
Discussion
Le vécu de l’incertitude naît très tôt chez l’étudiant en médecine, lorsqu’il se sent dépassé
par la quantité de connaissances médicales qu’il est censé intégrer. Il fait l’expérience d’un
sentiment d’insuffisance personnelle, renforcée par le contraste qu’il établit entre ses
connaissances et celles qu’il attribue à ses maîtres. Ce sentiment crée un doute, une
incertitude sur sa capacité à exercer la médecine. Ceci ne sera dépassé que lorsqu’il se rend
compte que l’incertitude est inévitable dans la pratique médicale [97]. Cette question de
l’incertitude reste peu abordée aujourd’hui dans la formation des médecins. Ainsi, les
étudiants en stage à l’hôpital sont davantage marqués par la figure du chef de clinique qui
semble avoir des connaissances larges et approfondies et ne pas être sujet au doute, que
par un jeune interne, peu sûr de lui et exprimant ses incertitudes. Le doute est alors associé
à l’insuffisance de connaissances et non intégré comme une caractéristique inévitable de
l’exercice de la médecine. La gestion de l’incertitude ne fait pas partie des apprentissages
des futurs médecins car elle n’est pas reconnue.
Le contexte d’exercice de la médecine générale en France élève le degré et multiplie les
sources d’incertitude dont les généralistes doivent s’accommoder : travail solitaire, plateau
technique réduit, échanges limités avec des confrères [96]. Ainsi le travail en cabinet de
groupe et la participation à des groupes de pairs sont des moyens de s’aider à gérer
l’incertitude. Ceci est d'autant plus important que les références scientifiques sont encore
trop peu adaptées à l’exercice de la médecine générale, car souvent limitées à une
pathologie et hors du contexte global du patient (polypathologie, émergence de la
pathologie…).
Face à l’incertitude, il existe deux pièges courants [98]
- prescrire des examens complémentaires non pour confirmer ou infirmer un diagnostic
présumé, mais plutôt pour le découvrir fortuitement en "allant à la pêche". Cette
démarche n’est pas judicieuse car des résultats faussement négatifs ou positifs peuvent
rassurer à tort ou entraîner des examens supplémentaires inutiles, voire nuisibles. Il est
communément dit qu'en médecine générale, le temps est le premier examen
complémentaire. Impliquer le patient dans la surveillance de son trouble, s'il n'existe pas
de signe de gravité, est très opérant et évite une surmédicalisation inutile au patient.
- se dégager de sa responsabilité médicale en ne faisant qu’exposer au patient les
différentes options thérapeutique sans prendre réellement de décision médicale.
Face à cette incertitude à multiples facettes, qui intervient à toutes les étapes de la
consultation, le patient doit être considéré comme un partenaire, dans une authentique
alliance pour cerner le problème à prendre en charge et le traiter. Il peut arriver au médecin
de penser à la fin d'une consultation que le patient "n'avait rien", qu'il est venu "pour rien?.
Arriver à cette conclusion signifie que le médecin n’a pas su discerner les raisons du