Introduction au cours

publicité
Introduction à l’économie
Amphi 1
Qu’est ce que l’économie ?
Xavier Timbeau
[email protected]
Une ou des définitions

L’économie peut se définir



Backhouse Roger E. et Steven G. Medema, « On the Definition of Economics »,
The Journal of Economic Perspectives, vol. 23, no 1, p. 221-234, 2009.
par ses méthodes
 Modélisation et mathématisation
 théorie, équilibre général, déséquilibres, représentation des agents, interaction entre les
agents, relations agrégées et statistiques
 Confrontation aux données (empirisme inductiviste, falsification et quantification)
 Données historiques, par pays, comptabilité nationale
 données individuelles (approcher l’expérimentation)
 Expériences, analyse de cas
par son objet
 L’être social, dans sa dimension de la production, de la consommation et des échanges
 Rationalité, psychologie, stratégies, coordination
 « l’ordre de la maison oikonomia » (ou encore la gestion), « L’allocation des ressources rares »
 Optimisation (réduire le chômage, augmenter le surplus) et efficience
par les questions qu’elle pose (et qu’elle prétend résoudre…)
 Faut-il et comment « faire » de la croissance ? Comment réduire la pauvreté ? Faut-il s’occuper
des inégalités ?
 Faut-il favoriser les échanges ?
 Faut-il et comment lutter contre l’inflation ?
 D’où viennent les crises ? Que faire contre elles ?
 Comment faire pour éviter le changement climatique ?
 Le capitalisme est-il juste ? Est-il efficace ?
Du spécifique au général

Les 3 définitions peuvent s’ordonner




Y-a-t-il une méthode en économie ? Est-ce que l’économie est une science ?


1. la première s’attache à la pratique présente de la macroéconomie. C’est la façon
actuelle dont sont produites les connaissances
2. est une première généralisation de la pratique courante et ouvre des pistes de
recherche
3. inverse la problématique, partant des questions et laissant ouverts les méthodes
ou les objets pour y répondre
Peut-on dépasser les intuitions et donc la pure spéculation pour être « sûr » de
quelque chose ? Peut-on prescrire ?
Les (7) familles de l’économie


Traditionnellement micro économie, macro économie
 Modélisation, analyse empirique, économie géographique, « policy
design »
 économie industrielle, jeux stratégiques, incitations, design de marché
Mais aussi
 Histoire économique et cliométrie
 initiée par Robert Fogel par une analyse « économique » de l’esclavage
sous l’angle de la production
 Economie expérimentale, économie comportementale (Schiller, Kahneman)
 Econométrie et inférence statistique, micro économétrie (empirisme
pragmatique)
 « Nouvelle » économie du développement (Poverty Action Lab, Esther Duflo)
 Sociologie, institutionnalistes, conventionnalistes
Une citation!
Keynes, J. M., « Alfred Marshall, 1842-1924 », The
Economic Journal, Vol. 34, No. 135 (Sep., 1924), pp. 311372, 1924
L’économie: est-ce une science ?

L’exemple de la physique



Début du XXème siècle : positivisme qui devait s’appliquer à l’étude de la société
Echec du déterminisme de la physique classique à s’appliquer à l’économie

Pas de loi de Kepler de l’économie

L’exemple de la théorie quantitative de Fisher : P . T = M . v
Insuffisance relative de la représentation stochastique


L’exemple de la relation de Fisher
Naissance de l’économétrie au début du XXème siècle

fondation Cowles (1932), théorie structurelle (une hypothèse) paramétrisant sur un espace de faible dimension
par rapport aux observations (grand nombre de degré de liberté) et estimation des paramètres avec un degré
de confiance associé (pseudo falsification)
Il est difficile de faire entrer dans le moule des sciences expérimentales l’économie et la macroéconomie
(ce n’est pas une science dure, c’est une science molle, avec des grains dedant)
Pourquoi est ce complexe ?

Les individus sont hétérogènes


L’individu représentatif est une fable
Beaucoup d’acteurs, disposant d’une palette large d’actions


Milliards d’acteurs, milliers ou millions de décisions
Décisions atomistiques comme macroscopiques, fat-tail distribution
Gabaix Xavier, « The GRANULAR Origins of Aggregate Fluctuations »,
Econometrica, vol. 79, no 3, p. 733–772, 2011..

Les motivations d’individus conscients d’eux-mêmes et en société est riche



Les individus « égoïstes » sont une hypothèse de travail
Mais elle est contredite par l’observation et l’expérimentation
Elle est opposée à la sociologie, la philosophie morale, la notion d’éthique
Akerlof George a, « The Missing Motivation in Macroeconomics »,
American Economic Review, vol. 69, no 3, p. 345-36, mars, 2007.

L’information est asymétrique et les acteurs en jouent



Ils cherchent les situations d’asymétrie informationnelle
La théorie des jeux démontre une chose : pas de déterminisme dans des jeux complexes
Les institutions sont un moyen de résoudre les dilemmes posés par l’asymétrie

Médecine, Voitures d’occasion
Akerlof George A., « the Market for « Lemons »: Quality Uncertainty and the Market
Mechanism », Quarterly Journal of Economics, vol. 84, no 3, p. 488-500, 1970.

La capacité cognitive est limitée



Dans ce cas, la théorie des jeux aboutit à des résultats encore moins optimistes
Les théories comportementalistes permettent beaucoup, pas de déteminisme
A ce jour pas de théorie générale, commune, à partir de laquelle on pourrait accumuler

plus de preuve de l’impossibilité qu’autre chose
Pourquoi est ce que l’économie n’est pas une science expérimentale ?

Les expériences
 Les expériences « contrôlées » sont (presque) impossibles
 L’économie expérimentale est « expérimentale »
 Le sujet sait qu’il est observé (éthique de l’expérience)
 L’expérience est un univers très simplifié dans lequel le sujet est dégagé de toute implication
 Les expériences sont faiblement duplicables, les variables de contexte jouent énormément
 L’information préalable du public est essentielle, la nature des gains, etc…

Les expériences à large échelle et en situation réelle sont impossibles
 Equilibre général, information du sujet, contexte changeant
La randomization comme méthode empirique



La randomization comme expérience
 Inspirée de la médicine, on traite (par un dispositif) un échantillon large (et sur lequel on
connaît plein de choses) et sélectionné aléatoirement.
 Produit une quasi expérience contrôlée. Le degré de contrôle est lié à l’information que l’on
mesure
La randomization approchée: l’expérience naturelle, (la différence de différence ou régression de
discontinuité), les variables instrumentales
Lorsqu’on ne peut pas randomizer explicitement, on peut
 Profiter d’un évènement pour randomizer
 La date de naissance au voisinage du 1er de l’an et l’obligation des études jusqu’à un âge.
Différencie des individus suivant que l’obligation s’applique ou non. Permet d’identifier
l’effet d’une année supplémentaire d’éducation
 Demande des trésors d’imagination et d’astuce
 Utilise des informations riches (panel de données sur les individus, pseudo panel)
 La différence de différence indique l’effet (généralisé avec la régression de discontinuité
 Variables instrumentales: Utiliser l’information dont on dispose pour former des instruments
 L’instrument doit être orthogonal à ce que l’on veut mesurer
 Est ce que la pauvreté est diminuée par la construction d’infrastructure
 𝑝𝑖 = 𝛾 + 𝜃. 𝑖𝑛𝑓𝑖 + 𝜖𝑖 n’est pas estimable simplement puisque 𝑖𝑛𝑓 est lié à des
𝑖
variables qui elles même influent 𝑝𝑖 (inf est endogène)
 Soit on explicite ces liaisons, soit on utilise un instrument (une variable qui n’est
pas corréllée avec 𝜖𝑖 , mais qui l’ai avec inf
 Par exemple les tremblements de terre (randomize la destruction des
infrastructures) et donc permet d’identifier les effets toutes choses égale par
ailleurs.
 Laisse une large part à l’interprétation
Deaton Angus, « Instruments, Randomization, and Learning about Development »,
Journal of Economic Literature, vol. 48, no 2, p. 424-455, 2010.
La randomisation n’est pas une expérience




Hypothèses fortes sur les traitements aléatoires (ou identifiés comme tel dans les cas naturels et IV)
 pas d’effet d’équilibre général
 pas d’effet de conscience de participation
 pas d’effet d’élection
 Pas d’effets sur les always taker ou no taker
La mesure est « ca marche ou ça marche pas » dans un contexte non contrôlé
 Non généralisable
 1$ mis sur l’éducation des jeunes noirs à Chicago en 1988 rapporte 5$ (principalement
en baisse de la criminalité). Mais ne dit rien sur le rendement en général de l’éducation
 On ne sait pas pourquoi ça a marché ou pas
 Pour le faire, il faudrait une hypothèse théorique (sur les variables clefs du contexte) et
faire des expériences dans l’espace des variables clefs présupposées
 Se heurte à la complexité rapidement
La randomization produit des anecdotes, en faible quantité, qu’il faut avec « foi et héroisme »
généraliser
 Inductivisme avec peu d’observation
La randomization ne peut pas produire des anecdotes pour toutes les questions
 Le syndrome du lampadaire
Qu’est ce donc alors ?

L’expérience pure n’est pas possible




Mais ce n’est pas parce que c’est « non expérimental » que ce n’est pas une science!



Quelle science est d’ailleurs « expérimentale » ?

Les expériences ne sont pas parfaites, on les accepte comme telles.

Reproductibilité limitée avec le coût croissant
Des tas de sciences ne sont pas expérimentales

L’astrophysique, la climatologie
Pour une science il faut une méthode…de découverte de la vérité ou de certitudes



La démarche à la Popper est impossible ou trop stricte
Pourtant production non triviale de faits et d’assertions

Résolutions de stratégies et calcul rationnel

« Anecdoctes » expérimentales

Faits stylisés ou « lois » historiques

Paramètres identifiés conditionnellement à un modèle explicite
Hiérarchisation des savoirs, des énoncés

tout n’est pas possible, une théorie doit être falsifiable et non locale
Une méthode pour approcher un problème en luttant contre la croyance, l’autopersuasion, le conformisme, c’est-àdire en essayant d’être rationnel
La méthode est de s’organiser comme une « science » ouverte:

Collection de faits et construction de théories (causalités) sur la vie des sociétés

Recherche d’une « rhétorique convaincante », mais mouvante

des chercheurs, des professeurs, des docteurs, des publications, des peer review
ergo l’économie est une science
McCloskey Donald N., « The rethoric of Economics », Journal of
Economic Literature, vol. 21, no 2, p. 481-517, 1983.
« Economics has always been partly a vehicle for the ruling
ideology of each period as well as partly a method of
scientific investigation. It limps along with one foot in
untested hypotheses and the other in untestable slogans.
Here our task is to sort out, as best we may, this mixture of
ideology and science »
Joan Robinson, Economic Philosophy, 1962
L’économie est plus qu’une science

L’économie production de normes (ou l’économie morale) :



la cohérence de l’individualisme comme principe organisateur, la main invisible
d’Adam Smith ou la fable des abeilles de Mandeville
 Les dérives de cet individualisme vers l’exploitation par la propriété (K. Marx)
 La régulation de l’économie face aux crises
La justice
 Le renouveau apporté par Rawls et le retour vers des réflexions philosophiques
L’économie en tant qu’ingénierie sociale


Modélisation systèmes d’information après guerre produise de l’expertise sur la
société
 Empirisme, pragmatisme (proche de l’ingénieur ou du médecin)
 Décision sans savoir
Résultat de la théorie micro économique, mais appréciation typiquement
macroéconomique : bilan coûts avantage, suivant les circonstances : l’expert et le
conseiller
Mankiw N.Gregory, « The Macroeconomist as Scientist and Engineer »,
Journal of Economic Perspectives, vol. 20, no 4, p. 29-46, septembre, 2006.
De l’individualisme à Rawls

Le siècle des lumières




La révolte contre le tyran, contre l’ordre naturel (Malthus, Smith, les
utilitaristes)
 Le matérialisme énonce le droit à chacun pour le bonheur terrestre (la
naissance de l’utilité comme mesure/morale du bonheur)
Egalité des droits, liberté et propriété privée
 L’individu est au centre
 Comment compter la société ?
 Propriété de soi, des fruits de son travail
 Le commerce et l’industrie par opposition à la rente (Ricardo)
D’un côté des philosophes français et allemands, de l’autre des économistes
anglais
Adam Smith 1723-1790
Les révolutions industrielles (1750 en Angleterre, 1820-1840 en Europe)



Fantastique progrès des techniques, enrichissement, accumulation de capital
Mutation complète des sociétés de la ruralité à l’industrie urbaine
Redistribution des cartes: fin de l’aristocratie riche, naissance de la bourgeoisie
industrielle
David Ricardo 1772-1823
Karl Marx 1818-1883
De l’individualisme à Rawls

Mais les révolutions industrielles sont rudes



Bouleversement dans la hiérarchie des classes sociales
 Le paysan est remplacé par l’ouvrier
 L’héritage et ses règles sont chamboulés
 Redistribution du capital
 Allocation du capital aux plus productifs
Misère sociale
 Critique et observation de Marx ou d’Hengel (et de bien d’autres)
 Naissance du movement ouvrier
 Luddisme (1811) révolte contre les machines. Détruire une machine est
puni de mort (1812)
 Mouvement chartiste en Angleterre, première grève générale en 1842
 Premiers syndicats (1848), La commune (1871), International Workingmen
association (1864), prise de position de l’Eglise (1891)
 Dégradation de la condition sociale avec l’industrialisation
La promesse de liberté est formelle et absolument pas concrétisée dans la vie des
ouvriers: la révolution industrielle est une révolution aux détriments de quelques
uns pour l’avantage de quelques autres
Karl Marx 1818-1883
From individualism to Rawls

L’Etat social (ou Etat providence)





Se développe à la fin du XIXeme, mais s’envole à la faveur des guerres mondiales:
elles parachèvent la démocratisation de la justice
La protection sociale débute avec retraite
 Bismark (1870) offrir aux ouvriers une part « raisonnable » de la richesse
produite
 Beveridge (1942) système universel, protection contre la misère
Les lois du travail suivent
Et l’imposition moderne
 GBR William Pitt (1799, 0.83% to 10%, guerres napoléoniennes), rétablit en
1842
 USA 1862 (Guerres de Sécession),
 France 1914 (accru à la 2nde guerre mondiale)
Otto von Bismark (1815-1898)
Equilibre du pouvoir entre les « capitalistes » et les « travailleurs »

Social démocratie
Lord William Beveridge (1879-1963)
Théorie de la justice de Rawls

La question est : comment concilier la liberté, l’égalité et l’efficacité économique ?





Egalité des opportunités (des possibles), récompense de l’effort

Et pas du talent
Le livre majeur de Rawls : Théorie de la Justice (1971)

Libéralisme politique (1993) est une version « modernisée »
Le socle commun pour qu’une société fonctionne

Partager les valeurs de « liberté », « égalité », « fraternité »
Trois principes dans un ordre lexical:
1. La liberté de chacun doit être étendue jusqu’au point où elle ne contredit pour
personne cette étendue
2.a. l’accès à des positions inégales doit être parfaitement ouvert
2.b. Les inégalités (de biens premiers) doivent profiter au plus malheureux (inégalité
efficiente)
John Rawls 1921-2002
Une question importante : égalité de quoi ?


Les biens premiers sont des ressources auxquelles accèdent les individus soit naturels (santé,
talents), soit sociaux (libertés fondamentales, richesse, pouvoirs&privilèges, loisirs, bases sociales
du respect de soi)
Avec Sen (mais d’autres aussi, Marx évoquait déjà cette question), les droits ne doivent pas être
formels mais réels. Pour être réels, il faut également accéder à ces droits et les réaliser
(functionning) ou avoir la possibilité de les réaliser (capabilities)
Amartya Sen
Une brève histoire de la macroéconomie

La crise de 1929 : le premier traumatisme




Après la 2nde guerre mondiale






Changement radical : politique de régulation, institutions de BW, redistribution
et Etat providence
Croissance forte, modernisation
Au début des années 1970 : la fin de Bretton Woods


Avant : autorégulation
Le social est presque orthogonal à l’économique
La crise : touche profondément l’ensemble des économies, brise un cycle de
croissance, précipite le monde dans la guerre
Joseph Schumpeter, 1883-1950
Crise du système de BW, flexibilité des changes, ralentissement de la
productivité, chocs pétroliers
Faible croissance, inflation forte, dérèglements macroéconomique
Impuissance de la régulation à rétablir la période des 30 glorieuses
Après 1980 : la lutte contre l’inflation et la mondialisation
2007 à nos jours : la deuxième grande crise ?

La question environnementale
John Maynard Keynes, 1883-1946
La croissance (du PIB par tête) en France de 1820 à 2009
Log, base 2
15
91-2007 : 1.4% de croissance par an
Premier choc
pétrolier
14
Guerre
d'Indochine et
d'Algérie
13
Guerre de
Crimée
Deuxième guerre
mondiale
Première guerre
mondiale
Guerre Franco
Prussienne
71-91 : 1.9% de croissance par an
47-71 : 5.9% de croissance par an
12
Crise de 1929
11
10
1820
1830
1840
1850
1860
1870
1880
1890
1900
1910
1920
1930
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
Produit intérieur brut par habitant, en euros constant. Le produit intérieur brut mesure la production du pays ; en divisant par un indice de
prix on neutralise l’effet de l’inflation ; en divisant par la population on mesure la richesse produite chaque en année en moyenne par
habitant ; le PIB par habitant est en logarithme base 2 (+1 signifie un doublement) ; les zones en gris indiquent les guerres
Entre 1820 et 2009 le PIB par habitant a été multiplié par plus de 18 ; entre 1949 et 2009 il a été multiplié par presque 5
Téléchargement