mack (1983: 147) soutient qu'est
irrémédiablement vouée à l'échec la tentative faite par Steiner (1981) pour fonder sur un
argument contractuel une combinaison purement historique de la justice combinant pleine
propriété de soi et droit égal aux ressources non-humaines.
12 Voir aussi Rawls (1971:179/209). Comme dans le chapitre 3 ci-dessus, les deux numéros de
pages séparées par un trait oblique renvoient respectivement aux éditions anglaise et
française de la Théorie de la justice. Dans toutes les autres citations, je suivrai strictement
l'excellente traduction de Catherine Audard. Dans ce cas, cependant, la traduction qu'elle
propose ("... pour considérer la répartition des talents naturels comme un atout pour toute la
collectivité, dans une certaine mesure, et pour partager l'accroissement des avantages socioéconomiques que cette répartition permet par le jeu de ses complémentarités") suggère qu'il
s'agit ici d'un des passages que Rawls a modifiés postérieurement à l'édition originale (qui dit
"...to regard the distribution of natural talents as a common asset and to share in the benefits
of this distribution whatever it turns out to be").
8
"Personne ne mérite ses capacités naturelles supérieures ni un point de
départ plus favorable dans la société." (Rawls 1971: 102/132)
Antérieurement, Rawls avait déjà rejeté le "système de la liberté naturelle", qui
combine une égalité purement formelle des chances et le recours à un marché
efficient, en notant
"Intuitivement, l'injustice la plus évidente du système de la liberté
naturelle est qu'il permet que la répartition soit influencée de manière
indue par des facteurs aussi arbitraires d'un point de vue moral [que les
inégalités de talents]." (Rawls 1971: 72/103)
Bien sûr, répondent Nozick et les libertariens, nous ne méritons pas les
talents avec lesquels nous sommes nés. Bien sûr, la possession de ces talents
est moralement arbitraire. Il n'en reste pas moins que nous en sommes les
pleins et légitimes propriétaires - et que nous devons l'être pour que soit
garantie l'inviolabilité individuelle essentielle à notre liberté. Rawls lui-même
ne présente-t-il pas comme centrale à son approche et au coeur de son rejet de
l'utilitarisme la seconde formulation de l'impératif catégorique kantien, qui
exige de ne jamais traiter un être humain comme un simple moyen?
"Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice, qui,
même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, ne peut pas être
transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de liberté
de certains puisse être justifiée par l'obtention par d'autres d'un plus
grand bien. Elle n'admet pas que les sacrifices imposés à un petit nombre
puissent être compensés par l'augmentation des avantages dont jouit le
plus grand nombre." (Rawls 1971:3-4/29-30)
Cette idée, Nozick la reprend intégralement à son compte:
"Aucun acte de compensation morale ne peut avoir lieu entre nous; une
de nos vies ne peut peser d'un poids moindre que d'autres de manière à
conduire à un bien social plus grand. Il n'y a pas de sacrifice justifié de
certains d'entre nous au profit d'autres." (Nozick 1974: 33/53; c'est lui qui
souligne.)13
Mais fort loin de s'exprimer, comme Rawls le prétend (1971: 179-181/209-211),
dans le choix de ses deux principes, pareille reconnaissance de la séparation
13
On peut parler ici, comme le fait Jean-Pierre Dupuy (1986: section 4.1), d'un "principe antisacrificiel" commun à Rawls et Nozick, pourvu que l'expression ne suggère pas une
interprétation trop restrictive. Dans la version de Nozick, par exemple, il ne s'agit pas
seulement de prohiber le sacrifice de boucs émissaires, mais toute atteinte, si mineure soitelle, à la libre disposition de soi (le port de la ceinture de sécurité, le devoir d'assistance à
personne en danger?), et cela quel que soit le bénéfice social qui puisse en résulter.
9
des personnes équivaut, aux yeux de Nozick, à la reconnaissance de la pleine
propriété de chacun par soi-même. Peu importe alors que nous ayons ou non
mérité d'être ce que nous sommes - et notamment d'avoir les talents que nous
avons. Utiliser un individu talentueux, utiliser ses talents pour le bien
commun ou pour le bien des plus défavorisés, considérer les talents comme
une dotation collective, est totalement illégitime pour quelqu'un qui prend au
sérieux la liberté, et donc l'inviolabilité des personnes. C'est très exactement
tomber dans le travers que Rawls reproche aux utilitaristes.
Pour permettre de concilier la propriété privée de chaque personne
(par soi-même) et la propriété collective de ses talents, Nozick envisage que
l'on puisse songer à distinguer si bien une personne et ses talents qu'en
dépossédant celle-là de ceux-ci on ne la dépossède pas pour autant d'ellemême. Pareille solution lui paraît cependant intenable. Elle compromet en
effet l'effort fait par Rawls pour dégager l'approche kantienne d'une
conception du sujet totalement désincarnée. Mais surtout elle vide de toute
signification la notion même de propriété de soi-même. Que me reste-t-il
lorsque je suis dépossédé de tous mes talents ou, ce qui revient au même,
lorsque je suis affecté de tous les handicaps imaginables? Quel intérêt cela
peut-il avoir pour moi de ne pas être utilisé par d'autres comme un pur
moyen, si tous mes talents peuvent l'être?14 C'est sur ce point, qu'il estime
fatal, que se clôt la discussion de Rawls par Nozick. Pour lui la cohérence avec
la maxime kantienne exige que l'on se refuse à considérer les talents comme
une dotation commune, et donc que l'on prive de champ d'application le
principe de différence et tout autre principe configurationnel ou final, pour
adopter une entitlement theory au sens fort du type de la sienne.
Dans le livre qu'il a consacré à la théorie de Rawls, Michael Sandel
soutient pour sa part qu'il existe une manière - une seule - d'échapper à cette
conclusion. Mais elle implique le renoncement à l'individualisme que Rawls
partage avec Nozick, pour faire droit à une conception communautaire,
intersubjective du sujet.
14
Voir Nozick (1974: 228/281). La question n'est pas ici de savoir si cela peut avoir un sens de
distinguer conceptuellement une personne et ses talents. Ronald Dworkin (1981b: 301-3), par
exemple, soutient que les "circonstances" distinguables de l'identité d'une personne n'incluent
pas seulement les possessions matérielles de celle-ci, mais aussi ses talents et même certains
de ses désirs (par exemple, une libido immodérée qui ferait obstacle à la réalisation de ce
qu'elle désire faire de son existence). La question pertinente est de savoir sur quels attributs
de la personne il nous faut lui donner un plein droit de propriété pour traduire l'exigence,
commune à Rawls et aux libertariens, de l'inviolabilité de la personne.
10
"Que le principe de différence contraigne Rawls à adopter une
conception intersubjective que par ailleurs il rejette, semble être la seule
manière d'échapper aux difficultés soulevées par Nozick. [...] Si le
principe de différence doit éviter d'utiliser certaines personnes comme
des moyens pour les fins d'autres personnes, ce ne peut être possible que
dans des circonstances où le sujet de la possession est un 'nous' et non un
'moi' [...]." (Sandel 1982: 80)
Sandel note que pareille réinterprétation s'accommoderait bien de la
conception de la personne que suggère le traitement par Rawls des
"communautés sociales" (social unions), c'est-à-dire la famille et ces autres
associations volontaires dont les membres "participent à la nature les uns des
autres" et se réalisent eux-mêmes dans des activités conjointes (Rawls 1971:
section 79). Mais elle n'en impliquerait pas moins une révision radicale de son
cadre de pensée. Pour Sandel, les libertariens ont raison d'affirmer que la
pleine propriété de chacun par soi-même est incompatible avec la propriété
commune des talents présupposées par le deuxième principe. La position
"libérale" (au sens américain du terme) magistralement articulée par Rawls ne
constitue en fin de compte qu'un amalgame bancal de deux composantes
incompatibles.
8.4. La solution de Rawls
Pour sauver l'inviolabilité du sujet face à la menace présentée par son
second principe, Rawls est-il effectivement contraint soit, comme l'envisage
Nozick, de désincarner son sujet, soit, comme l'y invite Sandel, à le
communautariser? Chacune de ces deux solutions ayant des implications
douloureuses pour les fondements mêmes de son approche, Rawls se doit de
les rejeter l'une et l'autre. C'est ce qu'il fait sans ambiguïté lorsqu'il affirme
dans un article postérieur à la Théorie de la justice:
"Nous avons droit à nos capacités naturelles et à tout ce dont nous
devenons propriétaires (become entitled) en prenant part à un processus
social équitable." (Rawls 1978: 65)
Le "nous" étant ici manifestement entendu en un sens distributif et non
collectif, la réinterprétation de Sandel n'est pas moins exclue par ce passage
que la solution envisagée par Nozick. Mais comment réconcilier pareil texte
avec celui dont Nozick était parti pour mettre en lumière ce qui lui semble
être le talon d'Achille de la position de Rawls?
11
A le lire attentivement, Rawls n'affirme nulle part que les talents
constituent une dotation commune, mais bien que la répartition des talents
peut être considérée comme une dotation commune. Nozick, Sandel et, à ma
connaissance, tous les autres interprètes des passages pertinents de la Théorie
de la justice ont rapidement glissé de la deuxième affirmation à la première. Et
je serais encore parmi eux si un texte plus récent ne m'avait ouvert les yeux
sur ce point:
"Notez que ce qui est considéré comme une dotation commune est la
distribution des dons innés et non nos dons innés. Ce n'est pas comme si
la société possédait les dons des individus pris séparément, en regardant
les individus un à un. Au contraire, la question de la propriété de nos
dons ne se pose pas, et si elle se posait, [il faudrait répondre que] ce sont
les personnes elles-mêmes qui sont les propriétaires de leurs dons:
l'intégrité psychologique et physique des personnes est déjà garantie par
les droits et libertés dont traite le premier principe." (Rawls 1990: section
21.3)
On ne pourrait souhaiter une réaffirmation plus claire de la propriété
intégrale de chaque individu par lui-même, ni donc un rejet plus catégorique
de la solution évoquée par Nozick comme de celle défendue par Sandel.
Mais comment Rawls fait-il alors pour éviter de devoir se replier sur la
position libertarienne - ce à quoi Nozick et Sandel estiment tous deux que ce
rejet le contraint? Comment évite-t-il de devoir renoncer, faute de marge de
manoeuvre, au second principe, la propriété de tout le produit social étant
déjà déterminée par l'application du premier? Précisément en disant que c'est
la répartition des talents, c'est-à-dire leur variété qualitative (illustrée par
l'exemple de l'orchestre) et quantitative (appréhendée par la théorie
ricardienne des avantages comparatifs), qui
"peut être considérée comme une dotation commune, parce qu'elle rend
possible de nombreuses complémentarités entre talents lorsque ceux-ci
sont organisés de manière à ce que l'on tire profit de ces différences."
(Rawls 1990: section 21.3)
Cette parade permet à Rawls d'échapper aux crocs de Nozick. Mais il
n'est peut-être pas encore sorti de ses griffes. Au commencement de sa
discussion de Rawls, en effet, Nozick (1974: 183-5/229-31) met en lumière une
importante ambiguÔté directement pertinente pour notre propos, quant à la
12
définition de l'objet même de la théorie de la justice. Les principes de la justice
sociale, dit Rawls,
"fournissent un moyen de fixer les droits et les devoirs dans les
institutions de base de la société et ils définissent la répartition adéquate
des bénéfices et des charges de la coopération sociale." (Rawls 1971:
4/30-1)
Mais, demande Nozick, en quoi consistent exactement les avantages de la
coopération sociale? Où s'arrête le gâteau social que le second principe a pour
objet de répartir équitablement? Ce gâteau inclut-il tout ce que la société
produit ou seulement la part spécifiquement attribuable à la coopération entre
individus?15 L'énoncé du principe de différence, qui parle de revenus et de
richesses sans introduire aucune restriction, suggère que c'est la première
réponse qui doit être retenue. L'adhésion stricte à la formulation de l'objet de
la théorie de la justice rappelée plus haut exige au contraire, selon Nozick, que
l'on retienne la deuxième réponse et donc que l'on restreigne
substantiellement le champ d'application du second principe. Tant la
production d'un individu isolé que la part de ce qu'il produit en coopération
qu'il pourrait produire seul, devraient en effet être soustraites à la juridiction
de ce principe.
Or la stratégie adoptée par Rawls pour nier que le principe de
différence implique la collectivisation des talents - sa solution au dilemme
présenté par Nozick et Sandel - implique non seulement que cette seconde
réponse est correcte, mais même que le champ d'application du principe de
différence doit être encore réduit pour ne couvrir que ce qui est dû à un type
particulier de coopération. Pour clarifier ce point, imaginons une société
composée d'un individu valide et d'un invalide. Chacun d'entre eux a droit,
selon Rawls, à ses talents et aux avantages qui en découlent, mais pas aux
avantages découlant de la variété (qualitative et quantitative) de leurs talents.
Le valide a donc droit (au moins) à la part du produit total qu'il aurait pu
produire avec ses seuls talents (et les ressources extérieures qui lui reviennent
en vertu du principe de juste égalité des chances). Et il en va de même de
l'invalide, si tant est que seul il aurait pu produire quoi que ce soit. Ce qui
15
Cette interrogation, reprise par Gauthier (1986: chap. VIII) et Barry (1989: chap. 5 et 6), met
le doigt, selon ces auteurs, sur une ambiguïté centrale dans la formulation du projet rawlsien.
Celui-ci s'inscrit-t-il, comme celui du premier, dans une tradition (hobbesienne) concevant la
justice sur le modèle du partage équitable d'un surplus coopératif, ou plutôt, comme celui du
second, dans une tradition (kantienne) rapportant la justice à l'universalisabilité? Cette
distinction est présentée et discutée dans les sections 10.2 à 10.6 ci-dessous.
13
reste alors à distribuer de manière à profiter au plus défavorisé, ce ne sont que
les avantages, très probablement minimes, résultant de la coopération ellemême. On voit donc combien le principe de différence, dûment reformulé
pour prendre en compte les précisions de Rawls, a des conséquences
profondément différentes de celles qui lui sont habituellement attribuées et
différant à peine, dans un cas comme celui-ci, de celles qu'aurait la position
libertarienne.
Les sociétés réelles, bien entendu, ne ressemblent guère à la société
fictive que je viens de décrire, et l'on pourrait peut-être argumenter que dans
le monde réel ce qui est dû à la coopération entre les hommes - en ce compris
l'existence même du langage et de la culture - domine si massivement ce que
chacun d'eux pourrait produire avec ses seuls talents, que la restriction du
champ d'application du second principe au seul produit de la coopération
sociale ne revêt une signification quelconque que pour ceux qui s'évertuent à
couper les cheveux en quatre. Sans être dépourvue de pertinence, cette
réponse reste inadéquate. D'une part, en effet, ce que la solution de Rawls
nous autorise à considérer comme une dotation commune est constitué de la
seule répartition des talents, c'est-à-dire leur variété qualitative et
quantitative. Les avantages associés à la simple addition de talents - les
économies d'échelle - ne font donc pas partie de ce dont le principe de
différence peut régir la répartition. D'autre part, à supposer même que Rawls
lève cette restriction et permette de considérer comme dotation commune le
produit de toute coopération quelle qu'elle soit, la restriction du champ
d'application du principe de différence n'en devient pas pour autant anodine.
Car des individus peuvent former des coalitions. Et si le valide de tout à
l'heure a droit à tout ce qu'il peut produire seul, pourquoi la coalition de tous
les valides, par exemple, n'aurait-elle pas droit à tout ce qu'elle peut produire
sans la coopération des invalides?16
La solution que Rawls offre pour réconcilier propriété de soi-même et
principe de différence se heurte donc à une sérieuse difficulté. Non seulement
le champ d'application du principe de différence devient une affaire
16
C'est précisément un argument de ce type que James Buchanan (1985: 8-16) utilise pour
inférer du droit d'"exit interne" de toute coalition de citoyens à l'existence d'étroites limites
éthiques à toute politique de redistribution: le champ d'application du principe de différence
ou de tout autre principe structurel de justice distributive se limite, selon lui, à la différence
entre le revenu brut perçu par une catégorie et le revenu qu'elle pourrait percevoir si elle se
constituait en entité politique autonome, ne retirant de la société d'origine aucun avantage
(autrement que par le commerce) et n'étant soumise à aucun prélèvement de sa part.
14
extrêmement compliquée. Mais ce champ ne correspond plus, selon toute
vraisemblance, qu'à une fraction très restreinte des avantages socioéconomiques potentiellement disponibles dans une société, et le principe de
différence cesse donc d'être ce qu'on croit habituellement qu'il est: un principe
qui, appliqué à une économie de marché, légitime une redistribution
substantielle au profit des plus défavorisés.
8.5. Le scénario collectiviste
Il existe cependant une quatrième solution, qui nous ramène à la
question de l'appropriation originelle rapidement évoquée dans la
présentation initiale de la position libertarienne.17 Les libertariens, on l'a vu,
donnent à cette question des réponses divergentes, dont chacune peut être
comprise comme une interprétation particulière de la thèse lockéenne selon
laquelle "Dieu a donné aux hommes la Terre en partage".18 Pour Rothbard,
cela signifie simplement que chacun peut se servir librement de ce dont
personne ne s'est préalablement approprié. Pour Nozick, cela signifie que
chacun peut se servir pourvu que le bien-être d'autrui ne s'en trouve pas
17
Je ne discute pas ici d'autres esquisses de solution à mes yeux moins prometteuses, que l'on
peut trouver dans la littérature récente. Ainsi, Bruce Ackerman (1983: 65-66) critique la
position de Charles Fried (1983:50) - très semblable sur ce point à celle de Nozick -, en notant
que la transformation d'un talent en revenu monétaire est loin d'être immédiate et dépend
fortement (1) de l'éducation dont ce talent bénéficie, (2) de la concurrence à laquelle il est
soumis, et (3) de la richesse dont disposent ceux que ses services intéressent. Ainsi aussi, J.R.
Kearl (1977), relayé par James Buchanan (1985: section III), suggère que la collectivité est en
droit de s'approprier tout ce qui, dans le produit social, est attribuable à l'existence d'un cadre
juridico-politique. Ces arguments ne sont pas sans intérêt. Mais si l'éducation, les conditions
de concurrence et la richesse des usagers sont elles-mêmes le résultat de transactions
volontaires entre individus possesseurs de leurs talents, on voit mal comment le fait (central
dans l'argument d'Ackerman) que la possession d'un talent n'est pas le seul déterminant
causal du revenu que le marché lui attribue peut à lui seul miner la prétention du possesseur
du talent à l'intégralité de ce revenu. D'autre part, s'il est possible de soutenir que la
contribution du cadre juridico-politique au produit social crée un potentiel pour
l'appropriation collective et donc pour la redistribution légitime, ce potentiel est cependant
limité, en raison de la liberté d'exit interne (voir note précédente) a déjà fait référence, aux
rendements d'échelle associés à la production de pareil cadre. (Si un sous-ensemble des
membres de la société pouvait se fournir à elle-même son cadre juridico-politique sans
aucune perte d'efficience, l'argument de Kearl ne donnerait pas à la société globale le droit de
prélever la moindre part de leur revenu.)
18 Locke 1690: 129 (section 25). Plus explicitement: "La Terre et tout ce qui s'y trouve sont
donnés aux hommes pour le maintien et le confort de leur existence. [...] tous les fruits qu'elle
produit naturellement et les animaux qu'elle nourrit appartiennent en commun à l'Humanité,
puisqu'ils sont produits par la main spontanée de la nature et que personne ne jouit
originellement sur aucun d'entre eux d'un empire privé excluant les autres hommes."
15
détérioré. Et pour Steiner, cela signifie que chacun a droit à une part égale des
ressources naturelles (ou du moins à une part égale de la valeur qu'elles
auraient dans un marché de concurrence parfaite).
Confrontés à ces trois interprétations possibles, nous avons déjà
l'embarras du choix. Mais rien ne nous oblige à nous arrêter en si bon chemin.
Dire que la Terre est à tout le monde pourrait tout aussi bien signifier, pour
reprendre la suggestion de G.A. Cohen, qu'elle est la propriété conjointe,
publique de tous.19 Par rapport à chaque individu pleinement propriétaire de
lui-même, la collectivité se trouve alors dans une situation de monopole
unilatéral. Elle est donc en position d'imposer ses conditions à chaque
individu et en particulier de s'approprier, à la limite, la totalité du produit
conjoint des ressources naturelles qu'elle contrôle et du travail humain que
fournissent les individus.20 Même si Wilt Chamberlain est le plein propriétaire
de lui-même, y-compris de ses talents, les biens qu'il produit - en l'occurrence
ses performances sportives - n'en seraient pas moins propriété collective,
puisqu'ils ne sont productibles qu'en puisant sur des ressources naturelles incorporées dans le ballon de Wilt, dans ses chaussures, etc. - qui font l'objet
d'un monopole collectif. (Même si Wilt jouait au basket tout nu et sans ballon,
Wilt ne pourrait encore fournir ses services que grâce au sol sur lequel il
bondit, à l'air qu'il inhale, aux aliments dont ses tissus dérivent toute leur
substance.)
Pour écarter ce scénario collectiviste, qui ne peut manquer de les faire
frémir, les libertariens n'ont pas l'embarras du choix. Ils ne peuvent en effet se
contenter de répondre qu'il s'agit là d'une conception purement arbitraire de
l'appropriation des ressources naturelles. Cette conception n'est certes qu'une
interprétation parmi d'autres, mais pas moins plausible que les autres, de
l'idée que, si chaque individu appartient à lui-même, la Terre, en revanche,
appartient à tous. Les libertariens, en outre, ne peuvent pas reprocher à ce
scénario que la collectivité s'y attribue une part du produit excédant
massivement la valeur des ressources naturelles (donnée, par exemple, par
leur productivité marginale) et privant de ce fait les individus de ce qui leur
19
C'est le joint ownership, qu'il oppose, sans pour autant le défendre, au common ownership
de Nozick (Cohen 1985: 98-99) et à l'equal private ownership de Steiner (Cohen 1986: 87-90).
20 Qu'elle puisse le faire n'implique bien sûr pas qu'il soit dans son intérêt de le faire. En
particulier, une politique ne laissant pas aux travailleurs des revenus suffisants pour qu'ils
puissent poursuivre leur travail serait légitime selon ce principe. Elle n'en serait pas moins
inopportune.
16
revient en raison de leur travail ou de leur épargne. Pour les libertariens, en
effet, il ne peut pas y a voir de définition objective de la valeur d'un bien. La
valeur des ressources naturelles, par exemple, n'est rien d'autre que le taux
d'échange qui émerge d'échanges volontaires sur la base d'une distribution
juste des droits de propriété. Or c'est précisément la structure fondamentale
des droits de propriété qu'il s'agit ici de déterminer. Si la structure choisie
confère à un propriétaire (individuel ou collectif) une position si dominante
qu'il peut revendiquer l'ensemble du produit en paiement du facteur qu'il
fournit, les libertariens ne disposent d'aucun critère indépendant de "juste
prix" leur permettant de juger ce paiement excessif.21
8.6. La débâcle
La seule stratégie dont ils disposent, par conséquent, consiste à
soutenir que le scénario collectiviste nie la liberté. Un individu, en effet, ne
peut pas faire grand chose avec son seul corps - même pas le maintenir en vie
pendant très longtemps. Et faire de tous les biens extérieurs une propriété
collective revient à soumettre entièrement l'individu au bon vouloir de la
collectivité. Cette objection au scénario collectiviste est à mes yeux
imparable.22 Mais ce sera là, pour les libertariens, une victoire singulièrement
éphémère, qui ne va pas tarder à se muer en débâcle. Pour pouvoir
argumenter que leur solution au problème de l'appropriation originelle est
supérieure à la solution collectiviste, ils doivent nécessairement passer d'un
argument en termes de propriété de soi-même à un argument en termes
d'accès à des ressources extérieures. Ou, pour le dire en des termes sans doute
plus familiers, ils doivent nécessairement passer d'un argument en termes de
liberté formelle à un argument en termes de liberté réelle.23
21
Ce caractère radicalement subjectif de la conception libertarienne de la valeur (bien plus
subjective, par exemple, que la conception néo-classique de la valeur) est bien mis en
évidence par Steiner (1987: section 1).
22 Cohen (1986: section 3b) lui-même est d'accord sur ce point. L'objectif prioritaire consiste
dès lors pour lui à découvrir une constitution économique qui combine la liberté individuelle,
ou la propriété de soi, en un sens plus fort que celui dans lequel elle est préservée dans le
scénario collectiviste, avec le type d'égalité de condition qu'en tant que "socialiste" il entend
promouvoir (Cohen 1986: section 5). Cet objectif n'est pas a priori identique à celui poursuivi
dans la suite de ce chapitre, où il s'agira d'explorer ce qu'implique le souci exclusif de la
liberté individuelle (au sens fort requis) pour tous.
23 Je m'écarte ici de la terminologie utilisée par Rawls, qui formule un contraste analogue en
opposant la liberté et sa valeur: "Parmi les contraintes définissant la liberté, on compte parfois
l'incapacité de tirer profit des droits et des possibilités offertes, qui résulte de la pauvreté et
de l'ignorance, et, d'une manière générale, d'un manque de moyens. Ce n'est pas cependant
17
Le dénouement, maintenant, est proche. Car s'il est vrai qu'en termes
de liberté réelle, rien ne peut être pire (ce qui ne signifie pas que tout doit être
meilleur) que la propriété collective de tout objet extérieur, et qu'en particulier
les diverses solutions proposées par les libertariens sont meilleures de ce
point de vue, rien cependant ne garantit que l'une de ces formules assure
autant qu'il est possible la liberté - réelle cette fois - de tous. Et si l'on rejette au
nom de la liberté réelle certaines conceptions de la structure fondamentale des
droits de propriété par ailleurs compatibles avec la liberté formelle pour tous,
la cohérence impose que l'on utilise ce même critère de la liberté réelle pour
tous pour sélectionner, parmi les formules compatibles avec la liberté
formelle, celle qui est la meilleure du point de vue de la liberté tout court. Or
que peut être la maximisation de la liberté réelle de tous, sinon la
maximisation de la liberté réelle de ceux qui en ont le moins, et sur quoi peut
reposer la liberté réelle, sinon sur ces avantages socio-économiques dont nous
avons besoin pour réaliser nos projets de vie, quelle que soit la nature exacte
de ceux-ci? Impossible de ne pas le reconnaître: revoilà bien le principe de
différence.24
Retraçons, très brièvement, les deux étapes de l'argument. L'évocation
du scénario de l'appropriation collective de la Terre nous a d'abord permis
d'apercevoir que le respect de la propriété de chacun sur soi-même (y-compris
mon point de vue, je pense plutÛt (I shall not, however, say this, but rather) que ces données
affectent la valeur de la liberté, la valeur, pour des individus, des droits définis par le premier
principe" (Rawls 1971: 204/240). A noter par ailleurs que, tout en distinguant la liberté réelle
de la liberté formelle, on pourrait souhaiter ne pas l'identifier à la capacité. Si par exemple je
ne peux pas piloter un avion de tourisme, ce peut être parce que je suis détenu (il manque la
liberté formelle), parce que je suis fauché (il manque la liberté réelle) ou parce que je suis
manchot (il manque la capacité). Sorti de prison et ayant dans la poche de quoi louer l'avion,
je suis - dans la terminologie ainsi suggérée - libre de le piloter même si, étant manchot, j'en
suis incapable. Dans la suite, cependant, j'ignorerai cette distinction supplémentaire, que je
discute plus amplement ailleurs (Van Parijs 1991).
24 Un raisonnement analogue peut être utilisé pour réfuter la prétendue démonstration, par
Buchanan et Lomasky (1985), de la thèse selon laquelle le principe d'égale liberté maximale de
Rawls justifie, quoiqu'il en pense, une structure institutionnelle "quasi-libertarienne".
Buchanan et Lomasky (1985: 17-20) partent en effet d'une définition "négative" de la liberté
comme l'absence de contraintes sur le choix des individus et proposent de la mesurer par la
taille de l'ensemble des activités qu'un individu peut exercer sans l'interférence d'autrui. Mais
pareille définition ne leur permet nullement d'affirmer, comme ils le font (1985: 21) que la
liberté est maximale pour tous dès lors que la collectivité s'abstient de toute action autre que
la protection des droits personnels et de droits de propriété matériels dont la répartition est
laissée indéterminée. Ce serait oublier (ou feindre d'oublier?) que le budget d'un individu
constitue une contrainte sur ses choix au même titre que toute prohibition spécifique édictée
par l'Etat.
18
ses talents) laissait ouvert à l'application des principes de justice distributive
tout le champ constitué par le produit de la coopération entre les individus et
la nature - et pas seulement le produit spécifique de la coopération entre
individus, voire entre individus possédant des talents différents. L'examen
des stratégies dont disposent les libertariens pour écarter ce scénario a ensuite
montré que seul un passage de la liberté formelle (pour tous) à la liberté réelle
(pour tous) pouvait les sortir d'embarras. Comme il serait incohérent d'utiliser
un critère pour exclure une formule sans l'utiliser aussi lorsqu'il s'agit de
choisir entre les diverses formules possibles, pareille riposte conduit alors
directement au principe de différence - subordonné, cependant, comme il l'est
chez Rawls, au respect de la propriété de soi-même consacrée par le premier
principe.25
8.9. L'allocation universelle la plus élevée possible
On pourrait qualifier de réal-libertarienne (ou, par rapport au libertarisme de
gauche de Steiner et consorts, de "libertarienne d'extrême gauche"!) la position
qui se trouve ainsi défendue contre les attaques des libertariens. Cette position
s'apparente à celle de Nozick et des autres libertariens par deux traits
fondamentaux. Comme nous l'avons vu dans la première partie, elle offre une
conception purement procédurale de la justice. En d'autres termes, elle
constitue une entitlement theory au sens large. Ou encore elle a pour objet
premier la structure de base de la société, et non des distributions
particulières. En outre, comme nous l'avons vu dans la deuxième partie, la
structure de base qu'elle implique donne à chaque individu la pleine propriété
de lui-même. En d'autres termes, elle donne au respect de la liberté formelle
un primat absolu sur toute autre considération. Mais il est un troisième trait
fondamental par lequel cette position réal-libertarienne s'oppose, cette fois, à
la position de Nozick et des autres auteurs mentionnés. Au lieu d'enraciner la
distribution des droits de propriété sur les objets externes dans une
interprétation particulière de l'idée que la Terre est à tous, elle la fonde sur un
principe de maximisation de la liberté réelle pour tous.26 Ce n'est donc pas
25
Je reviens plus loin (section 8.8) sur la relation exacte entre la liberté formelle et les libertés
fondamentales concernées par le premier principe.
26 Cette position n'est pas sans parenté avec celle développée par James Sterba (1980: chap. 5)
, qui défend, à partir de la position originelle rawlsienne, un "néo-libertarisme" laissant le
champ libre au jeu du marché sous contrainte de la garantie à chacun d'un revenu suffisant
pour "couvrir les coûts normaux de la satisfaction de ses besoins fondamentaux". Tant dans
19
par l'exhortation à un arbitrage avec d'autres valeurs, comme l'égalité ou
l'efficience, mais bien au nom de la liberté même que cette position a pu être
défendue contre la critique des libertariens.27 Et l'argumentation présentée a
de ce fait de bonnes chances de trouver dans les intuitions des libertariens
eux-mêmes de solides points d'appui.28
Avant de vérifier si cette position réal-libertarienne coïncide bien avec
celle que Rawls défend lui-même, arrêtons-nous un instant à ses implications
institutionnelles concrètes. A première vue, on pourrait ne rien percevoir
d'autre dans le principe de différence que la justification de l'Etat-Providence,
sinon toujours tel qu'il est aujourd'hui, du moins tel qu'il pourrait aisément
devenir si, d'un système plus ou moins orthodoxe d'assurance, on en faisait
un véritable système de revenu minimum garanti - comme c'est du reste déjà
le cas dans un certain nombre de pays européens, dont - depuis peu - la
France. La conjonction hiérarchisée du principe d'égale liberté et du principe
de différence ne se réduit cependant pas à exiger le revenu minimum garanti
le plus élevé qui soit compatible avec le respect de la pleine propriété de soi donc, notamment avec l'absence d'esclavage, de servage et d'autres formes de
travail forcé.
En effet, si parmi les avantages socio-économiques - les dimensions de
la liberté réelle dont la distribution est régie par le principe de différence Rawls mentionne bien entendu le revenu, il mentionne également le pouvoir
et les prérogatives attachées à des positions de responsabilité. Pour assurer la
liberté réelle la plus grande possible, par conséquent, il est essentiel que la
forme prise par le revenu minimum garanti évite deux écueils. A mesure que
le niveau de ce revenu augmente, il ne peut pas enfermer un nombre croissant
de personnes dans ce qu'il est convenu d'appeler le "piège du chômage", du
fait que le montant que celles-ci pourraient gagner par leur travail devient
inférieur au revenu qu'elles perçoivent si elles ne travaillent pas. En outre, le
droit au revenu minimum garanti ne peut pas être subordonné à la prestation
de travail ou à la volonté de travailler, ce qui mettrait son bénéficiaire dans
ses prémisses que dans sa conclusion, ce "néo-libertarisme" diffère cependant du "réallibertarisme" esquissé ici sur plusieurs points importants.
27 Il n'en est pas moins vrai qu'au contraire de l'idée de garantir à tous la même liberté
formelle, l'idée de maximiser la liberté réelle pour tous intègre l'importance que nous
accordons intuitivement à l'efficience ou à l'égalité. Voir, pour une présentation adoptant ce
point de vue, la section 7.9 ci-dessus.
28 Au titre d'illustration anecdotique, voir par exemple le harcèlement de David Friedman par
Robert Nozick narré plus haut en guise d'introduction au chapitre 5.
20
une situation de pouvoir bien plus défavorable à l'égard de l'employeur
(public ou privé) que si le droit au revenu minimum n'était pas subordonné à
une telle condition. Pour le redire autrement, la prise en compte de la
dimension du pouvoir exige que la garantie d'une liberté réelle de consommer
ne se fasse pas au détriment de la liberté réelle de travailler (pas de piège du
chômage) ni de la liberté de ne pas travailler (pas de restriction aux
demandeurs d'emploi). Il n'est dès lors pas étonnant que Rawls (1971:
275/316) suggère lui-même que le revenu minimum prenne la forme d'un
impôt négatif, qui a précisément l'avantage d'éliminer le piège du chômage
sans être réservé aux demandeurs d'emploi.29
La liste des avantages socio-économiques régis par le principe de
différence ne s'arrête pas là. Elle en contient encore un, qui, dit Rawls à
plusieurs reprises, "est peut-être le plus important des biens premiers" (1971:
62/93, 92/123, 440/479). Il s'agit des "bases sociales du respect de soi",
nécessaires pour donner à la personne un sens vivace de sa propre valeur et la
confiance en soi nécessaire à la poursuite de ses fins (Rawls 1982: 166). Il est
important, par conséquent, que le revenu minimum garanti puisse assurer la
maximisation de la liberté réelle dans ses dimensions de revenu et de pouvoir
sans porter atteinte à ce respect de soi, minutieusement décrit dans la Théorie
de la justice (section 67) comme le contraire de la honte. Pour cela, il est
essentiel qu'il soit attribué sous une forme qui n'en stigmatise pas, n'en
humilie pas les bénéficiaires et qui se fasse donc, en particulier, sans contrôle
des ressources (contrairement à ce qui se passe, par définition, en cas d'impôt
29
On pourrait objecter que le second de ces deux aspects introduit le risque d'une déviation
substantielle par rapport à une répartition équitable des charges et bénéfices de la
coopération, que la théorie de Rawls s'efforce de définir. En effet, chacun pourrait choisir de
n'assumer aucune charge sans pour autant cesser de participer aux bénéfices. (Voir, par
exemple, Rawls 1990: Part I: "Les conditions équitables de la coopération spécifient une idée
de réciprocité ou de mutualité: tous ceux qui accomplissent leur part des charges
conformément aux règles reconnues doivent retirer les bénéfices spécifiés par une norme
publique et admise." Rawls, cependant, ne prétend imposer aucune configuration particulière
(par exemple, "de chacun selon ses capacités") à la répartition des tâches. Est juste la
répartition des tâches implicitement définie par la maximisation de l'index des biens premiers
sociaux de ceux qui en ont le moins. Et, si l'argument avancé plus haut est correct, la
déconnexion entre travail et revenu est requise dès que l'on aperçoit les conséquences de la
distinction entre le maximin des biens premiers sociaux énumérés par Rawls et le maximin
du seul pouvoir d'achat. A noter que c'est précisément pour éviter l'implication mise en
évidence ici que Rawls (1988: 257) suggère ailleurs brièvement d'ajouter le loisir à la liste des
avantages socio-économiques régis par le principe de différence. Voir Van Parijs (1990f) pour
une défense des conclusions de l'argumentation ici présentée contre une telle stratégie (et
d'autres).
21
négatif) et sans contrôle de la vie privée (requis pour vérifier, par exemple, le
statut d'isolé ou de cohabitant).30
Ce que toute cette discussion suggère - sans toutefois le démontrer
pleinement -, c'est que la maximisation de la liberté réelle de tous exigée par le
second principe ne fonde pas une défense de l'Etat-Providence tel qu'il est, ni
simplement la maximisation du revenu minimum, mais bien l'introduction et
la maximisation de cette version la plus radicale du revenu minimum garanti
déjà abondamment discutée dans plusieurs pays d'Europe, l'allocation
universelle. Il s'agirait d'un revenu inconditionnellement versé à chaque
citoyen (ou résident permanent), qu'il ait ou non un emploi, qu'il souhaite ou
non en avoir un, quel que soit son statut matrimonial, et quels que soient ses
revenus d'autres sources.31 Pareille institution permettrait au revenu
minimum d'augmenter de concert avec le pouvoir qu'il confère et sans porter
atteinte à la dignité des personnes. Comme l'allocation universelle est
assimilable à l'attribution à chacun d'une dotation matérielle répartie sur la
vie entière, elle intègre en outre la dimension richesse apparaissant dans le
principe de différence, comme aussi l'aspect des chances d'accès aux
différentes positions sociales qui est lié à la fortune.
Il serait certes nécessaire (mais pas toujours aisé) d'apporter à cette
conclusion un certain nombre de nuances et de précisions, notamment pour
traiter adéquatement de la manière dont doivent être prise en compte l'inégale
répartition des biens premiers naturels, la substituabilité entre propriété de
biens privés et usage de biens publics, la primauté, sous certaines conditions,
de la dimension revenu sur les autres dimensions de la liberté réelle, ou
encore la maximisation de la liberté réelle de catégories autres que les plus
défavorisés (la version leximin du principe). Toutes ces nuances et précisions,
cependant, ne feraient pas encore coïncider le cadre institutionnel dérivé ci30
Les atteintes à la dignité impliquées par un système de revenu minimum garanti
impliquant pareils contrôles sont bien mises en lumière par François Ost (1988: section II.2).
31 Walter (1989) fournit une introduction concise et très lisible à l'ensemble de la
problématique. Van Parijs (1990c) articule de manière plus technique les questions centrales factuelles et normatives - que le débat soulève. Boulanger & al. eds (1985), Van Parijs (1987a),
Miller ed. (1988) et la Newsletter trimestrielle du Basic Income European Network donnent
un aperçu de l'état de la discussion en Europe. Un numéro spécial de la revue Theory and
Society (Vol.15 n°5, 1986; également disponible en espagnol: Zona Abierta Vol.46/47, janvierjuin 1988), consacré à la discussion de van der Veen & Van Parijs (1986a), aborde le thème
dans une perspective plus théorique. Les aspects spécifiquement éthiques de la
problématique sont traités dans Van Parijs (1989c) et, plus brièvement, dans Van Parijs
(1990b).
22
dessus de la position réal-libertarienne avec le cadre institutionnel dans lequel
Rawls lui-même voit l'incarnation de ses principes de justice. Certes, Rawls
aussi s'élève contre une réduction de sa position à une légitimation de l'EtatProvidence tel qu'il est. Mais ce qu'il oppose à celui-ci, ce n'est pas son
dépassement dans l'instauration, au niveau le plus élevé possible, d'une
allocation universelle, mais bien la réalisation d'une "démocratie de
propriétaires", dans laquelle "l'accent est mis sur une dispersion régulière
dans le temps de la propriété du capital".32 Cette divergence induit le soupçon
que la position de Rawls n'est peut-être pas, après tout, aussi "réallibertarienne" que tout au long de cette discussion je ne l'ai supposé.
8.10. Deux Rawls
Ce soupçon se trouve considérablement renforcé par les anomalies
qu'on ne peut manquer de percevoir lorsqu'on s'efforce d'interpréter
l'intégralité des deux principes, tels que Rawls les formule habituellement,
dans le sens réal-libertarien esquissé plus haut. Le premier principe, en effet,
affirme à la fois plus et moins qu'il ne le devrait s'il avait pour seul objet
d'attribuer à tous une pleine liberté formelle. Exiger que tous aient les mêmes
libertés politiques (droits de vote et d'éligibilité) va au delà de la simple
propriété de soi-même. Par contre, même l'ensemble des libertés
fondamentales attribuées à chaque individu par le premier principe reste
compatible, par exemple, avec des pratiques de vaccination obligatoire contre
les maladies contagieuses ou avec la répression de la non-assistance à
personne en danger, que les libertariens considéreraient comme des
transgressions inacceptables de la pleine propriété de soi-même.
Dans le cas du second principe, l'anomalie ne vient pas du fait qu'il ne
tient aucun compte de déficits en biens premiers naturels - typiquement, les
handicaps -, qui affectent la liberté réelle des individus au même titre que des
déficits en biens premiers sociaux. C'est là simplement le résultat d'une
simplification permettant de construire les grandes lignes de la théorie.33
32
L'un des passages les plus explicites sur ce point se trouve à la fin de la préface de l'édition
française de la Théorie de la justice (Rawls 1971: 13-14). A côté de la "démocratie de
propriétaires", le "socialisme libéral" constitue, aux yeux de Rawls, un candidat) plausible à la
réalisation optimale de ses principes de justice.
33 Sen (1980: sections 3-4; 1985: chap.7), Dworkin (1981b: section III) et Kolm (1985: chap.19)
peuvent être lus comme des tentatives de combler cette lacune.
23
L'anomalie ne vient pas non plus du fait que le principe de différence ne traite
pas seulement de la répartition des revenus. Nous venons de voir en effet que
les autres types d'avantages socio-économiques dont il traite - la richesse, le
pouvoir, les bases sociales du respect de soi - peuvent être compris comme
autant de dimensions de la liberté réelle. Ce qui en revanche fait problème
pour l'interprétation réal-libertarienne, c'est l'inclusion, dans le second
principe, d'un principe d'égalité des chances, auquel une primauté est même
accordée sur le principe de différence. Certes, les chances d'accès aux
positions sociales ne peuvent être ignorées par ceux que préoccupe la liberté
réelle. Mais alors pourquoi ne pas les soumettre elles aussi au principe de
différence, les inégalités ancrées dans l'origine sociale, la race, le sexe ou la
religion n'étant légitimes, comme les inégalités découlant de la distribution
des talents, qu'à la condition d'augmenter la liberté réelle de ceux qui en ont le
moins?
Les diverses anomalies mentionnées trouvent une explication lorsque
l'on prête attention à un important changement dans la manière dont Rawls
définit les biens premiers, c'est-à-dire les biens qui comptent aux yeux des
partenaires de la position originelle et dont les deux principes visent à définir
la juste répartition. Alors que dans la Théorie de la justice, Rawls (1971: 62/93,
92/122) caractérise les biens premiers comme "tout ce qu'on suppose qu'un
être rationnel désirera, quels que soient ses autres désirs", il les définit dans
ses textes plus récents comme les biens nécessaires à l'exercice et au
développement des deux pouvoirs spécifiques de la personnalité morale que
sont la capacité d'avoir un sens de la justice et celle d'adopter une conception
du bien, de la modifier et d'en poursuivre rationnellement la réalisation.34Ce
qui motive cette importante modification, c'est le souci de dériver de manière
plus satisfaisante la liste hiérarchisée de biens premiers qui constitue la trame
des principes de la justice, à partir de la définition explicite de ces biens ou, ce
qui revient ici au même, à partir de la caractérisation de la position originelle.
La nouvelle définition, plus complexe, est congruente avec le choix particulier
des libertés fondamentales affirmées par le premier principe, avec la place
34
Voir, par exemple, Rawls (1982: section III) et Rawls (1987: section 4B), mais surtout la
préface à l'édition française de la Théorie de la justice: "Les biens premiers sont à présent
définis par les besoins des personnes en raison de leur statut de citoyens libres et égaux, et en
tant que membres normaux et à part entière de la société durant toute leur vie. Les
comparaisons interpersonnelles que la justice politique peut être amenée à faire doivent l'être
en termes d'indice des biens premiers pour les citoyens, et ces biens sont considérés comme
des réponses à leurs besoins en tant que citoyens et non plus à leurs simples préférences et
désirs." (Rawls 1971: 11)
24
particulière faite, au sein du second principe, à l'égalité des chances (requise
notamment pour garantir "la juste valeur des libertés politiques égales"),
comme aussi, au niveau des implications institutionnelles, avec le privilège
accordé à la "démocratie des propriétaires".
Si par contre on reste fidèle à la définition initiale des biens premiers,
les deux principes ne peuvent pas conserver strictement la formulation que la
Théorie de la justice leur donne. Ils doivent être reformulés dans la voie réallibertarienne esquissée plus haut. Il s'en suivrait, par exemple, que le droit de
vote, qui fait partie des libertés fondamentales maximales de Rawls,
n'apparaîtrait plus parmi les biens dont la répartition est explicitement régie
par les principes de justice. Si le suffrage universel reste une composante
essentielle de toute structure de base juste, ce serait alors pour la raison
instrumentale qu'il constitue, de facto, une condition nécessaire pour que les
intérêts des plus défavorisés soient structurellement pris en compte.35 Les
chances, d'autre part, perdraient leur statut spécial, et s'ajouteraient
simplement aux autres composantes de la liberté réelle régies par le principe
de différence. La théorie de la justice prendrait dès lors la forme très simple
d'un principe requérant la même liberté formelle pour tous (la pleine
propriété de chacun par soi-même) et d'un principe requérant la liberté réelle
la plus grande possible pour tous (la maximisation de la valeur minimale de
l'index des autres biens premiers - biens premiers naturels, chances, revenu,
richesse, pouvoir, bases sociales du respect de soi).36
A strictement parler, c'est cette théorie "réal-libertarienne" (solidaire de
la définition initiale, purement "psychologique", des biens premiers), et non la
théorie explicitement énoncée par les deux principes (avec laquelle la
définition nouvelle, résolument "politique", des biens premiers restaure la
cohérence), qui a été défendue plus haut contre les objections centrales de
Nozick. Tous les arguments utilisés, cependant, restent pertinents pour
protéger contre les attaques des libertariens le "second Rawls", celui de la
définition "politique". Pertinents, mais insuffisants. Car pour défendre contre
Nozick ce Rawls plus subtil, le seul recours à la liberté réelle au sens adopté
35
Je reviens plus systématiquement sur la nature des relations entre justice et démocratie
dans la section 10.9 ci-dessous.
36 A noter que, dans cette perspective, il n'est pas évident que le premier principe doive avoir
sur le second une priorité absolue. L'obligation d'assistance à personne en danger, par
exemple, ne pourrait-elle pas être justifiée comme une restriction légère de la liberté formelle
permettant de préserver la liberté réelle de quelqu'un qui risque de la perdre entièrement?
25
ici est, par définition, trop court. Il faudra donc, dans ce cas, une seconde
manche - dont je ne suis pas sûr qu'elle puisse être gagnée.
26
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