Philippe Van Parijs La pensée de John Rawls face au défi libertarien∗ Chapitre 8 de Ph. Van Parijs, Qu’est-ce qu’une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Paris: Seuil, 1991, pp. 190-219. Texte modifié d'une communication au Colloque "La théorie de la justice de John Rawls" organisé à Paris en mars 1987 par l'Association française de philosophie du droit et le Centre de Recherche en Epistémologie Appliquée. Une version antérieure en a été publiée sous le titre "Liberté formelle et liberté réelle. La critique de Rawls par les libertariens", dans la Revue Philosophique de Louvain (Louvain-laNeuve) 86, février 1988, et, sous une forme écourtée, dans Individu et justice sociale (C. Audard, J.P. Dupuy & R. Sève eds.), Paris: Le Seuil ("Points"), 1988. 8.1. Liberté et propriété: Nozick contre Rawls La liberté - la liberté de chacun de mener sa vie comme il l'entend - est la seule valeur qui importe, ou du moins la seule qui importe lorsqu'il s'agit de définir la structure de base de la société: tel est le noyau de la position libertarienne.1 Souvent exprimé sous la forme négative d'un principe de nonagression ou de non-interférence, ce noyau fait nécessairement appel à une notion de propriété. Sauf harmonie préétablie, en effet, une société dont les membres seraient libres de faire tout ce qu'ils veulent est un non-sens. Ma liberté de manipuler cette pipe se heurte à votre liberté de la fumer; ma liberté d'épouser, mettons, Catherine Deneuve se heurte à sa liberté de me préférer qui sait? - Jean-Paul Belmondo. Pour rendre cohérente l'idée d'une société libre - d'une société d'hommes et de femmes libres -, il est impératif de rendre les libertés compatibles en définissant des territoires au sein desquels chaque ∗ Je remercie vivement Nick Booth, Alain Boyer, Ronald Dworkin, Claude Gamel, Serge Kolm, et tout particulièrement John Rawls, pour d'utiles et stimulantes remarques. 1 En voici deux formulations typiques: "L'idée centrale du libertarisme est qu'il faut permettre aux gens de mener leur vie comme ils le souhaitent." (Friedman 1973: xiii); et "La foi libertarienne repose sur un axiome central: qu'aucun homme ou groupe d'hommes ne peut agresser la personne ou la propriété d'autrui." (Rothbard 1973: 23). 1 liberté particulière peut s'exercer souverainement. C'est ce que réalise le système des droits de propriété: droit de propriété de chacun sur son propre corps, et droits de propriété sur des objets extérieurs acquis (ou créés à partir d'objets acquis) en vertu de leur transfert volontaire de la part de la personne qui en était antérieurement propriétaire. Pareille conception est parfaitement cohérente. Mais elle est incomplète sur un point crucial. Il existe en effet - ou à tout le moins il a existé - des objets qui ne sont la propriété d'aucun être humain: ce sont les ressources naturelles. Tous les objets existants sont même faits, en dernier ressort, d'objets de ce type. Une formulation adéquate de la position libertarienne exige dès lors que l'on dise comment il est possible de devenir le propriétaire d'un objet qui n'était auparavant la propriété de personne. C'est le problème notoire de l'appropriation originelle, auquel les libertariens ont apporté des réponses divergentes. Certains, comme Murray Rothbard et Israel Kirzner, adoptent simplement le principe First come, first served. L'appropriation d'une ressource naturelle est assimilée à une création ex nihilo, et quiconque a le premier l'idée et la possibilité de s'approprier un objet naturel quelconque (qu'il s'agisse de la lune, d'une gazelle ou d'une molécule d'oxygène) en devient aussitôt, et sans condition aucune, le légitime propriétaire. D'autres, comme Robert Nozick ou Baruch Brody, se rallient au principe précédent, mais en s'inspirant de Locke et de Fourier pour l'assortir de ce qu'il est convenu d'appeler une clause lockéenne: l'appropriation originelle n'est légitime que si ceux qui n'en profitent pas (directement ou indirectement) perçoivent une compensation leur assurant le niveau de bien-être dont ils auraient joui en l'absence d'appropriation (Nozick), voire même une participation équitable aux gains découlant de chaque appropriation (Brody). Enfin, Hillel Steiner et les "libertariens de gauche" réactivent la tradition de Thomas Paine et Henry George en affirmant le droit de chacun à une part égale des ressources naturelles et donc, lorsque celles-ci font l'objet d'appropriations privées, le droit de chacun à une part égale de la contribution au produit national (ou mondial) du facteur ressources naturelles - la distribution de ce qui est attribuable au travail et au capital restant par ailleurs intégralement régie par le jeu des transactions volontaires.2 2 Pour une présentation critique de ces diverses solutions libertariennes au problème de l'appropriation originelle, voir les sections 6.4 et 6.5 ci-dessus. 2 Quelle que soit la réponse qu'ils apportent à cette question de l'appropriation des ressources naturelles, le principe central auquel les libertariens adhèrent les conduit inéluctablement aux implications politiques suivantes. Ils considèrent comme une répression inadmissible toute forme de législation sur les relations sexuelles entre adultes consentants, sur la pornographie, sur les associations politiques non criminelles, de même que toute restriction à l'immigration. Ils voient dans le service militaire ou civil une variété contemporaine de l'esclavage. Ils assimilent à un vol - d'autant plus grave qu'il est perpétré par l'Etat - toute forme d'intervention publique ou de taxation motivée par des objectifs d'efficience ou d'équité. Et ils considèrent de ce fait que le seul régime socio-économique admissible aujourd'hui est l'anarcho-capitalisme - un régime de marché pur où toute institution publique est abolie - ou du moins le capitalisme radical - qui diffère du précédent en ceci qu'il est doté d'un Etat minimal chargé, par ses tribunaux et ses prisons, sa police et son armée, et éventuellement quelques transferts correcteurs, de protéger les droits de propriété des individus et de rectifier, le cas échéant, les violations qui auraient eu lieu. Pas question donc pour l'Etat d'intervenir pour assurer l'égalité des chances ni pour améliorer le sort des plus défavorisés. Cette dernière remarque suffit à indiquer combien est grande la distance, au niveau des implications politiques, entre la position libertarienne et celle de John Rawls. Pour localiser schématiquement la source de cette différence, on pourrait dire que les libertariens gonflent le domaine auquel s'applique le premier principe de Rawls (attribuant à chacun des libertés fondamentales maximales) au point de ne laisser subsister aucun espace libre auquel puisse s'appliquer son second principe (exigeant la juste égalité des chances et l'optimisation du sort des plus défavorisés) ou tout autre principe de justice distributive. Si les libertariens adhèrent aux libertés fondamentales affirmées par le premier principe - qui ne font pour la plupart qu'énoncer divers aspects de la propriété de chacun par soi-même -, ils déplorent en revanche que le droit de détenir de la propriété personnelle - figurant lui aussi parmi les libertés fondamentales qu'énumère le premier principe - n'ait pas reçu la formulation à la fois précise et générale qu'il trouve dans leurs propres théories. A leurs yeux, il y a une tension, voire une incohérence, entre le souci de la liberté individuelle exprimé dans la priorité absolue que Rawls attribue au premier de ses principes et l'oppression de l'individu par la collectivité indissociablement liée à l'application du second. 3 Pour préciser cette critique et examiner ce que Rawls peut y répondre, je partirai de l'écrit qui l'a articulée de la manière la plus pénétrante, la plus élégante et la plus influente, Anarchie, Etat et Utopie de Robert Nozick, dont la deuxième partie consiste pour l'essentiel en une critique de la théorie de la justice de Rawls. Je me concentrerai ici sur les deux points centraux de cette critique, ceux dont la validité impliquerait effectivement l'incohérence de la position de Rawls, ceux aussi dont la réfutation convaincante est susceptible de porter à la position libertarienne un coup mortel.3 8.2. L'objection "Wilt Chamberlain" La première de ces deux critiques ne concerne pas spécifiquement la théorie de Rawls, mais bien l'ensemble des théories de la justice qui, au contraire des théories libertariennes, ne font pas de la justice une pure affaire de non-violation de droits, et donc de "pedigree", d'histoire, ou encore d'entitlement. Ces théories, que j'appellerai, pour faire bref, traditionnelles, peuvent être de type configurationnel (patterned) - par exemple "A chacun selon ses mérites", "A chacun selon ses besoins" ou "A chacun la même chose" - ou de type final (end state) - par exemple l'utilitarisme ou le principe de différence de Rawls. Mais elles tombent toutes sous le coup de la critique que Nozick formule sur la base du célèbre exemple du joueur de basket Wilt Chamberlain.4 Voici, très brièvement, de quoi il s'agit. Partons d'une situation supposée conforme au principe de justice adopté, par exemple le principe de différence. Tous les individus y sont donc les légitimes propriétaires de ce qu'ils possèdent. Par suite, ils peuvent, semble-t-il, faire de ce qu'ils possèdent l'usage qu'ils souhaitent, pourvu bien sûr qu'ils n'enfreignent pas les droits d'autrui. Ils peuvent par exemple en consacrer une petite partie au billet qui leur permettra, de semaine en semaine, de voir jouer l'époustouflant Wilt Chamberlain. Celui-ci, cela va sans dire, perçoit une part non négligeable de la recette qu'apporte à son club la foule qu'il attire. Quel que soit le principe traditionnel de justice au nom 3 Pour un inventaire et une discussion moins sélectifs des objections que Nozick adresse à Rawls, voir notamment, en anglais, van der Veen (1978), Phillips (1979: chap.3), Goldman (1980) et Sandel (1982: chap.2); en néerlandais, Lehning (1986: chap.17); en français, Livet (1984). 4 Déjà évoqué à deux reprises dans ce recueil (sections 1.3 et 6.3). 4 duquel on a convenu de décréter juste la distribution initiale, on conçoit aisément que, sauf hasard extraordinaire, ce principe se trouvera rapidement violé en conséquence directe de ce que les individus choisissent de faire avec ce que ce même principe leur a attribué. Nozick (1974: 163/204) conclut5: "Aucun principe de justice final ou configurationnel ne peut être réalisé de manière continue sans interférence continue avec la vie des personnes", c'està-dire sans une intervention incessante de la collectivité pour limiter ce que les individus peuvent faire ou corriger les effets de ce qu'ils font.6 Pour une théorie, comme celle de Rawls, qui prétend donner à un principe de liberté une primauté absolue, pareille implication ne peut manquer d'être embarrassante. Rawls, cependant, nie que sa théorie ait pareille conséquence. Dans un texte où la référence à cette objection est transparente même si Nozick n'y est pas nommément cité, il rétorque: "Il n'y a pas d'interférence non annoncée ou imprévisible avec les anticipations et les acquisitions des citoyens. Les titres (entitlements) sont mérités et honorés [dans une société régie par les principes de la justice] conformément à ce que décrète le système public de règles. Taxes et restrictions sont toutes prévisibles en principe, et les avoirs sont acquis sous la condition connue que certains transferts et redistributions seront effectués. L'objection selon laquelle le principe de différence ordonne des corrections continuelles de distributions particulières et une interférence capricieuse avec les transactions privées repose sur un malentendu." (Rawls 1978: 65) Plus récemment, Rawls précise encore: "Dans le cadre de justice constitué par la structure de base, les individus et les associations peuvent faire ce qu'ils veulent dans les limites fixées par les règles. Notez que des distributions particulières ne peuvent pas 5 Comme dans le chapitre 6, les références au texte de Nozick renvoient respectivement aux éditions anglaise et française. 6 Cette objection généralise la vieille critique adressée par Hume (1751: 194) à l'égalitarisme: "Rendez les possessions aussi égales que vous le voudrez, la diversité des degrés de talent, de soin et d'activité qui caractérisent les hommes vont rompre immédiatement cette égalité. [...] L'inquisition la plus rigoureuse est également requise pour surveiller toute inégalité dès qu'elle apparaît; et la juridiction la plus sévère est nécessaire pour la châtier et pour l'éliminer." Elle a été abondamment relayée dans la littérature dite "néo-libérale". Parmi beaucoup d'autres, voir par exemple Buchanan & Lomasky (1985: 30-31): "La garantie d'un ordre permanent de stricte égalité économique requiert une interférence continuelle de la part d'institutions collectives. Les gens ne seront pas autorisés à entreprendre des activités qui conduisent à des différences d'accès aux biens économiques." 5 être jugées du tout en dehors des titres que les individus méritent par leurs efforts au sein du système de coopération dont ces distributions résultent." (Rawls 1990: section 13.2) Pareille réponse est en fait déjà contenue dans l'idée de "justice procédurale pure" présentée dans la Théorie de la justice.7 Dans la perspective de Rawls comme dans celle de Nozick, on peut dire qu'est juste toute répartition des biens primaires résultant de transactions volontaires effectuées par les individus dans les limites de leurs droits. C'est là ce qui fait de l'une et de l'autre des théories de la justice purement procédurales, ou encore des entitlement theories au sens où l'on ne peut juger de la justice d'une répartition qu'en fonction de son "pedigree". Dans l'exemple de Wilt Chamberlain, Rawls ne dit pas moins que Nozick que la collectivité n'a pas à interférer avec les transferts libres de droits de propriété de l'individu qui en jouit à d'autres individus. Il ne dit pas moins que Nozick que toute répartition, quelle qu'elle soit, est juste, pour autant que sa genèse ait été conforme au respect des droits spécifiés par la structure de base de la société. Entre justice distributive et liberté, le conflit fondamental allégué par Nozick n'existe donc pas.8 Où se situe alors la différence entre les deux théories - et, plus généralement, entre théories traditionnelles et purement historiques - que l'objection "Wilt Chamberlain" visait à exploiter? Cette différence transparaît par exemple lorsque Rawls (1987: 26-27) souligne qu'à strictement parler sa conception de la justice constitue une conception procédurale pure ajustée, des ajustements de la structure de base étant nécessaires pour préserver l'égalité des chances ainsi que "pour accroître la probabilité que les inégalités économiques et sociales contribuent efficacement [...] à profiter aux membres 7 Voir Rawls (1971: section 14). Il est important de distinguer les deux sens logiquement indépendants dans lesquels la théorie de Rawls est "purement procédurale": (1) Est défini comme un principe de justice tout principe sur lequel s'accorderaient des personnes placées dans la position originelle; (2) Est définie comme juste toute répartition de biens primaires engendrée dans le cadre d'une structure de base conforme aux principes de justice adoptés. Seul ce second sens - qui coïncide, comme on le verra, avec le sens le plus faible auquel on peut parler d'entitlement theory - est pertinent dans le contexte présent. 8 Ceci n'exclut pas qu'à un niveau moins fondamental il puisse exister un conflit entre la liberté et certaines conceptions de la justice distributive lorsque l'on impose une contrainte d'efficience. Il se peut par exemple qu'une société égalitaire ne puisse atteindre un niveau minimal de production que moyennant le recours au travail forcé. Mais d'abord il s'agirait alors d'un conflit beaucoup plus contingent que celui allégué par Nozick. En outre, c'est précisément pour tenir compte de ce conflit potentiel que la conception de la justice distributive exprimée par le principe de différence diverge de l'égalitarisme. 6 les moins avantagés de la société". Ces ajustements, certes, "n'impliquent pas davantage d'interférence continue et régulière avec les plans et actions des individus que les formes familières de taxation", et ils restent dès lors compatibles avec l'idée, commune à Rawls et à Nozick, que la justice d'une répartition est pure affaire de "pedigree". Mais ils n'en trahissent pas moins une différence fondamentale entre les deux théories. Si des ajustements sont nécessaires, c'est que le choix de la structure de base obéit chez Rawls à une logique conséquentialiste.9 Le contenu même de ses principes de justice implique en effet qu'une structure de base ne sera juste que si elle conduit à des conséquences d'un certain type quant à la répartition des chances et des avantages socio-économiques. Pour Nozick et les libertariens, en revanche, la structure des droits de propriété juste est ce qu'elle est pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les conséquences qui en découlent quant à la répartition de ces biens sociaux premiers. Leurs théories constituent des théories purement historiques, des entitlement theories en un sens où la théorie de Rawls n'en est pas une.10 Le problème, dès lors, se trouve déplacé au niveau du choix de la structure de base. Ce que Nozick doit faire, c'est justifier la structure particulière des droits de propriété que sa théorie propose. Pour atteindre cet objectif, il serait bien sûr mal inspiré de recourir à la méthodologie de la position originelle. Car dans la position originelle, dit Nozick, les dés sont 9 A strictement parler, cette logique n'est que partiellement conséquentialiste dans la "conception spéciale" de la justice (dans les limites de laquelle la majeure partie du livre de Rawls se meut), le respect des libertés fondamentales maximales y étant exigé quelles que soient les conséquences qui en découlent. Mais elle est intégralement conséquentialiste dans la "conception générale" de la justice, qui diffère de la première par la levée de l'ordre lexicographique entre les principes. Voir Rawls (1971: section 11). 10 Pour une discussion plus approfondie de ce point crucial, voir van der Veen & Van Parijs (1985: section 1). A noter que la question de savoir si le système des droits de propriété est justifié de manière conséquentialiste (comme chez Rawls) ou non (comme chez les libertariens) est distincte de la question de savoir si ces droits sont compatibles avec une taxation légitime (comme chez Rawls et certains libertariens dont Nozick) ou s'ils sont au contraire absolus (comme chez les libertariens qui n'assortissent l'appropriation originelle d'aucune condition). Si par l'exemple de Wilt Chamberlain, Nozick veut suggérer que la liberté exige l'existence de droits de propriété absolus en ce sens (c'est ainsi que l'interprètent Nagel 1975:201-202 et Cohen 1977:13, par exemple), alors il est particulièrement mal pris, puisque sa propre théorie, en raison de la clause lockéenne qui y figure, ne confère pas aux droits de propriété pareille absoluité. (Voir les sections 6.3 et 6.4 ci-dessus pour une discussion de ce point.) Pour être purement historique (au sens faible), cependant, et donc pour considérer comme juste tout résultat de transferts volontaires de droits de propriété légitimement détenus, une théorie de la justice n'a nul besoin de droits de propriété absolus. 7 pipés.11 Tel que le problème y est posé, le choix est restreint à des principes conséquentialistes. Et il ne peut dès lors s'agir que de choisir une structure de base en fonction des conséquences qu'elle a, en tenant précisément pour acquis qu'il n'existe aucun titre, aucun "entitlement" préalable à la position originelle et contraignant, voire annulant, de ce fait la marge de manoeuvre dont disposent les contractants pour répartir au mieux de leurs intérêts (anonymisés par le voile d'ignorance) les biens sur lesquels porte la théorie de la justice. Pour les libertariens, en revanche, il existe de tels titres, qui traduisent l'inviolabilité des personnes et entretiennent par conséquent une relation intime avec la valeur, pour eux centrale, de liberté. Ce sont ces titres que Nozick reproche à Rawls de bafouer en ouvrant un large espace à l'application de son second principe, et en particulier du principe de différence. 8.3. L'objection des talents Ceci nous conduit directement à la seconde critique centrale que Nozick adresse à Rawls. Dans la Théorie de la justice, celui-ci résume sa présentation du deuxième principe par cette phrase qui a choqué Nozick: "Le principe de différence représente, en réalité, un accord pour considérer la répartition des talents naturels comme une dotation commune et pour partager les bénéfices de cette répartition, quelque forme qu'elle prenne." (Rawls 1971: 101/132)12 Cette conception semble se justifier, aux yeux de Rawls, par le fait que les talents innés ne sont pas mérités par ceux qui en sont dotés et qu'ils constituent de ce fait un facteur d'inégalité moralement arbitraire: 11 Voir Nozick (1974: 226-7/279-80). Dans la même veine, Mack (1983: 147) soutient qu'est irrémédiablement vouée à l'échec la tentative faite par Steiner (1981) pour fonder sur un argument contractuel une combinaison purement historique de la justice combinant pleine propriété de soi et droit égal aux ressources non-humaines. 12 Voir aussi Rawls (1971:179/209). Comme dans le chapitre 3 ci-dessus, les deux numéros de pages séparées par un trait oblique renvoient respectivement aux éditions anglaise et française de la Théorie de la justice. Dans toutes les autres citations, je suivrai strictement l'excellente traduction de Catherine Audard. Dans ce cas, cependant, la traduction qu'elle propose ("... pour considérer la répartition des talents naturels comme un atout pour toute la collectivité, dans une certaine mesure, et pour partager l'accroissement des avantages socioéconomiques que cette répartition permet par le jeu de ses complémentarités") suggère qu'il s'agit ici d'un des passages que Rawls a modifiés postérieurement à l'édition originale (qui dit "...to regard the distribution of natural talents as a common asset and to share in the benefits of this distribution whatever it turns out to be"). 8 "Personne ne mérite ses capacités naturelles supérieures ni un point de départ plus favorable dans la société." (Rawls 1971: 102/132) Antérieurement, Rawls avait déjà rejeté le "système de la liberté naturelle", qui combine une égalité purement formelle des chances et le recours à un marché efficient, en notant "Intuitivement, l'injustice la plus évidente du système de la liberté naturelle est qu'il permet que la répartition soit influencée de manière indue par des facteurs aussi arbitraires d'un point de vue moral [que les inégalités de talents]." (Rawls 1971: 72/103) Bien sûr, répondent Nozick et les libertariens, nous ne méritons pas les talents avec lesquels nous sommes nés. Bien sûr, la possession de ces talents est moralement arbitraire. Il n'en reste pas moins que nous en sommes les pleins et légitimes propriétaires - et que nous devons l'être pour que soit garantie l'inviolabilité individuelle essentielle à notre liberté. Rawls lui-même ne présente-t-il pas comme centrale à son approche et au coeur de son rejet de l'utilitarisme la seconde formulation de l'impératif catégorique kantien, qui exige de ne jamais traiter un être humain comme un simple moyen? "Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice, qui, même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, ne peut pas être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de liberté de certains puisse être justifiée par l'obtention par d'autres d'un plus grand bien. Elle n'admet pas que les sacrifices imposés à un petit nombre puissent être compensés par l'augmentation des avantages dont jouit le plus grand nombre." (Rawls 1971:3-4/29-30) Cette idée, Nozick la reprend intégralement à son compte: "Aucun acte de compensation morale ne peut avoir lieu entre nous; une de nos vies ne peut peser d'un poids moindre que d'autres de manière à conduire à un bien social plus grand. Il n'y a pas de sacrifice justifié de certains d'entre nous au profit d'autres." (Nozick 1974: 33/53; c'est lui qui souligne.)13 Mais fort loin de s'exprimer, comme Rawls le prétend (1971: 179-181/209-211), dans le choix de ses deux principes, pareille reconnaissance de la séparation 13 On peut parler ici, comme le fait Jean-Pierre Dupuy (1986: section 4.1), d'un "principe antisacrificiel" commun à Rawls et Nozick, pourvu que l'expression ne suggère pas une interprétation trop restrictive. Dans la version de Nozick, par exemple, il ne s'agit pas seulement de prohiber le sacrifice de boucs émissaires, mais toute atteinte, si mineure soitelle, à la libre disposition de soi (le port de la ceinture de sécurité, le devoir d'assistance à personne en danger?), et cela quel que soit le bénéfice social qui puisse en résulter. 9 des personnes équivaut, aux yeux de Nozick, à la reconnaissance de la pleine propriété de chacun par soi-même. Peu importe alors que nous ayons ou non mérité d'être ce que nous sommes - et notamment d'avoir les talents que nous avons. Utiliser un individu talentueux, utiliser ses talents pour le bien commun ou pour le bien des plus défavorisés, considérer les talents comme une dotation collective, est totalement illégitime pour quelqu'un qui prend au sérieux la liberté, et donc l'inviolabilité des personnes. C'est très exactement tomber dans le travers que Rawls reproche aux utilitaristes. Pour permettre de concilier la propriété privée de chaque personne (par soi-même) et la propriété collective de ses talents, Nozick envisage que l'on puisse songer à distinguer si bien une personne et ses talents qu'en dépossédant celle-là de ceux-ci on ne la dépossède pas pour autant d'ellemême. Pareille solution lui paraît cependant intenable. Elle compromet en effet l'effort fait par Rawls pour dégager l'approche kantienne d'une conception du sujet totalement désincarnée. Mais surtout elle vide de toute signification la notion même de propriété de soi-même. Que me reste-t-il lorsque je suis dépossédé de tous mes talents ou, ce qui revient au même, lorsque je suis affecté de tous les handicaps imaginables? Quel intérêt cela peut-il avoir pour moi de ne pas être utilisé par d'autres comme un pur moyen, si tous mes talents peuvent l'être?14 C'est sur ce point, qu'il estime fatal, que se clôt la discussion de Rawls par Nozick. Pour lui la cohérence avec la maxime kantienne exige que l'on se refuse à considérer les talents comme une dotation commune, et donc que l'on prive de champ d'application le principe de différence et tout autre principe configurationnel ou final, pour adopter une entitlement theory au sens fort du type de la sienne. Dans le livre qu'il a consacré à la théorie de Rawls, Michael Sandel soutient pour sa part qu'il existe une manière - une seule - d'échapper à cette conclusion. Mais elle implique le renoncement à l'individualisme que Rawls partage avec Nozick, pour faire droit à une conception communautaire, intersubjective du sujet. 14 Voir Nozick (1974: 228/281). La question n'est pas ici de savoir si cela peut avoir un sens de distinguer conceptuellement une personne et ses talents. Ronald Dworkin (1981b: 301-3), par exemple, soutient que les "circonstances" distinguables de l'identité d'une personne n'incluent pas seulement les possessions matérielles de celle-ci, mais aussi ses talents et même certains de ses désirs (par exemple, une libido immodérée qui ferait obstacle à la réalisation de ce qu'elle désire faire de son existence). La question pertinente est de savoir sur quels attributs de la personne il nous faut lui donner un plein droit de propriété pour traduire l'exigence, commune à Rawls et aux libertariens, de l'inviolabilité de la personne. 10 "Que le principe de différence contraigne Rawls à adopter une conception intersubjective que par ailleurs il rejette, semble être la seule manière d'échapper aux difficultés soulevées par Nozick. [...] Si le principe de différence doit éviter d'utiliser certaines personnes comme des moyens pour les fins d'autres personnes, ce ne peut être possible que dans des circonstances où le sujet de la possession est un 'nous' et non un 'moi' [...]." (Sandel 1982: 80) Sandel note que pareille réinterprétation s'accommoderait bien de la conception de la personne que suggère le traitement par Rawls des "communautés sociales" (social unions), c'est-à-dire la famille et ces autres associations volontaires dont les membres "participent à la nature les uns des autres" et se réalisent eux-mêmes dans des activités conjointes (Rawls 1971: section 79). Mais elle n'en impliquerait pas moins une révision radicale de son cadre de pensée. Pour Sandel, les libertariens ont raison d'affirmer que la pleine propriété de chacun par soi-même est incompatible avec la propriété commune des talents présupposées par le deuxième principe. La position "libérale" (au sens américain du terme) magistralement articulée par Rawls ne constitue en fin de compte qu'un amalgame bancal de deux composantes incompatibles. 8.4. La solution de Rawls Pour sauver l'inviolabilité du sujet face à la menace présentée par son second principe, Rawls est-il effectivement contraint soit, comme l'envisage Nozick, de désincarner son sujet, soit, comme l'y invite Sandel, à le communautariser? Chacune de ces deux solutions ayant des implications douloureuses pour les fondements mêmes de son approche, Rawls se doit de les rejeter l'une et l'autre. C'est ce qu'il fait sans ambiguïté lorsqu'il affirme dans un article postérieur à la Théorie de la justice: "Nous avons droit à nos capacités naturelles et à tout ce dont nous devenons propriétaires (become entitled) en prenant part à un processus social équitable." (Rawls 1978: 65) Le "nous" étant ici manifestement entendu en un sens distributif et non collectif, la réinterprétation de Sandel n'est pas moins exclue par ce passage que la solution envisagée par Nozick. Mais comment réconcilier pareil texte avec celui dont Nozick était parti pour mettre en lumière ce qui lui semble être le talon d'Achille de la position de Rawls? 11 A le lire attentivement, Rawls n'affirme nulle part que les talents constituent une dotation commune, mais bien que la répartition des talents peut être considérée comme une dotation commune. Nozick, Sandel et, à ma connaissance, tous les autres interprètes des passages pertinents de la Théorie de la justice ont rapidement glissé de la deuxième affirmation à la première. Et je serais encore parmi eux si un texte plus récent ne m'avait ouvert les yeux sur ce point: "Notez que ce qui est considéré comme une dotation commune est la distribution des dons innés et non nos dons innés. Ce n'est pas comme si la société possédait les dons des individus pris séparément, en regardant les individus un à un. Au contraire, la question de la propriété de nos dons ne se pose pas, et si elle se posait, [il faudrait répondre que] ce sont les personnes elles-mêmes qui sont les propriétaires de leurs dons: l'intégrité psychologique et physique des personnes est déjà garantie par les droits et libertés dont traite le premier principe." (Rawls 1990: section 21.3) On ne pourrait souhaiter une réaffirmation plus claire de la propriété intégrale de chaque individu par lui-même, ni donc un rejet plus catégorique de la solution évoquée par Nozick comme de celle défendue par Sandel. Mais comment Rawls fait-il alors pour éviter de devoir se replier sur la position libertarienne - ce à quoi Nozick et Sandel estiment tous deux que ce rejet le contraint? Comment évite-t-il de devoir renoncer, faute de marge de manoeuvre, au second principe, la propriété de tout le produit social étant déjà déterminée par l'application du premier? Précisément en disant que c'est la répartition des talents, c'est-à-dire leur variété qualitative (illustrée par l'exemple de l'orchestre) et quantitative (appréhendée par la théorie ricardienne des avantages comparatifs), qui "peut être considérée comme une dotation commune, parce qu'elle rend possible de nombreuses complémentarités entre talents lorsque ceux-ci sont organisés de manière à ce que l'on tire profit de ces différences." (Rawls 1990: section 21.3) Cette parade permet à Rawls d'échapper aux crocs de Nozick. Mais il n'est peut-être pas encore sorti de ses griffes. Au commencement de sa discussion de Rawls, en effet, Nozick (1974: 183-5/229-31) met en lumière une importante ambiguÔté directement pertinente pour notre propos, quant à la 12 définition de l'objet même de la théorie de la justice. Les principes de la justice sociale, dit Rawls, "fournissent un moyen de fixer les droits et les devoirs dans les institutions de base de la société et ils définissent la répartition adéquate des bénéfices et des charges de la coopération sociale." (Rawls 1971: 4/30-1) Mais, demande Nozick, en quoi consistent exactement les avantages de la coopération sociale? Où s'arrête le gâteau social que le second principe a pour objet de répartir équitablement? Ce gâteau inclut-il tout ce que la société produit ou seulement la part spécifiquement attribuable à la coopération entre individus?15 L'énoncé du principe de différence, qui parle de revenus et de richesses sans introduire aucune restriction, suggère que c'est la première réponse qui doit être retenue. L'adhésion stricte à la formulation de l'objet de la théorie de la justice rappelée plus haut exige au contraire, selon Nozick, que l'on retienne la deuxième réponse et donc que l'on restreigne substantiellement le champ d'application du second principe. Tant la production d'un individu isolé que la part de ce qu'il produit en coopération qu'il pourrait produire seul, devraient en effet être soustraites à la juridiction de ce principe. Or la stratégie adoptée par Rawls pour nier que le principe de différence implique la collectivisation des talents - sa solution au dilemme présenté par Nozick et Sandel - implique non seulement que cette seconde réponse est correcte, mais même que le champ d'application du principe de différence doit être encore réduit pour ne couvrir que ce qui est dû à un type particulier de coopération. Pour clarifier ce point, imaginons une société composée d'un individu valide et d'un invalide. Chacun d'entre eux a droit, selon Rawls, à ses talents et aux avantages qui en découlent, mais pas aux avantages découlant de la variété (qualitative et quantitative) de leurs talents. Le valide a donc droit (au moins) à la part du produit total qu'il aurait pu produire avec ses seuls talents (et les ressources extérieures qui lui reviennent en vertu du principe de juste égalité des chances). Et il en va de même de l'invalide, si tant est que seul il aurait pu produire quoi que ce soit. Ce qui 15 Cette interrogation, reprise par Gauthier (1986: chap. VIII) et Barry (1989: chap. 5 et 6), met le doigt, selon ces auteurs, sur une ambiguïté centrale dans la formulation du projet rawlsien. Celui-ci s'inscrit-t-il, comme celui du premier, dans une tradition (hobbesienne) concevant la justice sur le modèle du partage équitable d'un surplus coopératif, ou plutôt, comme celui du second, dans une tradition (kantienne) rapportant la justice à l'universalisabilité? Cette distinction est présentée et discutée dans les sections 10.2 à 10.6 ci-dessous. 13 reste alors à distribuer de manière à profiter au plus défavorisé, ce ne sont que les avantages, très probablement minimes, résultant de la coopération ellemême. On voit donc combien le principe de différence, dûment reformulé pour prendre en compte les précisions de Rawls, a des conséquences profondément différentes de celles qui lui sont habituellement attribuées et différant à peine, dans un cas comme celui-ci, de celles qu'aurait la position libertarienne. Les sociétés réelles, bien entendu, ne ressemblent guère à la société fictive que je viens de décrire, et l'on pourrait peut-être argumenter que dans le monde réel ce qui est dû à la coopération entre les hommes - en ce compris l'existence même du langage et de la culture - domine si massivement ce que chacun d'eux pourrait produire avec ses seuls talents, que la restriction du champ d'application du second principe au seul produit de la coopération sociale ne revêt une signification quelconque que pour ceux qui s'évertuent à couper les cheveux en quatre. Sans être dépourvue de pertinence, cette réponse reste inadéquate. D'une part, en effet, ce que la solution de Rawls nous autorise à considérer comme une dotation commune est constitué de la seule répartition des talents, c'est-à-dire leur variété qualitative et quantitative. Les avantages associés à la simple addition de talents - les économies d'échelle - ne font donc pas partie de ce dont le principe de différence peut régir la répartition. D'autre part, à supposer même que Rawls lève cette restriction et permette de considérer comme dotation commune le produit de toute coopération quelle qu'elle soit, la restriction du champ d'application du principe de différence n'en devient pas pour autant anodine. Car des individus peuvent former des coalitions. Et si le valide de tout à l'heure a droit à tout ce qu'il peut produire seul, pourquoi la coalition de tous les valides, par exemple, n'aurait-elle pas droit à tout ce qu'elle peut produire sans la coopération des invalides?16 La solution que Rawls offre pour réconcilier propriété de soi-même et principe de différence se heurte donc à une sérieuse difficulté. Non seulement le champ d'application du principe de différence devient une affaire 16 C'est précisément un argument de ce type que James Buchanan (1985: 8-16) utilise pour inférer du droit d'"exit interne" de toute coalition de citoyens à l'existence d'étroites limites éthiques à toute politique de redistribution: le champ d'application du principe de différence ou de tout autre principe structurel de justice distributive se limite, selon lui, à la différence entre le revenu brut perçu par une catégorie et le revenu qu'elle pourrait percevoir si elle se constituait en entité politique autonome, ne retirant de la société d'origine aucun avantage (autrement que par le commerce) et n'étant soumise à aucun prélèvement de sa part. 14 extrêmement compliquée. Mais ce champ ne correspond plus, selon toute vraisemblance, qu'à une fraction très restreinte des avantages socioéconomiques potentiellement disponibles dans une société, et le principe de différence cesse donc d'être ce qu'on croit habituellement qu'il est: un principe qui, appliqué à une économie de marché, légitime une redistribution substantielle au profit des plus défavorisés. 8.5. Le scénario collectiviste Il existe cependant une quatrième solution, qui nous ramène à la question de l'appropriation originelle rapidement évoquée dans la présentation initiale de la position libertarienne.17 Les libertariens, on l'a vu, donnent à cette question des réponses divergentes, dont chacune peut être comprise comme une interprétation particulière de la thèse lockéenne selon laquelle "Dieu a donné aux hommes la Terre en partage".18 Pour Rothbard, cela signifie simplement que chacun peut se servir librement de ce dont personne ne s'est préalablement approprié. Pour Nozick, cela signifie que chacun peut se servir pourvu que le bien-être d'autrui ne s'en trouve pas 17 Je ne discute pas ici d'autres esquisses de solution à mes yeux moins prometteuses, que l'on peut trouver dans la littérature récente. Ainsi, Bruce Ackerman (1983: 65-66) critique la position de Charles Fried (1983:50) - très semblable sur ce point à celle de Nozick -, en notant que la transformation d'un talent en revenu monétaire est loin d'être immédiate et dépend fortement (1) de l'éducation dont ce talent bénéficie, (2) de la concurrence à laquelle il est soumis, et (3) de la richesse dont disposent ceux que ses services intéressent. Ainsi aussi, J.R. Kearl (1977), relayé par James Buchanan (1985: section III), suggère que la collectivité est en droit de s'approprier tout ce qui, dans le produit social, est attribuable à l'existence d'un cadre juridico-politique. Ces arguments ne sont pas sans intérêt. Mais si l'éducation, les conditions de concurrence et la richesse des usagers sont elles-mêmes le résultat de transactions volontaires entre individus possesseurs de leurs talents, on voit mal comment le fait (central dans l'argument d'Ackerman) que la possession d'un talent n'est pas le seul déterminant causal du revenu que le marché lui attribue peut à lui seul miner la prétention du possesseur du talent à l'intégralité de ce revenu. D'autre part, s'il est possible de soutenir que la contribution du cadre juridico-politique au produit social crée un potentiel pour l'appropriation collective et donc pour la redistribution légitime, ce potentiel est cependant limité, en raison de la liberté d'exit interne (voir note précédente) a déjà fait référence, aux rendements d'échelle associés à la production de pareil cadre. (Si un sous-ensemble des membres de la société pouvait se fournir à elle-même son cadre juridico-politique sans aucune perte d'efficience, l'argument de Kearl ne donnerait pas à la société globale le droit de prélever la moindre part de leur revenu.) 18 Locke 1690: 129 (section 25). Plus explicitement: "La Terre et tout ce qui s'y trouve sont donnés aux hommes pour le maintien et le confort de leur existence. [...] tous les fruits qu'elle produit naturellement et les animaux qu'elle nourrit appartiennent en commun à l'Humanité, puisqu'ils sont produits par la main spontanée de la nature et que personne ne jouit originellement sur aucun d'entre eux d'un empire privé excluant les autres hommes." 15 détérioré. Et pour Steiner, cela signifie que chacun a droit à une part égale des ressources naturelles (ou du moins à une part égale de la valeur qu'elles auraient dans un marché de concurrence parfaite). Confrontés à ces trois interprétations possibles, nous avons déjà l'embarras du choix. Mais rien ne nous oblige à nous arrêter en si bon chemin. Dire que la Terre est à tout le monde pourrait tout aussi bien signifier, pour reprendre la suggestion de G.A. Cohen, qu'elle est la propriété conjointe, publique de tous.19 Par rapport à chaque individu pleinement propriétaire de lui-même, la collectivité se trouve alors dans une situation de monopole unilatéral. Elle est donc en position d'imposer ses conditions à chaque individu et en particulier de s'approprier, à la limite, la totalité du produit conjoint des ressources naturelles qu'elle contrôle et du travail humain que fournissent les individus.20 Même si Wilt Chamberlain est le plein propriétaire de lui-même, y-compris de ses talents, les biens qu'il produit - en l'occurrence ses performances sportives - n'en seraient pas moins propriété collective, puisqu'ils ne sont productibles qu'en puisant sur des ressources naturelles incorporées dans le ballon de Wilt, dans ses chaussures, etc. - qui font l'objet d'un monopole collectif. (Même si Wilt jouait au basket tout nu et sans ballon, Wilt ne pourrait encore fournir ses services que grâce au sol sur lequel il bondit, à l'air qu'il inhale, aux aliments dont ses tissus dérivent toute leur substance.) Pour écarter ce scénario collectiviste, qui ne peut manquer de les faire frémir, les libertariens n'ont pas l'embarras du choix. Ils ne peuvent en effet se contenter de répondre qu'il s'agit là d'une conception purement arbitraire de l'appropriation des ressources naturelles. Cette conception n'est certes qu'une interprétation parmi d'autres, mais pas moins plausible que les autres, de l'idée que, si chaque individu appartient à lui-même, la Terre, en revanche, appartient à tous. Les libertariens, en outre, ne peuvent pas reprocher à ce scénario que la collectivité s'y attribue une part du produit excédant massivement la valeur des ressources naturelles (donnée, par exemple, par leur productivité marginale) et privant de ce fait les individus de ce qui leur 19 C'est le joint ownership, qu'il oppose, sans pour autant le défendre, au common ownership de Nozick (Cohen 1985: 98-99) et à l'equal private ownership de Steiner (Cohen 1986: 87-90). 20 Qu'elle puisse le faire n'implique bien sûr pas qu'il soit dans son intérêt de le faire. En particulier, une politique ne laissant pas aux travailleurs des revenus suffisants pour qu'ils puissent poursuivre leur travail serait légitime selon ce principe. Elle n'en serait pas moins inopportune. 16 revient en raison de leur travail ou de leur épargne. Pour les libertariens, en effet, il ne peut pas y a voir de définition objective de la valeur d'un bien. La valeur des ressources naturelles, par exemple, n'est rien d'autre que le taux d'échange qui émerge d'échanges volontaires sur la base d'une distribution juste des droits de propriété. Or c'est précisément la structure fondamentale des droits de propriété qu'il s'agit ici de déterminer. Si la structure choisie confère à un propriétaire (individuel ou collectif) une position si dominante qu'il peut revendiquer l'ensemble du produit en paiement du facteur qu'il fournit, les libertariens ne disposent d'aucun critère indépendant de "juste prix" leur permettant de juger ce paiement excessif.21 8.6. La débâcle La seule stratégie dont ils disposent, par conséquent, consiste à soutenir que le scénario collectiviste nie la liberté. Un individu, en effet, ne peut pas faire grand chose avec son seul corps - même pas le maintenir en vie pendant très longtemps. Et faire de tous les biens extérieurs une propriété collective revient à soumettre entièrement l'individu au bon vouloir de la collectivité. Cette objection au scénario collectiviste est à mes yeux imparable.22 Mais ce sera là, pour les libertariens, une victoire singulièrement éphémère, qui ne va pas tarder à se muer en débâcle. Pour pouvoir argumenter que leur solution au problème de l'appropriation originelle est supérieure à la solution collectiviste, ils doivent nécessairement passer d'un argument en termes de propriété de soi-même à un argument en termes d'accès à des ressources extérieures. Ou, pour le dire en des termes sans doute plus familiers, ils doivent nécessairement passer d'un argument en termes de liberté formelle à un argument en termes de liberté réelle.23 21 Ce caractère radicalement subjectif de la conception libertarienne de la valeur (bien plus subjective, par exemple, que la conception néo-classique de la valeur) est bien mis en évidence par Steiner (1987: section 1). 22 Cohen (1986: section 3b) lui-même est d'accord sur ce point. L'objectif prioritaire consiste dès lors pour lui à découvrir une constitution économique qui combine la liberté individuelle, ou la propriété de soi, en un sens plus fort que celui dans lequel elle est préservée dans le scénario collectiviste, avec le type d'égalité de condition qu'en tant que "socialiste" il entend promouvoir (Cohen 1986: section 5). Cet objectif n'est pas a priori identique à celui poursuivi dans la suite de ce chapitre, où il s'agira d'explorer ce qu'implique le souci exclusif de la liberté individuelle (au sens fort requis) pour tous. 23 Je m'écarte ici de la terminologie utilisée par Rawls, qui formule un contraste analogue en opposant la liberté et sa valeur: "Parmi les contraintes définissant la liberté, on compte parfois l'incapacité de tirer profit des droits et des possibilités offertes, qui résulte de la pauvreté et de l'ignorance, et, d'une manière générale, d'un manque de moyens. Ce n'est pas cependant 17 Le dénouement, maintenant, est proche. Car s'il est vrai qu'en termes de liberté réelle, rien ne peut être pire (ce qui ne signifie pas que tout doit être meilleur) que la propriété collective de tout objet extérieur, et qu'en particulier les diverses solutions proposées par les libertariens sont meilleures de ce point de vue, rien cependant ne garantit que l'une de ces formules assure autant qu'il est possible la liberté - réelle cette fois - de tous. Et si l'on rejette au nom de la liberté réelle certaines conceptions de la structure fondamentale des droits de propriété par ailleurs compatibles avec la liberté formelle pour tous, la cohérence impose que l'on utilise ce même critère de la liberté réelle pour tous pour sélectionner, parmi les formules compatibles avec la liberté formelle, celle qui est la meilleure du point de vue de la liberté tout court. Or que peut être la maximisation de la liberté réelle de tous, sinon la maximisation de la liberté réelle de ceux qui en ont le moins, et sur quoi peut reposer la liberté réelle, sinon sur ces avantages socio-économiques dont nous avons besoin pour réaliser nos projets de vie, quelle que soit la nature exacte de ceux-ci? Impossible de ne pas le reconnaître: revoilà bien le principe de différence.24 Retraçons, très brièvement, les deux étapes de l'argument. L'évocation du scénario de l'appropriation collective de la Terre nous a d'abord permis d'apercevoir que le respect de la propriété de chacun sur soi-même (y-compris mon point de vue, je pense plutÛt (I shall not, however, say this, but rather) que ces données affectent la valeur de la liberté, la valeur, pour des individus, des droits définis par le premier principe" (Rawls 1971: 204/240). A noter par ailleurs que, tout en distinguant la liberté réelle de la liberté formelle, on pourrait souhaiter ne pas l'identifier à la capacité. Si par exemple je ne peux pas piloter un avion de tourisme, ce peut être parce que je suis détenu (il manque la liberté formelle), parce que je suis fauché (il manque la liberté réelle) ou parce que je suis manchot (il manque la capacité). Sorti de prison et ayant dans la poche de quoi louer l'avion, je suis - dans la terminologie ainsi suggérée - libre de le piloter même si, étant manchot, j'en suis incapable. Dans la suite, cependant, j'ignorerai cette distinction supplémentaire, que je discute plus amplement ailleurs (Van Parijs 1991). 24 Un raisonnement analogue peut être utilisé pour réfuter la prétendue démonstration, par Buchanan et Lomasky (1985), de la thèse selon laquelle le principe d'égale liberté maximale de Rawls justifie, quoiqu'il en pense, une structure institutionnelle "quasi-libertarienne". Buchanan et Lomasky (1985: 17-20) partent en effet d'une définition "négative" de la liberté comme l'absence de contraintes sur le choix des individus et proposent de la mesurer par la taille de l'ensemble des activités qu'un individu peut exercer sans l'interférence d'autrui. Mais pareille définition ne leur permet nullement d'affirmer, comme ils le font (1985: 21) que la liberté est maximale pour tous dès lors que la collectivité s'abstient de toute action autre que la protection des droits personnels et de droits de propriété matériels dont la répartition est laissée indéterminée. Ce serait oublier (ou feindre d'oublier?) que le budget d'un individu constitue une contrainte sur ses choix au même titre que toute prohibition spécifique édictée par l'Etat. 18 ses talents) laissait ouvert à l'application des principes de justice distributive tout le champ constitué par le produit de la coopération entre les individus et la nature - et pas seulement le produit spécifique de la coopération entre individus, voire entre individus possédant des talents différents. L'examen des stratégies dont disposent les libertariens pour écarter ce scénario a ensuite montré que seul un passage de la liberté formelle (pour tous) à la liberté réelle (pour tous) pouvait les sortir d'embarras. Comme il serait incohérent d'utiliser un critère pour exclure une formule sans l'utiliser aussi lorsqu'il s'agit de choisir entre les diverses formules possibles, pareille riposte conduit alors directement au principe de différence - subordonné, cependant, comme il l'est chez Rawls, au respect de la propriété de soi-même consacrée par le premier principe.25 8.9. L'allocation universelle la plus élevée possible On pourrait qualifier de réal-libertarienne (ou, par rapport au libertarisme de gauche de Steiner et consorts, de "libertarienne d'extrême gauche"!) la position qui se trouve ainsi défendue contre les attaques des libertariens. Cette position s'apparente à celle de Nozick et des autres libertariens par deux traits fondamentaux. Comme nous l'avons vu dans la première partie, elle offre une conception purement procédurale de la justice. En d'autres termes, elle constitue une entitlement theory au sens large. Ou encore elle a pour objet premier la structure de base de la société, et non des distributions particulières. En outre, comme nous l'avons vu dans la deuxième partie, la structure de base qu'elle implique donne à chaque individu la pleine propriété de lui-même. En d'autres termes, elle donne au respect de la liberté formelle un primat absolu sur toute autre considération. Mais il est un troisième trait fondamental par lequel cette position réal-libertarienne s'oppose, cette fois, à la position de Nozick et des autres auteurs mentionnés. Au lieu d'enraciner la distribution des droits de propriété sur les objets externes dans une interprétation particulière de l'idée que la Terre est à tous, elle la fonde sur un principe de maximisation de la liberté réelle pour tous.26 Ce n'est donc pas 25 Je reviens plus loin (section 8.8) sur la relation exacte entre la liberté formelle et les libertés fondamentales concernées par le premier principe. 26 Cette position n'est pas sans parenté avec celle développée par James Sterba (1980: chap. 5) , qui défend, à partir de la position originelle rawlsienne, un "néo-libertarisme" laissant le champ libre au jeu du marché sous contrainte de la garantie à chacun d'un revenu suffisant pour "couvrir les coûts normaux de la satisfaction de ses besoins fondamentaux". Tant dans 19 par l'exhortation à un arbitrage avec d'autres valeurs, comme l'égalité ou l'efficience, mais bien au nom de la liberté même que cette position a pu être défendue contre la critique des libertariens.27 Et l'argumentation présentée a de ce fait de bonnes chances de trouver dans les intuitions des libertariens eux-mêmes de solides points d'appui.28 Avant de vérifier si cette position réal-libertarienne coïncide bien avec celle que Rawls défend lui-même, arrêtons-nous un instant à ses implications institutionnelles concrètes. A première vue, on pourrait ne rien percevoir d'autre dans le principe de différence que la justification de l'Etat-Providence, sinon toujours tel qu'il est aujourd'hui, du moins tel qu'il pourrait aisément devenir si, d'un système plus ou moins orthodoxe d'assurance, on en faisait un véritable système de revenu minimum garanti - comme c'est du reste déjà le cas dans un certain nombre de pays européens, dont - depuis peu - la France. La conjonction hiérarchisée du principe d'égale liberté et du principe de différence ne se réduit cependant pas à exiger le revenu minimum garanti le plus élevé qui soit compatible avec le respect de la pleine propriété de soi donc, notamment avec l'absence d'esclavage, de servage et d'autres formes de travail forcé. En effet, si parmi les avantages socio-économiques - les dimensions de la liberté réelle dont la distribution est régie par le principe de différence Rawls mentionne bien entendu le revenu, il mentionne également le pouvoir et les prérogatives attachées à des positions de responsabilité. Pour assurer la liberté réelle la plus grande possible, par conséquent, il est essentiel que la forme prise par le revenu minimum garanti évite deux écueils. A mesure que le niveau de ce revenu augmente, il ne peut pas enfermer un nombre croissant de personnes dans ce qu'il est convenu d'appeler le "piège du chômage", du fait que le montant que celles-ci pourraient gagner par leur travail devient inférieur au revenu qu'elles perçoivent si elles ne travaillent pas. En outre, le droit au revenu minimum garanti ne peut pas être subordonné à la prestation de travail ou à la volonté de travailler, ce qui mettrait son bénéficiaire dans ses prémisses que dans sa conclusion, ce "néo-libertarisme" diffère cependant du "réallibertarisme" esquissé ici sur plusieurs points importants. 27 Il n'en est pas moins vrai qu'au contraire de l'idée de garantir à tous la même liberté formelle, l'idée de maximiser la liberté réelle pour tous intègre l'importance que nous accordons intuitivement à l'efficience ou à l'égalité. Voir, pour une présentation adoptant ce point de vue, la section 7.9 ci-dessus. 28 Au titre d'illustration anecdotique, voir par exemple le harcèlement de David Friedman par Robert Nozick narré plus haut en guise d'introduction au chapitre 5. 20 une situation de pouvoir bien plus défavorable à l'égard de l'employeur (public ou privé) que si le droit au revenu minimum n'était pas subordonné à une telle condition. Pour le redire autrement, la prise en compte de la dimension du pouvoir exige que la garantie d'une liberté réelle de consommer ne se fasse pas au détriment de la liberté réelle de travailler (pas de piège du chômage) ni de la liberté de ne pas travailler (pas de restriction aux demandeurs d'emploi). Il n'est dès lors pas étonnant que Rawls (1971: 275/316) suggère lui-même que le revenu minimum prenne la forme d'un impôt négatif, qui a précisément l'avantage d'éliminer le piège du chômage sans être réservé aux demandeurs d'emploi.29 La liste des avantages socio-économiques régis par le principe de différence ne s'arrête pas là. Elle en contient encore un, qui, dit Rawls à plusieurs reprises, "est peut-être le plus important des biens premiers" (1971: 62/93, 92/123, 440/479). Il s'agit des "bases sociales du respect de soi", nécessaires pour donner à la personne un sens vivace de sa propre valeur et la confiance en soi nécessaire à la poursuite de ses fins (Rawls 1982: 166). Il est important, par conséquent, que le revenu minimum garanti puisse assurer la maximisation de la liberté réelle dans ses dimensions de revenu et de pouvoir sans porter atteinte à ce respect de soi, minutieusement décrit dans la Théorie de la justice (section 67) comme le contraire de la honte. Pour cela, il est essentiel qu'il soit attribué sous une forme qui n'en stigmatise pas, n'en humilie pas les bénéficiaires et qui se fasse donc, en particulier, sans contrôle des ressources (contrairement à ce qui se passe, par définition, en cas d'impôt 29 On pourrait objecter que le second de ces deux aspects introduit le risque d'une déviation substantielle par rapport à une répartition équitable des charges et bénéfices de la coopération, que la théorie de Rawls s'efforce de définir. En effet, chacun pourrait choisir de n'assumer aucune charge sans pour autant cesser de participer aux bénéfices. (Voir, par exemple, Rawls 1990: Part I: "Les conditions équitables de la coopération spécifient une idée de réciprocité ou de mutualité: tous ceux qui accomplissent leur part des charges conformément aux règles reconnues doivent retirer les bénéfices spécifiés par une norme publique et admise." Rawls, cependant, ne prétend imposer aucune configuration particulière (par exemple, "de chacun selon ses capacités") à la répartition des tâches. Est juste la répartition des tâches implicitement définie par la maximisation de l'index des biens premiers sociaux de ceux qui en ont le moins. Et, si l'argument avancé plus haut est correct, la déconnexion entre travail et revenu est requise dès que l'on aperçoit les conséquences de la distinction entre le maximin des biens premiers sociaux énumérés par Rawls et le maximin du seul pouvoir d'achat. A noter que c'est précisément pour éviter l'implication mise en évidence ici que Rawls (1988: 257) suggère ailleurs brièvement d'ajouter le loisir à la liste des avantages socio-économiques régis par le principe de différence. Voir Van Parijs (1990f) pour une défense des conclusions de l'argumentation ici présentée contre une telle stratégie (et d'autres). 21 négatif) et sans contrôle de la vie privée (requis pour vérifier, par exemple, le statut d'isolé ou de cohabitant).30 Ce que toute cette discussion suggère - sans toutefois le démontrer pleinement -, c'est que la maximisation de la liberté réelle de tous exigée par le second principe ne fonde pas une défense de l'Etat-Providence tel qu'il est, ni simplement la maximisation du revenu minimum, mais bien l'introduction et la maximisation de cette version la plus radicale du revenu minimum garanti déjà abondamment discutée dans plusieurs pays d'Europe, l'allocation universelle. Il s'agirait d'un revenu inconditionnellement versé à chaque citoyen (ou résident permanent), qu'il ait ou non un emploi, qu'il souhaite ou non en avoir un, quel que soit son statut matrimonial, et quels que soient ses revenus d'autres sources.31 Pareille institution permettrait au revenu minimum d'augmenter de concert avec le pouvoir qu'il confère et sans porter atteinte à la dignité des personnes. Comme l'allocation universelle est assimilable à l'attribution à chacun d'une dotation matérielle répartie sur la vie entière, elle intègre en outre la dimension richesse apparaissant dans le principe de différence, comme aussi l'aspect des chances d'accès aux différentes positions sociales qui est lié à la fortune. Il serait certes nécessaire (mais pas toujours aisé) d'apporter à cette conclusion un certain nombre de nuances et de précisions, notamment pour traiter adéquatement de la manière dont doivent être prise en compte l'inégale répartition des biens premiers naturels, la substituabilité entre propriété de biens privés et usage de biens publics, la primauté, sous certaines conditions, de la dimension revenu sur les autres dimensions de la liberté réelle, ou encore la maximisation de la liberté réelle de catégories autres que les plus défavorisés (la version leximin du principe). Toutes ces nuances et précisions, cependant, ne feraient pas encore coïncider le cadre institutionnel dérivé ci30 Les atteintes à la dignité impliquées par un système de revenu minimum garanti impliquant pareils contrôles sont bien mises en lumière par François Ost (1988: section II.2). 31 Walter (1989) fournit une introduction concise et très lisible à l'ensemble de la problématique. Van Parijs (1990c) articule de manière plus technique les questions centrales factuelles et normatives - que le débat soulève. Boulanger & al. eds (1985), Van Parijs (1987a), Miller ed. (1988) et la Newsletter trimestrielle du Basic Income European Network donnent un aperçu de l'état de la discussion en Europe. Un numéro spécial de la revue Theory and Society (Vol.15 n°5, 1986; également disponible en espagnol: Zona Abierta Vol.46/47, janvierjuin 1988), consacré à la discussion de van der Veen & Van Parijs (1986a), aborde le thème dans une perspective plus théorique. Les aspects spécifiquement éthiques de la problématique sont traités dans Van Parijs (1989c) et, plus brièvement, dans Van Parijs (1990b). 22 dessus de la position réal-libertarienne avec le cadre institutionnel dans lequel Rawls lui-même voit l'incarnation de ses principes de justice. Certes, Rawls aussi s'élève contre une réduction de sa position à une légitimation de l'EtatProvidence tel qu'il est. Mais ce qu'il oppose à celui-ci, ce n'est pas son dépassement dans l'instauration, au niveau le plus élevé possible, d'une allocation universelle, mais bien la réalisation d'une "démocratie de propriétaires", dans laquelle "l'accent est mis sur une dispersion régulière dans le temps de la propriété du capital".32 Cette divergence induit le soupçon que la position de Rawls n'est peut-être pas, après tout, aussi "réallibertarienne" que tout au long de cette discussion je ne l'ai supposé. 8.10. Deux Rawls Ce soupçon se trouve considérablement renforcé par les anomalies qu'on ne peut manquer de percevoir lorsqu'on s'efforce d'interpréter l'intégralité des deux principes, tels que Rawls les formule habituellement, dans le sens réal-libertarien esquissé plus haut. Le premier principe, en effet, affirme à la fois plus et moins qu'il ne le devrait s'il avait pour seul objet d'attribuer à tous une pleine liberté formelle. Exiger que tous aient les mêmes libertés politiques (droits de vote et d'éligibilité) va au delà de la simple propriété de soi-même. Par contre, même l'ensemble des libertés fondamentales attribuées à chaque individu par le premier principe reste compatible, par exemple, avec des pratiques de vaccination obligatoire contre les maladies contagieuses ou avec la répression de la non-assistance à personne en danger, que les libertariens considéreraient comme des transgressions inacceptables de la pleine propriété de soi-même. Dans le cas du second principe, l'anomalie ne vient pas du fait qu'il ne tient aucun compte de déficits en biens premiers naturels - typiquement, les handicaps -, qui affectent la liberté réelle des individus au même titre que des déficits en biens premiers sociaux. C'est là simplement le résultat d'une simplification permettant de construire les grandes lignes de la théorie.33 32 L'un des passages les plus explicites sur ce point se trouve à la fin de la préface de l'édition française de la Théorie de la justice (Rawls 1971: 13-14). A côté de la "démocratie de propriétaires", le "socialisme libéral" constitue, aux yeux de Rawls, un candidat) plausible à la réalisation optimale de ses principes de justice. 33 Sen (1980: sections 3-4; 1985: chap.7), Dworkin (1981b: section III) et Kolm (1985: chap.19) peuvent être lus comme des tentatives de combler cette lacune. 23 L'anomalie ne vient pas non plus du fait que le principe de différence ne traite pas seulement de la répartition des revenus. Nous venons de voir en effet que les autres types d'avantages socio-économiques dont il traite - la richesse, le pouvoir, les bases sociales du respect de soi - peuvent être compris comme autant de dimensions de la liberté réelle. Ce qui en revanche fait problème pour l'interprétation réal-libertarienne, c'est l'inclusion, dans le second principe, d'un principe d'égalité des chances, auquel une primauté est même accordée sur le principe de différence. Certes, les chances d'accès aux positions sociales ne peuvent être ignorées par ceux que préoccupe la liberté réelle. Mais alors pourquoi ne pas les soumettre elles aussi au principe de différence, les inégalités ancrées dans l'origine sociale, la race, le sexe ou la religion n'étant légitimes, comme les inégalités découlant de la distribution des talents, qu'à la condition d'augmenter la liberté réelle de ceux qui en ont le moins? Les diverses anomalies mentionnées trouvent une explication lorsque l'on prête attention à un important changement dans la manière dont Rawls définit les biens premiers, c'est-à-dire les biens qui comptent aux yeux des partenaires de la position originelle et dont les deux principes visent à définir la juste répartition. Alors que dans la Théorie de la justice, Rawls (1971: 62/93, 92/122) caractérise les biens premiers comme "tout ce qu'on suppose qu'un être rationnel désirera, quels que soient ses autres désirs", il les définit dans ses textes plus récents comme les biens nécessaires à l'exercice et au développement des deux pouvoirs spécifiques de la personnalité morale que sont la capacité d'avoir un sens de la justice et celle d'adopter une conception du bien, de la modifier et d'en poursuivre rationnellement la réalisation.34Ce qui motive cette importante modification, c'est le souci de dériver de manière plus satisfaisante la liste hiérarchisée de biens premiers qui constitue la trame des principes de la justice, à partir de la définition explicite de ces biens ou, ce qui revient ici au même, à partir de la caractérisation de la position originelle. La nouvelle définition, plus complexe, est congruente avec le choix particulier des libertés fondamentales affirmées par le premier principe, avec la place 34 Voir, par exemple, Rawls (1982: section III) et Rawls (1987: section 4B), mais surtout la préface à l'édition française de la Théorie de la justice: "Les biens premiers sont à présent définis par les besoins des personnes en raison de leur statut de citoyens libres et égaux, et en tant que membres normaux et à part entière de la société durant toute leur vie. Les comparaisons interpersonnelles que la justice politique peut être amenée à faire doivent l'être en termes d'indice des biens premiers pour les citoyens, et ces biens sont considérés comme des réponses à leurs besoins en tant que citoyens et non plus à leurs simples préférences et désirs." (Rawls 1971: 11) 24 particulière faite, au sein du second principe, à l'égalité des chances (requise notamment pour garantir "la juste valeur des libertés politiques égales"), comme aussi, au niveau des implications institutionnelles, avec le privilège accordé à la "démocratie des propriétaires". Si par contre on reste fidèle à la définition initiale des biens premiers, les deux principes ne peuvent pas conserver strictement la formulation que la Théorie de la justice leur donne. Ils doivent être reformulés dans la voie réallibertarienne esquissée plus haut. Il s'en suivrait, par exemple, que le droit de vote, qui fait partie des libertés fondamentales maximales de Rawls, n'apparaîtrait plus parmi les biens dont la répartition est explicitement régie par les principes de justice. Si le suffrage universel reste une composante essentielle de toute structure de base juste, ce serait alors pour la raison instrumentale qu'il constitue, de facto, une condition nécessaire pour que les intérêts des plus défavorisés soient structurellement pris en compte.35 Les chances, d'autre part, perdraient leur statut spécial, et s'ajouteraient simplement aux autres composantes de la liberté réelle régies par le principe de différence. La théorie de la justice prendrait dès lors la forme très simple d'un principe requérant la même liberté formelle pour tous (la pleine propriété de chacun par soi-même) et d'un principe requérant la liberté réelle la plus grande possible pour tous (la maximisation de la valeur minimale de l'index des autres biens premiers - biens premiers naturels, chances, revenu, richesse, pouvoir, bases sociales du respect de soi).36 A strictement parler, c'est cette théorie "réal-libertarienne" (solidaire de la définition initiale, purement "psychologique", des biens premiers), et non la théorie explicitement énoncée par les deux principes (avec laquelle la définition nouvelle, résolument "politique", des biens premiers restaure la cohérence), qui a été défendue plus haut contre les objections centrales de Nozick. Tous les arguments utilisés, cependant, restent pertinents pour protéger contre les attaques des libertariens le "second Rawls", celui de la définition "politique". Pertinents, mais insuffisants. Car pour défendre contre Nozick ce Rawls plus subtil, le seul recours à la liberté réelle au sens adopté 35 Je reviens plus systématiquement sur la nature des relations entre justice et démocratie dans la section 10.9 ci-dessous. 36 A noter que, dans cette perspective, il n'est pas évident que le premier principe doive avoir sur le second une priorité absolue. L'obligation d'assistance à personne en danger, par exemple, ne pourrait-elle pas être justifiée comme une restriction légère de la liberté formelle permettant de préserver la liberté réelle de quelqu'un qui risque de la perdre entièrement? 25 ici est, par définition, trop court. Il faudra donc, dans ce cas, une seconde manche - dont je ne suis pas sûr qu'elle puisse être gagnée. 26 Bibliographie Achterhuis, H. 1988. Het Rijk der Schaarste, Baarn (Pays-Bas): Ambo, 1988. Achterhuis, H. 1991. "La critique de la société industrielle comme histoire de la rareté: l'itinéraire d'Ivan Illich", Revue Philosophique de Louvain 89 (1), à paraître. Ackerman, B.A. 1980. Social Justice in the Liberal State, New Haven & London: Yale University Press. Ackerman, B.A. 1983. "Comment on Fried", Social Philosophy and Policy 1, 60-70. Adams, R.M. 1976. "Motive Utilitarianism", Journal of Philosophy 73, 467-481. Arendt, H. 1958. The Human Condition, Chicago & London: The University of Chicago Press. Arneson, R.J. 1981. "What's wrong with exploitation?", Ethics 91, 202-227. Arneson, R. J. 1989. "Equality and equal opportunity for welfare", Philosophical Studies 56, 77-93. Arneson, R.J. ed. 1989. Symposium on Rawlsian Theory of Justice: Recent developments, numéro spécial de Ethics 99 (4), 695-944. Arrow, K.J. 1951. Social Choice and Individual Values, New York: Wiley, 1963. Arvon, H. 1983. Les Libertariens américains, Paris: P.U.F. Atkinson, A.B. 1972. Unequal Shares. Wealth in Britain, Harmondsworth: Penguin Books, 1974. Aya, R. & Tromp, B. eds. 1986. A capitalist road to communism, numéro spécial de Theory & Society 15 n°5. Ball, T. & Farr J. eds. 1984. After Marx, Cambridge: Cambridge University Press. 27 Barry, B. 1965. Political Argument, London: Routledge. Barry, B. 1973. The Liberal Theory of Justice. A critical examination of the principal doctrines in "A Theory of Justice" by John Rawls, Oxford: Oxford University Press. Barry B. & Sikora I. eds. 1978. Obligations to Future Generations, Philadelphia: Temple University Press. Barry, B. 1979. "Justice as reciprocity", in Justice (E. Kamenka & A.E.S. Tay eds), London: Edward Arnold, 50-78. Barry, B. 1983. "Intergenerational justice in energy policy", in Energy and the Future (D. MacLean & P G. Brown eds.), Totowa (NJ): Rowman & Littlefield, 1983, 15-30. Barry, B. 1989. Theories of Justice, Hemel-Hempstead: Harvester-Wheatsheaf. Baudrillard, J. 1970. La société de consommation, Paris: Gallimard. Bentham, J. 1789. An Introduction to the Principles of Morals and Legislation, in J.S. Mill, Utilitarianism, London: Fontana, 1962, 33-77. Berkowitz, L. & Walster E. eds. 1976. Equity Theory: Towards a general theory of social interaction, New York: Academic Press. Berten, A. 1984. "John Rawls, Jürgen Habermas et la rationalité des normes", in Fondements d'une théorie de la justice (J. Ladrière & P. Van Parijs eds.), Louvain-la-Neuve: Peeters & Paris: Vrin, 183-94. Blocker, H.G. & Smith, E.H. eds. 1980. John Rawls' Theory of Social Justice, Athens: Ohio University Press. Boudon, R. 1977. Effets pervers et ordre social, Paris: P.U.F. Bouglé, C. & Halévy, E. eds. 1829. Doctrine de Saint-Simon, Paris: Marcel Rivière, 1924. Boulanger, P.M., Defeyt, P. & Van Parijs P., L'Allocation Universelle. Une idée pour vivre autrement, numéro spécial de La Revue Nouvelle, avril 1985. Bourdieu, P. 1965. Un art moyen, Essais sur les usages sociaux de la photographie, Paris: Minuit. Bourdieu, P. 1972. Esquisse d'une théorie de la pratique, Genève: Droz. 28 Bourdieu, P. 1979. La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris: Minuit. Bowie, N.E. ed. 1988. Equal Opportunity, Boulder & London: Westview Press. Bowles S. & Gintis H. 1986. Democracy and Capitalism, London: Routledge. (Traduction française: Démocracie et Capitalisme, Paris: La Découverte, 1988.) Bracewell-Milnes, B. 1982. Land Heritage: The Public Interest in Personal Ownership, London: Institute of Economic Affairs. Brody, B. 1983. "Redistribution without egalitarianism", Social Philosophy and Policy 1, 71-87. Buchanan, A.E. 1989. "Assessing the communitarian critique of liberalism", Ethics 99, 852-82. Buchanan, J. M. & Lomasky, L. E. 1985. "The matrix of contractarian justice", in Liberty and Equality (E.F. Paul, F.D. Miller & J. Paul eds), Oxford: Blackwell, 12-32. Buchanan, J. M. 1985. "The ethical limits of taxation", in Limits and Problems of Taxation (F.R. Forsund & S. Honkapohja eds), London: Macmillan, 416. Callinicos, A. ed. 1989. Marxist Theory, Oxford: Oxford University Press. Canivet, M. 1984. "Justice et bonheur chez Rawls et chez Kant", , in Fondements d'une théorie de la justice (J. Ladrière & P. Van Parijs eds.), Louvain-la-Neuve: Peeters & Paris: Vrin, 153-82. Carling, A. 1986. "Rational choice Marxism", New Left Review 160, 24-62. Chaumont, J.M. 1991. "Notes sur la tradition communautarienne", Revue Philosophique de Louvain 89, à paraître. Chavance B. ed. 1985. Marx en perspective, Paris: Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Cohen, G.A. 1977. "Robert Nozick and Wilt Chamberlain: How Patterns Preserve Liberty", in Erkenntnis 11, 5-23. Cohen, G.A. 1979. "Capitalism, fredom and the proletariat", in A. Ryan (ed.), The Idea of Freedom. Essays in Honour of Isaiah Berlin, Oxford: Oxford University Press, 9-25. 29 Cohen, G.A. 1979. "The labour theory of value and the concept of exploitation", in Marx, Justice and History (M. Cohen, T. Nagel & T. Scanlon eds.), Princeton, Princeton University Press, 1980, 135-57. Cohen, G.A. 1981a. "Freedom, justice and capitalism", New Left Review 126, 3-18. Cohen, G.A. 1981b. "Illusions about private property and freedom", in J. Mepham & D. Ruben (eds.), Issues in Marxist Philosophy, Vol. 4, Hassocks, Harvester Press. Cohen, G.A. 1983. "More on exploitation and the labour theory of value", Inquiry 26, 309-31. Cohen G.A. 1983. "The Structure of proletarian unfreedom", in Philosophy and Public Affairs 12, 3-33. Cohen, G.A. 1985. "Nozick on appropriation", New Left Review 150, 98-105. Cohen, G.A. 1986. "Self ownership, world ownership and equality, part II", Social Philosophy and Policy 3, 77-96. Cohen, G.A. 1988. History, Labour and Freedom. Themes from Marx, Oxford: Oxford University Press. Cohen, G.A. 1989. "On the currency of egalitarian justice", Ethics 99, 906-44. Cohen, G.A. 1990. "Equality of what? On welfare, resources and capabilities", in Alternatives to Welfarism (M. De Vroey ed.), numéro spécial de Recherche Economiques de Louvain 56 (3/4). Constant, B. 1819. "De la liberté des anciens comparée à celle des modernes", in De l'Esprit de conquête et de l'usurpation, Paris: Flammarion, 1986, 265-91. Daniels, N. ed. 1974. Reading Rawls, Oxford: Blackwell. d'Aspremont, C. & Gevers, L. 1977. "Equity and the informational basis of collective choice", Review of Economic Studies 44: 199-209. d'Aspremont C. 1984. "Rawls et les économistes", in Fondements d'une théorie de la justice (J. Ladrière & P. Van Parijs eds.), Louvain-la-Neuve: Peeters & Paris: Vrin, 83-103. 30 d'Aspremont, C. & Peleg, B. 1987. "Ordinal Bayesian incentive-compatible representations of committees", communication au colloque "Economic models and distributive justice", Bruxelles et Namur, 8-10 janvier 1987. Debreu, G. 1959. Theory of Value. An axiomatic analysis of economic equilibrium, New Haven & London: Yale University Press, 1971. (Traduction française: Théorie de la valeur. Analyse axiomatique de l'équilibre économique, Paris: Dunod.) De Roose, F. & Van Parijs, P. eds 1991. La Pensée écologiste. Vers un dictionnaire critique, Bruxelles: De Boeck & Paris: Editions Universitaires. Deutsch, M. 1985. Distributive Justice, New Haven: Yale University Press. Devall, B. & Sessions, G. 1985. Deep Ecology: Living as if Nature Mattered, Salt Lake City (Utah): Peregrine Smith Books. Dupuy, J.P. et Dumouchel, P. 1979. L'Enfer des choses, Paris: Le Seuil. Dupuy, J.P. ed. 1984. Le Libéralisme et la question de la justice sociale, Paris: CREA. Dupuy, J.P. 1988a. "L'individu libéral, cet inconnu: d'Adam Smith à Friedrich Hayek", in Individualisme et justice sociale. A propos de John Rawls (C. Audard, J.P. Dupuy & R. Sève eds.), Paris: Le Seuil, 73-125. Dupuy, J.P. 1988b. "La liberté comme marchandise", in Ethique et Philosophie Politique (F. Récanati ed.), Paris: Odile Jacob ("L'Age de la Science"), 7398. Dworkin, R. 1977. Taking Rights Seriously, London: Duckworth. Dworkin, R. 1981a. "What is equality? Part 1: Equality of welfare; Part 2: Equality of resources", Philosophy and Public Affairs 10, 185-246. Dworkin, R. 1981b. "What is equality? Part 2: Equality of resources", Philosophy and Public Affairs 10, 283-345. Dworkin, R. 1983a. "In defense of equality. Comment on Narveson", Social Philosophy and Policy 1, 24-40. Dworkin, R. 1983b. "What justice isn't", in A Matter of Principle, Oxford: Oxford University Press, 1985, 214-20. 31 Dworkin, R. 1984. "Can a liberal state support art?", in A Matter of Principle, Oxford: Oxford University Press, 1985, 221-33. Dworkin, R. 1986. A Matter of Principle, Cambridge (Mass.): Harvard University Press. Dworkin, R. 1989a. "Liberal community", California Law Review. Dworkin, R. 1989b. "What is equality? Part 3: The place of liberty", Iowa Law Journal. Dworkin, R. 1990a. "What is equality? Part 4: Political equality", San Francisco Law Review. Dworkin, R. 1990b. Foundations of Liberal Equality, inédit. Edgeworth, F.T. 1881. Mathematical Psychics, London: Kegan Paul. Elster, J. 1978. "Exploring exploitation", Journal of Peace Research 15, 3-17. Elster, J. 1982. "Sour Grapes Utilitarianism and the genesis of wants", in Utilitarianism and Beyond (A. Sen & B. Williams eds), Cambridge: Cambridge University Press, 219-38. Elster, J. 1983. Sour Grapes.Studies in the Subversion of Rationality, Cambridge: Cambridge University Press. Elster, J. 1985. Making Sense of Marx, Cambridge: Cambridge University Press. Elster, J. 1986. "Self-realisation in work and politics", in Alternatives to Capitalism (J. Elster & K.O. Moene eds.), Cambridge: Cambridge University Press, 1989, 127-58. Elster J. & Moene, K.O. eds. 1989. Alternatives to Capitalism, Cambridge: Cambridge University Press. Ezorsky, G. 1981. "On refined utilitarianism", Journal of Philosophy 78, 156-9. Flew, A. 1981. The Politics of Procrustes, London: Temple Smith. Foley, D.C. 1967. "Resource allocation and the public sector", Yale Economic Essays 7, 45-98. Fourier, C. 1836. La Fausse Industrie, morcelée, répugnante, mensongère, et l'antidote, l'industrie naturelle, combinée, attrayante, véridique, donnant 32 quadruple produit et perfection extrême en toutes qualités, Paris: Anthropos, 1967. France, A. 1907. L'Ile aux Pingouins, Paris: Calmann-Lévy, 1980. Frank, R. 1985. Choosing the Right Pond, Oxford & New York: Oxford University Press. Fried, C. 1983. "Distributive justice", Social Philosophy and Policy 1, 45-69. Friedman, D. 1973. The Machinery of Freedom. Guide to radical capitalism, La Rochelle (New York), Arlington House. Friedman, M. 1962. Capitalism and Freedom, Chicago, University of Chicago Press (traduction française: Capitalisme et liberté, Paris: Laffont, 1971). Friedman, M. 1973. "The Playboy interview", in There's no such Thing as a Free Lunch, La Salle (Illinois): Open Court, 1975. Friedman, M. & R. 1980. Free to Choose, Harmondsworth, Penguin Books (traduction française: La liberté du choix, Paris: Belfond, 1980). Gauthier, D. 1986. Morals by Agreement, Oxford: Oxford University Press. George, H. 1884. Progress and Poverty, London: Hogarth Press, 1952. Girard, R. 1961. Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris: Grasset. Godin, J.B. 1871. Solutions sociales, Quimperlé: La Digitale, 1979. Goldman, A H. 1980. "Responses to Rawls from the political right", in John Rawls' Theory of Social Justice (H.G. Blocker & E.H. Smith eds), Athens (Ohio): Ohio University Press, 431-62. Goldman, H.S. 1980. "Rawls and utilitarianism", in John Rawls' Theory of Social Justice. An introduction (H.G. Blocker & E.H. Smith eds.), Athens (Ohio): Ohio University Press, 346-94. Goodin, R.E. & Reeve, A. eds. 1989. Liberal Neutrality, London: Routledge. Goodman, L. A. & Markowitz, H. 1952. "Social welfare functions based on individual rankings", American Journal of Sociology 58, 257-62. Gorz, A. 1983. Les Chemins du Paradis. L'agonie du capital, Paris: Galilée. 33 Gorz, A. 1985. "L'allocation universelle: version de droite et version de gauche", La Revue Nouvelle 81, 419-28. Gouverneur, J. 1983. Elements of Political Economy, Oxford: Martin Robertson. Greffe, X. 1978. L'Impôt des pauvres. Nouvelle stratégie de politique sociale, Paris: Dunod. Griffin, J. 1982. "Modern utilitarianism", Revue Internationale de Philosophie 141, 331-75. Güth, W. 1987. "Ultimatum bargaining for a shrinking cake. An experimental analysis", communication au colloque international "Economic models and distributive justice", Bruxelles et Namur, 8-10 janvier 1987. Gutmann, A. 1986. "Communitarian critics of liberalism", Philosophy and Public Affairs 14, 309-22. Haarscher, G. 1982. Egalité et Politique, Bruxelles: Bruylant. Haarscher, G. 1984. "Rawls, Marx et la question de la justice", in Fondements d'une théorie de la justice (J. Ladrière & P. Van Parijs eds.), Louvain-laNeuve: Peeters & Paris: Vrin, 104-28. Habermas, J. 1973. Legitimationsprobleme im Spätkapitalismus, Frankfurt: Suhrkamp. (Traduction française: Raison et légitimité, Paris: Payot, 1978.) Habermas, J. 1983. Moralbewußtsein und kommunikatives Handeln, Frankfurt: Suhrkamp. Habermas, J. 1989. "Justice and solidarity: on the discussion concerning 'stage 6'", The Philosophical Forum 21, 32-52. Hammond, P. 1987. "Social choice rules and restrictions on the domain of decision problems", communication au colloque "Economic models and distributive justice", Bruxelles et Namur, 8-10 janvier 1987. Hare, R.M. 1976. "Ethical theory and utilitarianism", in Utilitarianism and Beyond (A. Sen & B. Williams eds.), Cambridge: Cambridge University Press, 1982, 23-38. Harrod, R.F. 1936. "Utilitarianism revisited", Mind 45, 137-56. 34 Harsanyi, J.C. 1953. "Cardinal utility in welfare economics and in the theory of risk-taking", in Essays on Ethics, Social Behavior and Scientific Explanation, Dordrecht: Reidel, 1976, 3-5. Harsanyi, J.C. 1955. "Cardinal welfare, individualistic ethics and interpersonal comparisons of utility", in Essays on Ethics, Social Behavior and Scientific Explanation, Dordrecht: Reidel, 1976, 6-23. Harsanyi, J.C. 1975a. "Can the maximin principle serve as a basis for morality? A critique of John Rawls' theory", in Essays on Ethics, Social Behavior and Scientific Explanation, Dordrecht: Reidel, 1976, 37-63. Harsanyi, J.C. 1975b. "Nonlinear welfare functions: do welfare economists have a special exemption from Bayesian rationality?" in J.C. Essays on Ethics, Social Behavior and Scientific Explanation, Dordrecht: Reidel, 1976, 74-85. Harsanyi, J.C. 1977. Rational Behavior and Bargaining Equilibrium in Games and Social Situations, Cambridge: Cambridge University Press. Harsanyi, J.C. 1977b. "Morality and the theory of rational behaviour", in Utilitarianism and Beyond (A. Sen & B. Williams eds), Cambridge: Cambridge University Press, 39-62. Harsanyi, J.C. 1977c. "Nonlinear Social Welfare Functions a Rejoinder to Professor Sen", in Foundational Problems in the Special Sciences (Butts, R.E. & Hintikka, J. eds.), Dordrecht, Reidel, 1977, 293-6. Hayek, F. A. 1960. The Constitution of Liberty, London: Routledge & Kegan Paul. Hayek, F. A. 1982. Droit, législation et liberté, Paris: P.U.F. Hicks, J.R. 1939. Value and Capital.An Inquiry into Some Fundamental Principles of Economic theory, Oxford: Clarendon Press, 1974. Hirsch, F. 1977. Social Limits to Growth, London: Routledge. Hobbes, T. 1651. Leviathan, Harmondsworth: Penguin Books. Höffe, O. 1988. "Dans quelle mesure la théorie de John Rawls est-elle kantienne?", in Individualisme et justice sociale. A propos de John Rawls (C. Audard, J.P. Dupuy & R. Sève eds.), Paris: Le Seuil, 54-72. Homans, G.C. 1961. Social Behaviour, Its elementary forms, London: Routledge & Kegan Paul, 1973. 35 Horne, T. A. 1988. "Welfare rights as property rights", in Responsibility, Rights and Welfare. the theory of the welfare state (J.D. Moon ed.), Boulder & London: Westview Press, 107-32. Hospers, J. 1971. Libertarianism.A political philosophy whose time has come, Santa Barbara (Cal.), Reason Press. Huet, F. 1853. Le Règne social du christianisme, Paris: Firmin Didot & Bruxelles: Decq. Hume, D. 1739. A Treatise of Human Nature, Harmondsworth, Penguin Books, 1978. Hume, D. 1751. "An enquiry concerning the principles of morals", in Enquiries concerning Human Understanding and concerning the Principles of Morals, Oxford: Oxford University Press, 1975, 167-323. Illich, I. 1983. Gender, London: Marion Boyars (traduction française: Le Genre vernaculaire, Paris: Le Seuil, 1982). Iroegbu, P. 1991. "John Rawls face à la critique communautarienne", Revue Philosophique de Louvain 89, à paraître. Jencks, C. 1972. Inequality, Harmondsworth, Penguin Books, 1975. Kant, I. 1785. Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, Stuttgart: Reclam, 1970. (Traduction française: Fondements de la métaphysique des moeurs, Paris: Delagrave, 1967.) Kearl, J.R. 1977. "Do entitlements imply that taxation is theft?", Philosophy and Public Affairs 7, 74-81. Kirzner, I.M. 1973. "Producer, entrepreneur and the right to property", in I.M. Kirzner, Perception, Opportunity and Profit. Studies in the theory of entrepreneurship, Chicago & London: University of Chicago Press, 1979, 185-99. Kirzner, I.M. 1978. "Entrepreneurship, entitlement and economic justice", in Reading Nozick (J. Paul ed.). Totowa (NJ): Rowman & Littlefield, 1981, 383-411. Kitschelt, H. 1980. "Moralisches Argumentieren und Sozialtheorie. Prozedurale Ethik bei John Rawls und Jürgen Habermas", Archiv für Sozial- und Rechtsphilosophie 66, 391-429. 36 Kohlberg, L. 1973. "The claim to moral adequacy of a highest stage of moral judgement", Journal of Philosophy 70. Kohr, L. 1974. "Property and freedom", in Property in a Humane Economy (S.L. Blumenfeld ed.), La Salle (Illinois): Open Court, 47-70. Kolm, S.C. 1972. Justice et Equité, Paris: CNRS. Kolm, S.C. 1983. "Introduction à la réciprocité générale", Information sur les Sciences Sociales 22, 569-621. Kolm, S.C. 1984. La Bonne Economie. La réciprocité générale, Paris: P.U.F. Kolm, S.C. 1985. Le Contrat social libéral, Paris: P.U.F. Kolm, S.C. 1987. "Liberty-based optimal taxation", communication au colloque "Economic models and distributive justice", Bruxelles et Namur, 8-10 janvier 1987. Krätke, M. 1987. "Het subsidiariteitsbeginsel anno 1987", Andersom (Amsterdam) 9/10, 3-37. Kukathas, C. & Pettit, P. 1990. Rawls. "A Theory of Justice" and its critics, Cambridge: Polity Press. Kymlicka, W. 1988. "Liberalism and communitarianism", Canadian Journal of Philosophy 18, 181-204. Kymlicka, W. 1989a. Liberalism, Community and Culture, Oxford: Oxford University Press. Kymlicka, W. 1989b. "Liberal individualism and liberal neutrality", Ethics 99, 883-905. Ladrière, J. 1984. "Philosophie politique et philosophie analytique", in Fondements d'une théorie de la justice (J. Ladrière & P. Van Parijs eds.), Louvain-la-Neuve: Peeters et Paris: Vrin, 212-59. Ladrière, J. & Van Parijs P. eds. 1984. Fondements d'une théorie de la justice. Essais critiques sur la philosophie politique de John Rawls, Louvain-laNeuve: Peeters et Paris: Vrin. Lang, K. & Weiss, A. 1990. "Tagging, stigma and basic income guarantees", communication au colloque "Basic income guarantees: a new welfare strategy?", University of Wisconsin (Madison), avril 1990. 37 Larmore, C. 1987. Patterns of Moral Complexity, Cambridge & New York: Cambridge University Press. Larmore, C. 1988. "Les limites de la réflexion en éthique", L'Age de la Science 1, 199-214. Larmore, C. 1989. Review of MacIntyre (1988), Journal of Philosophy 86, 43742. Lebowitz, M. 1988. "Is 'Analytical Marxism' Marxism?", Science and Society 52, 191-214. Lehning, P B. 1986. Politieke Orde en Rawlsiaanse Rechtvaardigheid, Delft (Pays-Bas): Eburon. Lemieux, P. 1983. Du libéralisme à l'anarcho-capitalisme, Paris: P.U.F. Lemieux, P. 1988. L'Anarcho-capitalisme, Paris: P.U.F. Lepage, H. 1980. Demain le libéralisme, Paris: Livre de Poche Lipow, A. 1982. Authoritarian Socialism in America. Edward Bellamy and the Nationalist Movement, Berkeley, University of California Press. Livet, P. 1984. "Rawls, Nozick et la justice procédurale", in Le libéralisme et la question de la justice sociale (Cahiers du CREA n°4), Paris: Ecole Polytechnique, 191-7. Locke, J. 1690. "Second Treatise on Governement" in Of Civil Government, London: Dent & Sons, 1924, 115-242. (Traduction française: Traité du gouvernement civil, Paris: Flammarion, 1984.) Lukes, S. 1982. "Marx, morality and justice", in G.H.R. Parkinson ed., Marx and Marxisms, Cambridge: Cambridge University Press. Lyons, D. 1975. "Nature and soundness of the contract and coherence Arguments", in N. Daniels ed., Reading Rawls, Oxford: Blackwell, 25381. Machan T. ed. 1982. The Libertarian Reader, Totowa (N.J.): Rowman & Littlefield. MacIntyre, A. 1981. After Virtue. London: Duckworth. MacIntyre, A. 1984. Is patriotism a virtue?. University of Kansas: The Lindley Lecture, 1984. 38 MacIntyre, A. 1988. Whose Justice? Which Rationality. London: Duckworth. Mack, E. 1983. "Distributive justice and the tensions of Lockeanism", Social Philosophy and Policy, 1, 132-50. Mackie, J.L. 1977. Ethics, Inventig right and wrong, Harmondsworth: Penguin Books. MacLean, D. & Brown P.G. eds. 1983. Energy and the Future, Totowa (N.J.): Rowman & Littlefield. Macpherson, C.B. 1962. The Political Theory of Possessive Individualism, Oxford: Oxford University Press. Malcomson, J.M. 1981. "Unemployment and the efficiency wage hypothesis", Economic Journal 91, 848-66. Marx, K. 1875. "Randglossen zum Programm der deutschen Arbeiterpartei" in K. Marx & F. Engels, Werke, Vol. 19. Berlin: Dietz, 1962, 15-32. Marx, K. 1880. "Randglossen zu Adolf Wagners 'Lehrbuch der politischen Oekonomie'", Werke Bd 19, Berlin, Dietz, 1962, 355-83. Mc Kean, R.N. 1975. "Property rights, pollution and power", in Capitalism and Freedom. Problems and prospects (R.T. Selden ed.), Charlottesville: University Press of Virginia, 1975, 92-127. Mead, G.H. 1934. Mind, Self and Society form the Standpoint of a Social Behaviourist, Chicago: University of Chicago Press. Mead, L.M. 1986. Beyond Entitlement. The social obligations of citizenship, London: Macmillan. Meade, J.E. 1964. Efficiency, Equality and the Ownership of Property, London: Allen & Unwin. Meade, J.E. 1984. "Full employment, new technologies and the distribution of income", Journal of Social Policy 13, 129-46. Mill, J.S. 1848. Principles of Political Economy, London: Longmans, Green & Co., 1904. Mill, J.S. 1859. On Liberty, Harmondsworth, Penguin Books, 1980. 39 Mill, J.S. 1861. Utilitarianism. London: Fontana, 1962. (Traduction française: L'Utilitarisme, Paris: Flammarion, 1988.) Miller, A. ed. 1988. Proceedings of the First International Conference on Basic Income, London: BIRG & Antwerp: BIEN. Miller, D. 1976. Social Justice, Oxford: Oxford University Press. Moulin, H. & Roemer, J.E. 1986. "Public ownership of the external world and private ownership of self" University of California (Davis): Department of Economics, Working Paper 203. Mueller, D.C. 1979. Public Choice. Cambridge: Cambridge University Press. Nagel, T. 1975. "Libertarianism without foundations", in Reading Nozick (J. Paul ed.), Totowa: Rowman & Littlefield, 1981, 191-205. Nielsen, K. & Ware, B. eds. 1989. Analyzing Marxism. Supplementary Volume of the Canadian Journal of Philosophy. Nisbet, R. 1974. "The pursuit of equality", in Against Equality (W. Letwin ed.), London: Macmillan, 1983, 124-47. Nozick R. 1974. Anarchy, State and Utopia, Oxford: Blackwell. (Traduction française: Anarchie, Etat et Utopie, Paris: P.U.F., 1988.) Nozick, R. 1989. The Examined Life. Philosophical meditation, New York: Simon & Schuster. Offe, C. 1987."Democracy against the welfare state?", in Political Theory 15, 501-37. Okun, A.M. 1975. Equality and Efficiency. The big tradeoff, Washington (D.C.): The Brookings Institution. Ost, F. 1988. "La théorie de la justice et le droit à l'aide sociale", in Individualisme et justice sociale. A propos de John Rawls (C. Audard, J.P. Dupuy & R. Sève eds.), Paris: Le Seuil, 245-75. Paine, T. 1796. "Agrarian justice", in The Life and Major Writings of Thomas Paine (P. Foner ed.), Cecaucus (N.Y.): Citadel Press, 1974, 605-23. Paramio, L. 1988. "La libertad, la igualdad y el derecho a la infelicidad", in Tras el Diluvio. La izquierda ante el fin de siglo, Madrid: Siglo Veintiuno, 1988, 250-60. 40 Pareto, V. 1906. Manuel d'Economie Politique, Genève: Droz, 1966. Partridge E. ed. 1981. Responsibilities to Future Generations: Environmental ethics, Buffalo (N.Y.): Prometheus. Paul, E.F., Miller, F.D. & Paul, J. eds. 1988. Equality of Opportunities, Oxford: Blackwell. Pazner, E.A. 1976. "Recent thinking on economic justice", in Social Goals and Social Organization, Essays in memory of Elisha Pazner (L. Hurwicz, D. Schmeidler & H. Sonnenschein eds), Cambridge: Cambridge University Press, 1985, 297-309. Pettit, P. 1980. Judging Justice. An Introduction to Contemporary Political Philosophy, London: Routledge & Kegan Paul, 1980. Pettit, P. 1982. "Habermas on truth and justice", in Marx and Marxisms (G.H.R. Parkinson ed.), Cambridge: Cambridge University Press. Phillips, D. L. 1979. Equality, Justice and Rectification. An exploration in normative sociology, London & New York: Academic Press. Pogge, T. W. 1989. Realizing Rawls, Ithaca & London: Cornell University Press. Ramsey, F. 1926. “Truth and probability”, in F. Ramsey, Foundations, London: Routledge & Kegan Paul, 1978. Rand, A. 1957. Atlas Shrugged. New York: Random House. Rand, A. 1966. Capitalism: the unknown ideal. New York: The American Library. Rawls, J. 1951. "Outline of a decision procedure for ethics", Philosophical Review 60, 177-97. Rawls, J. 1958. "Justice as fairness", in Philosophy, Politics and Society (P. Laslett & W.G. Runciman eds), Oxford: Blackwell, 1962, 132-157. Rawls, J. 1971. A Theory of Justice. Oxford: Oxford University Press, 1972. (Traduction française: Théorie de la justice, Paris: Le Seuil, 1987. Rawls, J. 1978. "The basic structure as subject", in Values and Morals (A.I. Goldman & J. Kim eds), Dordrecht: Reidel, 1978, 47-61. 41 Rawls, J. 1980. "Kantian constructivism in moral theory" in Journal of Philosophy 77, 515-72. Rawls, J. 1981. "The basic liberties and their priority", in Liberty, Equality, and Law (S.M. McMurrin ed.), Cambridge: Cambridge University Press, 1987, 1-87. Rawls, J. 1982. "Social unity and primary goods", in Utilitarianism and Beyond (A. Sen & B. Williams eds), Cambridge: Cambridge University Press, 159-86. Rawls, J. 1985. "Justice as fairness: political not metaphysical", Philosophy and Public Affairs 14, 223-254. (Traduction française: "La théorie de la justice comme équité: une théorie politique et non pas métaphysique", in Individualisme et justice sociale. A propos de John Rawls (C. Audard, J.P. Dupuy & R. Sève eds.), Paris: Le Seuil, 1988, 279-317.) Rawls, J. 1987a. "The idea of an overlapping consensus", Oxford Journal for Legal Studies 7, 1-25. (Traduction française: "L'idée d'un consensus par recoupement", Revue de Métaphysique et de Morale 93(1), 3-32.) Rawls, J. 1987b. "Préface", in Théorie de la justice, Paris: Le Seuil. Rawls, J. 1988. "The priority of right and ideas of the good", Philosophy and Public Affairs 17, 251-76. Rawls, J. 1990. Justice as Fairness: A restatement (inédit), Harvard University: Department of Philosophy, 146 p. Reeve, A. 1987. "Thomas Hodgskin and John Bray: free exchange and equal exchange", in Modern Theories of Exploitation (A.Reeve ed.), London & Beverly Hills: Sage, 30-52. Regan, D.H. 1980. Utilitarianism and Cooperation, Oxford: Clarendon Press. Regan, T. 1983. The Case for Animal Rights, Berkeley: University of California Press. Reiman, J.H. 1983. "The labor theory of the difference principle", Philosophy and Public Affairs 12, 133-59. Rescher, N. 1966. Distributive Justice, New York: Bobbs-Merrill. Rignano, E. 1901. Di un Socialismo in accordo colla dottrina economica liberale, Torino: Fratelli Bocca. (Traduction française: Un socialisme en accord avec la doctrine économique libérale, Paris: Giard & Brière 1904.) 42 Rignano, E. 1919. "A plea for greater economic democratization", Economic Journal 29, 302-8.. Robbins, L. 1938. "Interpersonal comparisons of utility", Economic Journal 48. Roemer, J.E. 1982a. A General Theory of Exploitation and Class, Cambridge (Mass.), Harvard University Press. Roemer, J.E. 1982b. "Property relations versus surplus value in Marxian exploitation", in Philosophy and Public Affairs, 11. Roemer, J.E. 1982c. Why labor classes? University of California (Davis): Department of Economics, Working Paper. Roemer, J.E. 1983. "Are socialist ethics consistent with efficiency?", Philosophical Forum 14, 369-88. Roemer, J.E. 1985a. "Why should Marxists be interested in exploitation?", in Marx en perspective (B. Chavance ed.), Paris: Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 29-50. Roemer, J.E. 1985b. "Equality of talent", Economics and Philosophy, 1, 151-187. Roemer, J.E. ed. 1985. Analytical Marxism, Cambridge: Cambridge University Press. Roemer, J.E. 1986. "Equality of resources implies equality of welfare", Quarterly Journal of Economics 100, 751-84. Roemer, J.E. 1988. Free to Lose, London: Radius Books. Roemer, J.E. 1989. "Public ownership and private property externalities", in Alternatives to Capitalism (J. Elster & K.O. Moene eds.), Cambridge: Cambridge University Press, 159-79. Roemer, J.E. 1990. The Possibility of Market Socialism, University of California (Davis): Department of Economics, Working Paper 357. Rosanvallon P. 1981. La Crise de l'Etat-Providence. Paris: Le Seuil. Rothbard, M. 1973. For a New Liberty. The libertarian Manifesto, New York & London: Collier, 1978. Rothbard, M. 1982. The Ethics of Liberty, Atlantic Highlands (N.J.): Humanities Press. 43 Sachs, W. 1988. "The gospel of global efficiency. On Worldwatch and other reports on the state of the world", in IFDA Dossier 68, 1988, 33-39. Sandel, M. 1982. Liberalism and the Limits of Justice, Cambridge: Cambridge University Press. Sandel, M. 1984. "The procedural republic and the unencumbered self", Political Theory 12, 81-96. Schokkaert, E. & Overlaet, B. 1989. "Moral intuitions and economic models of distributive justice", Social Choice and Welfare 6, 19-31. Schumpeter, J. 1943. Capitalism, Socialism and Democracy, London: Allen & Urwin, 1975. Schweickart, D. 1980. Capitalism or Workers' Control?, New York: Praeger. Sen, A. 1970a. Collective Choice and Social Welfare. Amsterdam: NorthHolland, 1979. Sen, A. 1970b. "The impossibility of a Paretian liberal", in Choice, Welfare and Measurement. Oxford: Blackwell, 1982, 285-90. Sen, A. 1973. On Economic Inequality. Oxford: Oxford University Press. Sen, A. 1974. "Rawls versus Bentham: an axiomatic examination of the pure distribution problem", in Reading Rawls (N. Daniels ed.), Oxford: Blackwell, 283-92. Sen, A. 1976. "Rational fools. A critique of the behavioural foundations of economic theory", in Choice, Welfare and Measurement, Oxford: Blackwell, 1982, 84-106. Sen, A. 1977a. "Welfare inequalities and Rawlsian axiomatics", in Foundational Problems in the Special Sciences (R.E. Butts & J. Hintikka eds.), Dordrecht: Reidel, 1977, 271-92. Sen, A. 1977b. "Nonlinear social welfare functions: a Reply to Professor Harsanyi", in Foundational Problems in the Special Sciences (R.E. Butts & J. Hintikka eds.), Dordrecht: Reidel, 1977, 297-302. Sen, A. 1979. "Utilitarianism and welfarism", Journal of Philosophy 76, 463-89. Sen, A. 1980. "Equality of what?", in Choice, Welfare and Measurement, Oxford: Blackwell, 1982, 353-369. 44 Sen, A. 1982. Choice, Welfare and Measurement. Oxford: Blackwell. Sen A. & Williams B. eds. 1982. Utilitarianism and beyond. Cambridge: Cambridge University Press. Sen, A. 1985. Commodities and Capabilities. Amsterdam: North-Holland. Sen, A. 1987. On Ethics and Economics. Oxford: Blackwell. Sen, A. 1989. The Territory of Justice. Harvard University: Harvard Institute of Economic Research, Discussion Paper 1425. Sen, A. 1990a. "Justice: means versus freedoms", Philosophy and Public Affairs 19, 111-21. Sen, A. 1990b. "Welfare, freedom and social choice. A reply", in Alternatives to Welfarism. Essays in honour of Amartya Sen (M. De Vroey ed.), numério spécial de Recherches Economiques de Louvain 56 (3/4). Sen, A. 1990c. Inequality and Freedom, Oxford: Oxford University Press & New York: Russell Sage Foundation. Shapiro, C. & Stiglitz, J.E. 1984. "Equilibrium unemployment as a worker discipline device", American Economic Review 74, 433-44. Shepelak, N.J. & Alwin, D.F. 1986. "Beliefs about inequality and perceptions of distributive justice", American Sociological Review 51, 30-46. Sidgwick, H. 1874. The Methods of Ethics. London: Macmillan. Simon, J.L. 1981. The Ultimate Resource. Oxford: Martin Robertson. Singer, P. 1975. Animal Liberation. New York: Avon Books. Singer, P. 1979. Practical Ethics. Cambridge: Cambridge University Press, 1987. Smart, J.J.C. 1956. "Extreme and Restricted Utilitarianism", in Theories of Ethics (P. Foot ed.), Oxford: Oxford University Press, 1968, 171-83. Smart, J.J.C. 1973. “An outline of a system of utilitarian ethics”, in J.J.C. Smart & B. Williams, Utilitarianism. For and Against, Cambridge: Cambridge University Press, 1-74. 45 Solow, R.M. 1974. "Intergenerational equity and exhaustible resources", Review of Economic Studies 41, 29-45. Solow, R.M. 1986."On the intergenerational allocation of natural resources", Scandinavian Journal of Econmics 88, 141-9. Spencer, H. 1851. Social Statics, London: J. Chapman. Spieker, M. 1986. Legitimationsprobleme des Sozialstaats, Bern & Stuttgart. Steedman, I. 1989. From Exploitation to Altruism, Cambridge: Polity Press. Steiner, H. 1976. "Nozick on appropriation", in Mind, 87, 109-10. Steiner, H. 1977a. "The natural right to the means of production", in PhilosophicalQuarterly 27, 41-49. Steiner, H. 1977b. "Critical notice on Nozick, Anarchy State and Utopia", in Mind, 86, 120-9. Steiner, H. 1977c "Justice and entitlement", in Reading Nozick (J. Paul ed.), Totowa (N.J.): Rowman & Littlefield, 1981, 380-2. Steiner, H. 1981. "Liberty and equality", in PoliticalStudies, 29, 555-69. Steiner, H. 1982. "Land, liberty and the early Herbert Spencer", in History of Political Thought, 3, 515-34. Steiner, H. 1983. "The rights of future generations", in Energy and the Future (D. MacLean & P.G. Brown eds.), Totowa (N.J.): Rowman & Littlefield, 1983, 151-65. Steiner, H. 1987. "Exploitation: a liberal theory amended, defended and extended", in Modern Theories of Exploitation (A. Reeve ed.), London & Beverly Hills (Cal.), Sage, 132-48. Steiner, H. 1988. "Capitalism and equal starts", in Equal Opportunity (J. Paul & al. ed.), Oxford: Blackwell. Steiner, H. 1989. "Three just taxes", paper presented at the Conference on "Liberty, equality, ecology. Around the ethical foundations of basic income", Louvain-la-Neuve, September 1989. Steiner, H. 1991. An Essay on Rights. Oxford: Blackwell, à paraître. 46 Sterba, J.P. 1980. The Demands of Justice, Notre Dame & London: University of Notre Dame Press. Stoleru, L. 1974. Vaincre la pauvreté dans les pays riches, Paris: Flammarion. Suzumura, K. 1987. "Equity and incentives: Homans'theory of distributive justice reconsidered", Hitotsubashi University, Institute of Economic Research, Working Paper. Tartarin, R. 1981. "Gratuité, fin du salariat et calcul économique dans le communisme", in Travail et monnaie en système socialiste (M. Lavigne ed.), Paris: Economica, 233-55. Taylor, C. "Le juste et le bien", Revue de Métaphysique et de Morale 83, 1988, 33-56. Taylor, M. 1982. Community, Anarchy and Liberty, Cambridge: Cambridge University Press. Ten, C.L. 1980. Mill on Liberty, Oxford: Clarendon Press. Thomson, W. & Varian, H. 1985. "Symmetry theories of justice", in Social Goals and Social Organization, Essays in memory of Elisha Pazner (L. Hurwicz, D. Schmeidler & H. Sonnenschein eds), Cambridge: Cambridge University Press, 107-29. Thurow, L. 1973. "Zero econmic growth and the distribution of income", in The Economic Growth Controversy (A. Weintraub, E. Schwartz & J.R. Aronson eds), London: Macmillan, 1977, 141-53. Tideman, N. & Tullock, G. 1976. “A new and superior process for making social choices”, Journal of Political Economy 84, 1145-59. van der Veen, R. J. 1978. "Property, exploitation, and justice; An inquiry into their relationship in the work of Nozick, Rawls and Marx", Acta Politica 13, 433-66. van der Veen, R.J. 1984. "From contributions to needs. A normative-economic essay on the transition towards full communism", Acta Politica 18, 46392. van der Veen, R.J. & Van Parijs P. 1985. "Entitlements theories of justice. From Nozick to Roemer and beyond", Economics and Philosophy 1, 69-81. van der Veen, R.J. & Van Parijs, P. 1986a. "A capitalist road to communism", Theory and Society 15, 635-655. 47 van der Veen, R. J. & Van Parijs, P. 1986b. "Universal grants versus socialism. Reply to six critics", Theory and Society 15, 723-57. Van Gerwen, J. 1991. "Au-delà de la critique communautarienne du libéralisme? D'Alasdair MacIntyre à Stanley Hauerwas", Revue Philosophique de Louvain 89 (1). Van Parijs, P. 1975. "Logique inductive et théorie du choix collectif. Note sur le destin commun de l'empirisme et du libéralisme", Revue Philosophique de Louvain 73, 628-42. Van Parijs, P. 1981. Evolutionary Explanation in the Social Sciences. Totowa (NJ): Rowman & Littlefield & London: Tavistock. Van Parijs, P. 1982a. "La nouvelle philosophie politique anglo-saxonne. Panorama bibliographique", Revue Philosophique de Louvain 80, 620-52. Van Parijs, P. 1982b. Some problems with the labour theory of exploitation, Université Catholique de Louvain: Département des Sciences Economiques, Working Paper 8212. Van Parijs, P. 1985. "Marx, l'écologisme et la transition directe du capitalisme au communisme", Marx en Perspective (B. Chavance ed.), Paris: Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1985, 135-55. Van Parijs, P. 1987a. "Quel destin pour l'allocation universelle?", Futuribles 106, 17-31. Van Parijs, P. 1987b. "Exploitation and the libertarian challenge", in Modern Theories of Exploitation (A. Reeve ed.), London & Beverly Hills (Cal.): Sage, 1987, 111-31. Van Parijs, P. 1989a. "Ivan Illich, de l'équivoque à l'espérance", La Revue Nouvelle 45 (4), 97-106. Van Parijs, P. 1989b. "In defence of abundance", Canadian Journal of Philosophy, Supplementary Volume 15, 467-95. Van Parijs, P. 1989c. "On the ethical foundations of basic income", background paper for the conference on "Liberty, Equality, Ecology" (Louvain-laNeuve, September 1989), 78p. Van Parijs, P. 1990a. Le modèle économique et ses rivaux. Introduction à la pratique de l'épistémologie des sciences sociales. Genève & Paris: Droz. 48 Van Parijs, P. 1990b. "Peut-on justifier une allocation universelle? Une relecture de quelques théories de la justice économique", Futuribles 144, 29-42. Van Parijs, P. 1990c. "The second marriage of justice and efficiency", Journal of Social Policy 19, 1-25. Van Parijs, P. 1990d. "Impasses et promesses de l'écologie politique", La Revue Nouvelle 92 (2), 79-93. Van Parijs, P. 1990e. "Equal endowments as undominated diversity", in Alternatives to Welfarism (M. De Vroey ed.), numéro spécial de Recherches Economiques de Louvain 56 (3/4). Van Parijs, P. 1990f. "Why surfers should be fed. The ethical case for an unconditional basic income", conférence dans le cadre du programme "Ethics and the professions", Harvard University, avril 1990. Van Parijs, P. 1991. "Inéluctable, liberté", in J.M. Chaumont & P. Van Parijs (eds), Les Limites de l'inéluctable. Bruxelles: De Boeck Université & Paris: Editions Universitaires, à paraître. Varian, H. 1974. "Equity, envy and efficiency", Journal of Economic Theory 9, 63-91. Varian, H. 1975. "Distributive justice, welfare economics and the theory of fairness", in Philosophy and Economic Theory (F. Hahn & M. Hollis eds.), Oxford: Oxford University Press, 1979, 135-54. von Neumann J. & Morgenstern, O. 1944. Theory of Games and Economic Behavior, Princeton: Princeton University Press. Wallich, H. 1960. The Cost of Freedom. A new look at capitalism, New York: Harper & Brothers. Walzer, M. 1983. Spheres of Justice, New York: Basic Books & Oxford: Martin Robertson. Walzer, M. 1989. "A critique of philosophical conversation", The Philosophical Forum 21, 182-96. Walzer, M. 1990. "The communitarian critique of liberalism", Political Theory 18, 6-23. Wedgwood, J. 1929. The Economics of Inheritance, Port Washington (N.Y.) & London: Kennicat Press, 1971. 49 Wellbank, J.H., Snook, D. & Mason, D.T. eds. 1982. John Rawls and his Critics. An annotated bibliography, New York: Garland. Williams, B. 1985. Ethics and the Limits of Philosophy. London: Fontana. Wolff, R.P. 1977. Understanding Rawls, Princeton (N.J.): Princeton University Press. Wood, A.W. 1981. Karl Marx, London: Routlege & Kegan Paul. Wright, E.O. & al. 1989. Debates on Classes, London & New York: Verso. Wright, E.O. 1990. "What is analytical Marxism?", Socialist Review 89(4), 3556. Zijderveld, A.C. 1986. "The ethos of the welfare state", in International Sociology 1, 1986, 443-57. 50